David Coulthard frôle la mort
Renault: Briatore fait son marché chez Jordan
Le 28 avril, la presse britannique annonce que Mike Gascoyne, directeur technique de Jordan, rejoindra Benetton à compter de juillet 2001, et ce pour une durée de cinq ans. Voilà le premier « gros coup » réalisé par Flavio Briatore en vue de la transformation du team d'Enstone en équipe officielle Renault. Âgé de 37 ans, Gascoyne est l'un des ingénieurs les mieux cotés en Formule 1, notamment depuis les succès de la Jordan-Mugen-Honda 199 de la saison précédente. « On m'a demandé de construire la meilleure équipe possible pour gagner le championnat du monde. Le recrutement de Mike traduit cette volonté », commente Briatore. Ce dernier n'a pas lésiné sur le chéquier pour parvenir à ses fins. On parle d'un salaire de 2 millions de dollars annuels, soit à peu près ce que touche un pilote de milieu de grille... Toutefois, en débauchant Gascoyne, Briatore bouscule aussi le staff d'Enstone dirigé par Pat Symonds. Certains craignent d'être mis à la porte. Briatore s'emploie à rassurer tout ce petit monde.
A 30 miles de là, à Silverstone, l'émoi est tout aussi grand chez Jordan GP. Le départ à moyen terme de Mike Gascoyne pourrait paralyser le département technique. Eddie Jordan assure ses ingénieurs que leur ex-futur patron n'aura pas accès aux plans de la voiture de 2001, mais personne n'y croit: il y a bien longtemps que ceux-ci sont esquissés ! En tout cas, le projet EJ11 passe aux mains des aérodynamiciens Tim Holloway et John Iley, les bras droits de Gascoyne. Devant la presse, Jordan soutient que « nul n'est irremplaçable » mais il doit calmer l'inquiétude de son partenaire Hirotoshi Honda qui ne comprend pas comment il a pu laisser partir son ingénieur vedette à la concurrence. Le patron de Mugen serait d'autant plus agacé s'il savait que Jordan a rencontré Corrado Provera pour tenter de le convaincre (en vain) de l'opportunité d'un remariage avec Peugeot...
Flavio Briatore n'a pas fini de faire son marché chez les Jaunes. Il leur chipe en outre et d'ores et déjà leur second pilote, son protégé Jarno Trulli ! Ce dernier n'est en effet que « prêté » à Jordan pour les saisons 2000 et 2001 et il rejoindra en 2002 la nouvelle écurie Renault dirigée par son mentor. Briatore compte pour le moment associer Trulli à Jacques Villeneuve qu'il espère arracher à BAR-Honda.
Présentation de l'épreuve
Mika Häkkinen remâche son piètre début de saison. Affligé de soucis mécaniques lors des deux premières manches à Melbourne et Interlagos, le double champion en titre s'est incliné à Imola devant Michael Schumacher, puis face à son propre équipier David Coulthard à Silverstone. Il est d'autant plus désabusé qu'il n'a jusqu'ici connu aucun week-end « propre », sans avarie ni défaut de réglages. En un mot, Häkkinen n'est pas content de sa MP4/15. Il craint en outre d'affronter une guerre intestine face à Coulthard qui le devance au championnat (14 points à 12). Cependant, il ne peut exiger un statut de premier pilote. « Le moment est venu de s'asseoir autour d'une table et d'évoquer des différents scenarii de course possibles, parce que je n'ai pas un seul adversaire, mais deux: Schumacher et Coulthard, mon équipier », clame le Finlandais. « Je ne peux pas être satisfait de la façon dont les choses se sont passées à Silverstone. A cause de la pression psychologique, ces deux dernières semaines furent un enfer que je ne veux pas revivre. » Ron Dennis, Mansour Ojjeh et Norbert Haug se relaient pour le rasséréner. Visiblement, Häkkinen traverse une nouvelle crise de confiance.
De l'autre côté du stand McLaren-Mercedes, David Coulthard se mure dans la discrétion après le drame qu'il vient de vivre. Il se borne à lire un communiqué dans lequel il déclare qu'il n'évoquera plus l'accident de Lyon - Satolas. Le pilote écossais ajoute ne pas avoir songé un seul instant à déclarer forfait. Le professeur Sid Watkins l'autorise à prendre le volant bien qu'il souffre de deux côtes fêlées. Mais Coulthard minimise ses blessures et veut ignorer la douleur. « Les petites contusions liées à l'accident ne m'ont posé aucun problème », confie-t-il vendredi soir, après les essais libres. « Je me sens bien. Nous avons travaillé sur quelques réglages différents et tout s'est bien passé. »
De longs essais ont eu lieu sur ce circuit de Barcelone avant le Grand Prix d'Espagne. Les Williams-BMW s'y sont distinguées et Ralf Schumacher a réalisé le second meilleur temps derrière son frère Michael. Il devient ainsi candidat au podium voire - pourquoi pas ?- à la victoire. Frank Williams se laisse aller à l'optimisme: « Ralf est aussi rapide en course que Michael. Sous peu, nous menacerons McLaren et Ferrari. » La presse profite de la grande forme de « Monsieur Frère » pour broder autour d'une prétendue rivalité fratricide. Willi Weber, l'agent des deux Schumacher, se prête au jeu: « Michael est relativement patient tandis que Ralf veut tout, tout de suite. Ils ont des intérêts d'image partagés et ne sont pas des adversaires comme les autres. » Gerhard Berger en rajoute une louche: « Ralf est frais, ouvert et jovial. Michael est fermé et plus compliqué... » Les intéressés ne se préoccupent guère de ce brouhaha. Ce week-end, Ralf vient fréquemment s'entretenir avec son aîné sous l'auvent Ferrari.
Lors des essais privés en Catalogne, les pilotes ont pu tester pas moins de cinq nouveaux composés et dix nouvelles structures proposés par Bridgestone. L'activisme des Japonais n'est pas innocent: il s'agit de convaincre le plus de teams possibles de rester dans leur giron, à l'heure où Michelin a déjà passé contrat avec Williams, Jaguar et Toyota pour 2001 et 2002. Bridgestone a en tout cas signé un accord pluriannuel avec Jordan qui estime ce partenariat « absolument central » dans sa stratégie de développement.
L'ombre du retrait de Peugeot plane de plus en plus sur l'entité Prost Grand Prix. Corrado Provera, représentant du lion sochalien, ne s'en cache même plus et confie à la presse que l'annonce de ce départ aura lieu « de préférence à Vélizy, au siège de Peugeot Sport ». Au moins, Alain Prost sait à quoi s'en tenir... et bat la campagne pour dénicher un nouveau moteur. Il discute avec Mercedes (via son ami Mansour Ojjeh), avec Mugen-Honda et même avec Renault ! Sur la piste, les AP03 sont toujours aussi pitoyables. Vincent Gaillardot a beau avancer que les récents essais à Barcelone ont permis de mettre le doigt sur de nombreux problèmes, les langues commencent à se délier. Notamment celle de Jean Alesi qui explose contre Peugeot: « Il est temps que notre partenaire nous offre un moteur potable, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ! » tonne-t-il dimanche au micro de TF1.
Pour la première fois depuis l'annonce du lancement du projet Toyota F1, en janvier 1999, ses responsables s'aventurent sur un Grand Prix. L'ancien rallyman suédois Ove Andersson, président de Toyota Motorsport, apparaît en compagnie Shinichi Kato, vice-président de la firme japonaise. Bernie Ecclestone s'entretient avec les deux hommes et s'informe de l'état d'avancement du projet élaboré à Cologne et sur lequel fort peu d'informations ont filtré jusqu'ici. Andersson quitte ensuite Barcelone pour Tokyo afin de définir précisément avec Hiroshi Okuda, P-DG de Toyota, les moyens à débourser pour une première saison programmée en 2002.
Curiosité chez Jaguar: l'énorme félin qui surmontait le motorhome du team britannique a été démonté et laissé en Angleterre. Peut-être a-t-il été jugé trop orgueilleux... Toujours est-il que Paul Stewart a remis sa démission pour combattre son cancer. Neil Ressler, vice-président de Ford en charge du R&D et superviseur de l'écurie, prend seul la direction exécutive de Jaguar Racing. Avec déjà une lourde pression sur les épaules. Après Silverstone, Wolfgang Reitzle, l'homme-lige du Groupe Ford, a dénoncé devant la presse le bilan désastreux de Jaguar Racing après quatre courses (aucun point inscrit). Le directeur technique Gary Anderson admet que la nouvelle voiture est un échec: « Selon les pilotes, elle est très nerveuse en entrée de virage, ce qui nous contraint à revoir tout l'aérodynamisme et à passer des heures en soufflerie... » Par ailleurs, Reitzle et Ressler tournent définitivement la page Stewart GP puisque Jackie Stewart se consacrera désormais exclusivement aux relations avec les sponsors, et est prié de ne pas se mêler de ce qui ne le regarde plus...
La FIA apporte ici quelques précisions à sa directive visant à proscrire toute aide électronique au pilotage illicite. Aucun détail n'est laissé au hasard. Ainsi le feu clignotant obligatoire en cas de pluie, qui peut aussi servir à détecter l'usage d'un antipatinage, passe d'un à deux éclats par seconde... Mais les spécialistes de la question estiment qu'encore une fois les autorités sont en retard d'une guerre. Adrian Newey pense que les électroniciens malins ont encore une marge pour contourner le règlement: « Il est encore facile de tricher sans se faire prendre. Il faudrait intervenir beaucoup plus en profondeur. L'électronique et l'informatique avancent à une telle vitesse que l'on peut accomplir aujourd'hui des choses inimaginables il y a six mois. Vouloir empêcher les ingénieurs de tricher ou limiter leur imagination revient à vouloir enfermer le génie d'Aladin dans sa lampe ! »
La Ferrari n'a pas subi de modifications depuis Silverstone, mais Schumacher et Barrichello ont le choix entre deux types d'ailerons avant et trois types d'ailerons arrière. McLaren reprend ses nouveautés aérodynamiques apparues à Silverstone. Jordan s'attache à fiabiliser sa boîte de vitesses, notamment en rajoutant un second capteur sur le barillet de la commande séquentielle. La Jaguar R1 est dotée d'un nouvel aileron avant avec un profil rectangulaire. Quelques modifications aérodynamiques apparaissent sur la Prost-Peugeot. Pour améliorer la fiabilité de sa boîte, l'équipe française installe sur le volant d'Alesi des capteurs pour mesurer le jeu des manettes de sélection. La Benetton reçoit un aileron avant muni d'un volet supplémentaire qui ressemble beaucoup à celui utilisé par McLaren à Monaco en 1999. La Sauber C19 est dotée d'un nouveau profil d'extracteur. Enfin, Minardi inaugure sa nouvelle boîte de vitesses en titane, longuement testée en essais privés, mais seul Mazzacane en bénéficie ce week-end.
Essais et qualifications
Les essais du vendredi se déroulent par temps gris et frais. Les pilotes tournent peu afin de ménager les pneumatiques. M. Schumacher se montre le plus véloce (1'21''982''') devant R. Schumacher et Barrichello. Samedi matin, sous le soleil, M. Schumacher garde l'avantage (1'21'088''') devant Coulthard et Barrichello.
L'après-midi, le mercure grimpe assez vite, ce qui incite les pilotes à sortir en piste rapidement. M. Schumacher réalise sa première pole position de la saison, la 24e de sa carrière (1'20''974'''). Son équipier Barrichello (3e) lui concède près d'une demi-seconde sans avoir tiré tout le potentiel de sa Ferrari. Häkkinen (2e) est déçu de manquer la pole pour seulement 78 millièmes. Sur l'autre McLaren-Mercedes, Coulthard (4e) perd du temps à cause d'une chute de pression d'essence. R. Schumacher conduit sa Williams-BMW en cinquième position, à six dixièmes de son frère. Button (11e) est gêné par le vent qui compromet la stabilité de sa machine. Villeneuve décroche une belle sixième place avec sa BAR-Honda. Zonta (17e) est beaucoup plus loin, faute d'avoir trouvé les bons réglages. Les Jordan-Mugen (Trulli 7e, Frentzen 8e) sont handicapées par le vent et toujours soumises à une fiabilité hasardeuse.
Chez lui, de la Rosa conduit son Arrows-Supertec à une superbe neuvième place, mais il est disqualifié pour essence non conforme et s'élancera dernier... Verstappen (11e) s'égare quelque peu dans ses réglages. Irvine (9e) se plaint d'une Jaguar-Ford trop survireuse. Herbert (14e) perd une caméra fixée sur son aileron en escaladant un trottoir. Les Sauber-Petronas (Salo 12e, Diniz 15e) sont trop sous-vireuses pour briller ici. Victime vendredi d'une grosse sortie, Fisichella (13e) tire difficilement parti d'une Benetton instable du train arrière. Wurz (18e) expérimente une set-up différent mais encore moins satisfaisant. Les Prost-Peugeot manquent de motricité et sont toutes deux stoppées par des pannes: hydraulique pour Alesi (17e), moteur pour Heidfeld (19e)... Les Minardi ferment la marche: Gené (20e) pâtit d'un moteur faiblard et Mazzacane (21e) se contente d'éprouver la nouvelle boîte en titane.
Le soir, Pedro de la Rosa est donc disqualifié car les commissaires techniques estiment que le carburant prélevé sur son Arrows ne correspond pas au mélange réglementaire. Tom Walkinshaw annonce alors qu'il envisage de faire appel. Il se rétracte toutefois le lendemain, de crainte que la peine soit alourdie par le tribunal d'appel de la FIA. Par ailleurs, si Arrows est sponsorisée par le pétrolier espagnol Respol-YPF, c'est une autre essence de commerce, recommandée par Renault pour le V10 Supertec, qui se trouve dans ses réservoirs. L'amalgame médiatique aurait constitué une contre-publicité fâcheuse...
Le Grand Prix
Dimanche matin, M. Schumacher réalise très tôt le meilleur chrono (1'22''855''') du warm-up, après quoi plus personne n'améliore, ce qui signifie que les pneus se dégradent vite. L'après-midi, le ciel est voilé mais le mercure est assez haut (22°C). La quasi-totalité du peloton s'élance avec les pneus tendres, mais le poleman M. Schumacher choisit le composé « médium », c'est-à-dire dur. Deux ravitaillements sont attendus.
Départ: Schumacher se rabat aussitôt devant Häkkinen. Ce dernier se déporte vers l'extérieur et tente en vain de déboîter l'Allemand qui garde l'ascendant. Très bien parti, R. Schumacher double Coulthard et Barrichello et frôle même Häkkinen au premier tournant.
1er tour: Diniz met deux roues dans la poussière en tentant de doubler un concurrent dans la courbe Renault. Il dérape, s'enlise dans les graviers et n'ira pas plus loin. M. Schumacher mène devant Häkkinen, R. Schumacher, Coulthard, Barrichello, Villeneuve, Frentzen, Trulli, Button et Salo.
2e: De la Rosa assaille Alesi par l'intérieur au virage serré de Würth et harponne la Prost-Peugeot qui part en tête-à-queue. Privé de museau, le Catalan échoue dans les graviers à La Campsa. Ces deux pilotes sont hors-jeu et vont ensuite s'invectiver par micros interposés. M. Schumacher signe son meilleur tour de l'après-midi (1'24''517''').
3e: M. Schumacher s'est forgé une avance de deux secondes sur Häkkinen. R. Schumacher contient Coulthard tandis que Barrichello est un peu décroché.
4e: M. Schumacher mène devant Häkkinen (2.7s.), R. Schumacher (4.9s.), Coulthard (5.7s.), Barrichello (8.3s.), Villeneuve (13.7s.), Frentzen (15s.), Trulli (16s.), Button (17s.) et Salo (19s.).
6e: L'intervalle entre M. Schumacher et Häkkinen dépasse les trois secondes. R. Schumacher attaque pour résister à Coulthard et s'offre un petit blocage de roue au virage Seat.
8e: L'écart entre M. Schumacher et Häkkinen se stabilise autour de trois secondes et demie. Villeneuve, sixième, contient les Jordan et la Williams de Button.
10e: M. Schumacher précède Häkkinen (3.5s.), R. Schumacher (10.3s.), Coulthard (11.2s.), Barrichello (13.6s.), Villeneuve (27s.), Frentzen (28s.), Trulli (29s.), Button (30s.), Salo (33s.), Zonta (35s.) et Verstappen (37.5s.).
12e: Schumacher aîné et Häkkinen tournent en 1'25'', un rythme modéré car les pneus se dégradent vite. Coulthard se morfond derrière Schumacher cadet.
14e: Häkkinen revient à deux secondes et demie de Schumacher dont les gommes commencent à s'altérer sérieusement.
15e: M. Schumacher devance Häkkinen (2.6s.), R. Schumacher (12.1s.), Coulthard (12.8s.), Barrichello (15s.), Villeneuve (32s.), Frentzen (33s.), Trulli (34s.), Button (34.6s.) et Salo (36s.).
17e: Wurz et Heidfeld opèrent un premier ravitaillement. Gené subit un long pit-stop car il manque son emplacement de 50 cm.
18e: Häkkinen revient à moins de deux secondes de Schumacher. Bloqué derrière Trulli, Button ravitaille (7.7s.) et se retrouve quatorzième. Arrêt aussi pour Fisichella.
19e: Villeneuve emmène désormais un peloton comprenant Frentzen, Trulli, Button, Salo, Zonta, Verstappen et Irvine. Herbert effectue son premier pit-stop.
20e: M. Schumacher est premier devant Häkkinen (2.1s.), R. Schumacher (16.6s.), Coulthard (17s.), Barrichello (18.3s.), Villeneuve (44s.), Frentzen (45s.) et Trulli (46s.).
21e: Villeneuve effectue un pit-stop (8.7s.), mais perd l'usage de son accélérateur juste à la sortie des stands, sans doute suite à une fuite hydraulique. La BAR commence à s'enflammer et le Québécois met pied à terre. Premier arrêt pour Irvine.
22e: Schumacher est gêné derrière Irvine. Häkkinen revient à seulement une demi-seconde. Trulli stoppe chez Jordan pour ravitailler puis cale son moteur. L'Italien ne redémarre qu'au bout d'une interminable minute et se retrouve avant-dernier. Arrêt de Mazzacane.
23e: R. Schumacher effectue son premier ravitaillement (7.8s.) puis redémarre en cinquième position. Gené ravitaille une seconde fois car son équipe n'a pas mis assez d'essence lors de son précédent passage.
24e: M. Schumacher s'arrête en fin de tour. Le ravitaillement se passe bien mais le préposé à la « sucette » lève celle-ci trop tôt, alors que le tuyau d'essence tenu par le chef mécanicien Nigel Stepney n'est pas découplé. Lorsque Schumacher met les gaz, le tuyau est arraché, le pauvre Stepney est projeté au sol et la Ferrari lui roule sur une cheville. Schumacher aperçoit l'incident mais n'a pas d'autre choix que de continuer sa route. Coulthard ravitaille également. Il enclenche la seconde pour redémarrer, d'où un cafouillage. Il ne repart qu'au bout de onze secondes, derrière R. Schumacher. Premier arrêt de Zonta.
25e: Häkkinen se retrouve en tête avec vingt-cinq secondes de marge sur M. Schumacher. Nigel Stepney est transporté par ses collègues dans le garage Ferrari avant d'être évacué sur un brancard vers le centre médical du circuit.
26e: Barrichello entre aux stands pour ravitailler et effectue une excellente opération puisqu'il ressort devant Coulthard.
27e: Häkkinen stoppe chez McLaren pour son premier pit-stop (7.8s.) et ressort une seconde et demie derrière M. Schumacher. Frentzen ravitaille et glisse derrière Button. Verstappen s'arrête chez Arrows mais ne parvient pas à enclencher un rapport après son ravitaillement. Le Néerlandais reçoit un nouveau volant, sans succès, et doit abandonner.
28e: Häkkinen signe le meilleur tour de la course (1'24''470''') et revient à moins d'une seconde du leader. Salo passe chez Sauber et se réinsère entre Frentzen et Zonta.
30e: M. Schumacher mène devant Häkkinen (0.8s.), R. Schumacher (17.2s.), Barrichello (17.8s.), Coulthard (18.3s.), Button (44.8s.), Frentzen (51s.), Salo (54s.). Zonta (58s.) et Wurz (1m. 03s.).
32e: Häkkinen reste sur les talons de M. Schumacher sans grand espoir de le doubler avant les seconds pit-stops. R. Schumacher, Barrichello et Coulthard évoluent dans la même seconde.
35e: Une demi-seconde sépare toujours Häkkinen et M. Schumacher. A vingt secondes de là, R. Schumacher contient Barrichello et Coulthard.
37e: Les deux leaders prennent un tour à Trulli. Häkkinen profite de ce dépassement pour se rapprocher un peu plus de Schumacher.
38e: Wurz subit son deuxième pit-stop et reste immobile pendant 15 secondes à cause d'un souci avec sa roue arrière-droite.
39e: Coulthard subit son second ravitaillement (7.5s.). L'Écossais ne perd pas de place. Second arrêt pour Herbert
40e: R. Schumacher et Barrichello s'engouffrent de concert dans la voie des stands. L'arrêt du Brésilien est assez long (9.8s.), ce qui permet à l'Allemand (immobilisé pendant 8.6s.) de rester devant.
41e: Alors que R. Schumacher sort des stands, Coulthard déboule dans la ligne droite et se jette à l'extérieur du premier virage. Il parvient à dépasser la Williams dans l'enchaînement Elf. Coulthard gagne ainsi deux positions d'un coup. Frentzen, Heidfeld et Gené repassent aux stands.
42e: M. Schumacher et Häkkinen entrent ensemble aux stands. Si tout se passe bien pour le Finlandais (6.4s.), Schumacher reste arrêté 17 secondes car le tuyau d'essence endommagé lors du précédent incident s'embrancher mal avec le réservoir. Le préposé, qui remplace Stepney au pied levé, est par ailleurs peu à l'aise. Schumacher redémarre par conséquent dix secondes après Häkkinen et perd ainsi la tête de la course. Button, Irvine et Fisichella subissent un second pit-stop.
43e: Häkkinen roule maintenant vers la victoire. Coulthard n'est qu'à six secondes de M. Schumacher et peut envisager un doublé pour McLaren. Barrichello menace R. Schumacher. Second arrêt de Mazzacane.
44e: Häkkinen mène devant M. Schumacher (10.2s.), Coulthard (16.1s.), R. Schumacher (19s.), Barrichello (20s.), Salo (36s.), Zonta (39s.) et Button (52s.). Heidfeld revient au stand Prost pour faire examiner son moteur qui a des ratés. Il cale et repart au bout d'une minute.
45e: Schumacher est en difficulté et n'a plus qu'une seconde d'avance sur Coulthard. En fait, il subit une crevaison lente à l'arrière gauche. Deuxième arrêt de Trulli.
46e: Salo et Zonta se succèdent aux stands, ce qui permet à Button de retrouver la sixième place.
47e: Coulthard prend l'aspiration de Schumacher dans la ligne droite principale et tente de se faufiler à l'intérieur, mais l'Allemand résiste et ferme la porte.
48e: Coulthard se laisse aspirer par Schumacher au passage de la ligne et le déboîte par l'extérieur. Cette fois le pilote Ferrari ne peut rien faire et l'Écossais recueille la deuxième place.
49e: Dix-sept secondes séparent Häkkinen et Coulthard. De plus en plus lent, M. Schumacher est maintenant sous la menace directe de son frère et de Barrichello. Mazzacane reçoit une pénalité de 10 secondes pour avoir bloqué un concurrent sous drapeaux bleus.
50e: M. Schumacher est rappelé aux stands par Ferrari. Mais auparavant, il réalise un tour de passe-passe aux dépens de son frère et en faveur de son équipier: Ralf se jette à l'intérieur pour doubler son aîné à La Caixa mais ce dernier résiste et ils franchissent les deux virages suivants côte à côte. Puis, à Banc Sabadell, Michael tasse Ralf vers l'extérieur et Barrichello en profite pour s'immiscer à l'intérieur et passer les deux frères. Ralf double aussi son aîné, mais trop tard, Barrichello est devant lui ! Son (mauvais) coup effectué, M. Schumacher regagne les stands...
51e: M. Schumacher reçoit deux nouveaux pneus arrière (6s.) et se relance en cinquième position. Mazzacane subit sa pénalité, puis ravitaille à nouveau car les coupleurs d'essence de Minardi fonctionnent très mal.
52e: Häkkinen est premier devant Coulthard (22.5s.), Barrichello (31s.), R. Schumacher (32.8s.), M. Schumacher (54.8s.), Button (1m. 02s.), Frentzen (1m. 17s.), Salo (1m. 22s.), Zonta (-1t.) et Fisichella (-1t.).
54e: Avec plus de vingt secondes d'avance sur son équipier, Häkkinen a course gagnée. De son côté, Barrichello sème facilement R. Schumacher.
56e: Vingt secondes séparent Häkkinen et Coulthard. Barrichello est plus lent que l'Écossais et va se contenter de la troisième place.
57e: M. Schumacher reprend un rythme normal et revient à quinze secondes de son frère. Victime d'une surconsommation d'essence, Heidfeld doit effectuer un quatrième pit-stop et roule maintenant avec trois tours de retard...
59e: Häkkinen devance Coulthard (20.7s.), Barrichello (34.1s.), R. Schumacher (37.8s.), M. Schumacher (52s.), Button (1m. 12s.), Frentzen (1m. 26s.), Salo (-1t.), Zonta (-1t.), Fisichella (-1t.), Wurz (-1t.) et Irvine (-1t.).
61e: Herbert repasse chez Jaguar car il n'avait pas assez de carburant pour finir l'épreuve. De même, Gené remet de l'essence car à nouveau la pompe de Minardi n'a pas bien fonctionné lors du précédent pit-stop.
62e: Le moteur BMW de Button explose à Campsa. Frentzen recueille ainsi la sixième place.
64e: Häkkinen achève la course avec vingt secondes de marge sur Coulthard. M. Schumacher est revenu à 12 secondes de son frère.
65ème et dernier tour: Mika Häkkinen remporte sa première victoire de la saison devant Coulthard. Barrichello finit troisième. R. Schumacher se classe quatrième devant son frère aîné. Frentzen prend le point de la sixième place. Suivent Salo, Zonta, Fisichella, Wurz, Irvine, Trulli, Herbert, Gené, Mazzacane et Heidfeld.
Après la course: Häkkinen renaît
Pour la troisième année consécutive, le GP d'Espagne se conclut par un doublé McLaren-Mercedes, Mika Häkkinen devançant David Coulthard. Mais si en 1998 et 1999 les Flèches d'Argent avaient écrasé la concurrence à Montmeló, elles ont bénéficié cette année des déboires de Michael Schumacher. Cependant Häkkinen ne boude pas son plaisir après sa première victoire en l'an 2000. « Je ne sais pas exprimer combien je suis heureux, je suis... sur un nuage ! » s'exclame-t-il. « Mon départ n'a pas été formidable car je n'ai pas dosé mon embrayage idéalement, mais par chance celui de Schumacher n'a pas été parfait non plus. Nous nous sommes retrouvés côte à côte, puis j'ai cédé car j'étais sur l'extérieur. Mais je l'ai vite rattrapé et je lui ai mis la pression. Mon équipe a été parfaite, brillante, notamment lors des ravitaillements. » Häkkinen souligne en outre qu'il a fait le bon choix en partant avec les pneus tendres, contrairement à son adversaire qui avait opté pour les médiums. « Je savais qu'il aurait des problèmes à cause de cela. Lors des essais menés ici la semaine passée, nous avions remarqué que les tendres étaient la meilleure option pour la course. Je n'ai pas été surpris de voir la Ferrari rapidement en difficulté. Elle glissait beaucoup dans les virages lents et j'étais beaucoup plus efficace dans les freinages appuyés. J'étais nettement plus rapide, mais ici, on ne peut pas dépasser à cause de l'aérodynamisme. Sur ce genre de piste, on roule avec pas mal d'aileron et dès qu'on se rapproche d'un concurrent, on perd tous les appuis. Il faut donc lever un peu sinon on sort de la trajectoire en y laissant quelques dixièmes. »
Ce succès permet par ailleurs aux pilotes McLaren de se remettre en selle au championnat des pilotes. Häkkinen (22 pts) et Coulthard (20 pts) se rapprochent de Schumacher (36 pts). « Le championnat est relancé, cette course le démontre, ajoute Häkkinen. Désormais, j'attends nos essais à Jerez la semaine prochaine, puis le Grand Prix d'Europe. Nous avons beaucoup appris sur notre machine ce week-end, et je pense que nous pouvons encore l'améliorer. » Il refuse en revanche de préciser sa pensée lorsqu'on lui demande ce qu'il a découvert sur sa MP4/15...
David Coulthard a puisé au fond de ses ressources physiques et psychologiques pour achever ce Grand Prix en seconde position quelques jours après avoir frôlé la mort. A bout de nerfs, l'Écossais fond en larmes après la cérémonie du podium. Puis il se ressaisit devant la presse, avant de prendre un repos bien mérité. Olivier Panis le supplantera au volant de la seconde McLaren pour les essais à Jerez. « Contrairement à Heini et Andy qui m'accompagnaient sur ce vol maudit et vont de mieux en mieux, tout est allé de mal en pis pour moi », commente Coulthard. « Je suis tout de même sorti de ce terrible accident avec deux côtes fêlées et quelques contusions. On a modifié mon installation dans la voiture mais les douleurs ont été de plus en plus gênantes. Piloter une voiture de course n'est pas le meilleur remède. C'était pourtant la meilleure chose que j'avais à faire, pour l'équipe et pour moi-même. Ce résultat le prouve. Maintenant, j'aspire à quelques jours de repos. Je n'irai pas à Jerez, je vais me soigner. » « David a maintenant besoin d'aller de l'avant, il va penser au titre mondial », ajoute son agent Martin Brundle.
Querelle fratricide chez les Schumacher
Ferrari a connu un après-midi fort mouvementé. Le cafouillage lors de la première salve de ravitaillements a fait perdre la victoire à Michael Schumacher, mais a aussi rudement éprouvé le chef mécanicien Nigel Stepney, renversé par le bolide du champion allemand. Heureusement, ce véritable colosse s'en sort bien: il ne souffre que d'une blessure aux ligaments de la cheville et sera éloigné de son travail quelques jours. « Vous ne pouvez pas avoir toujours de la chance », philosophe Michael Schumacher. « J'ai eu un problème lors du premier ravitaillement. Le mécanicien qui portait le panneau l'a levé puis baissé. Il m'était impossible de m'arrêter. J'ai senti que j'avais roulé sur quelque chose et, en jetant un œil dans le rétroviseur, j'ai vu qu'un mécanicien était à terre. J'ai demandé à l'équipe ce qui était arrivé mais je n'ai reçu aucune réponse... En fin de course, j'ai subi une crevaison et il était évident que la course m'échappait. » Malgré tout Schumacher regarde le verre à moitié plein: « Je ne suis pas en colère. Je marque deux points importants et ma voiture me permet d'envisager les prochains Grands Prix avec confiance. Elle est compétitive sur tous les types de circuit ! Quant à la passe d'armes avec mon frère, ce fut la course, rien que la course ! »
Ce n'est visiblement pas l'avis de ce dernier. Le pilote Williams ne digère pas la manœuvre de son aîné qui l'a littéralement bloqué au bénéfice de Rubens Barrichello. « Je sens que je vais bientôt vaincre et mon frère est un adversaire comme un autre, tonne Ralf. Désormais, les sentiments familiaux n'auront rien à voir dans cette affaire ! » Leur père Rolf Schumacher saisit le danger d'une querelle fratricide sous l'œil des caméras. Il interpelle ses deux fils et les conduit au motor-home de Karl-Heinz Zimmermann, le traiteur attitré de Bernie Ecclestone. L'explication est franche. « J'ai perdu le podium par ta faute ! » lance Ralf. Michael ergote sur sa crevaison lente, sa difficulté à manier sa Ferrari et la nécessaire course d'équipe... Il trouve en outre son cadet trop agressif en piste. Leur père clôt les débats sans qu'une authentique réconciliation n'ait été scellé. « Ils se sont battus à coup de millièmes de secondes. En karting, c'était déjà comme ça... » soupire Rolf Schumacher.
Enfin, Rubens Barrichello est fier de retrouver le chemin du podium, deux mois après sa deuxième place à Melbourne. Le Pauliste commençait à croire qu'il avait emmené son chat noir chez Ferrari après les divers soucis techniques rencontrés lors des trois derniers Grands Prix. Certes, sa troisième place doit beaucoup à Michael Schumacher qui a bloqué son frère Ralf au bénéfice de son coéquipier. « Quand je me suis retrouvé près d'eux et que j'ai vu comment les choses tournaient, je me suis demandé s'ils n'allaient pas se mettre dehors ! » sourit-il. « Je dois admettre que dans un certain sens je dois mon podium à Michael. Jusqu'alors, ma course n'était pas aussi bonne que je l'espérais. J'ai patiné au départ, Ralf en a profité pour s'enfuir et Coulthard pour me doubler... » Barrichello sait donc qu'il peut compter sur Schumacher pour l'épauler lorsque celui-ci est à la peine. Mais pourra-t-il lui-même jouer sa propre carte face au Kaiser ?...
Sources:
- Renaud de Laborderie, Le Livre d'or de la Formule 1 2000, Paris, Solar, 2000.
- Sport auto, juin 2000
- Auto Hebdo, 10 mai 2000
Tony