En 1999, la Commission européenne a lancé une procédure judiciaire contre la Fédération Internationale de l'Automobile pour violation des règles de la concurrence, notamment en ce qui concerne ses relations pour le moins litigieuses avec les différentes sociétés de Bernie Ecclestone. La dévolution à celui-ci des droits commerciaux de la Formule 1 est au cœur du conflit. L'enjeu est d'autant plus important en ce début 2000 car Bernie Ecclestone vient de vendre 50 % de la FOA au groupe allemand des télécommunications EMTV, un prélude à l'entrée en bourse de la Formule 1... dont l'UE ne veut pas entendre parler. Pour les légistes de Bruxelles, et notamment le commissaire à la Concurrence Mario Monti, la FIA de Max Mosley est depuis dix ans la complice du « racket » opéré par Ecclestone sur la Formule 1, mais aussi sur des pans entiers du sport automobile mondial...

 

Mais la meilleure défense est l'attaque. A Imola, Mosley lance une violente charge contre l'Union européenne et estime que puisque celle-ci juge la F1 hors-la-loi, cette discipline pourrait très bien s'expatrier hors du Vieux Continent. « Si nos statuts et règles sportives ne sont pas en accord avec le droit européen, ce que doit clarifier au plus vite la Commission, deux solutions existent. Soit nous changeons nos lois, ce que nous ne pouvons envisager pour ne satisfaire qu'une quinzaine des 119 pays composant la FIA. Soit nous considérons ces 15 pays comme un seul, l'Europe. Ce pays sera souverain, pourra donc faire ce qu'il veut, mais ne disposera que d'une seule autorité sportive nationale, avec tout ce que cela implique. Donc un seul Grand Prix au nom de la Communauté européenne ! Bon, ce ne sera peut-être pas aussi dramatique que cela. Des neufs courses européennes que compte notre calendrier, ôtons déjà Monaco et la Hongrie, qui ne sont pas membres de l'UE. Mais pour le reste, nous appliquerons une réduction drastique. Jusqu'à deux ou trois épreuves ! »

 

Mosley ne dissimule même pas qu'il s'agit d'un chantage: « Rien n'est encore fixé. Mais il est clair que les épreuves les plus menacées sont celles qui arrivent en fin de contrat. J'espère que nous n'arriverons pas à cette extrémité, mais si ces gens poursuivent dans l'irrationnel, nous n'hésiterons pas. » Ces menaces ne découlent pas uniquement des procédures engagées par la Commission devant la Cour de justice européenne. Elles visent aussi à contraindre les gouvernements nationaux à ne pas imposer la législation communautaire anti-tabac qui doit entrer en vigueur en 2006 et fera fuir les principaux bailleurs de fonds de la F1. Enfin, parmi les pays menacés, Mosley vise particulièrement le sien, la Grande-Bretagne: le contrat de Silverstone arrive à échéance l'année suivante, et ni lui ni Ecclestone ne souhaitent le renouveler sans avoir obtenu des organisateurs des concessions sonnantes et trébuchantes...

 

Afin d'étoffer ses menaces, le président de la FIA évoque les nouvelles régions que pourrait visiter la Formule 1 dans un proche avenir. En cette fin de siècle, celle-ci regarde résolument vers l'Orient, proche ou lointain. Le Grand Prix de Malaisie est inscrit au calendrier depuis 1999, mais Bernie Ecclestone souhaite toujours organiser une épreuve en Chine. La Corée du Sud, Singapour et l'Indonésie pourraient venir s'ajouter. Les pays du Golfe persique, comme Bahreïn et le Qatar, se tournent aussi vers la compétition automobile la plus prestigieuse du monde. Et puis, en cet an 2000, la Formule 1 revient aux Etats-Unis, à Indianapolis... « Chaque engagement que nous prendrons avec l'un de ces pays se fera au détriment définitif d'une épreuve européenne », renchérit Mosley. Celui-ci joue sur du velours: il sait qu'aucun État européen ne souhaite perdre son Grand Prix en raison des retombées financières, sans compter l'orgueil national... Ainsi, les gouvernements des pays menacés s'inquiètent soudain de la sévérité du commissaire Monti...

 

Sources :

- F1 contre Europe : c'est la guerre, Auto Hebdo, 12 avril 2000.

Tony