Rubens BARRICHELLO
 R.BARRICHELLO
Ferrari
Michael SCHUMACHER
 M.SCHUMACHER
Ferrari
Heinz-Harald FRENTZEN
 H.FRENTZEN
Jordan Mugen Honda

661o Grande Prémio

XXIX United States Grand Prix
Variável
Indianapolis
domingo, 24 de setembro de 2000
73 voltas x 4.192 km - 306.016 km
Affiche
F1
Coupe

Sabiam-no?

Piloto
Construtore
Motore

Prost - Ferrari: un remariage de raison

 

La Formule 1 à Indy

Près de dix ans après une dernière étape peu glorieuse à Phoenix, la Formule 1 retrouve enfin les Etats-Unis, et dans le cadre le plus prestigieux possible : celui de l'Indianapolis Motor Speedway, théâtre des légendaires 500 Miles. Ce grand retour aux « States » est le fruit de la volonté de Bernie Ecclestone de pénétrer cet immense marché audiovisuel, à l'heure où son sport, pour mieux dire son business, est diffusé aux quatre coins de la planète grâce à l'explosion de la télévision par satellite. Mais le président de la FOM souhaitait que ce retour soit pérenne, en un haut lieu du sport américain, afin de toucher immédiatement le cœur de ce public yankee qui jusqu'ici regarde la Formule 1 comme une aimable curiosité européenne, bien lisse, bien policée et parfaitement ennuyeuse. D'où le choix d'Indianapolis, le temple de la compétition sport automobile américaine, qui réintègre ainsi le championnat du monde, puisque les 500 Miles figuraient bel et bien au calendrier officiel entre 1950 et 1960.

 

L'ambition d'Ecclestone a rencontré celle de Tony George, le directeur de l'Indianapolis Motor Speedway, qui diversifie les activités de l'autodrome, naguère trop identifié aux seuls 500 Miles. Depuis 1994, la Nascar arpente ainsi le célèbre « brickyard », pour une épreuve déjà très populaire. Faire venir la Formule 1 était un cependant sacré défi que George a relevé, d'autant qu'il justifiait la construction d'une portion routière intérieure, puisqu'il était évident que les F1 ne pourraient emprunter la totalité de l'anneau de vitesse. En décembre 1998, un accord de sept ans a ainsi été conclu entre Bernie Ecclestone et Tony George, sous les auspices de la FIA et de l'USAC. La construction du circuit routier s'est étendue sur plus d'un an et demi: les travaux ne sont achevés que début septembre 2000, deux semaines avant le grand rendez-vous. Le coût de l'organisation est estimé à 50 ou 60 millions de dollars.

 

Les pilotes emprunteront le speedway à l'envers. La première ligne droite, longue de près d'un kilomètre, conduit à un virage à droite assez serré. L' « infield » est un ensemble de courbes assez techniques, conduisant à une seconde ligne droite de 650 mètres. Quelques virages serrés ramènent vers l'ovale, avec un impressionnant passage sur le « banking », incliné à 9°. Les moteurs pourront alors respirer avec vingt secondes de pleine charge. À noter que la première place sur la grille se situe à quelques mètres du « brickyard », la ligne de chronométrage, dernier vestige du revêtement originel. Ce circuit hybride représente un casse-tête pour les ingénieurs: faut-il sacrifier la vitesse de pointe dans les deux lignes droites et mettre beaucoup d'appui pour les courbes de l'infield ? Ou l'inverse ? « Le seul tracé qui a quelques parentés avec celui-ci est Hockenheim, à cause de la longue pleine charge, indique Heinz-Harald Frentzen. Mais le circuit est plus complexe ici et trouver les bons réglages aérodynamiques sera un sacré défi. » « Des simulations ont été faites, mais ce sera à nous de peaufiner les données fournies par les ordinateurs », ajoute Michael Schumacher.

 

À la conquête des States

Le retour de la F1 aux USA enthousiasme en tout cas les grands constructeurs qui ne comprenaient pas que la discipline reste à l'écart de l'immense marché américain. « Indianapolis représente une formidable opportunité pour la F1 de reconquérir les Etats-Unis, souligne Frank Williams. Nous avions besoin d'un nouveau départ outre-Atlantique, et on ne pouvait en souhaiter de meilleur. Je souhaite que l'on vive une grande course, et même qu'il pleuve ! Les Américains n'ont jamais vu personne courir sous la pluie ici. Ils pourraient ainsi comprendre pourquoi les pilotes de F1 sont les meilleurs du monde. » Mais la F1 part de très loin. Le public américain n'a d'yeux que pour les vedettes de la Nascar, les Dale Earnhardt, Bobby Labonte et autres Jeff Gordon. L'IndyCar vient en second en termes de popularité, et la Formule 1 très loin derrière. C'est pourquoi, Bernie Ecclestone et les organisateurs confient en quelque sorte la promotion du Grand Prix à Jacques Villeneuve, le seul pilote de la grille identifiable pour les Américains en raison de ses succès en CART et à Indianapolis en 1995. Ainsi, le mardi 19 septembre, le Québécois anime en compagnie de son ami David Coulthard un tournoi de golf de charité, au Crooked Stick Golf d'Indianapolis. Parmi les objets mis en vente, le casque porté par Villeneuve en 1997, année de son titre mondial, qui trouve preneur pour 40 000 dollars. « Je vous remercie pour votre accueil. Quant à mon parcours de golf, il a été pire que mes deux années chez BAR ! » lâche le Québécois, acide. Craig Pollock, présent à ses côtés, préfère en rire.

 

Au final, cette première édition enregistre une affluence très honorable de 220 000 spectateurs, mais est loin de rivaliser avec les 500 Miles (350 000 spectateurs). Les retombées économiques pour la ville d'Indianapolis, estimées à 170 millions de dollars, sont aussi satisfaisantes, notamment grâce au passage de milliers de touristes étrangers. Le point noir provient de la télévision. Les chaînes à péage, qui diffusent la course en direct, n'ont pas de bonnes audiences, tandis que leurs concurrentes gratuites se contentent d'une retransmission différée. Bernie Ecclestone fronce le sourcil. Tony George le rassure: la F1 aux States reste un sport confidentiel. Il faudra du temps pour que les Américains se familiarisent avec la Formule 1. Rendez-vous en 2001 pour un premier vrai bilan.

 

Présentation de l'épreuve

Ce Grand Prix des Etats-Unis pourrait être crucial pour l'attribution des deux titres mondiaux. À trois manches de la fin de la saison, la lutte est très serrée entre Mika Häkkinen (80 points) et Michael Schumacher (78 pts) chez les pilotes, McLaren-Mercedes (131 pts) et Ferrari (127 pts) chez les constructeurs. Entre les Rouges et les Flèches d'Argent, le combat s'annonce épique jusqu'à la fin de la saison, et les usines de Maranello et de Woking bouillonnent pour faire évoluer jusqu'au bout les bolides. Les champions ne sont bien sûr pas en reste. Revigoré par sa victoire à Monza, Michael Schumacher effectue des essais intenses au Mugello, avant de s'envoler pour l'Amérique avec Corinna. Les Schumacher s'offrent quelques jours d'escapade dans le Midwest. Le Baron Rouge est étonné: il peut déambuler dans les rues sans être reconnu par quiconque ! Ce qui doit être reposant.

 

Du côté de McLaren, Mika Häkkinen s'inquiète de ne pas jouir du statut de n°1 incontesté dont bénéficie Schumacher chez Ferrari. S'il sait que David Coulthard l'épaulera en cas d'impérieuse nécessité, ce dernier continuera de jouer sa propre carte tant qu'il ne sera pas officiellement exclu de la course au titre. Pourtant, Jürgen Hubbert critique cette politique au nom de Mercedes: « L'écurie doit tout miser sur Mika, et ce même si David est encore mathématiquement en course pour le titre. » Mais Ron Dennis s'empresse de rappeler à son partenaire que lui seul dirige l'écurie: « Rien n'a changé par rapport aux précédentes courses. Pour Coulthard comme pour Häkkinen, l'objectif est de signer la pole, puis la victoire. Bien sûr, si la situation devait évoluer et nous contraindre à adopter une tactique pour optimiser le résultat au championnat, nous le ferons. Nous en avons la liberté et le droit contractuel. Mais à ma connaissance, nous n'y avons eu recours que trois fois en dix ans. Il est possible que nous n'en ayons pas besoin ici. Il ne faut pas exclure l'hypothèse d'un accrochage entre Schumacher et Häkkinen. L'on verrait alors la victoire de Coulthard et son rétablissement au championnat. Bref, nous aviserons. En tout cas, nous ne cacherons rien à la presse. »

 

Neil Ressler, qui avait pris la direction de Jaguar Racing suite au retrait de Paul Stewart, cède les rênes à l'ancien pilote américain Bobby Rahal, vainqueur des 500 Miles d'Indianapolis en 1986 et triple champion d'IndyCar (1986, 1987, 1992). Jeune retraité, le natif de l'Ohio occupait depuis le début de l'année les fonctions de directeur exécutif intérimaire du championnat CART, tout en dirigeant sa propre écurie, le Team Rahal. Il sera chargé de la gestion de l'équipe au jour le jour tandis que Ressler, l'œil de Ford, garde la présidence de Jaguar Racing. Cet engagement surprend. Si Rahal a disputé deux Grands Prix en 1978, il connaît mal le milieu de la F1. En nommant cet ex-champion très populaire aux USA, Ford et Jaguar réussissent peut-être un « coup marketing » à la veille de l'épreuve d'Indianapolis. Mais Rahal saura-t-il donner un cap à une équipe qui navigue à vue depuis un an ? Ford et Jaguar mettent en tout cas le paquet pour séduire le public américain. Le 17 septembre, Eddie Irvine arpente Times Square au volant de sa R1. Cette exhibition new-yorkaise est un grand succès populaire et médiatique. Mais Irvine gâche la fête en oubliant, comme trop souvent, de tenir sa langue: « Vu l'état des choses, il faudra au moins sept ans à Jaguar pour devenir un top team ! » lâche-t-il devant la presse. Les pontes de Ford s'étranglent. Rahal doit déjà dire deux mots à l'impétueux Irlandais...

 

La signature de l'accord Prost - Ferrari est une douche froide pour Minardi qui espérait également acquérir un V10 client made in Maranello. Gabriele Rumi s'alarme: son équipe risque de se retrouver en 2001 sans motorisation, puisque Ford ne veut même plus lui refourguer les vieux V10 Cosworth. L'Italien presse Bernie Ecclestone de l'aider à obtenir le moteur Supertec. Problème: la structure française est elle-même en bien mauvaise posture. Persuadé que jamais Alain Prost ne s'accorderait avec Ferrari, Bruno Michel a laissé traîner en longueur les négociations avec le quadruple champion du monde. Désormais, Supertec n'a plus qu'un seul client potentiel pour 2001, Minardi, ce qui n'est pas viable. De toute façon, le retour officiel de Renault en F1 condamne à terme son satellite. Et le Losange ne fera pas une fleur à Minardi. « Que peut nous apporter pareille association en termes d'image ou d'intérêt sportif ? Rien, absolument rien ! » avoue crûment Jean-François Caubet, le « monsieur marketing » de Renault Sport.

 

Quoiqu'il en soit, Minardi changera de mains en 2001. Gabriele Rumi, malade, a vendu 68,8 % de ses parts à la chaîne de télévision câblée PSN (Pan American Sports Network), très populaire en Amérique du Sud, et dirigée par deux Français, Jacques Kremer et Olivier Brand. Voilà qui met fin aux spéculations, vieilles d'un an, d'une vente de Minardi à Telefónica. Reste à savoir ce que va devenir la scuderia de Faenza sous la conduite d'un network, certes spécialisé dans la télédiffusion sportive, mais qui n'a aucune expérience en sport automobile. On ignore aussi le sort de Giancarlo Minardi qui reste actionnaire minoritaire de son écurie. La popularité de PSN en Amérique latine devrait en tout cas garantir la prolongation de l'Argentin Gastón Mazzacane.

 

Un simple communiqué de presse annonce l'arrivée de Juan Pablo Montoya chez BMW-Williams en 2001. Il est vrai que ce secret de polichinelle était éventé depuis des mois. Le Colombien, championnat international de Formule 3000 en 1998, retrouvera donc l'Europe après s'être couvert de gloire aux Etats-Unis en remportant le championnat CART et les 500 Miles d'Indianapolis. « Notre intérêt pour lui remonte à 97, se souvient Frank Williams. Indéniablement, ce garçon a un don. Fin 98, alors qu'il était en passe de remporter la F3000, nous ne lui avons pas proposé de poste, car nous étions déjà en discussions avec Schumacher. Après deux saisons aux USA, nous sommes heureux de le retrouver. Dommage, toutefois, que nous devions laisser partir Jenson Button, un autre futur grand pilote. Mais nous nous étions déjà engagés avec Juan. » Et puis, si ce dernier devait copier le pauvre Alex Zanardi, brillant outre-Atlantique et complétement « perdu » en F1, Williams a gardé Button sous contrat...

 

Le paddock est encore sous le choc du drame qui s'est déroulé à Monza quinze jours plus tôt. Le commissaire de piste Paolo Gislimberti a été tué par une roue folle suite à un terrifiant carambolage à la seconde chicane. Très tôt, plusieurs protagonistes, et notamment Rubens Barrichello, ont pointé la responsabilité d'Heinz-Harald Frentzen qui aurait oublié de freiner, générant ainsi un effroyable chaos. Ces allégations sont graves car, avérées, elles pourraient valoir au pilote allemand des poursuites judiciaires. Mais Frentzen s'est vivement défendu: « J'avais pris un bon départ, je n'étais pas loin de la 6e place. J'étais dans l'aspiration de Barrichello à l'approche de la Curva Grande. Il m'a surpris en freinant beaucoup plus tôt que ce que j'imaginais. J'ai heurté sa roue arrière. J'ai réagi en braquant à droite, où se trouvait Trulli, que je n'ai pas pu éviter. Quand des voitures roulant à plus de 300 km/h s'engouffrent dans une chicane lente, ce genre d'accidents est parfois inévitable. » Son plaidoyer et l'examen des différents enregistrements vidéo ont convaincu les juges fédéraux qui ont décidé de le blanchir totalement. L'affaire est donc close.

 

Les équipes se familiarisent avec la tortueuse législation anti-tabac américaine. Celle-ci prévoit que les cigarettiers ne peuvent s'afficher que dans une seule discipline. Ainsi, Marlboro, déjà engagée en CART avec Penske, disparaît ici sur les Ferrari, tandis que McLaren et BAR pavoisent toujours aux couleurs de West et de Lucky Strike. Jordan doit aussi retirer les logos Benson & Hedges car son diffuseur américain Brown & Williamson patronne l'équipe de Barry Green, via la marque Kool.

 

Sur le plan technique, Ferrari utilise de nouveau le V10 049C en qualifications. La Scuderia arrive ici avec un nouveau diffuseur ainsi qu'un type d'aileron avant inédit qui ne sera pas utilisé. McLaren a renfoncé ses triangles de suspension pour éviter les ruptures qui ont affligé Coulthard à Monza. Partie avec une configuration type « Budapest », les Flèches d'Argent sont finalement gréées selon les réglages de Spa. Williams inaugure un aileron avant avec un profil légèrement en flèche, type Ferrari. Chez BAR, Zonta bénéficie enfin d'une direction assistée, jusqu'alors réservée à Villeneuve. La Prost AP03 est dotée de nouveaux porte-moyeux arrière. Enfin et surtout, Bridgestone impose une pression de pneus plus élevée qu'à l'accoutumée afin de résister au passage sur l'anneau.

 

Essais et qualifications

Vendredi, les pilotes se familiarisent avec ce tracé inconnu. Le meilleur temps de la journée revient à Coulthard (1'14''561''') qui a toutefois subi une panne électronique. Les deux pilotes McLaren doivent du reste faire retoucher leurs transmissions, les rapports ayant tendance à sauter. Herbert est le premier pilote à faire connaissance avec le mur de béton du banking, sans bobo pour lui. Samedi matin, la séance débute sur piste humidifiée suite à une averse nocturne, mais les pilotes peuvent rouler avec les pneus normaux. M. Schumacher (1'14''804''') se montre le plus rapide.

 

L'après-midi, quelques gouttes de pluie tombent au feu vert et provoquent une ruée en piste. Il s'agit finalement d'une fausse alerte: la séance se déroulera sur piste sèche. Les pilotes Ferrari et McLaren jouent l'aspiration sur le Speedway et ce sont les Rouges qui gagnent. M. Schumacher réalise sa 30ème pole position (1'14''266'''). Barrichello (4e) déplore un manque d'équilibre dans la portion intérieure. Ce n'est qu'en fin de séance que McLaren décide d'utiliser l'aspiration. Häkkinen, qui tenait le 2e temps, vient en aide à Coulthard... qui lui chipe sa place en première ligne pour 40 millièmes ! Le Finlandais partira donc seulement troisième. Très appuyées, les Jordan-Mugen font bonne figure. Trulli (5e) précède Frentzen (7e) qui a connu une excursion dans l'herbe. Button place sa Williams-BMW en sixième position et domine son aîné R. Schumacher (10e) qui ne trouve pas les bons réglages. Villeneuve (8e) est content de sa BAR-Honda, mais aurait fait mieux sans un tête-à-queue. Son équipier Zonta (12e) doit rajouter de l'appui.

 

Diniz se met en valeur en hissant sa Sauber-Petronas en neuvième position. Son collègue Salo (14e) est beaucoup moins content de son bolide. Les Benetton sous-virent terriblement. Wurz (11e) fait nettement mieux que Fisichella (15e) dont la piètre prestation lui vaut une violente algarade avec Flavio Briatore. Les deux Italiens montent dans les tours, au point que Reuters publiera la fausse information du renvoi immédiat de Fisico... Chez Arrows, Verstappen (13e) et de la Rosa (18e) tâtonnent volontiers dans leurs réglages. Heidfeld (16e) est relativement satisfait du comportement de sa Prost-Peugeot, à l'inverse d'Alesi (20e), frappé par une kyrielle de pépins et achevé en fin de séance par une panne de moteur, la seconde du week-end. Les Jaguar-Ford (Irvine 17e, Herbert 19e) sont trop appuyées et manquent de vitesse de pointe sur l'ovale. Malgré des temps encourageants aux essais, les Minardi sont comme de juste reléguées en dernière ligne, mais pour une fois Mazzacane (21e) précède Gené (22e).

 

Le Grand Prix

La pluie s'invite de nouveau dimanche matin et le warm-up se déroule sur le mouillé. Les McLaren reprennent l'ascendant, le meilleur chrono revenant à Coulthard. Discret, M. Schumacher peaufine son set-up. Comme les météorologues annoncent une nouvelle averse pour le Grand Prix, le réglage de l'appui aérodynamique, déjà problématique en raison de la nature du circuit, devient un véritable casse-tête.

 

L'après-midi, c'est dans la fraîcheur (12°C) et sous la pluie que commence le Grand Prix des Etats-Unis. Les organisateurs entourent l'événement de toute la pompe et le folklore dévolus à l'Indy 500: parade aérienne, hymne national religieusement écouté par les spectateurs, pom-pom girls etc. On remarque dans les tribunes une bruyante importante colonie de ferraristes: Michael Schumacher ne sera pas dépaysé. Les vedettes du championnat CART ont fait le déplacement pour encourager leurs collègues et amis de Formule 1, discipline que beaucoup ont jadis fréquentée. On remarque ainsi Emerson Fittipaldi, Mario Andretti, Eddie Cheever, Paul Tracy, Dario Franchitti, Tony Kanaan, Gil de Ferran, Roberto Moreno et Mark Blundell.

 

La pluie cesse une demi-heure avant le départ. Si l'ovale est sec, le premier virage et la portion routière sont encore mouillés. Les pilotes optent donc pour des réglages mixtes et des pneus intermédiaires. Seul Herbert s'élance avec les gommes rainurées pour le sec.

 

Départ: Coulthard anticipe l'extinction des feux et dépasse aussitôt M. Schumacher. Häkkinen tente de déboîter l'Allemand, mais celui-ci change deux fois de trajectoire et garde l'ascendant au premier tournant.

 

1er tour: L'infraction de Coulthard a été remarquée par les commissaires. Le bitume demeure humide dans la portion sinueuse. Coulthard devance M. Schumacher, Häkkinen, Barrichello, Trulli, Button, Villeneuve, R. Schumacher, Frentzen et Diniz. En pneus secs, Herbert effectue un tête-à-queue et repart.

 

2e: Trulli déborde Button par l'intérieur au premier virage. L'Anglais contre-attaque au bout de la ligne droite intérieure, mais il glisse, touche la Jordan à l'arrière et sort dans le gazon. Tous deux regagnent ensuite les stands.

 

3e: Coulthard compte une seconde et demie d'avance sur Schumacher. Victime d'une crevaison à l'arrière, Trulli s'empare de pneus pour le sec. Button rallie le stand Williams, remplace son museau et sélectionne, lui aussi des gommes rainurées.

 

4e: Coulthard mène devant M. Schumacher (0.7s.), Häkkinen (3.8s.), Barrichello (4.5s.), Villeneuve (9.4s.), Frentzen (10.2s.), R. Schumacher (11s.), Zonta (13s.), Diniz (14s.) et Verstappen (15s.). Alesi passe en pneus « secs ».

 

5e: Schumacher est revenu sur Coulthard et tente de le surprendre en empruntant des trajectoires originales. Heidfeld prend les pneus pour piste sèche.

 

6e: Schumacher prend l'aspiration de Coulthard sur l'anneau puis le déboîte par l'extérieur. Mais au freinage, l'Écossais est sur la bonne trajectoire et conserve l'avantage. Häkkinen en profite pour revenir sur ce duo. Barrichello entre aux stands pour mettre les gommes pour piste sèche, imité par Salo et Fisichella.

 

7e: Schumacher profite à nouveau de l'aspiration sur l'anneau pour déborder Coulthard par l'extérieur après la ligne. Il serre ensuite un peu son adversaire, qui résiste au freinage au point d'escalader le trottoir, mais l'Allemand prend l'ascendant au forceps. Coulthard laisse ensuite filer Häkkinen pour que celui-ci garde le contact avec Schumacher. Mais le Finlandais rejoint les stands dans la foulée pour changer d'enveloppes, sans remettre de carburant. R. Schumacher, Zonta, Verstappen, Irvine et Wurz passent aussi aux stands.

 

8e: Coulthard reçoit un « stop-and-go » de 10 secondes pour départ anticipé. Il regagne les stands pour subir cette punition et doit du même coup parcourir un tour supplémentaire avec ses pneus sculptés. Sa course est ainsi ruinée. Même infraction et même sanction pour Fisichella qui repasse aux stands immédiatement. Villeneuve, de la Rosa et Gené prennent les pneus « secs ». Hormis Coulthard, seuls M. Schumacher, Frentzen, Diniz et Mazzacane restent en pneus « pluie ».

 

9e: M. Schumacher mène devant Frentzen (13s), Diniz (18.5s.), Mazzacane (33.6s.), Häkkinen (36.5s.), Villeneuve (42s.), Barrichello (43s.) et R. Schumacher (44s.). Coulthard change de gommes et dégringole en 16ème position.

 

11e: M. Schumacher poursuit sa route avec des pneus sculptés usés, presque transformés en slicks. Il tourne ainsi une seconde au tour plus vite que Häkkinen. R. Schumacher chipe la septième place à Barrichello.

 

12e: Quelques gouttes de pluie tombent sur l'infield. Seize secondes séparent Schumacher et Frentzen. À 40 secondes du leader, Häkkinen perd beaucoup de temps derrière la modeste Minardi de Mazzacane. R. Schumacher déborde Villeneuve. Diniz passe en pneus rainurés. Trulli subit un nouveau changement de pneus interminable suite à une mésentente avec son stand.

 

13e: Häkkinen s'agace de la résistance de Mazzacane, vaillant troisième. En difficulté avec ses pneus, Barrichello cède devant Verstappen. Trulli s'immobilise car sa suspension a été touchée lors du choc contre Button.

 

14e: Frentzen passe chez Jordan pour mettre les pneus « secs » (7.4s.) et repart quatrième derrière R. Schumacher. Mazzacane change aussi d'enveloppes et ressort 16e, derrière Alesi.

 

15e: M. Schumacher compte 40 secondes d'avance sur Häkkinen et R. Schumacher qui est le plus rapide en piste (1'20''802'''). Button attaque Barrichello sur l'ovale, mais son moteur se tait soudainement. Le jeune Anglais se gare sur le bas-côté.

 

16e: M. Schumacher stoppe chez Ferrari, s'empare de pneus rainurés (7s.), remet de l'essence (contrairement à Häkkinen) et reste au commandement. Seul pilote parti en pneus pour le sec, Herbert déborde Barrichello au premier tournant.

 

17e: Verstappen prend la cinquième place à Diniz et Herbert chipe la septième position à Villeneuve.

 

18e: Pressé par Herbert, Diniz tire droit dans l'herbe au virage n°8 et perd deux places. M. Schumacher précède Häkkinen (9s.), R. Schumacher (11s.), Frentzen (20s.), Verstappen (25s.), Herbert (28s.), Villeneuve (30s.), Diniz (31s.), Barrichello (32s.), de la Rosa (32.8s.) et Irvine (33.5s.). Coulthard est 14e.

 

19e: Barrichello dépasse Diniz au virage n°1. Irvine double de la Rosa. Jusqu'alors 16e, Salo glisse au virage n°4, part en tête-à-queue et s'enlise dans les graviers. Le Finlandais s'arrête là.

 

20e: Plus léger en essence et bénéficiant de pneus chauds, Häkkinen est nettement plus rapide que M. Schumacher. Sept secondes les séparent. R. Schumacher garde le contact avec le Finlandais.

 

21e: M. Schumacher a enfin ses gommes à température et roule désormais plus vite que Häkkinen. Herbert menace Verstappen pour la cinquième place. Derrière ce duo, Villeneuve est dans le viseur de Barrichello.

 

22e: Häkkinen réplique à Schumacher grâce à un temps-canon (1'16''496'''). Il revient à six secondes du pilote Ferrari.

 

23e: Häkkinen reprend huit dixièmes à M. Schumacher dans ce tour. R. Schumacher est désormais semé.

 

24e: M. Schumacher mène devant Häkkinen (5s.), R. Schumacher (11s.), Frentzen (25.6s.), Verstappen (29.2s.), Herbert (29.6s.), Villeneuve (33.5s.), Barrichello (34s.), Diniz (39s.) et de la Rosa (40s.). Coulthard est remonté en 12e position.

 

26e: Alors qu'il était toujours plus rapide que Schumacher, Häkkinen voit son moteur exploser en fin de parcours. Le champion du monde se gare à l'entrée de la voie des stands. Voilà peut-être le tournant de cette saison 2000.

 

27e: Häkkinen rejoint son garage à pied tandis que les commissaires éteignent l'incendie sur sa McLaren. Herbert entre aux stands pour ravitailler et roule sur un nid-de-poule qui endommage son aileron. L'Anglais doit ainsi changer de calandre et dégringole en 17e position.

 

29e: M. Schumacher précède R. Schumacher (12.5s.), Frentzen (30s.), Verstappen (32s.), Villeneuve (35.5s.), Barrichello (37s.), Diniz (43s.), de la Rosa (44s.), Coulthard (45s.), Irvine (48s.), Zonta (52s.) et Gené (55s.).

 

31e: Treize secondes séparent les frères Schumacher. Coulthard bute sur de la Rosa dont l'Arrows bénéficie d'une excellente vitesse de pointe. Le Catalan menace du reste Diniz pour la septième place.

 

33e: M. Schumacher devance R. Schumacher (14.5s.), Frentzen (32.4s.), Verstappen (34s.), Villeneuve (35.5s.), Barrichello (37s.), Diniz (44s.), de la Rosa (44.5s.), Coulthard (45s.) et Irvine (49s.).

 

35e: Bon dernier, Fisichella s'offre un tête-à-queue au virage n°7. Au même instant, Verstappen perd l'usage de ses freins au virage n°8 et échoue à faible allure dans le muret de pneus.

 

36e: Schumacher compte quinze secondes d'avance sur son frère. Diniz, de la Rosa et Coulthard se battent pour la sixième place. Deuxième pit-stop pour Wurz.

 

37e: Coulthard assaille de la Rosa par l'intérieur du premier tournant, en vain. Mais l'Écossais profite ensuite d'un écart de l'Espagnol sur la partie humide pour le déborder au virage n°4.

 

38e: R. Schumacher bloque ses roues avant au virage n°8 et passe par l'herbe pour revenir sur le bitume. Il concède désormais 18 secondes à son aîné. Villeneuve a rejoint Frentzen. Coulthard tente de déborder Diniz par l'extérieur du tournant n°1, sans succès.

 

39e: Coulthard, blotti derrière Diniz, déboîte la Sauber à la corde du premier virage et conquiert la sixième place.

 

40e: R. Schumacher stoppe chez Williams pour remettre de l'essence et des pneus neufs (11.3s.). Il repart derrière de la Rosa, mais celui-ci ravitaille aussi dans la foulée. Coincé entre Frentzen et Barrichello, Villeneuve touche une bordure et s'offre un tête-à-queue en première, au virage n°9. Le Québécois repart aussitôt mais a perdu une position. Coulthard réalise le meilleur tour de la course (1'14''711''').

 

41e: Coulthard effectue son ravitaillement (9.5s.) et ressort derrière les Prost, à un tour de M. Schumacher. Irvine passe aussi aux stands.

 

42e: M. Schumacher précède Frentzen (38.4s.), Barrichello (42s.), Villeneuve (45s.), Diniz (52s.), Zonta (1m.), Gené (1m. 07s.) et Heidfeld (1m. 10s.). R. Schumacher rencontre un problème de rappel pneumatique et repasse aux stands pour remettre de l'air comprimé. Il tombe en 14e position.

 

43e: Mazzacane passe par la pelouse au virage n°8. Second arrêt pour Heidfeld.

 

45e: Gené arrive chez Minardi pour ravitailler, mais il freine trop tard, manque son emplacement et heurte un de ses mécaniciens. Le Catalan est ensuite repoussé vers son stand pour recevoir du carburant et des pneus frais, mais perd 30 secondes dans cette mésaventure. Quant au mécanicien renversé, il en est quitte pour un hématome à un genou.

 

46e: Barrichello a rejoint Frentzen et le menace sans l'attaquer. De la Rosa s'immobilise le long du muret des stands car sa boîte est bloquée au 5e rapport.

 

47e: Schumacher compte 43 secondes d'avance sur Frentzen et Barrichello. Alesi opère un ravitaillement. Après un après-midi calamiteux, Fisichella jette l'éponge suite à une panne de moteur. Il était 17e et dernier.

 

49e: M. Schumacher apparaît chez Ferrari pour refaire le plein et chausser des pneus neufs (7.7s.). Il reste aux commandes de l'épreuve. Villeneuve rejoint Frentzen et Barrichello. Zonta subit son ravitaillement et repart en 7e position, entre Coulthard et Irvine.

 

50e: Frentzen se plie à son ravitaillement (7.3s.). Comme son équipier Gené, Mazzacane manque son arrêt au stand Minardi et bouscule deux mécaniciens. Là aussi, plus de peur que de mal. L'Argentin devient lanterne rouge.

 

51e: Coulthard prend la sixième place à Diniz. Villeneuve rejoint les stands en fin de tour pour ravitailler (8.4s.) et reprend la piste derrière Frentzen.

 

52e: M. Schumacher mène devant Barrichello (14s.), Frentzen (44s.), Villeneuve (46s.), Coulthard (57s.), Diniz (1m.), Zonta (1m. 05s.) et Irvine (1m. 17s.).

 

53e: Barrichello effectue un pit-stop (7.4s.) et redémarre en deuxième position. Ferrari a le doublé en poche. R. Schumacher repasse chez Williams pour aérer ses soupapes.

 

55e: Villeneuve lorgne sur la troisième place détenue par Frentzen. Diniz, sixième, rencontre des problèmes de freins et devient une proie pour Zonta.

 

56e: M. Schumacher précède Barrichello (40s.), Frentzen (45s.), Villeneuve (46s.), Coulthard (58s.), Diniz (1m. 01s.), Zonta (1m. 05s.), Irvine (1m. 19s.), Alesi (-1t.) et Heidfeld (-1t.).

 

58e: Diniz passe chez Sauber pour un ravitaillement trop tardif. Il chute ainsi au 10e rang et cède le dernier point à Zonta.

 

59e: Trente-huit secondes séparent les deux Ferrari. Villeneuve est sur les talons de Frentzen. R. Schumacher renonce, le rappel pneumatique de soupape étant définitivement hors d'usage sur son V10 BMW.

 

60e: Barrichello reprend plusieurs secondes à Schumacher qui conduit à sa main. Mazzacane se gare dans la pelouse, moteur muet.

 

62e: Villeneuve met la pression sur Frentzen, mais celui-ci garde l'avantage sur le speedway grâce au moindre appui de sa Jordan.

 

64e: M. Schumacher devance Barrichello (33s.), Frentzen (40s.), Villeneuve (40.5s.), Coulthard (50.5s.) et Zonta (1m. 06s.).

 

65e: Villeneuve prend l'aspiration de Frentzen sur l'ovale. Malgré l'excellente vitesse de pointe de la Jordan, le Québécois déboîte par l'intérieur, retarde son freinage... et tire tout droit dans la pelouse. Il retrouve le bitume, mais vient de perdre le podium.

 

66e: Le moteur d'Alesi explose dans la ligne droite de l'infield. L'huile se répand sur ses pneus arrière, et l'Avignonnais s'évanouit en tête-à-queue au tournant. Son équipier Heidfeld l'évite de peu. Voilà trois V10 Peugeot cassés en trois jours...

 

68e: Schumacher tourne tranquillement en 1'17'' contre 1'15'' pour Barrichello qui revient ainsi à 25 secondes. Villeneuve reste au contact de Frentzen. Une grue évacue la Prost d'Alesi.

 

69e: M. Schumacher escalade un vibreur encore humide au virage n°9 et part en toupie. L'Allemand reste toutefois sur la piste, se redresse avec sang froid et reprend sa route, en ayant laissé dix secondes dans cette mésaventure.

 

70e: M. Schumacher devance Barrichello (15s.), Frentzen (22s.), Villeneuve (23s.), Coulthard (30.5s.) et Zonta (51s.).

 

72e: Une douzaine de secondes séparent les Ferrari. Villeneuve mettra jusqu'au bout la pression sur Frentzen.

 

73e et dernier tour: Michael Schumacher remporte ce Grand Prix des USA devant son équipier Barrichello. Frentzen (3e) grimpe sur son premier podium depuis six mois. Villeneuve récolte la quatrième place. Coulthard (5e) se contente de deux points. Zonta termine sixième pour la troisième fois cette année. Viennent ensuite Irvine, Diniz, Heidfeld, Wurz, Herbert et Gené.

 

Après la course: le tournant de la saison 2000

Les mécaniciens de la Ferrari entonnent à pleins poumons le Fratelli d'Italia pendant que Michael Schumacher rayonne sur la plus haute marche du podium. Le Baron Rouge et la Scuderia viennent de frapper un grand coup, peut-être décisif, dans leur quête des deux titres mondiaux. L'abandon de Mika Häkkinen permet en effet à Schumacher de prendre la tête du classement des pilotes avec une belle marge de huit points sur son adversaire (88 contre 80). Le pilote allemand pourra ainsi décrocher le titre mondial dès le prochain rendez-vous à Suzuka et ramener enfin à Maranello cette couronne attendue depuis vingt-et-un ans... Chez les constructeurs, Ferrari prend aussi un net ascendant sur McLaren-Mercedes (143 points contre 133).

 

Habitué aux victoires dans des conditions météorologiques changeantes, Michael Schumacher a cette fois eu la chance d'être débarrassé de son principal rival Mika Häkkinen dont le parti stratégique (ne pas remettre de carburant en chaussant les pneus pour le sec) aurait pu s'avérer payant. Mais en narrant son après-midi, Schumacher préfère s'attarder sur le comportement de son meilleur ennemi, David Coulthard: « Au départ, Coulthard me ralentissait pour laisser Häkkinen revenir, mais c'était de bonne guerre. Par contre, sur le dépassement, sa manœuvre a été, à mon sens, limite. Surtout de la part d'un pilote qui n'est pas en lice pour le titre. Nous nous sommes touchés. La piste a mis du temps à sécher, il fallait donc repousser l'arrêt le plus tard possible, tout en devant composer avec des portions de bitume entièrement sèches. Ce qui pouvait faire buller les pneus. Barrichello a changé tôt et ne faisait pas de bons chronos. Alors j'ai pris mon temps en sauvegardant les pneus. Je pense que ce fut la clef de notre succès. Même si Häkkinen n'avait pas abandonné, je l'aurais contenu. J'étais suffisamment rapide en ligne droite pour parer toute attaque. » Schumacher a aussi eu de la réussite en fin de tour, lorsqu'une faute d'inattention inhabituelle l'a expédié en tête-à-queue. « J'ai roulé sur l'herbe et je suis parti... À ce moment-là, je me baladais, l'équipe me disait d'aller doucement. Je me suis déconcentré, mais heureusement, cela n'a pas eu de conséquences. Cela m'a permis de retrouver aussitôt ma concentration. »

 

Avec ce 42e succès, Michael Schumacher dépasse Ayrton Senna au palmarès et accomplit un grand pas vers ce troisième titre qu'il guette depuis cinq ans. Bien sûr, il ne crie pas encore victoire : « Ma fin de saison est facilitée, c'est certain. Ces huit points de marge m'autorisent à finir deux fois deuxième pour devenir champion du monde. Mais je vais me battre pour gagner, notamment au Japon. Un abandon n'est jamais à exclure, on l'a vu ici avec Mika. » Rubens Barrichello assure de son côté un joli doublé pour Ferrari qui s'empare ainsi des commandes du championnat des constructeurs. Le Brésilien n'a cependant pas eu une course facile puisqu'il a servi d'éclaireur avec les pneus « secs », sans réussite. « Je survirais beaucoup avec les pneus pluie, commente-t-il, et je les ai donc troqués contre ceux pour le sec, mais un peu trop tôt. Après, j'ai cependant pu attaquer et cela a fait la différence avec Frentzen lorsque celui-ci a ravitaillé. »

 

Après ce triomphe américain, Jean Todt est heureux, mais est encore loin de céder à l'optimisme... « Comme toujours, il faut garder les pieds sur terre, mais se retrouver en cette position après quinze courses montre que notre voiture ne manque ni de vitesse ni de fiabilité », professe le petit Français. « Ce beau doublé ne doit pas toutefois nous faire oublier qu'il est plus facile de perdre des points que d'en gagner. Ce n'est pas une délivrance, car il reste deux courses. Celle-ci nous donne un petit avantage. Savourons-la jusqu'à demain matin, puis repartons au travail ! Souvenez-vous, au début de l'été, Schumacher avait 24 points d'avance sur ses rivaux. Tout s'est effondré en quatre manches. Depuis, on a repris l'avantage, mais tout peut arriver. Attendons. »

 

Chez McLaren-Mercedes, on fait bien sûr grise mine. Tout est allé de mal en pris pour David Coulthard, torpillé par son départ anticipé, et Mika Häkkinen a été stoppé par une panne de moteur alors qu'il remontait à grandes enjambées sur Schumacher. Un coup du sort d'autant plus cruel que le dernier abandon du Finlandais remontait à six mois... « J'ignore la cause de la casse, soupire-t-il. Les mécaniciens ont soulevé le capot et m'ont dit que c'était grave. Dommage, décevant, car j'étais sûr de mon coup. Je gagnais facilement sur Michael dans chaque portion du circuit, au moins une demi-seconde par tour. La victoire était à ma portée. Je ne sais pas quoi dire d'autre. Oui, il reste deux courses et rien n'est joué, mais la situation se complexifie pour moi. » Ron Dennis encaisse le coup, mais n'est pas abattu: « Notre combat pour les titres mondiaux ne s'arrête pas ce soir. Évidemment, ce résultat n'est pas à proprement parler une satisfaction, mais les deux épreuves qui restent nous proposent suffisamment de points pour triompher. Ce n'est pas fini ! » On croirait entendre Jean Todt. Cette course ratée clarifie au moins la situation chez McLaren, puisqu'avec 25 points de retard sur Schumacher, Coulthard n'est plus en lice pour le titre.

 

Enfin, Heinz-Harald Frentzen offre à Jordan un podium fort précieux qui permet à l'écurie irlandaise de conserver la cinquième place du championnat constructeurs, ex-æquo avec Ses « ennemis » de BAR-Honda. Depuis qu'Eddie Jordan a obtenu à son tour le V10 Honda pour la saison 2001, les deux équipes se livrent un farouche combat de prestige. Frentzen s'est donc vaillamment battu. « Ce fut l'une des courses les plus difficiles de ma carrière, admet-il. Mais j'avais la longue ligne droite pour cogiter. J'ai pensé au team, à notre place au classement des constructeurs. J'ai attaqué comme un damné pour résister à Barrichello, puis Villeneuve. Ayant pris la décision de réduire les appuis avant le départ, j'étais très rapide en ligne droite, mais très instable dans l'infield. À la fin, Jacques ne m'a laissé aucun répit, ce fut vraiment du corps à corps. Il a tenté le coup finalement au premier virage, mais a été trop optimiste. Il est passé dans l'herbe, j'ai cru pouvoir souffler un peu... Mais il est revenu comme une balle, J'ai dû me battre jusqu'au bout ! » Comme se battront jusqu'au bout MM. Jordan et Pollock, sous le regard amusé des Japonais de Honda.

 

Sources :

- Renaud de Laborderie, Le Livre d'or de la Formule 1 2000, Paris, Solar, 2000.

- Sport Auto, novembre 2000

- Auto Hebdo, 27 septembre 2000

Tony