Emerson Fittipaldi, dit Emmo, fut le premier grand pilote brésilien de l'Histoire.
Il entre dans le monde automobile par la petite porte, comme mécanicien. Il commence sa carrière sur des motos de 50cc, puis il suit son frère aîné Wilson dans le domaine du karting et tous deux progressent vite vers l'automobile, pilotant notamment des Renault Gordini. En 1967, Emerson remporte le championnat local de Formule Vee.
Après avoir tout gagné au Brésil, le jeune Brésilien part en Europe en 1969. Il débute en Formule Ford et après un apprentissage difficile, il intègre l'équipe de Denny Rowland, ce qui lui permet de remporter quelques succès. Il passe la même année en Formule 3, dans l'écurie de Jim Russel, qui engage des Lotus. Le Brésilien se montre vite très brillant et remporte le Lombank Trophy de 1969. Cela attire l'attention de Colin Chapman, le patron de l'équipe Lotus, qui lui offre le volant d'une F2 pour 1970. Emerson ne gagne pas de Grand Prix, mais il séduit le petit monde du sport automobile par son pilotage réfléchi et son talent pour la mise au point.
C'est ainsi que le Pauliste passe dès la fin de l'année dans la catégorie reine, la Formule 1. En effet, Chapman cherche un troisième pilote afin d'épauler Jochen Rindt, en passe de décrocher le titre de champion du monde, et choisit tout naturellement son jeune protégé. Il est donc lancé immédiatement dans le grand bain de la F1, à seulement 23 ans. Pour sa première course, le Grand Prix de Grande-Bretagne à Brands Hatch, il se qualifie vingt-et-unième, et termine à une belle huitième place.
Deux semaines plus tard en Allemagne, il termine à une brillante quatrième place, tandis que son leader Rindt gagne sa dernière course en F1. En effet, après une mauvaise course en Autriche, vient l'affreux Grand Prix d'Italie à Monza. La veille de la course, Jochen Rindt perd le contrôle de sa monoplace dans la Parabolique et se fracasse contre le mur. L'Autrichien est tué sur le coup. L'équipe Lotus déclare forfait pour la course. Quelques jours plus tard, le deuxième pilote de l'équipe, John Miles, traumatisé par la mort de Rindt, annonce sa retraite immédiate.
Emerson, qui n'a que trois courses à son actif, est propulsé du rang de troisième pilote à leader de l'écurie. Ce statut semble bien trop imposant pour les frêles épaules d'un débutant de 24 ans. Et pourtant, dès la course suivante, le Grand Prix des USA à Watkins Glen, Emerson s'affiche en successeur naturel du défunt Rindt. Qualifié troisième, il prend certes un mauvais départ, mais remonte superbement avant de prendre la tête à Rodriguez à neuf tours de la fin. Emerson décroche ainsi, dès sa quatrième course, sa première victoire, et offre à Rindt le titre posthume de champion du monde 1970.
La saison 1971 s'annonce donc radieuse pour le Brésilien. Hélas, ce ne sera pas du tout le cas. D'abord, durant l'intersaison, il est victime avec sa femme d'un accident de la route. Blessé au visage par des éclats de verre, le Pauliste met du temps à s'en remettre. D'un point de vue technique, Chapman tente cette année-là de concevoir une Formule 1 à turbine ! Le projet, qui gaspille de temps et des énergies, s'avère être une véritable catastrophe et est abandonné à la fin de l'année. Emerson doit disputer le championnat avec une imparfaite 72D, et ne peut faire mieux que deux troisièmes places, en France et en Grande-Bretagne. Sa régularité lui offre tout de même la sixième au classement général, un moindre mal pour cette première saison complète.
En 1972, Lotus, qui se nomme désormais officiellement JPS, améliore la 72D, afin que celle-ci permette à Emerson de décrocher des victoires, même si la concurrence des Tyrrell, championnes en 1971, s'annonce rude. Mais les monoplaces de Jackie Stewart et François Cevert ont perdu beaucoup de leur potentiel au cours de l'hiver, et Emerson va en profiter. Avant le début de la saison officielle, il gagne la Race of Champions de Brands Hatch. Après un abandon en ouverture sous la pluie argentine, le Brésilien finit second à Kyalami, puis ouvre la saison européenne par une indiscutable victoire à Jarama, sur une piste humide. A Monaco, Emerson signe sa première pole position, mais en course, sous une pluie battante, il ne peut rien faire face à Jean-Pierre Beltoise et termine troisième. En Belgique, il signe le week-end parfait, pôle et victoire facile devant Cevert. Il est désormais en tête du championnat, avec neuf points d'avance sur le vétéran Denny Hulme.
Au Grand Prix de France, sur le circuit de Charade qu'il ne connaît pas, il assure une prudente deuxième place. A Silverstone, Emmo va chercher une nouvelle victoire, facilitée par l'abandon du leader Ickx. Après un abandon en Allemagne, il décroche un nouveau succès en Autriche, qui lui donne vingt-cinq points d'avance au championnat devant Stewart et Hulme. Le sacre est proche. Il arrive au Grand Prix d'Italie, une course que les Ferrari de Ickx et Regazzoni auraient dues dominer, mais elles sont contraintes à l'abandon. Du coup, Emerson, comme souvent économe de son matériel s'adjuge la victoire et le titre mondial 1972, à seulement 25 ans, faisant de lui le plus jeune champion du monde de l'histoire, jusqu'au sacre de Fernando Alonso à 24 ans en 2005. Les deux dernières courses en Amérique, dominées par des Tyrrell revigorées, sont très mauvaises pour le Brésilien qui ne marque pas de point, mais cela relève de l'anecdote.
En tout cas, ce succès, assez inattendu, permet un net regain d'intérêt du Brésil pour la F1, préfigurant les carrières de Pace, Piquet, et bien sûr Senna.
Pour 1973, Lotus qui a encore amélioré sa 72, désormais en configuration « E », espère évidemment conserver le titre de Fittipaldi. Mais ce dernier, va être contraint cette-là de cohabiter avec un équipier un peu plus compétitif qu'un Wissel ou qu'un Walker. Il s'agit du très rapide Suédois Ronnie Peterson. Et les relations entre les deux collègues vont être houleuses. Pourtant, le début de saison tourne à l'avantage d'Emmo. Vainqueur en Argentine, il réussit l'exploit de remporter « sa » course, le Grand Prix du Brésil à Interlagos. Troisième en Afrique du sud, il remporte le Grand Prix d'Espagne, en ayant quand même bien profité de l'abandon du leader, qui n'était autre que son équipier Peterson. A ce moment-là, il est en tête du championnat avec douze points d'avance sur son rival Stewart. Mais lors des deux courses suivantes, Zolder et Monaco, l'Ecossais s'impose et Emmo ne peut faire mieux que troisième et deuxième, ce qui était un moindre mal. Ensuite, le calvaire commence.
En Suède, ses freins le trahissent alors qu'il est deuxième. En France, il abandonne encore sur accident. En Grande-Bretagne, c'est un joint de sa 72E qui lâche, et à Zandvoort il renonce sur épuisement ! Il sauve un petit point en Allemagne avant de renoncer à nouveau en Autriche. Inutile de dire qu'après une telle série noire, Stewart s'est envolé au championnat ! Mais le plus grave est ailleurs.
En effet, durant cette période, Peterson profite bien des ennuis de son équipier pour faire le plein de points. Furieux, Emerson accuse alors Chapman de le désavantager au profit de Peterson, alors qu'il est mieux placé que le Suédois au championnat. L'ambiance au sein de Lotus s'envenime alors sérieusement. L'abcès crève à Monza, où Peterson l'emporte devant un Fittipaldi qui a absolument besoin de gagner pour espérer rattraper Stewart. Mais de tout cela, Ronnie n'en a cure, et l'Ecossais décroche la couronne sans forcer. Quant à Chapman, il ne vise que le titre constructeur, qu'il obtient, grâce à Peterson, vainqueur à Watkins Glen. Emerson, très déçu, prend alors la décision de quitter Lotus.
Il s'engage avec l'équipe McLaren-Ford Cosworth, qui a effectué une belle saison 1973 et semble pleine d'avenir avec l'excellente M23 dessinée par Gordon Coppuck. Emerson est associé au vieillissant champion du monde 1967, Denny Hulme. Lotus étant pendant ce temps-là engagé sur une pente savonneuse, Emmo a fait le bon choix.
La saison 1974 du Brésilien commence par une mauvaise dixième place en Argentine, qui est immédiatement rattrapée par une superbe victoire à domicile sur le circuit d'Interlagos. Quelques jours plus tard, il remporte la course hors-championnat de Brazilia. Mais tout va alors se compliquer. Seulement septième à Kyalami, Emerson doit subir avec l'arrivée en Europe la très rude concurrence des Ferrari de Clay Regazzoni et de Niki Lauda, dont la monoplace est supérieure à celle des hommes de Teddy Meyer. Ainsi, il ne peut faire mieux que troisième à Jarama, tandis que la Scuderia signe le doublé. Il gagne malgré tout le Grand Prix de Belgique, de justesse devant Lauda, ce qui lui permet de prendre la tête du championnat.
Mais ensuite, il ne peut que gérer, les Ferrari et les Tyrrell occupant les avants postes. Il finit cinquième à Monaco, quatrième à Anderstorp, troisième à Zandvoort, ce qui lui permet de garder la tête du général, grâce à la bonne fiabilité de la M23. Mais un moteur Cosworth cassé en France relègue Emerson derrière les pilotes Ferrari. Désormais, le championnat va se jouer entre Regazzoni, Lauda, Fittipaldi et le jeune pilote Tyrrell Jody Scheckter. Bon deuxième à Brands Hatch, Emmo doit abandonner sur le « Ring » allemand. Il casse un moteur en Autriche, mais heureusement ses trois rivaux ne marquent pas non plus ce jour-là.
A trois courses de la fin, le pilote McLaren ne pointe qu'au quatrième rang, à neuf points de Regazzoni. Cependant, la tendance s'inverse. Emerson finit deuxième à Monza, derrière son vieil « ami » Peterson, pendant que Regazzoni abandonne. Mieux, au Canada, il remporte enfin sa troisième victoire de l'année devant « Rega ». Les deux hommes se retrouvent à égalité parfaite avant le dernier round, à Watkins-Glen. Les Ferrari, victimes de problèmes de suspension, ne sont pas ce week-end là une menace sérieuse pour lui. Ce dernier termine à une sage quatrième place, tandis que son rival suisse finit piteux onzième. Emerson Fittipaldi est double champion du monde.
Emerson resigne évidemment avec McLaren pour 1975, en espérant bien sûr décrocher une troisième couronne. Hulme parti à la retraite, c'est Jochen Mass qui devient son équipier. La M23 entame sa troisième saison de compétition, et Gordon Coppuck entreprend de la moderniser, en modifiant l'avant de la voiture, afin qu'elle ne souffre pas de problèmes de tenue de route. Sa saison commence bien, avec une victoire en Argentine devant James Hunt. Il finit ensuite deuxième au Brésil, derrière son compatriote Carlos Pace. Hélas pour Emmo, c'est (déjà) le début de la fin. La M23 version 1975 déçoit énormément, la faute à une tenue de route extrêmement précaire. L'équipe McLaren passe son année à tenter de résoudre ce problème, par de multiples solutions, comme d'installer des jupes sous la carrosserie pour le Grand Prix d'Allemagne, sans succès.
Emerson, malgré tout son talent, ne peut ramener que peu de résultats, et doit vite se résoudre à abandonner sa couronne à Niki Lauda, dont la Ferrari domine outrageusement le championnat. Il réalise quand même une deuxième place à Monaco, bien que sa motivation commence à en prendre un coup. Mais son talent est intact, ainsi à Silverstone, il remporte une magnifique victoire, peut-être sa plus belle. Alors qu'une petite pluie s'abat sur le circuit, il fait le pari de rester en piste en pneus slicks, tandis que les autres pilotes s'arrêtent pour chausser des « pluies ». L'averse cesse, et Emerson, qui ne s'est pas arrêté, se retrouve en tête ! La pluie revient en fin de course, obligeant Emerson à cette fois-ci stopper, mais le Grand Prix est interrompu par les officiels, et il peut garder la tête jusqu'au bout ! On ne le sait pas encore, mais plus jamais on ne reverra Emerson sur la plus haute marche d'un podium, du moins en Formule 1...
Il réussit tout de même à finir vice-champion, grâce à deux deuxièmes places en fin d'année, mais le cœur n'y est plus. Il décide donc de quitter l'écurie McLaren. Le frère d'Emerson, Wilson, lui aussi très bon dans son pays natal, n'a pas connu la même fortune sur le Vieux continent. Sa carrière en F1 ne décollera jamais, mais fin 1974, il décide de lancer le projet d'une F1 100% brésilienne, en profitant de la gloire de son frère cadet. Wilson bénéficie pour cela de l'aide de la compagnie national sucrière, Copersucar, qui donne son nom à l'écurie. Jo Ramirez est nommé directeur technique, Ricardo Divila ingénieur, tandis que Wilson et Arturo Merzario pilotent la première monoplace de l'écurie en 1975. Hélas, cette première saison est très difficile d'un point de vue techniques, et l'équipe brésilienne ne ramène pas un point. A la fin de l'année, Wilson décide de se consacrer uniquement à la gestion de l'écurie, et convainc son frère de le remplacer au volant.
Emerson apporte à Copersucar son expérience, mais aussi des ingénieurs britanniques, et son ami le concepteur Maurice Philippe, transfuge de chez Lotus. La saison 1976 est donc un tout nouveau départ pour lui. Et en effet, le double champion du monde doit s'habituer aux fonds de grille. La monoplace se révèle bien mauvaise, et malgré une cinquième place aux essais du Grand Prix du Brésil, elle se traîne en fin de plateau. Ramirez et Divila en font les frais et sont remplacés par Dave Baldwin. Emerson réussit tout de même à ramener deux sixièmes places sur les tracés sinueux de Long Beach et Monaco, ainsi qu'à Brands Hatch. En Belgique, il subit même l'affront d'une non-qualification.
Après cette mauvaise année, l'équipe, à nouveau renforcée par des mécaniciens anglais, tâche d'enfin décoller en 1977. La nouvelle monoplace, la F5, n'est prête qu'au tiers de la saison, et c'est donc avec le modèle de 1976 que Copersucar débute l'année. Pour le premier Grand Prix, en Argentine, Emerson finit à une très belle quatrième place. Il termine à la même position devant ses fans au Brésil et cinquième à Long Beach, consacrant un bon début de saison.
La nouvelle F5 arrive en Belgique, et les soucis commencent. La voiture manque singulièrement de puissance, et jamais Emerson ne pourra en tirer quelque chose. Même si le moteur Cosworth est sans doute pour quelque chose dans les mauvais résultats, Baldwin est mis à la porte et remplacé par Shahab Ahmed. Les résultats chutent inexorablement et Emerson est à deux reprises non-qualifié. La seule éclaircit vient à Zandvoort, où il peut finir quatrième grâce une machine subitement revigorée. Mais ce n'est qu'un feu de paille. L'équipe Copersucar ne va même pas disputer la dernière manche au Japon, pour se consacrer sur 1978.
Durant l'intersaison, Emerson, qui est contraint à la fois de diriger le team et de piloter, décide de s'adjoindre Peter McIntosh et Ralph Bellamy, en provenance de Lotus. La nouvelle voiture s'annonce prometteuse. Dessinée par le studio Fly de Modène, elle est équipée de pontons à jupes, comme les Lotus, références de l'époque. Mais mauvaise nouvelle, avant le début de la saison Copersucar laisse tomber les frères Fittipaldi. Sans commanditaire, l'équipe devient donc Fittipaldi Automotive. La saison s'ouvre en Argentine, où Emmo mène une course terne. Mais au Brésil, il se déchaîne. Septième sur la grille, l'enfant du pays produit en course un superbe effort qui l'amène jusqu'à la deuxième place, ce qui est le premier podium de son écurie ! Cette fois, Emerson pense que la roue a enfin tourné en sa faveur...
Hélas, il y a tout lieu de penser que cette bonne performance n'est due qu'aux bons pneus dont Goodyear a généreusement doté l'équipe pour sa course nationale. Emerson retrouve vite le fond de grille, même si la voiture a un certain potentiel. Ainsi, en France, relégué à la vingt-et-unième place après un accrochage, Emmo remonte jusqu'à la huitième position. La seconde partie de la saison est quand même meilleure, grâce à une voiture retravaillée. Emerson termine quatrième en Allemagne et en Autriche, et cinquième aux USA malgré un embrayage endommagé. Au final, l'équipe a quand même réalisé sa meilleure saison, en finissant septième du championnat des constructeurs, avec dix-sept points. Mais la direction de l'équipe commence à sérieusement peser sur Emerson.
La saison 1979 est un cauchemar. Obligé de débuter l'année avec la voiture de 1978, Emerson ramène tout de même un point d'Argentine. Mais la nouvelle monoplace est une véritable catastrophe, lente et peu fiable. Jamais Emerson ne peut espérer marquer ne serait-ce qu'un point. Il passe son année à essayer de fiabiliser sa monoplace, ce qui paie en fin d'année, car la voiture finit les trois dernières courses. Mais à des années lumières des points. Emerson termine vingt-et-unième du championnat, avec un petit point, celui de Buenos Aires.
A la fin de l'année, l'écurie Fittipaldi, totalement désargentée, semble sur le point de disparaître. Mais la chance sourit à Emerson. L'équipe canadienne Wolf, après une mauvaise saison 1979, est à qui la veut. Walter Wolf et Emerson Fittipaldi concluent ainsi rapidement l'absorption de Wolf au sein de Fittipaldi Automotive. Peter Warr devient directeur sportif, et Harvey Postlethwaite directeur technique. De plus, le bouillant Keke Rosberg est nommé second pilote aux côtés d'Emerson.
La saison 1980 commence bien pour l'équipe, qui aligne donc enfin deux voitures. Rosberg décroche effectivement la troisième place en Argentine, après une course musclée. Au Brésil, le « Finlandais volant » effectue un dépassement pour le moins rude sur Emmo, qui en est quitte pour une excursion dans l'herbe et un tirage des oreilles de son coéquipier. A Long Beach, c'est au tour d'Emerson de mener une très belle course qu'il finit troisième, tandis que son jeune compatriote Piquet décroche sa première victoire. A Monaco, parti dix-huitième, le Brésilien accroche la sixième place. Hélas, après ce bon début d'année, les résultats périclitent. Une nouvelle voiture arrive en cours d'année, mais son manque de fiabilité empêche Emerson de briller. Seul Rosberg ramène deux points, à Monza.
Bien souvent dominé en qualifications par son équipier, Emmo prend à la fin de l'année une décision capitale : l'arrêt de sa carrière en F1. A 34 ans, après dix ans dans la catégorie reine, le Pauliste, qui a tout connu, la gloire et les échecs cuisants, décide raisonnablement de raccrocher les gants pour se consacrer à la gestion de son écurie.
C'est donc en tant que team manager qu'Emerson revient dans les paddocks en 1981. Fittipaldi Automotive est pourtant en bien mauvaise posture : sans sponsor, avec une voiture très médiocre, 1981 s'annonce comme plus catastrophique encore que 1979. Ce sera le cas. Rosberg et Chico Serra passent l'année en fond de grille, et sont même, à de nombreuses reprises, non qualifiés. En Autriche, l'équipe ne fait même pas le déplacement, faute de moteurs disponibles. Harvey Postlethwaite et Peter Warr décident alors de quitter la galère. Au final, l'équipe Fittipaldi ne marque pas un point.
Pourtant, le Brésilien et son frère repartent en campagne pour 1982, avec une seule voiture, pour Serra. Ricardo Divila, de retour dans l'équipe, essaie de bricoler une F8D capable de passer les qualifications. Serra fait son travail tant bien que mal, et décroche même un point en Belgique, malgré un aileron tordu et boîte de vitesse défectueuse. Mais ce sera tout pour les bons résultats.
Après cette horrible saison, Emerson et Wilson décident sagement de laisser tomber l'aventure. Ainsi s'efface de la F1 le nom des Fittipaldi.
Mais Emerson s'ennuie bien vite. Ainsi, il décide de rentrer au Brésil pour y disputer le championnat 1983 de karting. Il y rencontre Theresa, sa future compagne, et décroche évidemment le titre. Revigoré, le double champion du monde entreprend alors de revenir comme pilote en Formule 1 pour l'année suivante. Il s'attend à ce que les grandes écuries lui offrent des ponts d'or. Il est bien déçu. Seule la minuscule équipe Spirit-Hart lui propose une séance d'essais privés à Rio, en février 1984. Pire, c'est Emerson lui-même qui doit payer le test. Les temps du Pauliste sont d'ailleurs bien moyens. Il est vrai que le moteur Hart, selon les mots d'Emerson, « n'aurait pas fait avancer un vélo », mais le même jour, un de ses jeunes compatriotes fait ses premiers tours de roues en F1. Il tourne quatre secondes plus vite que son aîné. Il s'appelle Ayrton Senna...
Emerson Fittipaldi quitte le circuit dans l'indifférence générale. La F1 lui a définitivement tourné le dos.
Il se tourne vers les USA pour 1984, et s'engage dans le prestigieux championnat IndyCar. Pour cela, il s'installe à Miami avec toute sa famille. Au volant d'une March, il passe sa saison à s'habituer aux courses américaines. Il finit le championnat au quinzième rang. Il court également pour la première fois les très prestigieux 500 Miles d'Indianapolis. Qualifié vingt-troisième, il abandonne cependant bien vite.
En 1985, il rejoint l'équipe Patrick Racing. Il décroche trois podiums en début d'année avant d'emporter sa première victoire sur l'ovale du Michigan, devant Al Unser. La suite de la saison est moins bonne pour lui, et il ne remonte plus sur le podium jusqu'à la fin. Il finit tout de même sixième du classement général. Aux 500 Miles, il se qualifie à une cinquième place, mais ne finit que treizième. Toujours chez Patrick Racing en 1986, Emerson améliore encore ses résultats à Indy, en terminant septième. En championnat, il décrocha son second succès, à Elkhart Lake, et finit la saison septième.
En 1987, après un Indy 500 à oublier (seizième), il gagne deux courses successives : à Cleveland et à Toronto. Hélas, il ne signe en dehors de cela qu'un seul podium, ce qui le relègue à la dixième place du classement final.
Ce n'est qu'en 1988 que la carrière américaine d'Emerson décolle véritablement. A Indy, Emerson ne se qualifie que huitième, mais se fait enfin remarquer dans cette course en terminant deuxième, trois secondes derrière le légendaire Rick Mears. Hélas, en championnat, il ne parvient toujours pas à s'améliorer. Deux victoires tardives, à Mid-Ohio et à Elkhart Lake lui permettent de sauver sa saison, qu'il finit à la septième place.
Néanmoins 1989 va être « son » année. Après une cinquième place à Phoenix et une troisième position à Long Beach, le Brésilien arrive à Indianapolis, bien décidé à enfin remporter la mythique épreuve. Qualifié troisième, il se retrouve en lutte pour la victoire à quelques tours du but avec Al Unser Jr. Après une âpre bataille, les deux voitures se touchent, ce qui envoie l'Etatsunien dans le mur, laissant son adversaire filer vers la victoire. A 42 ans, Emerson Fittipaldi entre définitivement dans la légende du sport automobile. Mais ce n'est pas fini. Le Pauliste enchaîne ensuite trois victoires consécutives, à Détroit, Portland et Cleveland, ce qui le place en tête du championnat. Deuxième à Meadowlands et à Toronto, il connaît ensuite un léger passage à vide, qui ne l'empêche pas de retrouver le chemin de la victoire à Nazareth. Cela lui assure son premier titre en IndyCar, cinq ans après son arrivée aux USA.
Pour 1990, Emerson, qui n'a toujours pas envie de raccrocher, rejoint la prestigieuse écurie Penske. Il ne peut hélas conserver ses titres. Il signe sa première pole à Indianapolis, mais il ne finit que troisième. Dans le championnat, il ne peut prétendre conserver ses lauriers, le championnat étant dominé par le duo Unser Jr-Andretti. Il ne gagne qu'une fois, à Nazareth, et finit cinquième au général. En 1991, Emmo ne gagne à nouveau qu'une seule fois, à Détroit, et ne termine à nouveau que cinquième au classement. Quant aux 500 Miles, il n'y brille pas du tout. Il ne se classe qu'à une bien piètre onzième place.
Emerson est pourtant toujours bel et bien là en 1992, toujours chez Roger Penske. Il remporte la première manche de la saison à Surfers Paradise, mais ensuite ne connaît pas la même fortune. Une fin de saison réussie, avec trois victoires (Cleveland, Elkhart Lake et Mid-Ohio), lui permet de finir le championnat à la quatrième place. Quant aux 500 Miles d'Indianapolis, il les finit dans le mur...
En 1993, Emerson renoue avec ses heures de gloire en remportant une deuxième fois les 500 Miles d'Indianapolis. Parti neuvième, il amène sa Penske-Chevrolet à la victoire devant Arie Luyendyke et Nigel Mansell, qu'il dépasse à quinze tours de l'arrivée. A 47 ans, plus de vingt ans après son premier sacre en F1, Emmo est bel et bien toujours vert. Fait insolite : il crée un petit scandale en buvant après la course une bouteille d'orangeade, au lieu du lait traditionnel.
Sa saison 93 s'avère excellente. Vainqueur à Portland, second derrière Tracy à Cleveland et Toronto, le Brésilien possède à mi-saison toutes les raisons de croire au sacre. Mais Nigel Mansell, son rival de chez Newman-Haas, réalise une meilleure fin de saison, et malgré un succès au Mid-Ohio, il doit se contenter d'être vice-champion.
En 1994, les Penske écrasent littéralement la concurrence et les trois pilotes de l'écurie, Al Unser Jr., Paul Tracy et bien sûr Emerson, se partagent les lauriers. Emerson gagne la deuxième course de l'année à Phoenix, et arrive comme favori à Indianapolis. Parti troisième, il domine littéralement la course et semble se diriger vers son troisième succès sur le Brickyard, quand il se crashe à seize tours du but. C'est son équipier Al Unser Junior qui décroche la timbale. C'est d'ailleurs l'Etatsunien qui profite le plus de la domination des Penske cette année-là, et Emerson ne gagne plus jusqu'à la fin de la saison. Il termine tout de même vice-champion, mais loin d'Unser.
En 1995, Emerson rempile chez Penske, et voit arriver dans la catégorie son neveu, Christian Fittipaldi, fils de Wilson, qui comme ce dernier n'a guère réussit en Formule 1. La saison de celui qui était désormais « Fittipaldi senior » est difficile, les Penske ayant beaucoup perdu de leur superbe. Une seule victoire, à Nazareth et une décevante onzième place au général, tel est le maigre bilan de cette année. Quant aux 500 Miles, Emerson ne les dispute même pas, il échoue aux qualifications !
Et Emmo repartit à nouveau pour une saison en 1996, bien qu'il ait maintenant 50 ans ! Après un début d'année médiocre, le destin du Pauliste va basculer sur le terrible Speedway du Michigan. En course, sa monoplace entre en contact avec celle de Greg Moore. La Penske est projetée contre le mur, avant de s'arrêter quelques mètres plus loin. Touché aux cervicales, le Brésilien doit mettre un terme à sa saison et pratiquer une très longue rééducation. Vu son âge, la sagesse serait de renoncer définitivement à la compétition automobile. Mais le démon de la compétition est le plus fort, et il décide quand même de s'engager pour le championnat 1997.
Au début de l'année, Emerson décide d'aller inspecter ses plantations d'orangers au Brésil, en ULM, avec son fils âgé de six ans. L'ULM tombe en panne et s'écrase. L'enfant s'en sort indemne, mais Emerson, suite au choc et à son précédent accident, est paralysé. Après une nuit d'angoisse, les secours finissent par les retrouver. Emerson s'en sort à bon compte : quelques mois de corset. Mais cette fois, c'en est fini de la course. Après trente années d'une glorieuse carrière, Emmo décide logiquement de raccrocher les gants. Comme il le dira plus tard : « Au Michigan, Dieu m'a donné un conseil. Je ne l'ai pas suivi. Alors, cette fois, il m'a donné un ordre. »
On le revoit par la suite dans les paddocks, mais comme de nouveau team manager. En effet, fin 2002, il décide de redevenir propriétaire, ou plutôt co-propriétaire, d'une écurie, cette fois-ci en ChampCar, ex-IndyCar. Ainsi, est fondée pour la saison 2003, l'écurie Fittipaldi-Dingman Racing, avec comme pilote le Portugais Tiago Monteiro, qui pilote une Reynard-Ford Cosworth. Mais la petite écurie ne pourra jamais vraiment briller. A la fin de l'année, Monteiro décide de retourner en Europe et, faute de financement, Emerson met fin à l'aventure. Sa deuxième expérience en tant que team manager n'aura donc duré qu'un an.
Il retrouve ce poste en 2005. Il devient alors manager de l'équipe du Brésil d'A1 GP, cette compétition qui fait figure de « Jeux olympiques » du sport automobile durant l'intersaison. Le Brésil y obtient quelques succès en 2005-2006, grâce à Nelson Piquet Junior, fils du triple champion du monde de Formule 1. Il occupe cette position jusqu'en 2009, date de la disparition de l'A1 GP.
Dans le même temps, Emmo reprend le volant épisodiquement en 2005 et en 2006, pour disputer quelques manches des Grand Prix Masters Series, le championnat de monoplaces qui réunit les anciennes gloires de la F1. Pour la course d'ouverture à Kyalami, en novembre 2005, il obtient la deuxième place, derrière Nigel Mansell. Cette compétition disparaît toutefois au bout d'un an. En 2008, à 62 ans, Emerson s'engage avec son frère Wilson dans le championnat brésilien de GT3, au volant d'une Porsche, pour le plaisir.
On le voit également arpenter régulièrement les paddocks de Formule 1. En juin 2010, il est commissaire de course au Grand Prix du Canada. En parallèle, il est le manager du jeune espoir brésilien Felipe Guimarães, né en 1991.
Tony