En ce début 1999, la jeune écurie BAR est engagée dans un épineux bras de fer avec la fédération internationale au sujet de la décoration de ses bolides. En effet, aiguillonné par son commanditaire British American Tobacco, Craig Pollock a eu l'idée d'octroyer une livrée originale à chacune de ses monoplaces, afin de promouvoir deux marques appartenant au groupe cigarettier. Celle de Ricardo Zonta serait peinte en bleu, couleur de 555, tandis que Jacques Villeneuve se verrait attribuer une robe blanche et rouge, afin d'évoquer Lucky Strike. Cependant, la FIA s'oppose à ce procédé et s'empresse de consigner cet oukase dans le règlement sportif. Pollock décide de porter l'affaire devant une juridiction civile, la Chambre internationale de commerce de Genève. Las, celle-ci donne entièrement raison au pouvoir sportif. L'affaire semble close, mais British American Tobacco ne lâche pas le morceau et décide de porter plainte devant la Commission européenne pour atteinte aux règles de la libre concurrence !

 

Il n'en faut pas plus pour déclencher l'ire de Max Mosley. On sait en effet que depuis deux ans la FIA est en conflit larvé avec les instances européennes, en raison de l'attribution des droits commerciaux de la Formule 1 à Bernie Ecclestone qui contrevient à toutes les règles de libre-concurrence en vigueur dans l'espace communautaire européen. C'est d'ailleurs pour cette raison que, en signe de défiance, Mosley a organisé en 1998 le déménagement de la FIA de Paris à Genève. Le procédé de BAR lui paraît donc inacceptable, et début mars, Craig Pollock reçoit une lettre l'invitant à comparaître devant le Conseil Mondial de la FIA fixé au 12 de ce mois. Accusée de « porter atteinte à l'image du championnat du monde de Formule 1 », l'écurie British American Racing est tout simplement menacée d'exclusion ! Pollock ne peut que de battre en retraite. Après avoir appelé BAT à plus de retenue, il désavoue par courrier l'initiative de son sponsor qu'il attribue à des avocats un peu trop zélés. Max Mosley se satisfait de cette résipiscence et l'affaire en reste là.

 

Toutefois, cette controverse un peu ridicule met en lumière l'inimitié du paddock à l'égard de Craig Pollock. Le petit monde de la F1 n'a pas apprécié la façon cavalière avec laquelle il a recruté ingénieurs et mécaniciens pour constituer son staff technique. Ferrari lui en veut particulièrement d'avoir débauché son aérodynamicien Willem Toet. On ne lui pardonne pas non plus le slogan grotesque adopté par BAR (« La tradition de l'excellence », surprenant pour une écurie débutante) ni les rodomontades d'Adrian Reynard qui affirme que Jacques Villeneuve signera la pole position au GP d'Australie. « Quand on n'a jamais défilé, il faut être très prudent quant à la taille de la fanfare que vous avez devant vous ! » ironise Ron Dennis, acerbe. Les 700 à 800 millions de dollars déboursés par BAT pour la réussite de ce team « Pollock - Villeneuve » porteront peut-être leurs fruits en piste, mais ne feront pas taire les mauvaises langues...

 

Sources:

- Patrick Camus, Craig Pollock dans la tourmente, Auto-Hebdo du 10 mars 1999.

Tony