Les adieux de Johnny Herbert
À Sepang, Johnny Herbert tire sa révérence après douze saisons de Formule 1 et 161 Grands Prix. Jaguar et Ford organisent vendredi soir une grande fête en l'honneur de l'un des derniers « gentlemen drivers ». Une salle entière du paddock est recouverte de photos-souvenirs évoquant les grands épisodes de sa carrière. L'inimitable Murray Walker, commentateur-vedette de la TV britannique, anime la soirée. Presque tous les pilotes et patrons d'équipe assistent sont là, et bien sûr, chacun y va de son anecdote. Mika Häkkinen se souvient ainsi avoir surpris son collègue chez Lotus en 1992 en train de jouer avec un canard en plastique dans la baignoire de sa chambre d'hôtel. Jamais avare d'une histoire salée, Heinz-Harald Frentzen raconte que Herbert, chez Sauber, avait sur la grille pour habitude de satisfaire son ultime besoin naturel à même le cockpit. D'où quelques incidents avec ses ingénieurs... « Et en allemand, le verbe ''sauber'' signifie ''faire le ménage'' ! » souligne Frentzen avec malice. Plus sérieuse, Rebecca Herbert rappelle que son époux aurait eu une carrière plus brillante s'il n'avait été victime d'un terrifiant accident à Brands-Hatch en 1988. « Il compterait sûrement plus de trois victoires en Grands Prix », avance-t-elle. Jackie Stewart se souvient justement que, quelques mois après ce drame, Herbert faisait tout de même ses débuts en F1 avec Benetton, bien qu'il pouvait à peine tenir sur ses jambes. « Son courage m'a rappelé celui de Niki Lauda en 1976 », souligne-t-il.
Reste maintenant à préparer l'avenir, car à 36 ans, Johnny Herbert peut encore vivre de belles heures derrière un volant. A priori, il devrait migrer outre-Atlantique. Il négocie avec pas moins de trois écuries de CART, dans l'espoir de disputer les 500 Miles d'Indianapolis. Il pourrait aussi revenir à ses anciennes amours, à savoir l'Endurance. Don Panoz lui aurait proposé le volant d'un de ses protos, engagé en American Le Mans Series. Enfin, Herbert a aussi reçu une offre de Frank Williams pour devenir pilote essayeur. « Mais cela figure tout en bas de ma liste », précise-t-il.
Présentation de l'épreuve
La Formule 1 clôt sa saison 2000 par une deuxième visite sur le superbe circuit malais de Sepang. C'est d'ailleurs la dernière fois que cette épreuve se déroule en fin de saison. En 2001, elle aura lieu en mars, juste après le GP d'Australie, dans un souci de rationalisation géographique du calendrier. Pour l'heure, le patron du circuit Tan Sri Basir Ismail et son conseiller Philippe Gurdjian veillent à ce que l'organisation de ce grand événement, vitrine de la Malaisie émergente, soit de nouveau absolument parfaite. Et en effet, chacun loue de la qualité des infrastructures ultra-modernes, des services et des distractions proposés, comme du chaleureux accueil des Malais. Il y a bien sûr aussi quelques servitudes. Mercredi 18 octobre, la jeune reine Permaisuri Siti Aishah (29 ans), épouse du vieux roi Salahuddin Abdul Aziz, privatise le circuit pour se payer quelques sensations fortes. Dans un premier temps, elle roule à bord d'une Ferrari 360 Modena conduite par Michael Schumacher en personne. Ce dernier ne ménage pas la jeune souveraine dans les freinages. Mais au final, c'est elle qui demandera un autographe à « Schumi » ! Aishah sera ensuite la passagère d'Eddie Irvine dans une Jaguar XK8 et de Mika Häkkinen dans une Mercedes CLK AMG.
Si le titre des pilotes a été attribué à Suzuka à Michael Schumacher, reste en suspens celui des constructeurs, principal enjeu de cette ultime sortie de l'an 2000. Certes, Ferrari bénéficie d'un net avantage de 13 points (156 à 143) sur McLaren-Mercedes, et il faudrait un sérieux retournement de situation pour que la couronne migre de Maranello à Woking. Mais Schumacher ne voit pas les choses de cette façon: « Il faut gagner ici pour remporter le championnat des constructeurs. A priori, McLaren semble hors-jeu, mais ce sont souvent les choses les plus faciles qui sont les plus compliquées à atteindre ! Alors, ne prenons aucun risque. » Du Jean Todt dans le texte... La Scuderia affiche d'ailleurs une certaine nervosité en début de week-end, à telle enseigne que Stefano Domenicali obstrue les fenêtres du local des techniciens afin qu'ils puissent travailler en paix sur leurs ordinateurs ! Philippe Gurdjian obtiendra qu'il mette plutôt une rangée de grandes plantes vertes.... Du côté de McLaren-Mercedes, en revanche, on ne se fait guère d'illusions. Détendus, Mika Häkkinen et David Coulthard aimeraient seulement clore la saison en beauté avec un succès. Ron Dennis se montre cependant plus volontaire: « Nous avons une chance de gagner le championnat, nous la jouerons. »
La troisième place du championnat des constructeurs reviendra à Williams-BMW (36 points). La première année de collaboration entre l'écurie britannique et le motoriste allemand fut très prometteuse, et leur objectif en 2001 sera de rejoindre le duo Ferrari - McLaren. La quatrième position fait l'objet d'une lutte serrée entre Benetton-Playlife (20 pts), BAR Honda (18 pts) et Jordan-Mugen (17 pts). Si Benetton a donc l'avantage au tableau, ses performances sont en berne depuis des mois: 2 points inscrits depuis juin ! La vraie bagarre devrait donc opposer BAR à Jordan. Une querelle de prestige entre deux équipes qui auront l'an prochain le même moteur V10 Honda. Craig Pollock et Eddie Jordan n'ont pas cessé cette année de s'envoyer des banderilles, et nul doute que chacun prendra grand plaisir à terrasser l'autre.
Le triomphe de Michael Schumacher et de Ferrari à Suzuka a fait chavirer dans l'allégresse toute l'Italie... ou presque. L'ancien président de la République Francesco Cossiga s'est en effet publiquement insurgé contre le comportement du champion allemand sur le podium du GP du Japon. On se souvient que celui-ci avait joyeusement battu la mesure du Fratelli d'Italia, ce qui a ulcéré le sourcilleux homme d'État: « Il m'a déplu qu'un Bavarois (sic) insolent et surpayé se conduise en bon Allemand pendant le Deutschland über alles, puis fasse le pitre, une énième fois, lorsqu'on joue l'hymne italien. » Un petit relent d'anti-germanisme, assez commun de l'autre côté des Alpes ? En tout cas, Schumacher répond avec diplomatie: « Nous étions tous fous de joie. Je tiens à m'excuser si mon attitude a été perçue comme un manque de respect. »
Début octobre, le ciel tombe sur la tête de Minardi: Telefónica, son principal sponsor depuis deux ans, quitte la Formule 1 à la fin de cette saison 2000. Le groupe espagnol, qui envisageait jadis de racheter la petite scuderia, retire ses billes, déçu par des résultats désespérants (encore un score nul et vierge en 2000), mais aussi par l'absence de télédiffusion de la F1 en Espagne, ce qui réduit évidemment son exposition médiatique. Ce retrait est un coup très dur pour Minardi qui se retrouve sans budget pour la saison 2001. En effet, Gabriele Rumi n'est plus sûr de son autre partenaire, la chaîne argentine PSN, sponsor de Gaston Mazzacane, qui devait racheter ses parts. Certes, un accord en bonne et due forme a bien été annoncé fin septembre, mais PSN souhaiterait maintenant placer Mazzacane chez Arrows ou Prost GP... En outre, le retrait de Telefónica est aussi un coup de massue pour son principal protégé Marc Gené. Le pilote catalan, qui se croyait assuré d'un volant en 2001 chez Minardi ou chez Prost, tombe des nues à son arrivée en Malaisie. « J'étais aux Philippines, personne ne m'a parlé de ça là-bas », lâche-t-il, désabusé. Le voilà rayé de la grille pour l'année prochaine.
Ce Grand Prix sera le dernier pour le V10 Mugen, privé pour 2001 de son unique client, Jordan, qui roulera désormais avec des moteurs Honda d'usine. À moins que... Hirotoshi Honda, patron de Mugen, mène des négociations avec Giancarlo Minardi, toujours à la recherche d'un moteur. À Sepang, les deux hommes se rencontrent. Honda présente à Minardi un projet de contrat évalué entre 26 et 28 millions de dollars. Le Mugen étant un moteur puissant et fiable, ce serait une bonne aubaine pour la scuderia de Faenza, mais où diable trouver une telle somme, alors que Telefónica vient de se retirer ? Sans garantie financière, Giancarlo Minardi ne pourra pas donner suite à cette proposition.
C'est sans fleurs ni couronnes qu'est enterrée ce week-end l'aventure de Peugeot Sport en Formule 1. Il est vrai que l'heure n'est pas aux effusions, après une « annus horribilis » scandée par des tensions à n'en plus finir avec l'entité Prost GP et ponctuée d'un divorce ardemment désiré par chacune des parties. Une sombre morosité règne chez les gars de Vélizy. Leur patron Corrado Provera n'a même pas fait le déplacement. « Nous n'avons tout simplement pas envie de fêter quoi que ce soit », lâche le porte-parole Jean-Claude Lefebvre. Même désarroi du côté de Gauloises: le cigarettier, premier sponsor de l'écurie ex-Ligier depuis 1976, quitte la F1 dans l'anonymat le plus complet. Ce dernier rendez-vous malais n'est pourtant pas sans enjeu pour Prost GP. Derniers du classement des constructeurs, les Bleus peuvent encore prendre à Minardi la 10e place, ce qui leur permettrait de se faire rembourser leurs frais de transport par la FOA en 2001. Pour cela, il leur faut surpasser le meilleur résultat obtenu cette année par Minardi, c'est-à-dire une huitième place. Pas facile, avec une AP03 aussi instable que fragile...
Et pourtant, Peugeot ne disparaît pas totalement de la F1. Au lendemain du GP du Japon, Jos Verstappen et Pedro de la Rosa ont effectué sur le circuit de Valence des essais avec l'Arrows munie du V10 AMT, qui n'est autre qu'un Peugeot rebadgé. Quelques jours plus tard, en Malaisie, Enrique Scalabroni, John Gano et Didier Debae, le triumvirat à la tête d'AMT, convient les journalistes à une grande conférence de presse... qui sera un flop monumental. Les trois hommes dévoilent seulement l'arrivée d'un nouveau sponsor, le fabricant de machines-outils Yamazaki Mazak...
Maintenant qu'il est désormais certain que Pedro Diniz va rejoindre, d'une manière ou d'une autre, Prost GP, Sauber est en quête d'un second pilote pour 2001. Candidats potentiels, Alexander Wurz et Ricardo Zonta ont signé comme réservistes chez McLaren et Jordan. Aussi, le team helvétique semble sur le point de promouvoir son réserviste, le Brésilien Enrique Bernoldi, soutenu par Red Bull, lorsque surgit un candidat venu de nulle part: le Finlandais Kimi Räikkönen, 21 ans, récent vainqueur du championnat britannique de Formule Renault. Celui-ci a participé à deux séances d'essais au Mugello au cours desquelles il s'est montré plus rapide que Bernoldi. Conquis, Peter Sauber, aurait déjà proposé un contrat de quatre ans à ce Räikkönen qui pilotait encore en karting voici un an...
Sur le plan technique, Bridgestone apporte ici un tout nouveau composé tendre, destiné à être utilisé durant la saison 2001 et à offrir de meilleures performances aux monoplaces, ce qui se vérifiera lors du week-end. Une telle montée en puissance est inévitable avec l'arrivée de Michelin la saison prochaine.
Essais et qualifications
La journée d'essais du vendredi se déroule dans la chaleur (30°C). Häkkinen réalise le meilleur chrono (1'40''262''') devant M. Schumacher et Coulthard. Ce dernier subit une panne d'embrayage dans la matinée. Samedi matin, dans une atmosphère plus clémente, Coulthard se montre le plus rapide (1'38''109'''). Il précède M. Schumacher et un étonnant Wurz.
L'après-midi, M. Schumacher domine la séance qualificative et réalise sa neuvième pole de la saison (1'37''372'''). C'est la 10e pole de Ferrari en 2000, ce qui égale son précédent record de 1974. Affaibli par un mauvais rhume, Barrichello signe le quatrième temps. Chez McLaren, Häkkinen arrache le second temps sur la ligne malgré un châssis instable. Coulthard est victime d'un incident peu banal: il reçoit quelques gouttes d'essence dans les yeux ! Il remonte dans son cockpit après avoir utilisé un collyre et se classe troisième. Wurz confirme sa grande forme en plaçant sa Benetton en cinquième position. A contrario, Fisichella (13e) se débat avec un gros sous-virage. Villeneuve place sa BAR-Honda en sixième position malgré des coupures de moteur. Zonta (11e) est en difficulté lors des freinages. Irvine modifie les réglages de sa Jaguar pour atteindre le 7e rang. Son collègue Herbert (12e) subit du sous-virage.
Chez Williams-BMW, R. Schumacher (8e) se plaint du trafic tandis que Button (16e) pâtit d'une défaillance de son système hydraulique. Les Jordan-Mugen (Trulli 9e, Frentzen 10e) sont affectées d'un fort sous-virage. De la Rosa (14e) s'égare dans son choix de gommes pendant que Verstappen (15e) abîme un radiateur dans un passage hors-piste et doit se rabattre sur le mulet Arrows, réglé pour son équipier. Triste fin de saison chez Sauber: Salo (17e) est englué dans le trafic et Diniz (20e) reçoit des mauvais pneus pour son dernier « run ». Les deux Prost-Peugeot sont affligées de maux diamétralement opposés: survirage pour Alesi (18e), sous-virage pour Heidfeld (19e). Les Minardi ferment la marche, mais une seconde et demie sépare Gené (21e) de Mazzacane (22e).
Le Grand Prix
Dimanche matin, lors du warm-up, les pilotes se préparent aux fortes chaleurs attendues l'après-midi, notamment en éprouvant des combinaisons à eau. Zonta réalise un meilleur chrono anecdotique (1'40''032''').
Quelques heures plus tard, le mercure est en effet très haut, avec plus de 35°C au sol. L'humidité est également élevée, et des averses orageuses ne sont pas à exclure. La majorité du peloton prévoit deux arrêts-ravitaillements. Parmi les favoris toutefois, Häkkinen table sur un seul pit-stop, à l'instar de seconds couteaux comme Herbert, Verstappen, Fisichella ou Gené.
Départ: Häkkinen avance légèrement avant l'extinction des feux. Le Finlandais double ainsi Schumacher. Coulthard déborde l'Allemand par l'extérieur au freinage. Barrichello reste péniblement devant Villeneuve. À la sortie de l' « escargot », Diniz percute Alesi tandis que Heidfeld harponne de la Rosa dont l'Arrows se soulève avant de retomber sur ses quatre roues.
1er tour: Wurz double Villeneuve au virage n°4. Au même endroit, R. Schumacher vire dans la pelouse suite à un contact avec Irvine et Trulli, pendant que Verstappen exécute un tête-à-queue. Le Hollandais peut repartir. La voiture de sécurité intervient ensuite pour évacuer les voitures de Diniz, Heidfeld et de la Rosa. Alesi est le seul rescapé de ce carambolage.
2e: La Safety Car est en piste. Häkkinen devance Coulthard, M. Schumacher, Barrichello, Wurz, Villeneuve, Irvine, Frentzen, Herbert et Button. Trulli passe aux stands pour remplacer son museau suite à son accrochage avec R. Schumacher. La piste étant dégagée, la voiture de sécurité s'efface dès l'issue de ce tour.
3e: Le drapeau vert est présenté. Averti qu'il va être pénalisé pour son départ volé, Häkkinen laisse passer Coulthard avant le virage Langkawi. Mais les Ferrari en profitent pour se rapprocher. M. Schumacher double Häkkinen au virage n°10, puis Barrichello efface le Finlandais au tournant suivant.
4e: Coulthard compte une seconde et demie d'avance sur Schumacher. Häkkinen est étonnamment menacé par Wurz. Zonta double Salo puis Herbert, et grimpe au neuvième rang.
5e: En fin de tour, Häkkinen subit un « stop-and-go » de 10 secondes, puis repart dernier. Frentzen passe chez Jordan pour faire vérifier son système électrique et reste immobilisé plus de trente secondes.
6e: Coulthard repousse Schumacher à deux secondes et demie. Villeneuve attaque Wurz pour la quatrième place. Après son tête-à-queue, Verstappen opère une superbe remontée: il est déjà 12e, et passera Fisichella au tour suivant.
7e: Coulthard devance M. Schumacher (3.6s.), Barrichello (6s.), Wurz (9s.), Villeneuve (9.3s.), Irvine (11s.), Zonta (13s.), Herbert (16s.), Salo (17s.) et Button (18s.).
8e: Après une excursion dans les graviers, Frentzen rentre au garage et renonce suite à cause d'une panne de direction assistée.
9e: Coulthard affole le chrono (1'40''490''') et compte désormais cinq secondes d'avance sur Schumacher. Wurz a pris du champ sur Villeneuve, maintenant menacé par Irvine. Salo prend la huitième place à Herbert.
10e: Coulthard vire large dans une courbe et met deux roues sur la bordure herbée. Il ramasse ainsi beaucoup de débris dans ses radiateurs. Trulli est victime d'une crevaison lente et doit remplacer ses pneus.
11e: Coulthard reprend huit dixièmes à Schumacher dans ce tour. L'intervalle remonte à cinq secondes et demie.
12e: Coulthard précède M. Schumacher (5.5s.), Barrichello (9s.), Wurz (15.3s.), Villeneuve (17.4s.), Irvine (19s.), Zonta (22s.), Herbert (25s.) et Salo (26s.). Verstappen prend la 10e place à Button.
13e: Häkkinen est 15e après avoir doublé Mazzacane et R. Schumacher. Il effacera Gené deux tours plus loin.
15e: Coulthard et Schumacher se battent désormais à coups de meilleurs chronos. Cinq secondes et demie les séparent.
17e: Salo et Alesi effectuent leurs premiers ravitaillements. Häkkinen se retrouve ainsi douzième.
18e: Coulthard doit anticiper son premier pit-stop car le gazon amassé dans ses radiateurs crée une surchauffe. Il reçoit de l'essence et des pneus neufs pendant que ses mécaniciens nettoient ses pontons (7s.). L'Écossais redémarre en sixième position. M. Schumacher recueille la première place et signe le meilleur tour (1'39''571''').
19e: M. Schumacher mène devant Barrichello (6s.), Wurz (14s.), Villeneuve (16.5s.), Irvine (18s.), Coulthard (22.3s.), Zonta (25s.) et Herbert (29s.). Button se gare le long du muret des stands avec un moteur fumant.
20e: Irvine subit son premier pit-stop (9s.) et repart entre Verstappen et Fisichella.
21e: Schumacher tourne en 1'39''064''' et creuse l'écart sur Coulthard, repoussé à vingt-cinq secondes. Wurz opère son premier ravitaillement (6.4s.) et repart devant Irvine. Häkkinen double Fisichella et se retrouve dixième.
23e: Villeneuve est chez BAR pour ravitailler (7.2s.) et se relance derrière le trio Herbert - Verstappen - Wurz.
24e: M. Schumacher possède près de dix secondes d'avance sur Barrichello et regagne les stands à la fin de ce tour. Zonta observe son premier pit-stop. Häkkinen se défait d'Irvine.
25e: M. Schumacher reprend de l'essence et des pneus frais (7.1s.) et retrouve la piste nettement devant Coulthard. Barrichello prend le commandement provisoire.
26e: Barrichello observe son premier ravitaillement (7s.) et se réinsère en troisième position. Schumacher retrouve la première place avec quatre secondes d'avance sur Coulthard. Wurz rencontre des problèmes de freins et se fait doubler coup sur coup par Villeneuve et Häkkinen.
27e: M. Schumacher mène devant Coulthard (5.1s.), Barrichello (8.8s.), Herbert (25s.), Verstappen (27.1s.), Villeneuve (30.8s.), Häkkinen (31.5s.), Wurz (34s.), Irvine (39s.) et Fisichella (48s.).
28e: Herbert se plie à ce qui doit être son seul pit-stop, mais il reste immobilisé 19 secondes car ses mécaniciens peinent à brancher le tuyau d'essence. L'Anglais ne repart qu'en douzième position. Mazzacane passe chez Minardi pour ravitailler et faire nettoyer ses radiateurs encrassés suite à quelques excursions dans l'herbe.
29e: Cinq secondes séparent Schumacher et Coulthard. Häkkinen menace Villeneuve pour la cinquième place. Ravitaillements de R. Schumacher et Gené. Zonta s'offre un passage hors-piste et ramasse ainsi des graviers.
30e: Villeneuve sort large de l'avant-dernière courbe, ce qui permet à Häkkinen de s'infiltrer à l'intérieur. Les deux ex-champions arpentent la ligne droite suivante côte à côte. Au freinage, le Canadien bloque sa roue avant-gauche, dérape à nouveau, et Häkkinen le dépasse ainsi. Verstappen passe chez Arrows pour son ravitaillement (10.4s.) et se relance devant Herbert.
31e: M. Schumacher rencontre des attardés, ce qui permet à Coulthard de revenir à trois secondes et demie.
33e: Coulthard roule à deux secondes et demie de Schumacher. Fisichella effectue ce qui doit être son unique ravitaillement et redémarre devant Herbert, en 11e position.
34e: Häkkinen est le pilote le plus rapide et réalise le meilleur tour de la course (1'38''543''').
35e: M. Schumacher précède Coulthard (2.3s.), Barrichello (9s.), Häkkinen (27s.), Villeneuve (36s.), Wurz (39s.), Irvine (40s.) et Zonta (53s.).
36e: Häkkinen opère son unique ravitaillement (9.3s.) et repart en sixième position. Wurz ravitaille pour la seconde fois et se relance devant Verstappen. Second arrêt aussi pour Alesi.
37e: M. Schumacher garde deux secondes et demie d'avance sur Coulthard. Salo ravitaille pour la seconde fois.
38e: Gené se gare le long du pit-wall suite à un bris de roulement de roue à l'arrière-gauche. Deuxième arrêt pour Zonta.
39e: Coulthard effectue son second ravitaillement (7.4s.) et repart troisième. Villeneuve se plie aussi à son dernier pit-stop (7.4s.) et retrouve la piste sixième, devant Wurz.
40e: M. Schumacher apparaît chez Ferrari pour un deuxième pit-stop très court (6.6s.) qui lui permet de rester devant Coulthard. Barrichello est un leader provisoire. Troisième arrêt de Trulli.
41e: Schumacher compte une seconde et demie d'avance sur Coulthard. Irvine ravitaille et fait une excellente affaire puisqu'il repart lui aussi devant Wurz, exclu des points.
42e: Barrichello opère son dernier arrêt, un peu long à cause d'un écrou récalcitrant (10s.). Le Brésilien se réinsère en troisième position.
43e: M. Schumacher est premier devant Coulthard (1.8s.), Barrichello (12s.), Häkkinen (35s.), Villeneuve (55s.), Irvine (59s.), Wurz (1m. 05s.) et Verstappen (1m. 11s.).
45e: L'intervalle entre M. Schumacher et Coulthard fluctue entre une seconde et demie et deux secondes. L'Écossais est le plus rapide dans le premier et le troisième secteur, l'Allemand dans le deuxième. Jusqu'alors 13e, R. Schumacher renonce à cause d'un défaut d'arrivée d'huile.
46e: Coulthard fait le forcing pour menacer Schumacher et revient à seulement neuf dixièmes. Deuxième arrêt de Mazzacane.
47e: M. Schumacher devance Coulthard (0.8s.), Barrichello (12.5s.), Häkkinen (32s.), Villeneuve (53s.), Irvine (1m. 01s.), Wurz (1m. 15s.), Verstappen (1m. 18s.), Zonta (1m. 21s.) et Salo (1m. 26s.).
48e: Coulthard est dans les roues de Schumacher. Le moteur de Zonta surchauffait depuis de nombreux tours et finit par prendre feu. Le Brésilien se range dans un bac à graviers. Une grue intervient pour évacuer la BAR-Honda.
50e: La suspension arrière-droite d'Herbert se brise soudainement dans le bout droit menant au virage n°4. La roue se détache aussitôt et arrache l'aileron arrière de la Jaguar. Celle-ci part en toupie à 250 km/h, heurte le rail externe, traverse le bac à graviers et s'échoue dans les piles de vieux pneus. Herbert sort seul de son habitacle, mais il est bientôt placé sur une civière pour être examiné au centre médical du circuit. Par bonheur, il en sera quitte pour quelques contusions sans gravité.
51e: Schumacher et Coulthard sont roues dans roues. L'Écossais esquisse une attaque contre la Ferrari au premier tournant, mais il est trop loin pour plonger.
52e: M. Schumacher précède Coulthard (0.9s.), Barrichello (13.5s.), Häkkinen (31s.), Villeneuve (57s.) et Irvine (1m. 05s.).
54e: Schumacher et Coulthard prennent un tour à Salo. Six dixièmes les séparent. Le moteur de Mazzacane explose dans l'avant-dernière ligne droite. L'Argentine se range devant une allée de dégagement.
55e: Coulthard est dans le sillage de Schumacher, mais il ne pourra porter aucune attaque. Bloqué en 5e, Verstappen finit l'épreuve à faible allure et laissera passer Salo et Fisichella dans les derniers kilomètres.
56e et dernier tour: Michael Schumacher remporte sa neuvième victoire de la saison devant Coulthard et Barrichello. Ferrari garde ainsi la couronne des constructeurs. Häkkinen se classe quatrième. Villeneuve finit cinquième et échoue à donner la quatrième place du championnat des constructeurs à BAR. Irvine (6e) marque son premier point depuis Monaco. Viennent ensuite Salo, Fisichella, Verstappen, Alesi et Trulli.
Après la course: double couronne pour la Scuderia
Cette saison 2000 s'achève par une image heureuse: après s'être « tiré la bourre » pendant les derniers tours, Michael Schumacher et David Coulthard se donnent l'accolade au pied du podium. Les deux rivaux, qui n'ont pas cessé de se quereller cette année, font enfin un geste a priori sincère l'un envers l'autre. Après l'émotion, vient le burlesque. Miodrag Kotur, le responsable de la logistique de Ferrari, a déniché dans une friperie de Kuala Lumpur des centaines de perruques rouges. Il a aussitôt raflé le stock pour que tout le personnel s'en affuble dimanche en cas de succès. Mis au courant, Charlie Whiting a notifié à Jean Todt que la FIA n'apprécierait pas cet accoutrement... Le patron de la Scuderia n'en a cure. Sur le podium, après les hymnes et la douche au champagne, Michael Schumacher, Rubens Barrichello et Ross Brawn se coiffent de postiches écarlates, bientôt imités par tous les membres de l'écurie. Même le grand patron Luca di Montezemolo acceptera de porter cette fantaisie lors de la fête d'après-course !
Michael Schumacher ne pouvait imaginer plus belle fin d'année. Avec cette quatrième victoire consécutive, il égale le record du succès en une saison (9) qu'il codétient avec Nigel Mansell et donne à Ferrari un second titre consécutif des constructeurs. Bref, il a intégralement rempli la mission qu'il s'était donné en rejoignant Maranello cinq ans plus tôt: le Cheval Cabré trône au sommet de la F1. « Je tenais à ce double succès pour passer un hiver joyeux », indique le triple champion du monde. Jean Todt accepte pour sa part de s'épancher sur une année qui fut loin d'être semée de roses pour son écurie: « Une saison parfaite est celle où l'on gagne tous les Grands Prix. Mais ce n'est évidemment pas possible. Mais ce fut une très belle saison, c'est vrai. Un rêve devenu réalité. On a souffert, connu de gros moments de doute, d'angoisse. Avant Monza notamment, après l'échec du GP de Belgique. À cet instant-là, une nouvelle déconfiture aurait été catastrophique. En Italie, quand j'ai vu Barrichello éliminé dans le carambolage du premier tour, j'ai compris que tout reposait sur les épaules d'un seul homme, Schumacher. Puis nous nous sommes redressés, et nous en sommes à quatre victoires de rang. Notre force a été de réagir dans les moments difficiles. Le plus ardu pour un manager, c'est de maintenir la motivation, la sérénité, l'unité d'une écurie après une série de déboires. Mais maintenant, place à la fête ! » Et pour 2001 ? « La question est de savoir si on sera deux ou trois dixièmes devant, ou deux ou trois dixièmes derrière... En tout cas, je ne veux pas attendre vingt-et-un ans un nouveau titre ! »
McLaren aurait pu remporter ce Grand Prix de Malaisie, à défaut de décrocher un titre des constructeurs inatteignable. Hélas, les deux pilotes ont chacun commis une bourde: Mika Häkkinen en volant le départ, David Coulthard en ratissant le gazon alors qu'il avait, semble-t-il, la course en main. Un arrêt prématuré pour nettoyer ses flancs lui a coûté les lauriers. « Je ne pense pas avoir raté mon freinage, explique-t-il, mais j'ai ressenti des vibrations dans le train avant. J'ai largement mésestimé la sortie du virage. C'est ainsi, je n'aurais pas dû commettre cette erreur. La température d'eau s'est mise à grimper dans les cinq tours qui ont suivi ma sortie. Cela s'est stabilisé, mais le team a préféré m'arrêter pour nettoyer le ponton gauche. Ensuite, ma course a changé de physionomie. Schumacher m'est passé devant et je lui ai mis le plus de pression de possible, en pure perte. C'est frustrant, car sans cet incident, la bagarre aurait été intéressante. » Mika Häkkinen, toujours aussi peu loquace, a lui déjà la tête aux vacances. Pour conclure, Ron Dennis observe avec ironie la fiesta de Ferrari: « J'espère qu'ils vont s'amuser pendant trois mois. Comme ça, on sera devant eux en mars prochain ! » Beaux joueurs, Jürgen Hubbert et Norbert Haug, les huiles de Mercedes, sont partis boire le champagne avec... Michael Schumacher.
Benetton conserve finalement la quatrième place su championnat des constructeurs. Un résultat plutôt immérité vue sa seconde moitié de saison calamiteuse. Heureusement que Giancarlo Fisichella fut là en début d'année pour signer trois podiums, quoiqu'en dise Flavio Briatore, très sévère à l'égard du pilote romain. BAR-Honda finit avec le même nombre de points que Benetton (20) mais s'incline faute de podiums. Au moins le tandem Craig Pollock - Jacques Villeneuve se satisfait de devancer ainsi Jordan... Enfin, Prost-Peugeot n'a pas atteint son objectif de devancer Minardi via une huitième place. L'équipe française termine donc dernière du championnat des constructeurs et devra payer ses déplacements en 2001. Alain Prost préfère tirer un trait sur cette année cauchemardesque. De même que Jean Alesi, qui pour la première fois clôt une saison avec un zéro pointé bien indigne de son talent.
Enfin, Johnny Herbert achève sa carrière en F1 au centre médical du circuit, après un terrifiant accident dû à la rupture d'un élément de suspension, à l'arrière-droit. Le néo-retraité en ressort heureusement très vite, les différents examens n'ayant révélé aucune blessure. Aussi préfère-t-il ironiser sur cette mésaventure: « Je pense que c'était inévitable. J'ai commencé ma carrière en F1 en étant porté dans ma monoplace. Je termine en étant porté pour en sortir ! » Le petit blond est ensuite chaleureusement accueilli au stand Jaguar. Malgré cette sortie fracassante, il savoure ces derniers instants en tant que pilote de F1. « Je ne vais pas me mettre à pleurer maintenant, lâche-t-il. Je me suis préparé à cette issue depuis des mois. Je sais que ce sera dur en mars prochain, lorsque je regarderai le premier Grand Prix de la saison 2001, devant ma télé, les doigts de pieds en éventail ! Ce jour-là, c'est sûr, j'aurais mal ! »
Sources :
- Renaud de Laborderie, Le Livre d'or de la Formule 1 2000, Paris, Solar, 2000.
- Sport auto, décembre 2000
- Auto Hebdo, 25 octobre 2000
Tony