Renault rachète Benetton
Présentation de l'épreuve
A quelques jours de l'étape d'Interlagos, le Brésil s'enivre de « Rubinhomania ». Après quelques années de désamour, Rubens Barrichello a bénéficié d'un net regain de popularité en 1999 en retrouvant les avant-postes avec sa Stewart-Ford. Mais depuis son arrivée chez Ferrari, le natif de São Paulo est devenue une véritable icône nationale et les Brésiliens guettent, fiévreux, sa première victoire, en espérant bien sûr qu'elle se produise en terre auriverde. Lors du GP d'Australie, les débuts de Barrichello avec Ferrari ont été suivis par 30 millions de téléspectateurs brésiliens, soit presque autant que les records d'audience de l'ère Ayrton Senna. Seuls les matchs de la Seleção font mieux avec en moyenne 40 millions de téléspectateurs. Cette folie autour de Barrichello dynamise le Grand Prix: tous les billets sont vendus depuis longtemps, les hôtels sont pleins, le circuit d'Interlagos table sur 80 millions de dollars de recettes, tandis que les retombées économiques pour la région de São Paulo sont estimées à 75 millions de dollars. En prévision d'un tel succès, la municipalité de la mégalopole a financé la réfection du bitume vieillissant d'Interlagos ainsi que l'élargissement et le remblayage du paddock. Bref, Rubinho est une vraie poule aux œufs d'or.
Celui-ci répond à cette ferveur populaire tout en ménageant sa vie privée. Il se réfugie avec son épouse Silvana dans leur hacienda de Jacareí, à une centaine de kilomètres de São Paulo. Leurs nerfs sont mis à rude épreuve. Barrichello est harcelé par ses fans au point de changer de téléphone portable tous les deux jours... Le Pauliste ne rejoint sa ville natale que le mardi 21 mars et se claquemure dans son appartement du quartier huppé de Morumbi. C'est là qu'il invite à dîner le lendemain Michael et Corinna Schumacher. Les deux coéquipiers s'offrent ensuite plusieurs sorties à São Paulo: d'abord au parc São Jorge pour assister à l'entraînement des Corinthians, puis au TransAmerica Hotel. Arrivé au bar du palace, Schumacher se voit proposer le « Rubinho », un curieux cocktail à base d'orange, de lait, de liqueur de mandarine, de champagne et de gin... Il refuse poliment de s'y risquer.
Mais Barrichello pourra-t-il jouer sa propre carte lors de ce Grand Prix ou devra-t-il s'effacer devant Schumacher ? Après le GP d'Australie, où la curieuse stratégie, à deux arrêts, imposée au Brésilien a suscité quelques interrogations, Ron Dennis a accusé Jean Todt de déjà « maltraiter » son nouveau pilote. « Barrichello vainqueur devant Schumacher ? Il m'est plus facile d'imaginer une Ferrari peinte en rose ! » raille le boss de McLaren. Lors d'une exhibition organisée par Bridgestone, le héros national dédramatise: « Je ne subis aucune pression chez Ferrari. Je sais que je vais gagner un jour, ce qui ne me semblait pas possible auparavant. » Michael Schumacher est quant à lui enchanté de ce nouvel équipier: « C'est la première fois de ma carrière que mon coéquipier est un ami et, de surcroît, le plus fort partenaire que j'ai jamais affronté. » Un vrai bouquet de fleurs... et une flèche pour Eddie Irvine.
Face à la Rubinhomania, les deux autres pilotes brésiliens du circuit peinent à exister. Pedro Diniz s'en fiche un peu. Il convie toute l'équipe Sauber dans une churrascaria où caipirinha et caïpiroska coulent à flots. Le lendemain, bien des membres de l'écurie helvétique se réveillent avec un sérieux mal aux cheveux. Quant à Ricardo Zonta, en pleine confiance après le point inscrit à Melbourne, il s'apprête à disputer son premier Grand Prix national, un sérieux accident l'ayant frappé ici l'an passé lors des essais libres. Le Brésilien de BAR, qui fête ses 24 ans ce week-end, s'offre une séance de windsurf en compagnie de la référence mondiale Robby Naish. Restent enfin les idoles de jadis. Nelson Piquet, paraît-il reconverti en fabricant de balises pour poids-lourds, annonce monter une écurie de Formule 3 pour son fils Nelson Jr. « Et en 2002, je piloterai avec lui », énonce-t-il avec un grand sourire. Le triple champion du monde, qui a déjà deux petits-enfants à 47 ans, se livre sans filtre: « C'est formidable d'être grand-père... mais ce qui m'embête, c'est de coucher avec la grand-mère !... Toutefois, j'ai toujours de belles fiancées... le viagra, ça marche ! »
On l'a dit, les organisateurs ont regoudronné le circuit pauliste, mais hélas leur travail est jugé très sévèrement par les pilotes. En un mot, le bitume est tout aussi bosselé que naguère. « Ils ont déroulé une nouvelle pellicule de goudron, mais au lieu d'être pointues, les bosses sont tout simplement plus longues », soupire Jean Alesi. L'abord de la ligne droite des stands est un endroit particulièrement critique et les anfractuosités du tarmac à cet endroit ont sans doute une responsabilité dans les ruptures d'ailerons arrière qui frappent les Sauber et la Prost d'Alesi. Ce « champ de mines » fait même un blessé (léger): Claudio Papaleo, chef mécanicien de Rubens Barrichello, reçoit sur une jambe un morceau de patin échappé d'une voiture, déchiqueté sur une bosse...
La fédération serre les boulons en matière d'électronique. Une nouvelle directive indique qu'à compter du GP de Saint-Marin, les moteurs devront disposer d'un contrôle d'injection et d'allumage uniquement fondé sur le régime moteur et la répartition des papillons d'admission. Par ailleurs, chaque bloc ne pourra plus utiliser que trois logiciels différents par saison. Certains y voient une tentative désespérée des autorités pour maîtriser les softwares de plus en plus sophistiqués utilisés par les écuries, d'autres un recul technologique préjudiciable pour l'image d'excellence de la Formule 1. Il faudrait cependant être bien naïf pour imaginer que les ingénieurs et les informaticiens resteront les bras croisés en attendant les nouvelles normes d'une FIA qui, en la matière, a toujours plusieurs trains de retard...
Ce week-end, Flavio Briatore reprend les rênes de l'écurie Benetton qui vient tout juste d'être rachetée par Renault. Ce retour ravit les journalistes séduits par sa faconde et ses bons mots. Mais Briatore, entre deux cigarettes, rappelle qu'il n'est pas là pour amuser la galerie, mais pour mettre sur pied la future écurie d'usine d'un des géants mondiaux de l'automobile. Et il prospecte pour l'avenir. Selon lui, l'idéal serait que Renault revienne officiellement en Formule 1 avec un champion du monde dans ses rangs. Briatore jette son dévolu sur Jacques Villeneuve, déçu par l'aventure BAR. Les deux hommes se sont déjà rencontrés à Enstone, et le bruit court que Villeneuve aurait visité l'usine de Benetton Formula.
En Australie, les deux McLaren ont très tôt abandonné suite à une panne de rappel pneumatique des soupapes. Un micro-filtre du compresseur alimentant le circuit de rappel était en cause. Mercedes a donc revu sa copie et Olivier Panis a accompli des essais sans rencontrer le moindre problème. La MP4/15 est en outre dotée de sa première évolution aérodynamique avec de nouvelles écopes de frein à l'avant couplées à un déflecteur latéral inédit. Celui-ci comprend notamment un bossage dans sa partie inférieure, un « tunnel » pour mieux évacuer l'air. Chez Ferrari, M. Schumacher reçoit un nouveau châssis (n°201) qui supplante celui (n°200) endommagé à Melbourne, réparé mais non assemblé. Les F1-2000 sont parées de nouvelles écopes de frein qui ressemblent à celles des McLaren. La carrosserie est percée de petites prises d'air visant à rafraîchir les boîtiers électroniques.
Jaguar et Ford ont travaillé pour remédier aux gros problèmes de moteur rencontrés en Australie. Le schéma de lubrification, qui comme sur les Prost est commun au moteur et à la boîte, se pare d'un système de dégazage. Herbert teste en outre un aileron avant « en flèche », façon Ferrari. La Jordan EJ10 reçoit un mini-aileron à l'entrée des pontons, muni d'un profil convexe et d'une petite dérive. BAR inaugure une évolution du V10 Honda spécialement dédiée aux qualifications, avant une nouvelle version prévue pour le GP d'Europe. La Williams-BMW se pare d'un aileron avant doté de dérives latérales légèrement bombées vers l'extérieur. La hauteur de celles-ci sera sans cesse modifiée durant tout le week-end pour définir le degré d'appui sur l'avant. Prost introduit aussi des déflecteurs à profil convexe derrière les roues avant. A noter la présence d'un appendice sur le capot avant, solution testée par Minardi en 1997. La Minardi M02 est dotée pour sa part d'extracteurs élargis et d'un aileron arrière plus appuyé. Enfin, Arrows a renforcé ses biellettes de direction qui avaient cédé sur les deux voitures en Australie
Essais, qualifications et forfait des Sauber
Vendredi, lors des premiers essais libres, les pilotes peinent à trouver de l'adhérence sur un très mauvais bitume. Häkkinen réalise le meilleur chrono du jour (1'15''896''') devant M. Schumacher et Coulthard. Samedi matin, Häkkinen est de nouveau le plus rapide (1'14''159''') mais Schumacher est très menaçant avant de casser un moteur. Salo perd son aileron arrière en passant sur les bosses de la longue ligne droite. Le Finlandais dérape au premier freinage et s'écrase très rudement contre les glissières. Il s'en tire sans dommages, mais l'alerte est sérieuse pour Sauber. L'aile se serait détachée au passage d'une des bosses qui parsèment la portion de retour vers les stands.
La séance qualificative se déroule sous un ciel menaçant et tourne au grand-guignol. A trois reprises (13h28, 13h40 et 13h57), des panneaux publicitaires Marlboro surplombant la ligne droite principale se détachent et tombent sur le bitume. Ces incidents occasionnent autant de drapeaux rouges. Pire encore, le dernier panneau s'écrase juste devant Alesi qui ne peut l'éviter et roule dessus... Après ce dernier contretemps, la séance est relancée pour trois minutes, mais la pluie s'invite alors, figeant la hiérarchie.
Les McLaren-Mercedes occupent de nouveau la première rangée. Häkkinen obtient sa troisième pole position consécutive (1'14''111''') à Interlagos devant son équipier Coulthard (1'14''385'''). M. Schumacher endommage sa nouvelle Ferrari dans une grosse sortie de route. Il doit se rabattre sur son mulet et décroche le troisième temps, à quatre dixièmes de la pole. Barrichello (4e) était en passe de signer un très bon chrono lorsque le dernier drapeau rouge a brisé son élan. Fisichella se réveille sur ce tracé qu'il affectionne et place sa Benetton-Playlife en cinquième position. Son compère Wurz (13e) est une fois encore très en retrait. Irvine déniche de bons réglages et glisse sa Jaguar-Ford en sixième position. Moins heureux, Herbert se débat avec un châssis mal équilibré et sombre au 17e rang. Jordan-Mugen vit un samedi difficile. Frentzen (7e) est coupé dans son élan par l'arrivée de la pluie. Trulli (12e) abandonne sa voiture suite à un tête-à-queue puis rencontre des problèmes de boîte sur son mulet.
Zonta brille à domicile et décroche la 8e position avec la BAR-Honda. Plus décevant, Villeneuve (10e) s'offre une excursion dans l'herbe. Button impressionne et conduit sa Williams-BMW en neuvième position, malgré une casse moteur dans la matinée. R. Schumacher (11e) peine à équilibrer sa FW22. Les Arrows-Supertec confirment leur potentiel durant les essais libres, mais ne concrétisent pas en qualifications. Verstappen (14e) rencontre des avaries de boîte et de la Rosa (16e) déplore du trafic. Encore des déboires chez Prost-Peugeot. Alesi (15e) démarre avec retard à cause d'un moteur récalcitrant, puis roule sur un panneau publicitaire. Heidfeld (19e), parti avec le mulet, subit une panne d'embrayage. Gené place sa Minardi en 18e position. Son équipier Mazzacane (21e) sort de la route samedi matin puis rencontre une chute de pression d'essence l'après-midi. Enfin, un grand désarroi s'abat chez Sauber: après l'incident survenu à Salo dans la matinée, Diniz voit à son tour son aileron arrière s'effondrer, au même endroit que son coéquipier. Même si par bonheur le Brésilien évite l'accident, l'équipe suisse rappelle ses deux pilotes par mesure de prudence.
Pedro Diniz (20e) et Mika Salo (22e) ont obtenu leurs tickets sur la grille, mais leurs mécaniciens se rendent à l'évidence: l'aileron arrière de la C19 ne résiste pas au passage sur les terribles bosses qui parsèment la grande courbe menant à la ligne droite de départ-arrivée. Ce samedi soir, Peter Sauber retire ses bolides du Grand Prix par mesure de précaution. « Diniz a été victime de la même défaillance que Salo ce matin », constate Jacky Eeckelaert, responsable du développement. « Comme nous n'avons pas sur place les moyens techniques nécessaires pour en déterminer l'origine, nous préférons ne pas participer à la course. Ce n'est pas une petite fissure, mais une casse subite qui intervient à des endroits différents. C'est donc très dangereux pour tout le monde.»
Le Grand Prix
Le warm-up du dimanche matin se déroule sous un crachin. Häkkinen (1'16''343''') et M. Schumacher (1'16''348''') se tiennent en cinq millièmes. Wurz cause un drapeau rouge en calant à la sortie des stands. Puis Alesi perd son aileron arrière, au même endroit que les Sauber la veille, et provoque une seconde interruption. Prost décide en conséquence de renforcer les mâts d'ailerons des AP03.
La course démarre dans une atmosphère orageuse. La pluie pourrait s'inviter pendant l'épreuve. Après avoir utilisé lors de l'échauffement le châssis n°200 endommagé en Australie, M. Schumacher courra finalement avec son mulet. Surtout, les pilotes Ferrari optent pour une stratégie audacieuse à deux arrêts, alors que la majorité des concurrents, et notamment les McLaren, ne prévoient qu'un seul ravitaillement. Outre les Rouges, Trulli et Alesi tablent sur deux pit-stops.
Tour de formation: Wurz ne parvient pas lancer son moteur. Il démarre à la poussette et rejoint la voie des stands, d'où il s'élancera après tout le monde.
Départ: M. Schumacher prend un excellent envol et dépasse aussitôt Coulthard. Il tente de se porter à la hauteur de Häkkinen mais celui-ci verrouille les issues et conserve la première place. Suivent Coulthard, Barrichello et Irvine.
1er tour: Schumacher essaie de réaliser l'extérieur sur Häkkinen avant la courbe du lac, mais part de trop loin pour atteindre la McLaren. En fin de tour, Häkkinen emmène M. Schumacher, Coulthard, Barrichello, Irvine, Fisichella, Frentzen, Zonta, Trulli et Villeneuve.
2e: M. Schumacher prend l'aspiration de Häkkinen dans la grande accélération, puis se décale à l'intérieur au premier freinage et conquiert ainsi le commandement. Quelques mètres plus loin, Barrichello déborde Coulthard par l'extérieur et se retrouve troisième. Trulli dépasse Zonta. Wurz repasse aux stands pour faire examiner son moteur.
3e: Assez léger en essence, Schumacher repousse Häkkinen à deux secondes. Barrichello prend aussi du champ sur Coulthard. Dans le peloton, Verstappen dépasse Villeneuve et Alesi a doublé les Williams.
4e: Schumacher tourne une seconde au tour plus vite que Häkkinen, relégué à quatre secondes. Trulli double Frentzen, Verstappen efface Zonta et Alesi déborde Villeneuve.
5e: Barrichello rejoint Häkkinen. Coulthard commet une petite faute et perd quelques secondes.
6e: M. Schumacher est en tête devant Häkkinen (6s.), Barrichello (6.5s.), Coulthard (12s.), Irvine (16.5s.), Fisichella (18.7s.), Trulli (19s.), Frentzen (21s.), Verstappen (22s.) et Zonta (24s.).
7e: Barrichello prend Häkkinen en chasse. Trulli dépasse Fisichella au premier tournant malgré un freinage appuyé. Verstappen, insatiable en ce début de course, dépose Frentzen.
8e: M. Schumacher roule en 1'15''978'''. Barrichello essaie en vain de se porter à la hauteur de Häkkinen dans la ligne droite opposée. Wurz abandonne, moteur fumant suite à une chute de pression d'huile.
10e: M. Schumacher précède Häkkinen (11s.), Barrichello (11.3s.), Coulthard (18.1s.), Irvine (26.8s.), Trulli (27.8s.), Fisichella (31s.), Verstappen (33s.), Frentzen (34s.) et Alesi (35s.). Le moteur de Heidfeld explose au pied de la grande côte. L'Allemand se gare dans l'herbe.
11e: Barrichello bute toujours sur Häkkinen. Trulli pourchasse Irvine pour la cinquième position. Parti avec peu d'essence, Alesi prend la huitième place à Frentzen.
12e: Alesi est stoppé net dans son élan par des cafouillages électroniques. Il stoppe dans la portion sinueuse du circuit. Les deux Prost-Peugeot sont déjà hors-jeu.
13e: M. Schumacher affole le chrono (1'15''387'''). L'Allemand doit enchaîner encore une dizaine de tour ce rythme pour s'assurer un confortable matelas sur Häkkinen, repoussé à treize secondes et demie.
15e: Barrichello porte enfin l'estocade contre Häkkinen. Il le déborde par l'intérieur sur la ligne de chronométrage et s'impose à l'intérieur en prenant le S de Senna. Les tribunes applaudissent: « Rubinho » est deuxième !
16e: Trulli déborde Irvine par l'intérieur au premier virage. L'Italien bloque sa roue avant-gauche, mais garde la corde et s'impose.
17e: M. Schumacher devance Barrichello (17s.), Häkkinen (18s.), Coulthard (26s.), Trulli (42s.), Irvine (44.5s.), Verstappen (55s.), Fisichella (1m.), Frentzen (1m. 01s.), Zonta (1m. 03s.), R. Schumacher (1m. 04s.) et Button (1m. 05s.). Décevant 13e, Villeneuve renonce suite à des soucis de sélection de vitesses.
19e: Schumacher et Barrichello réalisent à peu près les mêmes chronos. Dix-huit secondes les séparent. Häkkinen concède vingt-et-une secondes au leader.
20e: M. Schumacher entre aux stands pour son premier ravitaillement. Il compte 22 secondes de marge sur Häkkinen, ce qui est insuffisant pour repartir devant le Finlandais.
21e: M. Schumacher reçoit de l'essence et des Bridgestone neufs (10s.) puis ressort troisième. Barrichello recueille la première place avec trois secondes d'avance sur Häkkinen. Irvine perd le train arrière de sa Jaguar en arrivant au « bec de canard » et heurte rudement les glissières par la droite. L'Irlandais sort sans peine de sa monoplace.
22e: Barrichello regagne le stand Ferrari en fin de tour pour remettre de l'essence et des gemmes neuves (10.7s.).
23e: Häkkinen occupe désormais le commandement devant M. Schumacher (6.7s.), Coulthard (13s.), Barrichello (24s.), Trulli (28s.), Verstappen (40s.), Fisichella (48s.), Frentzen (49s.), Zonta (53s.), R. Schumacher (53s.) et Button (54s.).
25e: Les Ferrari et les McLaren tournent dans des temps voisins. Sept secondes séparent Häkkinen et M. Schumacher. Barrichello évolue à onze secondes de Coulthard qui a perdu l'usage de son troisième rapport.
27e: Désolation chez les Brésiliens: Barrichello rejoint les stands en raison d'une fuite à la pompe hydraulique qui commande son accélérateur et sa boîte de vitesses. Lorsqu'il s'arrête devant son stand, un léger incendie se déclare, le liquide de refroidissement ayant coulé sur les échappements. Le feu est vite circonscrit mais la carrosserie de la F1-2000 est endommagée. Zonta reste immobilisé 20 secondes chez BAR pour ravitailler mais aussi pour tenter de résoudre un souci de sélection de boîte.
28e: Désormais léger en essence, Häkkinen tourne en 1'15''456''' et repousse Schumacher à douze secondes. Trulli effectue son premier ravitaillement et repart entre Frentzen et R. Schumacher.
30e: Alors qu'il comptait treize secondes d'avance sur Schumacher, Häkkinen rallie les stands à faible allure. Il rejoint son garage moteur coupé, victime d'une chute de pression d'huile. Le champion du monde abandonne pour la seconde fois en deux courses.
31e: M. Schumacher retrouve la première place avec huit secondes d'avance sur Coulthard. Verstappen est un incroyable troisième au volant de son Arrows.
32e: M. Schumacher mène devant Coulthard (9s.), Verstappen (40s.), Fisichella (44s.), Frentzen (45s.), Trulli (53s.), R. Schumacher (55s.), de la Rosa (58s.) et Button (59s.). Le moteur de Gené explose au pied de la grande remontée vers les stands.
34e: Schumacher conserve huit secondes et demie d'avance sur Coulthard qui garde un bon rythme malgré son rapport manquant.
35e: Verstappen stoppe chez Arrows pour son unique ravitaillement (12s.) et glisse au dixième rang derrière Herbert.
36e: M. Schumacher prend un tour à Verstappen. Coulthard évolue sept secondes et demie derrière l'Allemand. Pressé par Button, de la Rosa s'offre un travers dans la poussière à la Curva do Sol mais reste devant le jeune Anglais.
37e: De la Rosa opère son pit-stop (13.5s.) et ressort derrière son équipier Verstappen.
38e: Fisichella, troisième, résiste à Frentzen. Deux secondes les séparent. R. Schumacher talonne Trulli pour la cinquième place. Ravitaillement de Mazzacane.
40e: M. Schumacher précède Coulthard (7.5s.), Fisichella (47s.), Frentzen (50s.), Trulli (56s.), R. Schumacher (57s.), Button (1m. 01s.), Herbert (1m. 18s.), Verstappen (-1t.) et de la Rosa (-1t.).
41e: Frentzen passe chez Jordan pour ravitailler (9.5s.) et retrouve la piste derrière les Williams, mais devant Herbert et les Arrows.
42e: Coulthard rencontre du trafic et concède maintenant dix secondes à Schumacher.
43e: Coulthard arrive chez McLaren pour remettre de l'essence et des pneus neufs (8.8s.). Il reste second.
44e: M. Schumacher tombe sur le trio Trulli - R. Schumacher - Button qui lutte pour la quatrième place et perd un peu de temps.
45e: Button passe chez Williams pour effectuer son ravitaillement (10.5s.) et se relance entre Verstappen et de la Rosa. Herbert subit lui aussi son pit-stop.
46e: M. Schumacher, qui doit encore stopper, compte quarante secondes d'avance sur Coulthard. R. Schumacher se plie à son ravitaillement (11.1s.), puis se relance devant Verstappen.
47e: M. Schumacher a pris un tour à Trulli. Seuls Coulthard et Fisichella évoluent encore dans la même boucle que le leader. Button pourchasse Verstappen, très fatigué depuis la mi-course.
48e: M. Schumacher réalise le meilleur tour de la course (1'14''755''') et porte son avantage sur Coulthard à 42 secondes. Il subit pourtant des vibrations sur ses pneus et va rentrer plus tôt que prévu. Fisichella ne s'est toujours pas arrêté et compte 27 secondes de marge sur Trulli.
50e: Le soleil apparaît sur São Paulo. M. Schumacher mène devant Coulthard (45s.), Fisichella (58s.), Trulli (-1t.), Frentzen (-1t.), R. Schumacher (-1t.), Verstappen (-1t.), Button (-1t.), de la Rosa (-1t.), Herbert (-1t.), Mazzacane (-2t.) et Zonta (-2t.).
51e: M. Schumacher arrive chez Ferrari pour ravitailler et chausser des pneus tendres neufs (7.7s.). Il conserve aisément le commandement. Fisichella apparaît chez Benetton pour son unique pit-stop (7.1s.) et reste troisième, un souffle devant Trulli.
52e: Herbert renonce suite à une avarie de boîte de vitesses sur une Jaguar trop fragile et instable.
53e: Schumacher est reparti avec vingt-quatre secondes d'avance sur Coulthard. Trulli menace Fisichella pour la troisième place, mais le pilote Jordan doit ravitailler une seconde fois.
55e: M. Schumacher précède Coulthard (26.4s.), Fisichella (57s.), Trulli (59s.), Frentzen (1m. 14s.), R. Schumacher (-1t.), Verstappen (-1t.) et Button (-1t.).
56e: Button déborde Verstappen au Cotovelo et conquiert la septième place. De la Rosa quitte la route à Ferradura, traverse le bac à graviers et revient sur la piste.
57e: Trulli effectue son second ravitaillement très court (6.2s.) mais il redémarre derrière Frentzen.
59e: M. Schumacher adopte un rythme modéré afin d'éviter toute surchauffe. Il garde vingt-trois secondes d'avance sur Coulthard.
60e: Schumacher tourne en 1'18'' contre 1'16'' ou 1'17'' pour Coulthard. L'Ecossais est revenu à dix-huit secondes du pilote allemand qui laisse Trulli se dédoubler.
61e: Coulthard attaque et reprend quatre secondes en un seul tour à Schumacher. Frentzen fait le forcing pour revenir sur Fisichella et s'offre quelques freinages appuyés.
62e: Schumacher hausse son rythme et boucle son tour en 1'17''. Coulthard lui concède treize secondes.
64e: M. Schumacher est premier devant Coulthard (11.5s.), Fisichella (42s.), Frentzen (51s.), Trulli (1m. 15s.), R. Schumacher (-1t.), Button (-1t.), Verstappen (-1t.), de la Rosa (-1t.), Zonta (-2t.) et Mazzacane (-2t.).
66e: Le ciel se charge de lourds nuages. Une chuva est-elle à craindre dans les derniers kilomètres ? Neuf secondes séparent Schumacher et Coulthard. Frentzen est revenu à six secondes de Fisichella.
68e: L'intervalle entre Schumacher et Coulthard tombe à sept secondes. Frentzen a encore repris une seconde à Fisichella.
70e: Schumacher entame son dernier tour avec un avantage de six secondes sur Coulthard. Frentzen se rapproche de Fisichella mais est encore trop loin pour l'attaquer.
71e et dernier tour: Michael Schumacher remporte sa deuxième victoire consécutive. Coulthard termine deuxième malgré une boîte défaillante. Fisichella (3e) grimpe sur son premier podium de la saison. Frentzen (4e) et Trulli (5e) ouvrent le compteur de Jordan-Mugen. R. Schumacher prend le point de la sixième place. Button finit septième devant Verstappen, de la Rosa, Zonta et Mazzacane.
Sur le podium, Pelé remet à Michael Schumacher le trophée de ce GP du Brésil, une énorme assiette en argent. Le roi de la F1 demande à cette occasion au roi du football s'il pourrait participer au match caritatif des pilotes, prévu pour le prochain GP de Saint-Marin. « Je suis un meilleur footballer que lui ! » interrompt Giancarlo Fisichella, autre amateur de ballon rond.
Après la course
« Dans l'ensemble, je ne peux pas être mécontent » souligne Michael Schumacher après cette deuxième victoire en deux Grands Prix. L'Allemand est sorti une nouvelle fois vainqueur par forfait de son combat contre Mika Häkkinen. Grâce à son audacieuse stratégie à deux arrêts, il avait pris la main dans ce Grand Prix, mais in fine aurait-il tout de même vaincu le Finlandais ? L'abandon de celui-ci a mis un terme aux débats. « Nous avons fait des progrès notables dans nos départs, constate Schumacher. J'ai été capable de menacer Häkkinen tout de suite. J'ai aimé notre bataille, cela faisait longtemps qu'il n'y avait pas eu une bonne bagarre pour la première place. Ensuite, la course ne fut pas facile. J'ai rencontré des vibrations sur mon deuxième train de pneus et nous avons donc anticipé mon second pit-stop. En fin de parcours, l'équipe m'a dit par radio que j'avais un petit problème et j'ai donc ralenti, mais cela n'était pas grand-chose. Cette saison démarre très bien et notre programme de développement va commencer à porter ses fruits à Imola. J'espère que nous ravirons les tifosi ! »
Michael Schumacher affiche un 20/20 après deux épreuves, mais comme d'habitude, il ne faut pas compter sur Jean Todt pour pavoiser: « Sur le papier, notre stratégie à deux arrêts était périlleuse, et nous ne saurons jamais si elle était efficace, puisque Häkkinen n'a pas terminé. Il fallait de toute façon jouer une carte différente pour ne pas passer la course derrière les McLaren. Bon, soyons satisfait. Schumacher mène 20 à 0. C'est bien, mais pas très bien car Barrichello a abandonné. Il faudrait enfoncer encore un peu plus le clou, d'autant que les McLaren sont très fortes. » En effet l'abandon de Barrichello fait un peu désordre. Le Brésilien est décidément maudit à Interlagos: il n'a pas vu l'arrivée de son Grand Prix national depuis 1994 ! « Quand je suis tombé en panne, je me suis senti mourir ! » gémit le pauvre Rubinho.
L'association McLaren-Mercedes vit un début de saison fort difficile. La MP4/15 est sans conteste très rapide, mais sa fiabilité est décidément aussi mauvaise que celle de sa devancière. Mika Häkkinen enregistre deux abandons en deux courses, et David Coulthard n'a pu défendre ses chances après avoir perdu son troisième rapport. Le champion du monde en titre est très alarmé. « L'an passé, notre double abandon australien ne m'avait pas vexé outre-mesure, raconte Häkkinen. Ferrari avait gagné, mais avec Irvine et non Schumacher, et puis ils nous concédaient une seconde par tour. Aujourd'hui, la situation est différente. Non seulement la fiabilité nous joue des tours, mais nous ne possédons plus notre avantage en performances. Pire encore, nous avons tout fait cet hiver pour éviter les pannes... » David Coulthard tente pour sa part de se satisfaire de sa deuxième position: « Terminer ce Grand Prix est pour moi miraculeux. Si Mika et Rubens n'avaient pas abandonné, j'aurais fini quatrième, tout au plus. Cette deuxième place est donc une belle surprise. » Hélas, elle va bientôt lui être ôtée...
Flavio Briatore ne pouvait rêver meilleur retour à la tête de l'écurie Benetton: Giancarlo Fisichella récolte une superbe troisième place, qui va se muer en médaille d'argent après le déclassement de David Coulthard. Le pilote italien, un peu « endormi » ces derniers mois, a-t-il reçu un « coup de fouet » de la part de son ex-mentor ? « J'ai le clef, je sais comment faire marcher les voitures et les hommes ! » fanfaronne Briatore. « Fisico » a en tout cas réalisé un bel exploit, car la Benetton n'est pas une monoplace aisée à conduire. « Le début de course avec le plein fut très pénible, confie-t-il. Il y avait un très fort sous-virage et rester sur la trajectoire était difficile. Heureusement, après 15 tours, j'ai retrouvé du grip. Mais je n'ai pas cessé d'attaquer jusqu'à la fin. » Ce dimanche soir, Fisichella et Benetton pointent aux seconds rangs des deux championnats avec 8 points. Qui l'eût cru un mois plus tôt ?
Soulagement aussi chez Jordan-Mugen-Honda: après le double K.O. technique australien, Heinz-Harald Frentzen et Jarno Trulli sont cette fois à l'arrivée et moissonnent sept points (après la disqualification de Coulthard). Eddie Jordan reste cependant mécontent des mauvaises qualifications de ses hommes. Selon lui, son équipe doit au minimum s'imposer en troisième force du peloton, comme en 1999. Or, cette année, les Jordan semblent plutôt naviguer au niveau des Benetton et des Williams-BMW, voire des Jaguar... Enfin, l'écurie Arrows est décidément la bonne surprise de ce début de saison. L'A21 à moteur Supertec est très compétitive, au point que Jos Verstappen a roulé un temps au troisième rang. Le Hollandais aurait certainement inscrit des points s'il ne s'était effondré physiquement après la mi-course. N'ayant pas couvert un Grand Prix complet depuis 1998, il n'a pas résisté à la torpeur brésilienne... Réactif, Tom Walkinshaw confie aussitôt Verstappen au préparateur physique du club de rugby de Gloucester, dont il est également propriétaire...
Disqualification de Coulthard - Record pour Button
Quelques instants après l'arrivée, des rumeurs d'irrégularités commencent à flotter dans l'air. Le directeur technique fédéral Jo Bauer mobilise ses assistants. A 18 heures, heure locale, l'information tombe: la Ferrari de M. Schumacher, la McLaren de Coulthard, les Jordan de Frentzen et de Trulli et la Williams de R. Schumacher font l'objet de vérifications techniques accrues. Des anomalies sont suspectées sur ces monoplaces. Certaines auraient achevé la course avec une planche de référence trop usée. D'autres seraient munies de déflecteurs litigieux. Et la McLaren n°2 aurait couru avec un aileron avant trop bas. Le paddock retient son souffle. Giancarlo Fisichella et Benetton se prennent à rêver d'une victoire inespérée... A 19 heures, la direction de course annonce que seule la McLaren de Coulthard fera l'objet d'investigations supplémentaires. Deux heures plus tard, l'Écossais est officiellement disqualifié. Son aileron avant était placé à 43 millimètres du sol, alors que le règlement stipule un écart de 50 mm, avec une tolérance à 45 mm. Bref, Coulthard perd sa deuxième place pour 2 mm...
La foudre tombe sur le stand McLaren. « Nous ne sommes pas des tricheurs ! » s'insurge Norbert Haug, hors de lui. Le directeur sportif Dave Ryan et le directeur technique Adrian Newey se rendent au bureau des officiels pour plaider leur cause auprès de Charlie Whiting et de Jo Bauer. Ils arguent que la mesure de l'aileron de Coulthard ne peut être précise car la planche du soubassement a été trop maltraitée par les bosses qui parsèment le circuit. Celles-ci seraient en outre à l'origine du très léger affaissement de l'aileron. Après une énième vérification, ces allégations sont rejetées. Ron Dennis décide alors de porter l'affaire devant le tribunal d'appel de la FIA. D'ordinaire très mesuré dans ses propos, il n'hésite pas cette fois à accuser la fédération de favoriser Ferrari au détriment de McLaren. Dennis a encore en mémoire l'affaire des déflecteurs d'octobre 1999... « Je n'ai rien contre Ferrari, ni contre la FIA. Mais je suis réaliste. Nous sommes dans un monde où les gens veulent voir des vainqueurs différents. Ce qui n'est pas mon objectif, qui est de gagner toutes les courses. Aussi, je ne m'étonne pas que cette décision aille à notre encontre. Cela fait du bien au sport... »
Quoiqu'il en soit, cette disqualification permet à Giancarlo Fisichella de passer au deuxième rang, à Heinz-Harald Frentzen de grimper (fictivement) sur le podium, et surtout au jeune Jenson Button d'hériter de la sixième place. A 20 ans, 2 mois et 7 jours, il devient le plus jeune pilote à inscrire un point en Formule 1, surpassant de deux mois le météorique Ricardo Rodríguez. Une récompense glanée de haute lutte, grâce à un dépassement hardi sur Jos Verstappen. « J'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois... Doubler des voitures aussi rapides demande un peu d'habitude ! » rigole le jeune homme. Soulignons aussi que Button ignorait tout d'Interlagos avant ce week-end... Pas de doute, Frank Williams a dégoté une graine de champion.
Tony