Réformes techniques: moins de vitesse, plus de sûreté
Pour 1995, la FIA bouleverse le règlement technique avec l'objectif louable de limiter les performances et d'accroître la sécurité des pilotes après une saison 1994 meurtrière. Max Mosley a confié l'élaboration de ces nouvelles normes à un collège rassemblant des techniciens fédéraux (dont le très réputé Peter Wright, ex-Lotus), des consultants privés et les directeurs techniques de chacune des écuries.
Afin de réduire la puissance des moteurs, la cylindrée est abaissée de 3500 à 3000 cm3. Tous les motoristes doivent donc produire de nouveaux blocs qui délivrent environ cent chevaux de moins. L'accélérateur électronique, banni en 1994, est de nouveau autorisé, de même que les freins anti-blocage, à condition d'exploiter un système dépourvu d'électronique. L'utilisation d'un carburant « commercial » devient impérative alors qu'une trappe est placée en haut du capot-moteur afin de décompresser l'air d'admission. La contenance des réservoirs est en outre libéralisée. Du coup, toutes les équipes optent pour de petits réservoirs de 110 à 140 litres (contre 200 litres l'an passé). Les monoplaces ne sont cependant pas moins volumineuses car l'habitacle et la cellule de survie sont agrandis. Les Formules 1 sont de plus sensiblement alourdies. De 505 kg, porté à 515 kg courant 1994, le poids minimal est maintenant fixé à 595 kg, pilote compris. Si l'on évalue le poids de ce dernier à environ 70 kg, les bolides seuls ont donc gagné entre 5 et 10 kg.
Sur le plan aérodynamique, le fond-plat comporte une surépaisseur de 50 mm par rapport aux planchers des pontons latéraux. La largeur de cet escalier est fixée entre 30 et 50 cm. Il devra se poursuivre jusqu'à l'axe des roues arrière et non plus jusqu'à la tangente. A cet escalier est rajouté sur toute sa longueur un patin de bois de 10mm d'épaisseur. Le plan inférieur des pontons remonte donc légèrement, ce qui casse l'effet Venturi et diminue l'effet de sol. En ce qui concerne l'aérodynamique supérieur, les références sont dorénavant calculées par rapport au point le plus bas de la voiture (le patin) et non plus le fond plat. L'aileron arrière, le capot-moteur et le museau sont rabaissés de manière significative, d'où un moindre appui aérodynamique. « Notre objectif a surtout été de réduire la vitesse de passage en virage », explique Max Mosley à Auto Hebdo. « Ce qui rend indirectement les voitures plus faciles à conduire. Tous les pilotes sont d'accord à ce sujet. Si j'avais eu une liberté totale, j'aurais carrément supprimé l'aileron avant, ce qui aurait poussé les ingénieurs à réduire de beaucoup l'aileron arrière. Les appuis conditionnent l'adhérence d'une F1, donc ses performances en virage, donc ses capacités de freinage... Il faudra y réfléchir... »
Dans un souci de sécurité, la FIA renforce aussi la puissance d'absorption des monocoques. Les structures déformables doivent encaisser les chocs les plus violents sans que soit touchée la cellule de survie. Les dimensions de l'habitacle, de son ouverture et de la monocoque proprement dite sont accrues afin de permettre aux pilotes de sortir plus facilement de leurs monoplaces et d'améliorer leur confort de pilotage, en particulier pour les grands gabarits (Berger, Wendlinger etc.). La hauteur des flancs est, du reste, relevée de 40 à 55 cm alors que la partie avant de la monocoque, entre l'extrémité du cockpit et l'axe du pédalier doit atteindre 75 cm. La structure déformable enserrant ce même pédalier est élargie pour mieux protéger les membres inférieurs du conducteur.
Présentation des écuries
Les quatre top-teams
1995 sera pour Benetton une saison cruciale. L'écurie du marchand de pulls doit d'abord conserver sa couronne mondiale des pilotes, acquise de haute lutte par Michael Schumacher l'année précédente. De plus, elle peut songer sérieusement au titre des constructeurs grâce à son nouveau partenariat avec Renault. Le motoriste français fournit en effet désormais les deux meilleures équipes du plateau, Williams et Benetton, et s'engage à les traiter avec une stricte équité. Deux staffs techniques distincts, attachés à chacune des écuries, sont créés et chapeautés par Bernard Dudot. Le V10 Renault RS7 se greffe dans une Benetton B195 qui ressemble beaucoup à sa devancière, malgré des pontons rehaussés et affinés. On constate aussi que le triangle de suspension arrière est intégré dans le carénage aérodynamique. Ross Brawn et Roy Byrne prévoient cependant d'intégrer de nombreuses évolutions en cours de saison. Au volant de ce bolide, Michael Schumacher entend bien sûr conquérir son second titre mondial, si possible cette fois sans soulever de polémiques. L'Allemand est incontestablement le favori de cette nouvelle saison. Son coéquipier sera le brave Johnny Herbert, enfin récompensé d'un bon volant des vains efforts dépensés chez Lotus. À lui de s'en montrer digne. En cas de défaillance, le jeune et ambitieux Français Emmanuel Collard, recruté comme essayeur, est prêt à prendre la relève.
Habituée à dominer la Formule 1 depuis 1992, Williams a connu une saison 1994 extrêmement éprouvante. On ne dira jamais assez combien cette écurie a été traumatisée par la mort d'Ayrton Senna. Les exploits de Damon Hill (deuxième du championnat, à un petit point de Schumacher) et le titre des constructeurs glané in extremis ont certes quelque peu rasséréné un collectif meurtri. Mais les nuages ne sont hélas pas encore dissipés, puisque la justice italienne poursuit son enquête sur le drame d'Imola et menace Frank Williams et Patrick Head de poursuites. Cependant, les hommes de Didcot se préparent activement à la revanche contre Benetton, équipe avec laquelle ils doivent partager le nouveau V10 Renault RS7. Adrian Newey présente une monoplace radicalement nouvelle, la FW17, dotée d'un museau relevé et d'un élégant profil fuselé. À son volant, Damon Hill a survolé les essais d'avant-saison à Estoril. Le Britannique entame cette nouvelle saison assoiffé de revanche après avoir perdu le titre 94 pour un minuscule point, sur une manœuvre pour le moins litigieuse de Schumacher. Il devra cependant se méfier de son équipier David Coulthard, préféré à Nigel Mansell par Frank Williams. Le jeune Écossais a démontré l'an passé lors de son intérim qu'il était tout à fait capable de rivaliser avec Hill, et même de le vaincre à la régulière. Il sera donc peu enclin à jouer les lieutenants dociles... À noter enfin que le poste d'essayeur revient à un Français, le champion international de F3000 Jean-Christophe Boullion.
Ferrari a retrouvé le chemin de la victoire en 1994 lors du GP d'Allemagne avec Gerhard Berger. Pour 1995, la Scuderia espère engranger d'autres succès, avant de songer aux titres mondiaux en 1996. John Barnard a planché de longs mois sur la nouvelle 412 T2 qui étonne... par son classicisme. La Rouge adopte ainsi un nez incurvé alors que la mode tend à les surélever. On aperçoit peu de déflecteurs sur cette monoplace à l'aérodynamisme particulièrement léché. Sous le capot, les ingénieurs Paolo Martinelli et Osamu Goto ont adapté l'encombrant et gourmand V12 à la nouvelle réglementation, mais travaillent dorénavant sur un V10 beaucoup plus adapté aux normes en vigueur et au principe des ravitaillements. Un embrayage automatique manuel fait par ailleurs son apparition. Selon Jean Alesi, cette 412 T2 « est la meilleure Ferrari jamais sortie depuis 91 ». Seul bémol: elle n'a que peu roulé cet hiver et aura sans doute encore besoin d'être dégrossie après le GP du Brésil. Côtés pilotes, Gerhard Berger se prend à rêver au titre mondial. Pourquoi pas ? À 36 ans, il ne peut plus attendre... Jean Alesi, dont la position à Maranello est moins assurée que par le passé, court quant à lui toujours après sa première victoire en F1.
Après les intermèdes Ford et Peugeot, McLaren entame une nouvelle collaboration avec le géant allemand Mercedes. La firme de Stuttgart revient en F1 par le biais du motoriste britannique Ilmor, et c'est ainsi que le V10 estampillé de l'Étoile sera en fait conçu outre-Manche. Baptisé FO 110, ce moteur offre la même puissance que le V10 Peugeot mais tourne plus vite et offre une plage d'utilisation plus étendue. Le directeur technique Neil Oatley et l'aérodynamicien Henri Durand le logent dans une MP4/10 très novatrice. Afin d'accroître une adhérence qui faisait défaut en 1994, les deux ingénieurs optent pour un nez relevé, une première chez McLaren. En outre, ils greffent sur le capot-moteur un petit aileron intermédiaire censé accroître l'appui. Pour développer cette voiture originale, Ron Dennis compte beaucoup sur son poulain, le rapide et sérieux Mika Häkkinen. Mais voilà, Marlboro et surtout Mercedes voulaient aussi recruter une grande star. Faute de pouvoir rappeler Alain Prost, Dennis a dû se rabattre sur Nigel Mansell, laissé libre par Williams. Voilà un attelage qui laisse dubitatif, tant l'inimitié entre les deux hommes est proverbiale ! Mansell ne doute en tout cas de rien: à 42 ans, il affirme viser un second titre mondial ! Hélas, son année commence bien mal, car il apparaît en février qu'il est trop gros pour entrer dans le cockpit de la MP4/10 ! McLaren doit concevoir en hâte une nouvelle coque qui ne sera pas prête avant le GP de Saint-Marin...
Les outsiders
Cinquième du championnat des constructeurs en 1994, Jordan Grand Prix cette saison une place dans le « top quatre ». L'écurie irlandaise est dorénavant alliée à Peugeot Sport qui lui fournit gratuitement et en exclusivité son nouveau V10 3l dédaigné par McLaren. Le pétrolier français Total fournit l'essence et apporte en outre un petit pécule. Gary Anderson conçoit une nouvelle voiture, la 195, qui se distingue par des pontons bulbeux rappelant les Ferrari 640 et 641. En outre, afin de retrouver un peu d'appui, il rajoute des sabots à l'aileron arrière, juste au dessus des pontons. Pour atteindre les sommets, Jordan et Peugeot comptent beaucoup sur Rubens Barrichello, qualifié de « nouveau Senna » par les médias brésiliens, et de ce fait soumis à une pression peut-être excessive. Le jeune Pauliste apporte aussi le concours financier de Marlboro et d'une foule de petits sponsors personnels, dont les logos transforment la Jordan en arbre de Noël. Barrichello devra par ailleurs se méfier de son équipier Eddie Irvine, un chien fou arrogant mais très capable de le malmener, comme on l'a vu ça et là en 1994.
Ligier-Gitanes est dorénavant un satellite de Benetton. Flavio Briatore missionne ainsi son acolyte Tom Walkinshaw à la tête de l'écurie bleue, dont il est également le copropriétaire. L'Écossais apporte dans ses bagages un joli cadeau: le nouveau V10 Mugen-Honda, arraché à Minardi, qui devrait remplacer convenablement le V10 Renault parti à la maison-mère. Côté technique, Frank Dernie dessine une JS41 qui ressemble comme une sœur à la Benetton 195. Tout le train arrière, y compris la boîte de vitesses, est une copie conforme de la monoplace d'Enstone. L'espoir français Olivier Panis, révélation de la saison passée, fiable (un seul abandon en 94) et rapide, sera le fer de lance des Bleus. Le deuxième baquet fera l'objet d'une alternance entre Aguri Suzuki, imposé par Honda, et Martin Brundle, le protégé de Walkinshaw, évincé de McLaren à son grand désarroi. Frank Lagorce occupera le poste d'essayeur.
En 1994, Tyrrell a enrayé son déclin en inscrivant treize points, son meilleur résultat depuis quatre ans. L'écurie d'Ockham redevient attractive pour les commanditaires et obtient ainsi le soutien du géant finnois de la téléphonie mobile Nokia. Harvey Postlethwaite et ses deux adjoints Jean-Claude Migeot et Nigel Beresford conçoivent une 023 très novatrice. On y trouve ainsi une suspension avant hydropneumatique capable de corriger tout mouvement parasite du châssis, des pontons à bords de fuite abaissés et une boîte de vitesses surélevée afin de mieux évacuer le flux d'air vers l'arrière. La Tyrrell est propulsée par le nouveau V10 Yamaha 3l, compact, léger et jouissant d'une distribution pneumatique. Ce moteur tournera – c'est une nouveauté – avec du carburant Agip. Tyrrell s'est battu avec Pacific-Lotus pour engager l'espoir finlandais Mika Salo qui non seulement apporte Nokia dans ses bagages, mais s'est aussi révélé très rapide en essais privés. Ukyo Katayama, auteur d'une saison 94 très convaincante, vise quant à lui... la victoire !
Comme chaque année, Jackie Oliver parvient avec peine à constituer un budget décent pour Arrows. C'est ainsi qu'il confie un baquet au Japonais Taki Inoue, brièvement aperçu l'an passé chez Simtek, dont l'absence de palmarès est compensée par les millions de yens apportés par Nova, son consortium familial. Heureusement, Oliver conserve aussi le solide Gianni Morbidelli, moyennant l'apport de quelques sponsors italiens. Arrows se dote par ailleurs du nouveau V8 Hart, le plus petit et le plus léger du peloton, qui remplace sans doute avantageusement le vieillissant Cosworth. Alan Jenkins dessine une FA15 très soignée sur le plan aérodynamique, qui se distingue par une boîte de vitesse longitudinale retournée et une commande d'embrayage électronique située au volant. Comme toujours avec Arrows, l'approvisionnement financier et le développement technique seront les clefs de la saison. L'objectif est simple: faire mieux qu'en 1994 (neuf points inscrits).
Le milieu de grille
Peter Sauber s'est séparé « à l'amiable » de Mercedes à l'issue de la saison 94, c'est-à-dire en obtenant l'effacement de ses dettes à l'égard des Allemands. Un quitus qui lui a tout simplement permis de survivre. L'équipe helvétique entame donc un nouveau chapitre de son histoire. Ses caisses sont renflouées par l'arrivée d'un nouveau sponsor-titre, le fabricant autrichien de boissons énergisantes Red Bull. André de Cortanze dessine une C14 très différente de ses devancières, mais d'une ligne relativement classique si l'on excepte ses roues arrière carénées. Cette voiture accueille le V8 Ford-Cosworth Zetec qui décroché le titre mondial l'an passé avec Benetton et Schumacher. Voilà un ensemble qui devrait au moins s'assurer une place dans la première moitié du peloton. Sauber peut par ailleurs compter sur l'excellent Heinz-Harald Frentzen qui, bien que courtisé par McLaren et Williams, est resté loyal à l'homme qui l'a tiré de l'anonymat de la F3000 japonaise. Pour le deuxième baquet, Red Bull aurait souhaité engager Christian Fittipaldi. Mais, homme d'honneur, Sauber préfère redonner sa chance à Karl Wendlinger. Neuf mois après le terrible accident qui a failli lui coûter la vie, le discret Autrichien fait donc son retour en compétition officielle. Mais est-il tout à fait rétabli physiquement et psychologiquement ?
Après dix saisons de galère, Giancarlo Minardi et Beppe Lucchini ont cru fin 94 décrocher le Graal avec le moteur Mugen-Honda. Le contrat n'avait plus qu'à être signé, lorsque ce margoulin de Tom Walkinshaw a enlevé le V10 nippon pour l'offrir à Ligier. Une cruelle désillusion pour la petite scuderia et une terrible perte de temps: la M195, dessinée pour le Mugen, doit s'adapter in extremis au vieux V8 Cosworth ED. La voiture élaborée par Aldo Costa, ultra-courte, a heureusement bénéficié d'une longue étude aérodynamique. Elle est par ailleurs munie d'une boîte électro-hydraulique « made in Faenza » avec embrayage automatique et d'une gestion électronique Magneti Marelli dernier cri. Les pilotes seront l'indéboulonnable Pierluigi Martini et le fougueux Luca Badoer, de retour en Grand Prix après une année passée sur le strapontin d'essayeur. Ce poste échoit à un autre jeune Italien, Giancarlo Fisichella.
Le fond de la grille
Après une saison d'apprentissage endeuillée par la mort de Roland Ratzenberger, Simtek souhaite vivre une seconde saison plus sereine. Hélas, la petite équipe de Nick Wirth se débat avec un budget minuscule, alimenté par des sponsors mauvais payeurs. C'est à grand peine que le patron-ingénieur arrive à bout de la conception de la S951 à moteur Cosworth, une évolution douce de la voiture de 1994. Par bonheur, il peut compter sur l'appui (désintéressé) de Flavio Briatore qui lui offre la transmission semi-automatique Benetton et lui prête son jeune protégé, le véloce mais encore tendre Jos Verstappen. Le deuxième baquet échoit à Domenico Schiattarella, déjà aperçu l'an passé, un pilote payant certes, mais suffisamment doué pour tenir son rang en F1. A l'orée de cette saison, Nick Wirth et son acolyte le team manager Charlie Moody espèrent obtenir quelques résultats grâce à l'incontestable qualité de leur matériel, et ainsi attirer des commanditaires qui leur permettront de finir l'année.
Pacific GP a vécu une première saison cauchemardesque, ponctuée de 25 non-qualifications. Afin d'attirer quelques mécènes, Keith Wiggins obtient de David Hunt l'autorisation de placer le logo du défunt Team Lotus sur ses voitures. De son côté, tout en restant au volant, Bertrand Gachot devient également actionnaire et repart à la chasse aux sponsors. Il déniche ainsi le concours du riche homme d'affaires japonais Ko Gotoh, héritier du groupe Tokyu. Sur le plan technique, Pacific se débarrasse du vieux châssis Reynard et confie la réalisation d'une toute nouvelle PR02 à Frank Coppuck, le frère de Gordon. Cette machine de facture classique, rondouillarde, se singularise par un appendice en forme de « pelle à tarte » fixé au bout du museau et par de longs déflecteurs se terminant au-dessus des roues arrière. Le V10 Ilmor fait enfin place au V8 Ford-Cosworth ED. Le coéquipier de Gachot sera l'Italien Andrea Montermini qui s'est forgé en F3000 comme en IndyCar une solide réputation de froisseur de tôles.
Guido Forti fait partie de ces passionnés italiens qui, après avoir brillé dans les formules de promotion (F. Ford, F3, F3000), franchissent avec un brin d'optimisme le seuil de la F1. Méditant les échecs d'Osella, Coloni etc., il a cependant mis trois ans à concocter son projet. Comprenant que l'argent est décidément le nerf de la guerre, il s'est associé à un certain Piero Gancia, fils d'une riche famille italienne émigré au Brésil. Ce dernier lui a présenté un homme d'affaires du cru, Abilio Diniz, directeur d'une chaîne d'environ 200 supermarchés. Diniz a apporté à Forti le concours de plusieurs marques dont il est l'exportateur, notamment le géant laitier italien Parmalat. En échange, il lui a imposé comme pilote son rejeton Pedro, 25 ans, d'abord en F3000, et aujourd'hui en F1. Archétype du pilote payant, Diniz Jr. n'a inscrit que trois points en deux saisons de F3000 et aura sans doute bien de la peine à surnager en F1. Pour l'épauler, Forti fait heureusement appel à un autre Brésilien, très expérimenté celui-ci, le sympathique Roberto Moreno, de retour en F1 après une année de Super-Tourisme. Côté technique, le trio d'ingénieurs Giorgio Stirano – Chris Radage – Hans Fouche choisit la simplicité avec une monoplace aux formes généreuses, assez lourde, dotée d'un V8 Ford-Cosworth client et d'une boîte séquentielle Hewland.
Larrousse F1 à l'agonie - Disparition de Lotus
En panne de liquidités, Gérard Larrousse cherche durant tout l'hiver 1994-1995 un partenaire pour survivre. Il négocie pendant de longs mois avec Jean-Claude Driot qui souhaite faire grimper son écurie DAMS en F1. Ce projet capote en février 95, Driot décidant d'attendre un an de plus pour passer dans la discipline reine. Du coup, Larrousse se tourne vers Gérard Messaoudi et Laurent Barlesi, fondateurs du Junior Team, une nouvelle équipe française disposant d'un budget pour commencer la saison... mais pas pour la terminer. Les trois hommes s'allient début mars et demandent alors au gouvernement français une large subvention pour boucler leur budget. On en est là lorsqu'arrive le début du championnat, et bien évidemment l'équipe de Signes ne peut faire le déplacement ni au Brésil ni en Argentine. Car se pose aussi l'épineuse question de la monoplace: Larrousse a été lâché par son associé Robin Herd et ne peut donc pas adapter le châssis 94 aux normes de 1995. Par bonheur, le tandem Messaoudi – Barlesi a encore assez d'argent pour monter un bureau d'études en Grande-Bretagne, Racing Cars Ltd., qui sera dirigé par le prestigieux Steve Nichols. Ce dernier met en chantier la LH95, pendant que Larrousse, assisté du président de la FFSA Jean-Marie Balestre, fait le siège du premier ministre Édouard Balladur...
Enfin, un nom ô combien glorieux manque à l'appel de cette saison 1995, celui du Team Lotus. David Hunt n'est pas parvenu à dénicher des investisseurs pour sauver la légendaire écurie de Ketteringham Hall. La plus prestigieuse écurie (avec Ferrari) de l'histoire de la Formule 1, riche de six titres mondiaux des pilotes et de sept couronnes des constructeurs, disparaît au grand désespoir des supporteurs britanniques et de nombreux puristes. Hélas, faute de pouvoir s'associer à un grand constructeur mondial, cette officine artisanale était condamnée à mourir dans une F1 moderne réclamant toujours plus de capitaux. Que serait-il advenu si en 1969 Colin Chapman avait accepté de se laisser absorber par British Leyland ?
Tony