Le 26 mars 2000, David Coulthard a perdu la seconde place du Grand Prix du Brésil car l'aileron avant de sa McLaren-Mercedes MP4/15 était trop bas de... deux millimètres. Plus exactement, cet élément a été mesurée à 43 mm du sol, alors que la norme stipule 50 mm, avec une tolérance jusqu'à 45 mm. McLaren a logiquement fait appel de cette sanction impitoyable via le Royal Automobile Club. L'enjeu est important pour cette écurie car, si cette disqualification était entérinée, elle entamerait le GP de Saint-Marin, troisième manche de la saison 2000, avec un score nul et vierge ! Alors que dans le même temps, Ferrari a déjà emmagasiné 26 points...

 

Le lundi 3 avril, David Coulthard se présente au siège de l'ACF, place de la Concorde (Paris), en compagnie de Martin Whitmarsh, n°2 de McLaren, et de l'avocat Tim Murnane. Ces derniers ont arrêté leur plaidoirie avec Ron Dennis, Dave Ryan, Norbert Haug et Adrian Newey. Selon eux, les différences millimétriques constatées par les commissaires techniques au Brésil ne sont dues qu'aux nombreuses bosses qui parsemaient le bitume tourmenté d'Interlagos, comme le précise un communiqué officiel de McLaren: « L'équipe a déterminé un dégât structurel sur le fond plat et le châssis combiné au fait que les dérives de l'aileron avant ont pivoté autour de leur axe. L'effet cumulé a été causé par les vibrations et le revêtement bosselé du circuit de São Paulo. L'écurie fait donc appel de la décision des commissaires qui n'ont pas accepté ces circonstances particulières. » Toutefois, certains spécialistes notent que les ailerons sont conçus pour subir les pressions de plusieurs centaines de kilos. Celui de la McLaren n°2 n'a donc pas forcément bougé en raison des saillies du bitume, mais était peut-être tout simplement mal fixé...

 

Néanmoins, l'infraction n'est chiffrée qu'à deux millimètres au-dessous du seuil de tolérance, et chacun se souvient que six mois plus tôt, après le GP de Malaisie, les Ferrari et leurs déflecteurs litigieux avaient été réhabilités en vertu d'une tolérance portant également sur une poignée de millimètres. Le clan McLaren-Mercedes aborde donc cette audition avec confiance. De fait, les cinq juges, présidés par le Belge Philippe Roberti de Winghe, posent moult questions au trio Coulthard - Whitmarsh - Murnane. Aucun aspect du dossier n'est mis de côté. Lorsque les représentants de McLaren regagnent leur avion stationné au Bourget, ils inclinent vers l'optimisme.

 

Las, le lendemain, mardi 4 avril, un bref communiqué de la FIA informe que la disqualification de David Coulthard est confirmée et le classement du Grand Prix du Brésil entériné. La fédération constate d'une part que le seuil de tolérance était de toute façon dépassé de deux millimètres, d'autre part que l'écurie McLaren aurait dû faire preuve de davantage de vigilance quant à la solidité des attaches de l'aileron incriminé, puisque l'irrégularité du bitume fut constatée dès les essais du vendredi. « L'argument concernant la disposition et le profil du circuit était infondé puisque tous les concurrents ¬ dont McLaren ¬ ont été sujets aux rigueurs du circuit en question dès la première séance d'essais, et pouvaient effectuer tous les aménagements nécessaires sur leur voiture pour faire face à ces difficultés », clame le communiqué officiel.

 

Une douche glacée s'abat sur Woking et Untertürkheim. A l'unisson, les dirigeants de McLaren et de Mercedes dénoncent la partialité de la FIA. « Pour nous, c'est tolérance zéro. McLaren est une grande équipe, mais nous sommes lâchés dans les règles de l'art ! » tempête Norbert Haug. Ron Dennis renchérit dans la théorie du complot pro-Ferrari: « Si nous voitures étaient rouges, nous serions mieux traités ! » De fait, McLaren peut à bon droit se sentir flouée. A Interlagos, la Ferrari de Michael Schumacher, à l'instar des Jordan et d'une Williams, présentaient une garde au sol trop basse due à l'usure excessive de leur planche de soubassement. Mais les commissaires avaient admis que cette anomalie était due au revêtement calamiteux de la piste brésilienne... Cependant les Gris n'ont rien d'autre à faire que d'accepter le verdict. Dans le cas contraire, les MP4/15, soupçonnées de tricherie systémique, seraient placées sous séquestre lors du GP de Saint-Marin... David Coulthard conclut l'affaire en affichant une sérénité de bon aloi: « Je ne suis pas surpris. J'aborderai Imola avec l'esprit dégagé. Après tout, j'y ai gagné en 1998... »

 

Sources :

- Renaud de Laborderie, Le Livre d'or de la Formule 1 2000, Paris, Solar, 2000.

- https://www.liberation.fr/sports/2000/04/05/formule-1-l-appel-confirme-le-declassement-du-pilote-a-sao-paulo-coulthard-sorti-des-points_323352/

Tony