Renault et Elf quittent la Formule 1
Présentation de l'épreuve
L'hiver 1995-1996 fut mouvementé pour les dirigeants du circuit de Nevers-Magny-Cours, Jean Glavany et Philippe Gurdjian. Une offensive a en effet été menée au sein de la FFSA pour faire revenir le Grand Prix de France au Castellet à compter de 1997. Le président Jean-Marie Balestre est finalement intervenu pour sauver la mise au circuit nivernais. Mais la fédération ne confirme la tenue de l'épreuve dans la Nièvre que pour trois ans (jusqu'en 1999), alors que Glavany et Gurdjian auraient préféré un engagement jusqu'en 2001. Pour l'heure, cette épreuve 1996 sera un grand succès avec un nouveau record d'affluence (82 000 spectateurs le dimanche contre 77 000 pour 1993, l'année de référence).
Jean-Marie Balestre vit pour sa part son dernier Grand Prix de France en tant que président de la FFSA. À 75 ans, affaibli par une vilaine chute survenue fin 1994, le « despote » du sport automobile français va en effet se retirer à la fin de l'année après un règne de vingt-trois ans. Celui-ci s'achève dans un certain chaos puisque la fédération est en proie à une véritable guerre de succession opposant Jacques Régis, président délégué et dauphin de Balestre, à Yvon Léon, ex-fidèle lieutenant de ce dernier, aujourd'hui en disgrâce.
La nouvelle de l'abandon de la Formule 1 par Renault a bien entendu consterné les ingénieurs de Viry-Châtillon, mais aussi décuplé leur désir de triompher une fois de plus au Grand Prix de France, où ils sont invaincus depuis 1991. « Cette décision leur fait du mal », reconnaît Bernard Dudot. « La course est leur métier, et c'est quand même dur de se dire qu'il ne leur reste qu'une saison et demie. Mais ils ont une sévère envie de gagner ici ! » Le retrait d'Elf alimente également les discussions et l'inquiétude des dirigeants d'écuries, au premier rang desquels se trouve Patrick Head. Le copropriétaire de Williams s'alarme de la fin d'un partenariat de sept années: « Sans Elf, il nous faudra trouver un pétrolier aussi compétitif dans les carburants que les lubrifiants. Cette homogénéité de produits n'est pas garantie, et je parle d'expérience. Et si je considère la fiabilité apportée par Elf au V10 Renault depuis 1989, la succession sera difficile à assumer. » Flavio Briatore opine pour le compte de Benetton.
Damon Hill éprouve un sentiment mitigé à l'égard du Grand Prix de France: voilà en effet trois années de suite qu'il signe la pole position à Magny-Cours... et finit second en course. Il entend bien rompre avec cette pénible tradition pour creuser un peu plus l'écart sur son coéquipier Jacques Villeneuve, son seul rival dans la quête du titre mondial. Le duel entre le Britannique et le Canadien devrait être l'attraction de ce Grand Prix, car le « billard » nivernais est très favorable à la Williams-Renault.
Jean Alesi n'est jusqu'ici jamais monté sur le podium de son Grand Prix national. Il entend combler cette lacune, à défaut de prétendre à une victoire qui paraît hors de portée. Quatrième du championnat avec 21 points, l'Avignonnais peine à ravaler sa déception: n'était-il pas désigné en début d'année comme le principal adversaire de Damon Hill pour le championnat du monde ? Par ailleurs, Alesi souffre depuis quelques semaines d'une campagne de dénigrement orchestrée par Les Guignols de l'info, la très populaire émission satirique de Canal Plus. Celle-ci le dépeint (contre toute vraisemblance) comme un tocard incapable de finir une course. Hélas, des millions de Français suivent ce programme très partisan et prennent ses assertions stupides pour argent comptant, si bien que pour le grand public, le nom d'Alesi est désormais associé à celui de « loser ». L'intéressé est profondément blessé par cette caricature aussi cruelle qu'injuste.
Jeudi après-midi, Michael Schumacher participe en invité surprise au trophée kart Ferrari-Shell de Magny-Cours. L'Allemand part bon dernier (« comme à Montréal », ironise Jean Todt), remonte tout le peloton et remporte la course ! Il s'amuse ensuite à asperger ses suivants de Moët & Chandon. « Au moins, vous allez savoir ce que ça représente », leur lance-t-il, taquin.
Vendredi soir, un joyeux repas réunit à Magny-Cours les pontes de l'écurie Ligier: Flavio Briatore, Bruno Michel, Jean-Dominique Comolli (président de la Seita), Jacques Laffite, Olivier Panis, Pedro Diniz et quelques autres. Briatore saisit cette occasion pour critiquer durement Alain Prost qui d'après lui intrigue avec le gouvernement français pour l'éjecter de l'écurie bleue. Le quadruple champion du monde refuse pour sa part de s'exprimer à ce sujet: « Je n'ai rien dire ! » réplique-t-il, agacé, aux journalistes trop curieux. Reste qu'Éric Barbaroux, le conseiller spécial du ministre des Sports Guy Drut, est bel et bien présent dans la Nièvre et s'entretient longuement avec Prost...
Dans le même temps, Philippe Gurdjian convie à un dîner amical sur la terrasse panoramique du circuit deux des plus éminents journalistes sportifs francophones: Gérard « Jabby » Crombac, qui couvre ici son 500ème Grand Prix de Formule 1, et Marc Hennekine, le « monsieur sports mécaniques » du Figaro, dit le « Grand Marco ». Ce dernier va prochainement prendre sa retraite, alors que Crombac, 67 ans, ne veut pas raccrocher et affirme viser maintenant les mille Grands Prix !
Renault lance pour ce GP de France la version « B » de son V10 RS8, encore plus souple que la précédente. La plage de régime a par ailleurs été une fois de plus élargie: sur ce point, Renault dispose encore d'une longueur d'avance sur la concurrence. La Williams FW18 reçoit en outre sa première évolution majeure de la saison. Elle arbore ainsi un nouveau nez, doté d'un profil abaissé. La suspension arrière est munie d'un nouveau tirant pour offrir une meilleure stabilité en prévision des grandes courbes de Silverstone et de Spa. D'autre part, dans Sport Auto, le journaliste Giorgio Piola compare les volants utilisés par Hill et Villeneuve. Alors que l'Anglais actionne les manettes situées derrière son volant pour monter et descendre les rapports, le Canadien presse uniquement sa manette de droite pour changer de vitesse, celle de gauche lui servant à actionner l'embrayage. Il ne dispose en effet que de deux pédales (accélérateur et frein) tandis que son équipier se sert encore d'un pédalier classique, à trois pédales (embrayage, frein, accélérateur).
Comme Williams, Ferrari surélève l'aileron avant de sa F310, ainsi que les déflecteurs situés derrière des roues avant, une modification qui va faire couler de l'encre... La machine rouge est aussi munie d'un nouvel embrayage conçu par Sachs, l'entreprise allemande qui équipe aussi McLaren. La McLaren MP4/11 bénéficie d'un nouvel aileron avant qui, associé à une reconfiguration de la suspension postérieure, atténue la vivacité du train arrière. La Jordan 196 se pare d'un capot avant moins incurvé et de dérives supplémentaires au niveau du diffuseur arrière. Surtout, Barrichello et Brundle étrennent lors des essais l'« Évolution 5 » du V10 Peugeot qui doit apparaître en course à Silverstone. Les Ligier utiliseront cette fois en course la nouvelle version du V10 Mugen-Honda. La Tyrrell dispose pour sa part d'un nouvel aileron avant. Les Forti bénéficient de quelques améliorations au niveau des suspensions et de l'aérodynamisme. Enfin, les Benetton-Renault, profondément modifiées à Montréal, sont inchangées pour Magny-Cours, mais ont fait l'objet d'essais intenses menés à Silverstone.
Essais et qualifications
Comme cela devient une habitude, Häkkinen réalise le meilleur chrono des séances du vendredi en chaussant des pneus neufs dans les ultimes minutes. La session du samedi se déroule sous une bruine persistante et voit Barrichello se placer en haut de la feuille des temps.
Samedi après-midi, la séance de qualifications tourne à la bagarre pour la pole position entre Hill, Schumacher et Alesi. Villeneuve tente de s'accrocher à ce trio et finit par partir à la faute en sortant de la courbe rapide d'Estoril. Le Québécois met les quatre roues dans l'herbe tout en restant le pied au plancher. Il perd le contrôle de sa Williams qui s'encastre dans la barrière de pneus à 250 km/h, se soulève puis s'immobilise en pleine piste. Coulthard, qui surgit à fond, évite l'épave de justesse. Villeneuve sort indemne de son habitacle, mais sa coque est détruite et il devra se rabattre sur son mulet. La séance est interrompue par le drapeau rouge. Elle reprend une demi-heure plus tard mais aucun favori ne pourra alors améliorer.
Avant donc cette neutralisation, Schumacher conquiert sa troisième pole position avec Ferrari (1'15''989''') après une rude bataille. Bien moins à l'aise, Irvine ne signe que le dixième chrono avant d'être disqualifié (voir plus bas). Chez Williams, Hill n'échoue qu'à 69 millièmes de la pole. C'est néanmoins la première fois que celle-ci échappe au V10 Renault à Magny-Cours. Villeneuve se contente de la sixième place après son crash. Pour la première fois de la saison, une Benetton-Renault est en mesure de conquérir la position de pointe. Alesi (3ème) ne concède que trois dixièmes à Schumacher. Berger (4ème) l'accompagne sur la deuxième ligne. Häkkinen (5ème) est ravi des améliorations apportées à la McLaren-Mercedes. Coulthard (7ème) tâtonne en revanche dans ses réglages et heurte deux fois les murailles, vendredi puis samedi. Pour la première fois de la saison, Brundle (8ème) devance sur la grille son équipier Barrichello (10ème), désespéré par le comportement erratique de sa Jordan-Peugeot.
Peu content de sa Ligier-Mugen de course, Panis dispute les qualifications avec son mulet. Il connaît un problème de boîte avant d'accrocher le neuvième temps. Son compère Diniz se classe onzième et réalise ainsi la meilleure qualification de sa carrière. Les Sauber pâtissent ici du manque de vélocité du décevant V10 Ford. Frentzen (12ème) ne met jamais le doigt sur les réglages optimaux et Herbert (16ème) compose avec des freins défaillants. Le même déficit de puissance handicape les Tyrrell-Yamaha (Salo 13ème, Katayama 14ème) et les Arrows-Hart (Verstappen 15ème, Rosset 19ème). Du côté de Minardi, le jeune Fisichella (17ème) monte en puissance et devance Lamy (18ème) de six dixièmes. Les Forti ne tournent presque pas vendredi à cause d'une panne de télémétrie. Le lendemain, Badoer (20ème) et Montermini (21ème) assurent néanmoins leur qualification.
Ferrari soupçonnée: Irvine paie pour Schumacher
Peu après le drapeau à damiers, Patrick Head part à la rencontre de Charlie Whiting, le délégué technique de la FIA, et lui révèle avoir observé que la Ferrari d'Eddie Irvine était munie d'une dérive latérale trop haute. Aussitôt, Whiting demande à examiner la Ferrari n°2. Il s'avère que les deux nouveaux déflecteurs montés derrière les roues avant de la F310 dépassent de 14 mm la hauteur maximale autorisée. Après calcul, cette différence apparemment minime aurait une incidence aérodynamique de 0,01 %. Selon Gary Anderson, « il s'agit du moyen le plus simple et le moins coûteux d'obtenir des appuis. » En conséquence, Whiting prononce l'annulation des chronos d'Irvine qui est renvoyé en fond de grille. Mais, à la grande colère de Head, il ne se penche pas sur le cas de Michael Schumacher, qui a pourtant toutes les chances d'être similaire ! Dès que le verdict frappant Irvine est connu, les mécaniciens de Ferrari poussent la machine de Schumacher dans le garage et baisse le rideau. Certainement pour travailler dessus à l'abri des regards... Les insinuations circulent, la polémique enfle.
Jean Todt se défend en plaidant un « défaut de fabrication » sur la Ferrari d'Irvine. Head ne décolère pas: « Que ces dérives ne soient pas réglementaires ne m'étonnent pas. Elles l'étaient déjà au Canada. Je m'en suis aperçu en observant une photographie dans une revue anglaise ! Je fais confiance aux commissaires pour qu'ils respectent le règlement. » Il est rejoint par Flavio Briatore qui réclame la disqualification de Schumacher. Mais, inexplicablement, personne ne mesure les dérives latérales de la Ferrari du champion du monde en titre ou ne demande à Jean Todt en quoi consistaient ces interventions en catimini. Le Français ose même contre-attaquer en affirmant que l'on cherche à déstabiliser une Scuderia en pleine renaissance ! L'affaire en reste là, faute de preuve, et beaucoup pensent qu'Irvine, muet comme une carpe, a payé pour protéger son leader...
Le Grand Prix
La demi-heure d'échauffement du dimanche matin est très mouvementée. Déconcentré par une manipulation à effectuer sur son volant, Hill harponne Frentzen et tous deux finissent dans les décors. L'Anglais reprend ensuite la piste avec son mulet... et s'enlise dans un bac à sable. Quelques instants plus tard, Schumacher le rejoint, victime d'une panne de freins. Fisichella et Häkkinen se tamponnent alors que Coulthard sort une fois de plus de la route. Les deux Forti sont immobilisées dans leur garage suite à des défaillances de moteur. Villeneuve souffre pour sa part de quelques courbatures, conséquences de son « carton » de la veille, mais pourra sans mal s'aligner au départ. « J'en ai vu bien d'autres en Formule Indy ! » sourit-il.
Le vent a balayé les nuages qui menaçaient la Nièvre en ce dernier dimanche de juin. La bagarre s'annonce rude entre Schumacher et Hill dont les monoplaces de course ont été réparées. Côté stratégies, tout le monde prévoit deux ravitaillements.
Tour de formation: Calamité pour Ferrari: le moteur de Schumacher part en fumée avant le virage du Nürburgring. Le champion allemand se gare dans la pelouse et ne sera pas au départ, puisqu'à moins d'une neutralisation il ne pourra pas prendre le mulet. Hill se retrouve de facto en pole position devant les deux Benetton.
Départ: Hill s'élance parfaitement et coupe aussitôt la trajectoire à Alesi, second. Häkkinen et Villeneuve passent devant Berger
1er tour: Hill mène devant Alesi, Häkkinen, Villeneuve, Berger, Brundle, Coulthard, Diniz, Barrichello et Panis. Irvine s'est frayé un chemin dans le peloton et a déjà grappillé cinq places.
2e: Hill s'échappe et repousse Alesi à deux secondes. Irvine prend la treizième place à Herbert.
3e: Hill tourne une demi-seconde au tour plus vite qu'Alesi. Villeneuve pourchasse Häkkinen pour la troisième place. Montermini se gare dans la pelouse suite à une panne d'alimentation électrique sur sa Forti. Fisichella, qui bataillait avec Badoer, est éliminé par une chute de pression d'essence.
5e: Hill devance Alesi (3s.), Häkkinen (6.3s.), Villeneuve (7.1s.), Berger (9.2s.), Brundle (12s.), Coulthard (13s.), Diniz (15.2s.), Barrichello (15.7s.) et Panis (16.1s.). Irvine est au ralenti: la soupape hydraulique de sa commande de boîte a cédé.
6e: Irvine regagne son stand et met pied à terre. Le Grand Prix de France est déjà fini pour Ferrari !
7e: Hill creuse toujours l'écart sur Alesi alors que Villeneuve trépigne derrière Häkkinen. Loin de là, Brundle peine à contenir un Coulthard incisif.
9e: Quatre secondes et demie séparent Hill et Alesi. Villeneuve laisse Häkkinen prendre un peu de champ.
10e: Hill précède Alesi (5.2s.), Häkkinen (8.7s.), Villeneuve (10.2s.), Berger (13.4s.), Brundle (19.2s.), Coulthard (19.8s.), Diniz (23.4s.), Barrichello (25.2s.), Panis (25.7s.), Verstappen (27.2s.) et Frentzen (29.6s.).
11e: Suite à l'effondrement d'un bras de suspension, Verstappen quitte la route dans la courbe d'Estoril et s'enlise dans les graviers. Le Hollandais abandonne.
13e: Alesi concède maintenant six secondes et demie à Hill. Villeneuve évolue quant à lui à une seconde et demie de Häkkinen.
14e: Brundle résiste farouchement à Coulthard, quitte à allumer parfois ses roues. Les Jordan sont affligées d'un violent sous-virage. Badoer passe chez Forti pour ravitailler et faire vérifier son moteur qui a des ratés.
16e: Hill domine devant Alesi (8s.), Häkkinen (11.2s.), Villeneuve (12.7s.), Berger (17.4s.), Brundle (30.4s.), Coulthard (30.8s.), Diniz (36.8s.), Barrichello (37.4s.), Panis (37.7s.), Frentzen (43.8s.) et Katayama (45.2s.).
18e: Barrichello est pris en sandwich entre les Ligier de Diniz et Panis. Le Français se décale régulièrement à l'approche de l'épingle d'Adélaïde sans pouvoir doubler le Brésilien.
19e: L'intervalle entre Hill et Alesi atteint neuf secondes. Panis et Salo opèrent un premier pit-stop.
20e: Coulthard pointe son museau à l'intérieur de l'épingle, mais Brundle ferme la porte. Barrichello stoppe chez Jordan pour mettre de l'essence et des pneus neufs. Il reprend la piste derrière Panis et Herbert.
21e: En fin de tour, Alesi s'arrête chez Benetton pour un ravitaillement (7.3s.) et repart cinquième. Häkkinen se retrouve second.
23e: Hill devance Häkkinen de treize secondes. Villeneuve est revenu dans les échappements du Scandinave. Brundle effectue un pit-stop (8.5s.) et se glisse entre Katayama et Panis. Arrêt aussi pour Lamy.
24e: Berger fait halte chez Benetton (8.1s.) et repasse logiquement derrière Alesi. Brundle perd du temps derrière Frentzen et Katayama.
25e: Coulthard effectue son premier pit-stop (7.8s.) et reprend la piste loin devant Brundle. Arrêts aussi pour Rosset et Katayama.
26e: Hill jouit de quatorze secondes de marge sur le duo Häkkinen - Villeneuve. Frentzen opère un arrêt-ravitaillement
27e: Hill pénètre dans l'allée des stands. Il reprend de l'essence et un jeu de gommes neuves (7.5s.). Häkkinen ravitaille aussi dans la foulée (7.7s.), ce qui laisse Villeneuve aux commandes de l'épreuve. Diniz, sixième, résiste aux assauts de Coulthard.
28e: L'intervalle entre les Williams de Villeneuve et de Hill se chiffre à dix secondes. Arrêt de Herbert.
29e: Diniz se gare à la sortie de la pit-lane, moteur coupé. Déception pour le Pauliste qui menait sans nul doute la plus belle course de sa carrière...
30e: Villeneuve exécute son premier arrêt-ravitaillement (9s.) et ressort des stands devant Häkkinen. Il a ainsi gagné une place dans les stands. Hill recueille le leadership. Abandon de Badoer suite à une panne électrique.
31e: Hill est premier devant Alesi (10.7s.), Villeneuve (14.4s.), Häkkinen (16.6s.), Berger (19.6s.), Coulthard (42.7s.), Brundle (48.5s.), Panis (49.8s.), Barrichello (55.6s.) et Frentzen (1m. 09s.).
33e: Villeneuve réduit sensiblement son retard sur Alesi qui rencontre quelques problèmes de freins. Désormais septième, Brundle résiste aux assauts de Panis.
34e: Katayama regagne son garage suite à une brutale perte de puissance sur son V10 Yamaha.
35e: Hill compte onze secondes d'avance sur Alesi, rattrapé par Villeneuve. Berger fait pour sa part la jonction avec Häkkinen.
37e: Villeneuve prend l'aspiration d'Alesi dans la longue pleine charge et le déborde par l'intérieur à l'épingle d'Adélaïde. En délicatesse avec ses freins, l'Avignonnais n'a pas résisté. Panis doit revenir aux stands pour mettre de l'essence: une valve récalcitrante l'a empêché d'être correctement ravitaillé lors de son précédent arrêt. Il reprend la piste derrière Barrichello.
38e: L'étonnant Panis réalise le meilleur chrono provisoire (1'18''712'''). Mais ses espoirs se bornent dorénavant à inscrire un point...
39e: Hill mène devant Villeneuve (11s.), Alesi (14.3s.), Häkkinen (22.3s.), Berger (24s.), Coulthard (48s.), Brundle (1m.), Barrichello (1m. 06s.), Panis (1m. 14s.) et Frentzen (-1t.).
41e: L'intervalle entre les deux Williams de tête tourne autour de la douzaine de secondes.
43e: Alesi arrive chez Benetton pour exécuter son second arrêt-ravitaillement (10s.) et ressort en cinquième position. Berger dépasse Häkkinen à Adélaïde et grimpe en troisième position.
45e: Villeneuve est revenu à moins de dix secondes de Hill. Panis déborde Barrichello à l'épingle et grimpe au huitième rang.
46e: Hill perd un peu de temps derrière un Panis très rapide. Berger opère son deuxième pit-stop (8.5s.) et repart comme prévu derrière Alesi. Arrêt aussi pour Salo.
47e: Hill se défait de Panis à Adélaïde. Barrichello passe chez Jordan pour reprendre du carburant et des enveloppes.
48e: Villeneuve réalise le meilleur tour de la course (1'18''610''') et ne concède plus que sept secondes à son coéquipier. Brundle opère son second ravitaillement. Lamy et Rosset sont aussi aperçus aux stands.
49e: Villeneuve passe chez Williams pour son dernier pit-stop (8.4s.) et reste second. Coulthard fait pour sa part escale chez McLaren pour son deuxième arrêt (7.6s.). Frentzen ravitaille aussi au tour suivant
51e: Hill retarde son dernier passage aux stands et porte son avantage sur Villeneuve à trente secondes. Häkkinen est provisoirement troisième.
52e: Häkkinen exécute son dernier arrêt-ravitaillement (8.4s.) et se retrouve loin derrière Berger. Les quatre monoplaces motorisées par Renault sont aux quatre premières places. Panis prend l'aspiration de Coulthard dans la longue pleine charge et se jette à l'intérieur au freinage d'Adélaïde. Leurs roues se touchent et le jeune Français passe en force.
53e: Hill apparaît dans les stands pour reprendre de l'essence et changer ses pneus (7.2s). L'Anglais conserve logiquement la première position. Deuxième arrêt aussi pour Herbert.
54e: Hill a maintenant la victoire en poche. Berger est dans les roues d'Alesi. Panis était sixième mais doit ravitailler une troisième fois. L'opération est rapide (7.4s.), cependant le pilote Ligier se retrouve sans surprise derrière Coulthard.
56e: Hill est premier devant Villeneuve (11s.), Alesi (34.7s.), Berger (35.3s.), Häkkinen (50.7s.), Coulthard (1m. 10s.), Panis (-1t.), Brundle (-1t.), Barrichello (-1t.), Frentzen (-1t.), Salo (-1t.) et Herbert (-2t.).
58e: Alesi se fait une petite frayeur en plaçant une roue sur l'herbe au freinage d'Adélaïde. Il rattrape un début d'embardée.
59e: Berger se contente de suivre sagement son équipier Alesi, ne voulant pas compromettre ce bon résultat pour Benetton et Renault. Frentzen se plante dans les graviers au virage du Lycée à cause d'un accélérateur bloqué.
60e: Villeneuve sécurise désormais le doublé des Williams: son retard sur Hill passe de onze à treize secondes.
63e: Hill devance Villeneuve (13.3s.), Alesi (42.6s.), Berger (43.3s.), Häkkinen (53.7s.) et Coulthard (1m. 19s.).
64e: Villeneuve se retrouve dans le sillage de Panis qui attaque fort dans l'espoir de rejoindre Coulthard.
65e: Treize secondes séparent toujours Hill de son jeune équipier. Loin de là, les Benetton roulent de concert.
67e: Villeneuve a doublé Panis et est un petit peu plus rapide que Hill en cette fin de course. Coulthard a concédé un tour au leader.
68e: À quatre tours du drapeau à damiers, Hill précède Villeneuve (12s.), Alesi (46.8s.), Berger (47.8s.), Häkkinen (1m.), Coulthard (-1t.), Panis (-1t.), Brundle (-1t.), Barrichello (-1t.) et Salo (-2t.).
70e: Villeneuve finit l'épreuve une douzaine de secondes derrière son équipier. Berger demeure dans le sillage d'Alesi.
72ème et dernier tour: Damon Hill s'adjuge pour la première fois la victoire au GP de France. Villeneuve termine deuxième avec la seconde Williams. Alesi termine troisième et Berger quatrième. C'est un quadruplé pour le V10 Renault. Les McLaren-Mercedes de Häkkinen et de Coulthard empochent les derniers points. Panis, Brundle, Barrichello, Salo, Herbert, Rosset et Lamy rejoignent aussi l'arrivée.
Médiocre onzième, Herbert est déclassé par les commissaires de course pour la même raison qu'Irvine la veille: hauteur de déflecteur latéral non-conforme.
Après la course: le quadruplé Renault
Ce Grand Prix de France se conclut donc par un superbe quarté Renault. Un motoriste n'avait plus signé pareil exploit depuis Honda au GP de Grande-Bretagne 1987, avec Nigel Mansell et Nelson Piquet (Williams), Ayrton Senna et Satoru Nakajima (Lotus). Le champagne coule à flots dans les rangs du Losange. Cette euphorie fait quelque peu oublier l'amertume du retrait annoncé. « En même temps que nous ne perdions rien de la course, nous avons réfléchi à ce que nous pourrions entreprendre au-delà de 1998 », reconnaît Christian Contzen. « Renault l'a voulu, Renault l'a fait ! » clame fièrement le président Louis Schweitzer. Sur le podium, Damon Hill, Jacques Villeneuve et Jean Alesi reçoivent leurs trophées des seules mains de Jean-Marie Balestre qui rappelle ainsi, une dernière fois, qu'il est le « patron » du sport automobile français. « Pour Renault, on devrait prévoir des podiums à quatre places, non ? » plaisante Gerhard Berger.
L'allégresse gagne aussi Frank Williams, élogieux comme jamais envers ses pilotes: « Damon est excellent et Jacques est un petit génie. » Vainqueur pour la sixième fois en neuf Grands Prix, Damon Hill confirme l'adage selon lequel les gens heureux n'ont pas d'histoire: « De quoi devrais-je me plaindre ? La voiture a super bien fonctionné, le nouveau RS8B a tourné comme une horloge, les ravitaillements se sont déroulés parfaitement... Une course facile. » Jacques Villeneuve, qui s'élançait de trop loin pour s'imposer, concède maintenant vingt-cinq points à son équipier au championnat. Ses chances de titre mondial s'amenuisent. Pour sa part, Jean Alesi considère sa troisième place à domicile, « comme un victoire », même si des problèmes de freins et de suspension arrière ont rendu l'adhérence de sa Benetton très précaire.
Ce Grand Prix de France n'a pas souri aux autres membres du clan tricolore. Olivier Panis a mené une course flamboyante récompensée par... zéro point. « Dommage car j'aurais pu m'élancer d'une meilleure place sur la grille, et gagner des points comme l'indique mon meilleur tour... Nous avons dû procéder à trois arrêts au lieu de deux: une panne de la machine à ravitailler m'a contraint à faire un mini-plein à mi-parcours », explique le Grenoblois, fort déçu. Quant à la colonie Peugeot, elle quitte Magny-Cours humiliée par les prestations calamiteuses des Jordan. Par bonheur, le président Jacques Calvet, toujours aussi peu passionné par la F1, n'a pas fait le déplacement pour assister à ce désastre...
Dimanche matin, Michael Schumacher craignait de ne pouvoir revenir à temps à Monaco pour suivre la finale de l'Euro de football entre l'Allemagne et la Tchéquie, à 20h45. Il ne pensait pas que son Grand Prix s'achèverait... avant même le départ ! La faute à un moteur explosé... « Que dire ? J'ai d'abord ressenti une grosse colère en voyant tout le travail de l'équipe partir en fumée ! » soupire le champion allemand. « Puis je me suis calmé. Dans ces moments-là, il est inutile de se laisser submerger par l'émotivité. S'exalter quand tout va bien et déprimer quand tout va mal ne sert à rien. Il faut rester froid, rationnel, équilibré. » Serait-ce l'énoncé du « schumacherisme » ? « Je savais très bien que nous irions au-devant de sérieux problèmes de fiabilité, mais je m'attendais à les rencontrer en début de saison. Au contraire, ils surviennent maintenant après une bonne période de fiabilité. Bon, ne nous décourageons pas. Il faut serrer les dents. » Jean Todt déclare pour sa part avoir vécu « le jour plus noir de sa carrière en sport automobile ». Il est vrai qu'après la mésaventure survenue à Schumacher, Eddie Irvine a très vite abandonné suite à une panne stupide. Ce qui pose des questions sur le contrôle de fabrication au sein de la Scuderia. Il n'en faut pas plus à la presse italienne pour titrer sur le « ridicule » qui frappe Ferrari et pour proclamer l'état de crise ! Sans parler des soupçons de tricherie qui flottent depuis le samedi...
Au classement des pilotes, Hill (63 points) jouit dorénavant de vingt-cinq longueurs d'avance sur Villeneuve (38 pts) et se rapproche plus que jamais de la consécration. Chez les constructeurs, Williams-Renault (101 pts) est sans rivale alors que Benetton-Renault rejoint Ferrari à la seconde place (35 pts chacune). McLaren-Mercedes, dont la voiture ne cesse de progresser, est quatrième en embuscade, avec 26 points.
Tony