Halo et nouvelles normes
La FIA a donc imposé l'affreux halo, ce système de protection frontale en titane qui défigure totalement les monoplaces. Non seulement l'efficacité de ce dispositif est douteuse, mais il gêne les pilotes au sortir du cockpit. En revanche, contrairement à une idée reçue, il n'altère pas grandement leur champ visuel. Néanmoins la position des feux sur les grilles de départ sera modifiée. Quoiqu'il en soit, le halo a une incidence directe sur la performance des F1 car, en comptant ses montants et le renforcement du châssis qu'il requiert, il engendre un gain de poids d'environ quinze kilos. La fédération porte donc le poids minimal des bolides à 734 kg. « Le halo représente environ neuf kilos, et il y a six kilos de montants, avec tous les supports », explique Andrew Green de Force India. « La structure impliquée pour monter le halo est phénoménale, avec beaucoup de carbone et de pièces mécaniques. » Il sera donc difficile de rajouter du lest pour optimiser la répartition des masses. Les techniciens s'ingénient par conséquent à alléger d'autres composants. « Nous devons économiser autant de poids que possible », soupire Éric Boullier. « Nous n'arrêtons pas de mettre des choses sur la voiture. Elle pèse le poids d'un âne mort ! »
Grâce à une dérogation réglementaire, le halo est aussi considéré comme un élément aérodynamique que les ingénieurs s'empressent d'exploiter. D'où l'apparition de carénages, ailettes et autres artifices qui viennent garnir le trépied disgracieux...
Les autorités sportives bannissent un certain nombre d'appendices aérodynamiques qui ont fleuri en 2017. Il faut donc dire adieu aux « ailerons de requin », aux « antennes de télé » (ou T-wing) et aux « singes assis » (monkey seat). Mais les ingénieurs ont bien évidemment de nouveaux tours dans leurs sacs: aileron avant à fentes verticales (inventé par McLaren, repris par Ferrari, Toro Rosso et Renault), déflecteurs toujours plus complexes et même « mini T-wing » (Ferrari, Mercedes...). La mode technique du cru 2018 est aux pontons remodelés et reculés de la Ferrari SF70H de 2017, copiés et améliorés par presque tout le plateau.
Les motoristes font face cette saison à un défi d'envergure avec la limitation à trois du nombre d'unités de puissance utilisables sans encourir de pénalités. Cette nouvelle norme impose une fiabilité sans faille aux candidats aux titres mondiaux. Comment s'en sortiront Renault et Honda qui ont cassé des moteurs à tire-larigot en 2017 ? Pour corser le tout, le système cinétique (MGU-K), la batterie et le boîtier de contrôle sont contingentés à deux exemplaires. Dans ces conditions, les pénalités qui ne cessent année après année de fausser les grilles de départ risquent de pleuvoir encore plus. L'arsenal coercitif est néanmoins quelque peu simplifié: au-delà de quinze places de pénalité, le renvoi en fond de grille sera automatique.
Pirelli accroît encore la souplesse de ses gommes au moyen d'un nouveau pneu « hyper-tendre », à flanc rose, dont les performances surpasseraient celles de l'ultra-tendre (violet). En attendant sans doute le méga-tendre en 2019 et le giga-tendre en 2020... Un pneu super-dur (orange) est également homologué mais il ne devrait pas être utilisé. Le traditionnel pneu dur adopte la couleur « bleu glacé ».
Enfin, la vague de néo-féminisme anglo-saxon consécutive à l'Affaire Weinstein frappe aussi la Formule 1. Liberty Media décide en effet de licencier les charmantes « grid-girls » pour les remplacer par des enfants, des « grid-kids »... Certains regrettent la disparition d'un folklore sympathique, d'autres saluent la disparition d'une manifestation misogyne.
Présentation des écuries
Depuis 2014, Mercedes exerce une domination sans partage sur la Formule 1. Si les historiens rappellent que toutes les hégémonies s'achèvent un jour, celle des Flèches d'Argent commence à peser sur le moral des fans. Aucun signe de faiblesse n'est détecté du côté de Brackley. La conception de la W09 a été supervisée par James Allison qui n'a pas bousculé l'équipe victorieuse en place depuis 2014. Ainsi, à première vue, la W09 est dans la lignée de ses devancières: empattement long et assiette quasi-horizontale. Les flancs sont amincis, ce qui donne une véritable « taille de guêpe » à cette nouvelle monoplace. Confiant dans leur philosophie, les aérodynamiciens de Brackley n'adoptent pas les pontons « à la mode Ferrari » et conservent seuls un museau étroit. Le motoriste en chef Andy Cowell révèle pour sa part que le V6 hybride a été condensé pour mieux s'intégrer au train arrière minimaliste. Très discret cet hiver, Lewis Hamilton n'ambitionne pas moins d'enlever sa cinquième couronne mondiale et de rejoindre ainsi Juan Manuel Fangio au panthéon. Valtteri Bottas doit pour sa part se montrer beaucoup plus menaçant pour le Britannique qu'en 2017, sinon son avenir chez les Gris pourrait s'écrire en pointillé.
Après avoir frôlé les titres mondiaux en 2017, Ferrari ne peut viser que la victoire finale en 2018. Pour cela, Mattia Binotto et Simone Resta ont conçu une SF71H qui est une « évolution agressive » de la monoplace de l'an passé. Ainsi, si la configuration haute des pontons, largement copiée cette saison, demeure identique, les entrées d'air sont toujours plus fines et deux fois moins larges, ce qui permet d'accroître l'écoulement de l'air vers l'arrière, donc d'augmenter la charge aérodynamique et de réduire la traînée. Plus généralement, le nouveau bolide rouge se pare d'une kyrielle de petits appendices, d'entailles et de courbures, jusqu'au halo caréné, afin d'optimiser l'aérodynamisme. Une curiosité: les rétroviseurs eux-mêmes sont percés ! La SF71H affiche aussi un empattement un peu plus long, afin d'améliorer les performances sur circuit rapide. Quant au groupe propulseur, baptisé « 062 EVO », il devra faire preuve d'une grande fiabilité, car les pannes de son prédécesseur ont coûté cher l'an passé. La Scuderia adopte une livrée entièrement rouge suite au départ de son principal sponsor, la banque espagnole Santander. Sebastian Vettel souhaite bien évidemment prendre sa revanche sur Hamilton et est attendu au tournant, après avoir littéralement craqué sous la pression en 2017. Quant à Kimi Räikkönen, qui va sur ses 39 ans, on se demande bien ce qui le motive à jouer les éternels porteurs d'eau.
Red Bull inaugure un partenariat avec Aston Martin, son nouveau « sponsor-titre », tout en conservant le V6 Renault rebadgé TAG Heuer. La marque au taureau envisage son retour aux avant-postes grâce à une RB14 très élaborée, imaginée par le staff d'Adrian Newey. La nouvelle machine affiche les entrées d'air minimales inspirées par Ferrari. Elle se singularise surtout par ses pontons plats voire presque inexistants (qui rappellent la Lamborghini de 1991). La capot-moteur est resserré à l'extrême. Afin d'exploiter le dessin singulier des flancs, et donc faciliter le flux d'air, la suspension avant est rehaussée. Quant aux déflecteurs latéraux, ils s'inspirent à la fois de Mercedes et de Ferrari, et comportent quatre éléments. La qualité du développement du châssis sera probablement la clef de la saison de Red Bull. En outre, la fiabilité devra être meilleure qu'en 2017. En ce qui concerne le moteur, RBR doit faire confiance à Renault... Enfin, la rivalité croissante entre Daniel Ricciardo et Max Verstappen sera l'un des principaux attraits de cette compétition. Le jeune Hollandais est désormais dans ses meubles à Milton Keynes tandis que l'Australien, bien décidé à ne rien lui céder, sera en fin de contrat à l'issue de cette saison...
Depuis deux ans, Force India-Mercedes s'impose comme la quatrième force du plateau, en dépit de son petit budget. L'écurie de Silverstone a été agitée cet hiver par les déboires de son propriétaire Vijay Mallya, poursuivi par la justice indienne et exilé à Londres. Plusieurs rumeurs de rachat ont couru sans résultat. Le changement de nom annoncé l'an passé ne s'est pas non plus concrétisé. La nouvelle VJM11 ressemble beaucoup à sa devancière, mais elle devrait évoluer fortement en cours de saison. Elle arbore en tout cas la plupart des petites astuces aérodynamiques présentes sur ses concurrentes. Seule originalité: la présence de minuscules ailettes dissimulées sous le museau. L'affrontement promet d'être toujours aussi rude entre le vaillant Sergio Pérez et le très ambitieux Esteban Ocon. Pour le jeune Normand, cette saison est en effet lourde d'enjeux. S'il brille et parvient à mettre son équipier à terre, il pourra sans doute prétendre à un volant chez Mercedes. Pérez lui ne désespère pas de remplacer Räikkönen chez Ferrari.
2018 s'annonce comme une saison fort périlleuse pour Williams. Tout d'abord, le team de Grove sait qu'il perdra à la fin de l'année son principal commanditaire, Martini, ce qui explique probablement l'engagement de deux pilotes payants. Lance Stroll, toujours appuyé par son milliardaire de père, a montré un certain talent en 2017 mais demeure bien jeune pour endosser le costume de leader de l'équipe. Du reste, Felipe Massa n'est plus là pour l'aider à régler sa monoplace. Son nouveau collègue, le Russe Sergey Sirotkin, n'a quant à lui aucun titre sérieux à faire valoir, mais est soutenu par la grande banque SMP et apporte un budget de 15 millions de dollars. Robert Kubica, longtemps pressenti pour ce volant, se contente du statut peu enviable de réserviste. Paddy Lowe a restructuré le staff technique pour élaborer la FW41 à moteur Mercedes. Cette monoplace rompt avec ses devancières. L'aérodynamisme est l'œuvre de Dirk de Beer, un ancien de Ferrari. La FW41 emprunte donc beaucoup d'éléments à la SF70H, notamment ses pontons rehaussés et les ouvertures minimales. Hélas, lors des essais de Barcelone, cette nouvelle création a fait montre d'un grave déficit de stabilité et les commentateurs ne sont pas très optimistes à l'abord de l'épreuve inaugurale.
Renault F1 entend poursuivre sa lente progression. Neuvième en 2016, sixième en 2017, l'écurie franco-britannique vise cette saison la quatrième place du championnat des constructeurs et quelques podiums. Elle peut pour cela compter sur un excellent duo de pilotes composé du très solide Nico Hülkenberg et du bouillant Carlos Sainz Jr. L'ingénieur Marcin Budkowski, transfuge de la FIA, prend en main la structure d'Enstone, sous la surveillance du triumvirat Jérôme Stoll - Cyril Abiteboul - Alain Prost. La R.S.18 s'inspire largement de sa devancière. Le châssis subira de grandes évolutions tout au long de la saison. La plupart des nouveautés sont invisibles, comme le révèle Abiteboul: « Beaucoup se trouvent sous le capot. La suspension, la boîte de vitesses, l'intégration du moteur, le refroidissement - tout cela constitue un net pas en avant par rapport à l'an passé. » La Renault se distingue par son pot d'échappement incliné, destiné à diriger les gaz d'échappements sous l'aileron arrière, afin de reproduire l'effet du « monkey seat » désormais prohibé. La fédération a mené une enquête sur ce dispositif d' « aileron soufflé », avant d'en affirmer la légalité. Quant au V6 RE18, il a été remanié en profondeur et devrait, contrairement au RE17, bénéficier de plusieurs améliorations en cours d'année. La plupart des retouches touchent le refroidissement, les sources de chaleur et l'homogénéisation du groupe propulseur.
Toro Rosso se prépare à une année délicate. La scuderia de Faenza recueille en effet le V6 Honda dont personne d'autre ne voulait. Certes, le motoriste nippon a complétement réorganisé son département technique et son groupe propulseur semble avoir fait des progrès significatifs, notamment sur le plan de fiabilité. Mais quid de ses performances ? Le staff technique s'est échiné à adapter la monoplace à ce nouveau moteur heureusement très compact. En outre, les hommes de James Key savent toujours innover comme le prouve l'ailette située juste sous l'arceau du halo. La STR13 bénéficie du reste d'un tout nouveau train arrière, avec des suspensions retouchées. L'aileron avant est d'une grande complexité, avec une prolifération d'arches. Quant au nez, il est dorénavant plus large avec une protubérance que l'on retrouve depuis un an sur la plupart des modèles. Côté pilotes, 2018 sera pour Pierre Gasly une année d'apprentissage tandis que Brendon Hartley, après une brillante carrière en Endurance, doit saisir cette chance unique de s'implanter en F1.
A l'issue une seconde saison plutôt décevante, Haas fonde beaucoup d'espoirs sur sa nouvelle voiture, la VF-18, conçue par Dallara sous la supervision de Ron Taylor. Les techniciens ont surtout travaillé sur la répartition des poids et des masses, afin de produire une monoplace aussi légère que possible. Reste que la Haas ressemble à une « Ferrari bis ». Toute la partie mécanique arrière provient de Maranello: suspension, transmission, boîte et évidemment groupe propulseur. Les pontons et les ouvertures ressemblent également beaucoup à ceux de la précédente Ferrari. Lors des essais hivernaux, la voiture américaine a fait forte impression, mais pourra-t-elle être développée sur l'ensemble de la saison ? A noter qu'elle retrouve la livrée blanche et noire utilisée en 2016. Les pilotes sont toujours l'expérimenté Romain Grosjean et le turbulent Kevin Magnussen.
Après trois années de partenariat catastrophique avec Honda, McLaren prend un nouveau départ en adoptant le groupe propulseur Renault. Cela a nécessité un important travail d'adaptation du châssis, car les deux blocs n'ont pas la même physionomie. La MCL33, développée sous la direction de Tim Goss et Peter Prodromou, est une évolution douce de la MCL32. Elle se singularise comme sa devancière par une assiette très inclinée. Elle dispose de pontons traditionnels munis de petites ouïes. Elle est aussi la seule monoplace à garder une prise d'air oblongue. A l'arrière, les bras de suspension forment un Y et non un V comme sur la plupart des F1. Enfin, le fond plat comporte deux longues entailles longitudinales afin d'accroître le flux d'air. Fernando Alonso est toujours de l'aventure, mais disputera en parallèle le championnat du monde d'Endurance avec Toyota et s'impose donc un programme très chargé. Pour sa seconde saison comme titulaire, Stoffel Vandoorne espère faire jeu égal avec l'Espagnol, voire pourquoi ne pas prendre le pouvoir à Woking... Cette saison 2018 s'annonce cruciale pour McLaren qui n'a plus gagné de Grand Prix depuis 2012 et n'a toujours pas su attirer de gros commanditaires. La nouvelle machine se pare d'une livrée orange papaye, peut-être afin d'évoquer les mânes du fondateur...
Sauber est en pleine révolution. Repris en main par Frédéric Vasseur, le team suisse a désormais pour principal partenaire Alfa Romeo qui fait son grand retour en F1 après trente-trois ans d'absence, en tant que simple sponsor, pour le moment. Sergio Marchionne, administrateur du groupe Fiat, souhaite en effet redorer le blason de la firme au trèfle au moyen du sport automobile. La nouvelle Sauber C37 marque une nette rupture avec la C36. Elle se distingue par son nez très fin, à deux « narines », inspiré de Force India, par le carénage de son halo, ses pontons très relevés à deux ouvertures et son empattement rallongé. Surtout, elle dispose du V6 Ferrari version 2018, ce qui devrait lui permettre de gagner de précieux chevaux. Comme la Haas, la Sauber est équipée d'une transmission Ferrari. L'inusable Marcus Ericsson conserve son volant grâce à ses soutiens financiers. Il fait équipe avec le jeune prodige monégasque Charles Leclerc, champion de GP3 en 2017, de F2 en 2017, et surtout membre de l'Académie des jeunes pilotes Ferrari.
Tony