Transferts: Irvine chez Ferrari, Brundle chez Jordan
Après la disgrâce de Gerhard Berger, Jean Todt saisit son bâton de pèlerin afin de dénicher un coéquipier à Michael Schumacher pour 1996. Son choix se porte d'abord sur Rubens Barrichello, mais le champion allemand repousse toute cohabitation avec celui qu'il tient pour un rival potentiel. La piste italienne (Nicola Larini, Luca Badoer) écartée d'un revers de main, Todt se tourne vers David Coulthard, mais ce dernier refuse le contrat de n°2 qui lui est proposé. Après avoir songé à Mika Salo ou à Mark Blundell, le directeur de Ferrari jette finalement son dévolu sur Eddie Irvine. Une idée qui en surprend plus d'un. Ce Nord-Irlandais au talent réel, mais limité, cultive une solide réputation de « bad boy » et de dilettante qui cadre mal avec l'image policée de la Scuderia Ferrari. À bien des égards, Irvine est même l'antithèse de Schumacher: parfait « je-m'en-foutiste », il ne crache ni sur les soirées arrosées, si sur les aventures féminines, et se moque de la presse comme d'une guigne. « Je n'ai encore jamais rencontré un journaliste comprenant quelque chose au sport auto », professe-t-il sans vergogne. Mais l'homme est suffisamment intelligent pour comprendre que Todt lui fait là l'offre de sa vie, et accepte sans barguigner de servir de loyal écuyer à la super-star de la Formule 1. En outre, volant en main, Irvine est un teigneux sans complexe: tout le monde se souvient de sa passe d'armes très musclée avec Ayrton Senna pour ses débuts en F1, à Suzuka, en 1993...
Irvine est toutefois engagé avec Eddie Jordan pour 1996. Qu'à cela ne tienne: Ferrari rachète son contrat pour cinq millions de dollars, une somme coquette que Jordan va employer utilement. Fin septembre, Irvine signe avec l'équipe italienne un contrat d'une saison, avec une option pour deux années supplémentaires. « C'est Eddie Jordan qui m'a donné l'opportunité d'arriver en F1 au haut niveau », rappelle-t-il. « Je suis désolé de le quitter. Cependant beaucoup de pilotes rêvent de Ferrari. C'est une occasion que je ne pouvais pas manquer. »
Eddie Jordan ne tarde pas à lui trouver un successeur grâce au petit trésor de guerre que lui apporte son dédit: le 28 septembre, il recrute son vieux compère Martin Brundle pour la saison 96. Les deux hommes se connaissent de longue date, puisque c'est au volant d'une Ralt-Toyota du Eddie Jordan Racing que le pilote anglais a fini second du championnat national de F3 en 1983, juste derrière un certain Ayrton Senna. « Martin fut le premier pilote Jordan à piloter en F1 ! » rappelle l'Irlandais, faraud. Après Tyrrell, Zakspeed, Brabham, Benetton, Ligier et McLaren, Brundle connaîtra donc sa septième écurie de F1 en douze ans. Cependant, Jordan a mené ces négociations sans en référer à Peugeot qui aurait préféré donner sa chance à un pilote français, probablement Laurent Aïello. Jean-Pierre Jabouille n'apprécie pas la « filouterie » de son partenaire, même s'il reconnaît que Brundle, pilote très expérimenté, est dans l'absolu une bonne recrue.
Présentation de l'épreuve: retour dans l'Eifel
Après Donington et Jerez, le Grand Prix d'Europe se tient cette année sur le nouveau Nürburgring, circuit qui a déjà accueilli cette épreuve en 1984, avant de recevoir le Grand Prix d'Allemagne l'année suivante. Bien sûr, la présence d'une deuxième épreuve allemande au calendrier n'est pas sans lien avec l'immense popularité dont jouit Michael Schumacher dans son pays. Et de fait, cette course sera un grand succès populaire. Le circuit a bien sûr évolué depuis dix ans et est maintenant doté de bacs à graviers en guise de dégagements. Par ailleurs, l'ultime chicane Veedol a été redessinée sur l'insistance de Michael Schumacher et arbore un profil plus serré. L'ensemble de la piste n'est malgré tout guère attrayant, comme l'évoque Vincent Gaillardot, l'ingénieur moteur de Schumacher: « Des virages rapides, une vitesse moyenne pas vraiment élevée, et des possibilités de dépassement extrêmement limitées. Dans ce domaine, c'est un Budapest-bis. » En outre, le paddock doit s'habituer à la fraîcheur et à l'humidité du massif de l'Eifel, cinq jours après un Grand du Portugal disputé au bord de l'Atlantique. Entre Estoril et le Nürburgring, le mercure a chuté de vingt degrés ! « Qu'est-ce qu'on est venu foutre ici ! » grommelle Flavio Briatore, grelottant dans son pull-over en cachemire.
Après Estoril, Damon Hill accuse un retard de dix-sept points de retard sur Michael Schumacher à quatre courses du terme du championnat. Passablement démotivé par une saison chaotique, le Britannique a d'ores et déjà fait le deuil de ses ambitions mondiales. D'autre part, son coéquipier David Coulthard prend de plus en plus l'ascendant sur lui, et dans la plus pure « tradition Williams », n'a pas l'intention de lui venir en aide. « Je ne laisserai jamais passer un pilote, pas plus Hill qu'un autre », affirme l'Écossais. « Et si Frank Williams demandait de le faire pour l'équipe, cela dépendrait des circonstances. » Coulthard peut se permettre cette démonstration d'autorité, puisqu'il vient d'annoncer sa signature avec McLaren-Mercedes pour 1996...
Les propos virulents lancés par Jean Alesi contre Jean Todt à l'issue du GP du Portugal ne sont pas restés impunis. Comme il fallait s'y attendre, le président Luca di Montezemolo a pris le parti de son directeur d'écurie contre un pilote sur le départ. Accusé de ne pas avoir respecté les consignes d'équipe, Alesi écope d'une amende de 200 000 dollars, sanction qu'il accepte après s'être longuement entretenu avec Todt. « Jean connaît actuellement des problèmes humains », déclare ce dernier. « Il n'est pas content de devoir quitter Ferrari. Et, impulsif, il n'a pu s'empêcher de déballer des choses internes. Il faut calmer le jeu. Des décisions internes sont prises, je ne vais pas aller dans les détails. » Ce qui n'empêche pas le natif d'Avignon de traîner sa morosité dans le paddock.
Ukyo Katayama n'est pas tout à fait remis de son looping d'Estoril et fait l'impasse sur le Grand Prix d'Europe, afin d'être pleinement rétabli pour ses deux épreuves nationales à venir, à Aïda et Suzuka. Ken Tyrrell le remplace par l'essayeur Gabriele Tarquini, qui fait ainsi son retour trois ans après son dernier Grand Prix. Désespérant de percer dans la catégorie reine malgré un talent indéniable, l'Italien s'est depuis reconverti avec brio en tourisme, et s'est distingué l'an passé en remportant le prestigieux championnat britannique avec Alfa Romeo. Déjà âgé de 33 ans, Tarquini obtient cette « pige » grâce à l'appui de son mentor Gabriele Rumi et n'envisage pas de retour permanent en F1. « Je suis là 80 % pour le plaisir. Restent 20 % de rêve... » dit-il à Auto Hebdo.
La pauvre écurie Forti Corse est victime d'une incroyable série de déboires qui a bien failli lui faire manquer cette épreuve. Son motorhome habituel tombe d'abord en panne à Salamanque, sur la route entre le Portugal et l'Allemagne. Le second, celui de la F3000, s'arrête ensuite du côté de Côme avec une boîte cassée. Puis le troisième, loué en urgence, casse une suspension en arrivant en Belgique ! Guido Forti emprunte finalement in extremis un motorhome à Peugeot pour convoyer son matériel sur le Nürburgring. Celui-ci arrive sur place dans la nuit du jeudi au vendredi, au grand soulagement des mécaniciens.
Samedi soir, la Commission F1 se réunit afin d'élaborer un nouveau format des Grands Prix à compter de la saison 1996. Comme le souhaitait Bernie Ecclestone, il n'y aura plus dorénavant qu'une seule session de qualification d'une heure, le samedi après-midi, et ce afin d'éviter les séances désertées pour cause de pluie, ce qui se produit de plus en plus souvent et déçoit évidemment les chaînes de télévision. Le vendredi après-midi sera désormais consacré à des essais libres supplémentaires. Le Conseil mondial de la FIA doit encore entériner ces décisions, ce qui ne devrait être qu'une formalité puisque Max Mosley les appuie. À noter enfin qu'Ecclestone a convié à cette même réunion un invité inattendu, Roger Penske, afin, dit-il, de « démontrer que la F1 et la F. Indy sont en bons termes. » « Et si vous me cherchez un successeur, Roger fera peut-être l'affaire », ajoute le président de la FOCA devant les team managers, interloqués.
Williams apporte deux FW17 B ainsi qu'un mulet en configuration classique destiné à servir de comparaison lors des essais du vendredi matin, avant d'être transformé à son tour en version B. De son côté, McLaren adapte ses trois monoplaces en version « C ». La Jordan-Peugeot reçoit un nouvel aileron arrière très complexe, comprenant pas moins de dix-sept éléments, ajusté à un profil d'extracteur inédit. Ferrari lance un nouvel aileron avant, d'inspiration Williams, longuement testé au Mugello et doté de deux dérives inférieures au lieu de trois. Pour finir, Forti utilise enfin sa boîte de vitesses semi-automatique, mais seul Moreno en dispose. Diniz sera donc comme le dernier pilote de l'histoire de la F1 à utiliser un levier de vitesse !
Essais et qualifications
La météo perturbe le déroulement du week-end: une averse surprend ainsi les pilotes à la fin de la séance qualificative du vendredi, tandis que des trombes d'eau s'abattent sur l'Eifel samedi matin. L'après-midi, lors de la seconde session qualificative, la piste tarde à sécher et seuls sept pilotes pourront améliorer leurs chronos de la veille. La grille dépend donc largement des temps réalisés le premier jour.
Les Williams-Renault FW17B dominent largement grâce à une tenue de route exceptionnelle. Coulthard s'empare de sa troisième pole position consécutive (1'18''738''') avec deux dixièmes d'avance sur Hill (1'18''972'''). Les Benetton-Renault souffrent de sous-virage. Schumacher (3ème) est l'un des rares pilotes à améliorer son chrono du vendredi. Herbert (7ème) concède une seconde et demie à son équipier. Les Ferrari accusent une bonne seconde de retard sur les Williams. Berger (4ème) fait mieux qu'Alesi (6ème), handicapé vendredi par un souci de crémaillère de direction. Irvine semble galvanisé par sa signature chez Ferrari puisqu'il conduit sa Jordan-Peugeot en cinquième position, loin devant un décevant Barrichello (11ème). Frentzen (8ème) continue d'étonner au volant de sa modeste Sauber-Ford. Son jeune collègue Boullion (13ème) semble faire quelques progrès. Cela va toujours très mal chez McLaren-Mercedes: Häkkinen (9ème) et Blundell (10ème) font ce qu'ils peuvent pour maintenir en piste une MP4/10C très instable.
Les Ligier-Mugen-Honda ne sont guère performantes sur ce tracé sinueux. Une fois de plus, Brundle (12ème) fait mieux que Panis (14ème). Salo (15ème) place sa Tyrrell-Yamaha devant celle de l'intérimaire Tarquini (19ème), auteur d'un gros tête-à-queue samedi. Les Minardi-Ford (Lamy 16ème, Badoer 18ème) font mieux que leurs rivales directes, les Arrows-Hart, il est vrai mal servies par un Papis (17ème) et un Inoue (21ème) très maladroits. Montermini réalise une très jolie performance en hissant sa Pacific au vingtième rang, soit devant l'Arrows d'Inoue. Delétraz (24ème) ne concède cette fois « que » trois secondes à son équipier et découvre samedi le pilotage d'une F1 sous la pluie... Enfin, chez Forti, Diniz (22ème) comme Moreno (23ème) se distinguent par plusieurs sorties de piste.
Le Grand Prix
Dimanche matin, le circuit est noyé sous un épais brouillard qu'accompagnent des averses éparses. Dans ces conditions, le warm-up démarre avec une demi-heure de retard, et de nombreux pilotes partiront à la faute sur une piste détrempée.
L'après-midi, la piste est encore humide, mais les météorologues ne prévoient pas de nouvelles averses. Néanmoins quelques gouttes sont signalées au moment du coup d'envoi. Toutes les écuries munissent leurs pilotes de pneus rainurés, exceptées Ferrari et McLaren qui font le pari d'un prompt assèchement. Réminiscence du Monza: Coulthard part en aquaplanage dans son tour d'installation sur la grille et se plante dans les graviers de la petite chicane. Le jeune Écossais a le temps de se glisser dans le mulet, adapté en hâte à ses mensurations.
Grille de départ: À l'issue du tour de formation, Papis cale son moteur. Les commissaires le poussent en remontant en grille ! Roland Bruynseraede annule la procédure de départ et renvoie les pilotes pour une boucle d'installation. La course est réduite à 67 tours et Papis partira en queue de peloton.
Deuxième tour de chauffe: Moreno est victime de problèmes de freins et rejoint la pit-lane avec l'aide des commissaires. Papis s'installe en fond de grille hors de l'emplacement prévu, ce qui va lui valoir une pénalité.
Départ: Coulthard prend un bon envol, au contraire de Hill qui fait patiner ses roues. L'Écossais de Williams vire en tête au premier tournant devant Schumacher, Irvine (très bien parti), Hill, Herbert, Alesi et Berger. Inoue ne peut pas démarrer à cause d'un souci électronique et n'ira pas plus loin.
1er tour: La piste est encore humide dans la première partie du circuit, mais quasi sèche en revenant vers les stands. Hill déborde Irvine avant la dernière chicane. Barrichello et Frentzen dépassent Berger. En fin de parcours, Coulthard devance Schumacher, Hill, Irvine, Herbert, Alesi, Barrichello, Frentzen, Berger et Brundle.
2e: Coulthard et Schumacher s'échappent en tête. Handicapés par leurs slicks, les pilotes McLaren dégringolent en queue de peloton. En revanche les deux Ferrari résistent bien.
3e: Schumacher est blotti derrière l'aileron arrière de Coulthard. Hill évolue à deux secondes de ce duo. Alesi commence à prendre la mesure de ses pneus lisses et menace Herbert.
4e: Les pilotes empruntent déjà les portions humides du bitume afin de préserver leurs pneus. Hill rattrape Coulthard et Schumacher. Frentzen écope d'un « stop-and-go » de dix secondes pour avoir volé le départ. Moreno a démarré depuis les stands.
5e: Coulthard précède Schumacher (0.7s.), Hill (1.4s.), Irvine (10.8s.), Herbert (11.9s.), Alesi (12.1s.), Barrichello (14.2s.), Frentzen (15.6s.), Berger (17.8s.), Brundle (21.2s.), Panis (22s.) et Salo (23s.).
6e: Coulthard prend du champ sur Schumacher, désormais attaque par Hill. Les McLaren ont sombré: Häkkinen et Blundell ne devancent plus que Delétraz et Moreno !
7e: Alesi déborde Herbert au premier freinage. Frentzen arrive chez Sauber pour subir sa punition.
8e: Hill tente de faire l'intérieur à Schumacher au premier freinage, mais l'Allemand lui ferme la porte. L'Anglais retente sa chance dans la ligne droite menant vers la chicane Veedol, en vain.
9e: Coulthard compte une seconde et demie d'avance sur Schumacher et Hill. Alesi dépasse Irvine et pointe au quatrième rang.
10e: Coulthard est premier devant Schumacher (0.4s.), Hill (0.9s.), Alesi (13.7s.), Irvine (17.8s.), Herbert (19.5s.), Berger (23.8s.) et Brundle (33s.).
11e: L'asphalte est désormais suffisamment asséché pour permettre aux pilotes de ravitailler et de prendre des pneus lisses. Schumacher et Hill entrent pour cela aux stands, et de nouveau les hommes de Benetton sont plus rapides que ceux de Williams (6.6s. contre 9.5s.). Hill reprend la piste derrière Herbert et Berger. Brundle change aussi de gommes.
12e: Coulthard s'engouffre dans la pit-lane pour mettre des slicks et de l'essence (9.6s.), puis repart en troisième position. Alesi se retrouve leader, dix secondes devant Irvine. Herbert et Moreno font aussi escale aux stands. Hill bute sur Berger qui se débat avec des coupures moteur.
13e: Schumacher est aux trousses de Coulthard alors que Hill tente désespérément de trouver l'ouverture sur Berger. Arrêts pour Salo et Panis. Papis écope d'un stop-and-go de dix secondes pour ne pas s'être correctement positionné sur la grille de départ.
14e: Coulthard se rapproche d'Irvine. Hill se défait de Berger à la chicane Veedol, non sans avoir été gêné par Delétraz qui tardait à s'écarter devant les leaders. Arrêt-ravitaillement pour Tarquini.
15e: Irvine résiste farouchement à Coulthard en dépit de ses pneus rainurés très usés. Le Nord-Irlandais regagne les stands en fin de tour pour prendre les slicks. Schumacher se retrouve pris en sandwich entre les Williams de Coulthard et de Hill. Arrêts aussi pour Lamy, Papis et Diniz. Panis part en tête-à-queue après le virage Shell et se retrouve à contre-sens, moteur calé. Le pilote Ligier abandonne.
16e: Hill fait l'intérieur à Schumacher au virage RTL. Les deux hommes sortent du virage roue contre roue. Bien que placé à l'extérieur, Hill prend l'ascendant dans le droit suivant. En voulant suivre Alesi qui venait de lui prendre un tour, Blundell est déventé au sommet de la grande côte. Il part en tête-à-queue et abandonne. Boullion et Montermini passent aux stands.
17e: Schumacher reprend l'avantage sur Hill au passage devant les stands. L'Anglais tente de faire l'extérieur à l'Allemand à la courbe RTL, mais ce dernier se décale sans ménagement vers la droite. Hill monte sur ses freins, rattrape un début d'embardée et lèche l'arrière de la Benetton. Plus de peur que de mal ! Frentzen tente de prendre un tour à Diniz dans la courbe Ford, mais il harponne l'arrière de la Forti et échoue dans le bac à sable. L'Allemand renonce alors que le Brésilien continue.
18e: Berger est maintenant dans les roues de Hill. Badoer change de pneus alors que Papis subit sa pénalité.
19e: Alesi précède Coulthard (28s.), Schumacher (31.2s.), Hill (31.6s.), Berger (33s.), Irvine (57.3s.), Herbert (1m. 03s.), Barrichello (1m. 04s.), Brundle (1m. 18s.) et Salo (1m. 24s.).
20e: Schumacher continent Hill et Berger tout en réduisant son retard sur Coulthard. Tarquini effectue un tête-à-queue. Il fait escale ensuite à son stand pour faire vérifier sa Tyrrell.
21e: Schumacher dépasse Coulthard qui ressent du survirage sur sa Williams.
22e: Alesi abaisse le record du tour à chaque passage. Son pari de partir en slicks semble gagnant puisqu'il ne doit s'arrêter qu'une seule fois aux stands.
23e: Hill déborde son équipier Coulthard, désormais menacé par Berger. L'Autrichien dépasse le Britannique au virage RTL, mais ce dernier reprend son bien en fin de tour lorsque Berger regagne les stands.
24e: Berger effectue ce qui doit être son unique pit-stop (11.2s.) et reprend la piste sous le nez d'Irvine. Moreno abandonne suite à un bris de demi-arbre.
25e: Alesi est premier devant Schumacher (37.8s.), Hill (38.8s.), Coulthard (43.5s.), Berger (1m. 08s.), Irvine (1m. 12s.), Herbert (1m. 13s.), Barrichello (1m. 14s.), Brundle (-1t.), Salo (-1t.), Lamy (-1t.) et Badoer (-1t.). Ravitaillement de Delétraz.
27e: Alesi tourne deux secondes au tour plus vite que Schumacher grâce à son réservoir allégé. Il possède trente-sept secondes d'avance sur le champion du monde qui garde Hill à distance respectueuse.
28e: La piste est désormais tout à fait sèche. Alesi roule en 1'26''656''' et jouit de quarante-deux secondes de marge sur Schumacher.
30e: Alesi souhaite prendre un tour à Herbert qui lui claque la porte au nez à la petite chicane. L'Avignonnais exprime sa colère avec force gestes. Hill maintient la pression sur Schumacher. Mécontent de sa tenue de route, Coulthard perd du temps sur son équipier.
31e: Schumacher est gêné par Papis et doit rouler sur une plaque d'humidité pour s'en défaire. Hill en profite pour recoller à la Benetton. Herbert tente de faire l'intérieur à Irvine dans la courbe Ford mais se loupe complétement et heurte son adversaire. Les deux Britanniques traversent le bac à sable, ce qui permet à Barrichello de les doubler.
32e: Herbert regagne les stands pour un second pit-stop et un changement de museau consécutif à sa collision avec Irvine. Il se retrouve treizième derrière un Häkkinen fantomatique. Papis ravitaille aussi.
33e: Hill est le plus rapide en piste (1'24''891''') et évolue à une demi-seconde de Schumacher.
34e: Alesi observe ce qui doit être son seul arrêt-ravitaillement (15.8s.) et repart toujours premier. Schumacher rejoint aussi les stands pour un arrêt très rapide (7.7s.). L'Allemand a prévu un troisième relais très court et devra donc encore s'arrêter. Williams commet l'erreur de ne pas « couvrir » sa stratégie de Schumacher et ne fait rentrer ni Hill ni Coulthard.
36e: Alesi mène devant Hill (3.8s.), Coulthard (23.6s.), Schumacher (27.8s.), Berger (40.8s.), Barrichello (58s.), Irvine (1m. 13s.), Brundle (-1t.), Salo (-1t.) et Lamy (-1t.). Häkkinen opère son seul ravitaillement de la journée. Contrairement à Alesi, il n'aura aucunement profité d'être parti en slicks.
38e: Hill est léger en essence et remonte facilement sur Alesi. Une seconde les sépare. Mais le plus rapide est actuellement Schumacher qui recolle à Coulthard.
39e: Hill est sur les talons d'Alesi. Coulthard effectue un deuxième pit-stop (12s.) et se retrouve derrière Berger. Brundle et Diniz reprennent aussi de l'essence et des pneus frais.
40e: Hill tente de faire l'intérieur à Alesi dans le virage RTL et retarde son freinage. Le Français garde la corde et lui coupe la trajectoire. Hill met deux roues dans l'herbe mais ne peut éviter le ponton gauche de la Ferrari et y laisse son aileron antérieur. Il n'a plus qu'à regagner les stands sans appui à l'avant.
41e: Hill arrive au stand Williams afin de remplacer sa calandre et ses pneus, ainsi que pour rajouter de l'essence. Il ne reprend la piste qu'après trente-deux secondes d'immobilisation. Berger arrive chez Ferrari pour un second pit-stop, mais il ne repartira pas: son moteur se tait suite à une panne électrique.
42e: Schumacher est désormais le principal challenger d'Alesi et le rattrape au rythme de deux secondes au tour. Irvine et Salo opèrent un passage aux stands.
43e: Alesi devance Schumacher (14s.), Coulthard (47.6s.), Hill (56s.), Barrichello (-1t.), Herbert (-1t.), Irvine (-1t.), Brundle (-1t.), Lamy (-1t.) et Salo (-1t.).
44e: Bon 14ème, Montermini observe son deuxième ravitaillement. Hélas, le panneauteur libère l'Italien alors que le préposé au « refueling » n'a pas encore déconnecté le tuyau qui refusait de fonctionner. Ce mécanicien est renversé par la roue-arrière gauche de la Pacific et projeté au sol. L'équipe médicale se précipite à son secours.
45e: Schumacher n'est plus qu'à douze secondes d'Alesi. Boullion percute Salo à la chicane Veedol. Le jeune Français part en tête-à-queue et n'ira pas plus loin. Le Finlandais regagne quant à lui les stands avec un pneu crevé. Deuxièmes arrêts pour Lamy et Tarquini.
47e: Dix secondes séparent Alesi de Schumacher. Salo retrouve le circuit après avoir changé de pneus et de museau.
48e: Alesi rencontre du trafic, ce qui permet à Schumacher de lui reprendre pas moins de six secondes en une seule boucle. Paul Summerfield, le mécanicien de Pacific renversé par Montermini, souffre d'une fracture à la jambe gauche. Il est évacué vers l'infirmerie du circuit, puis vers l'hôpital de Bonn pour y être opéré. Quant à Montermini, il tombe logiquement en panne sèche et renonce.
49e: Schumacher recolle à deux secondes d'Alesi. Arrivé à la chicane Veedol, Delétraz zigzague curieusement hors trajectoire comme pour chauffer ses pneus. Quelle mouche le pique-t-il ?... Badoer subit un second arrêt-ravitaillement.
50e: Alesi n'a plus qu'une seconde et demie d'avance sur Schumacher qui doit cependant ravitailler prochainement. Loin de là, Herbert se rapproche d'Irvine. Diniz glisse au virage Bit et effectue une excursion dans l'herbe grasse.
52e: Schumacher apparaît dans les échappements d'Alesi alors que tous deux tombent sur un épais peloton d'attardés. L'Allemand regagne aussitôt les stands pour son troisième pit-stop (7.5s.). Herbert prend l'ascendant sur Irvine.
54e: Herbert ravitaille pour la troisième fois et repasse derrière Irvine. En fin de tour, Alesi précède Schumacher (19.7s.), Coulthard (39s.), Hill (45s.), Barrichello (-1t.), Irvine (-1t.), Herbert (-1t.), Brundle (-1t.), Häkkinen (-1t.) et Lamy (-2t.).
55e: Grâce à son quart de plein et à ses pneus frais, Schumacher se lance aux trousses d'Alesi qui doit composer avec des enveloppes passablement endommagées. Dernier à six tours, Delétraz vit son second pit-stop.
57e: Schumacher réalise le meilleur tour de la course (1'21''180''') et revient à treize secondes d'Alesi. Hill réduit son retard sur Coulthard.
59e: Schumacher roule à dix secondes d'Alesi. Hill sort trop large du virage RTL. Projetée sur le vibreur humide, sa Williams se met à l'équerre, traverse perpendiculairement la piste et s'écrase dans le mur de pneus. Hill quitte son cockpit tout penaud, avec des genoux douloureux. Voilà probablement le tournant de la saison 1995.
60e: Sept secondes séparent encore Alesi et Schumacher. Le Français est gêné par les attardés Häkkinen et Brundle.
61e: Alesi dérape à la chicane Veedol en suivant de trop près son éternel ennemi Brundle. L'Avignonnais traverse l'échappatoire herbée et rejoint le bitume, mais il a perdu cinq secondes dans cette mésaventure. Schumacher l'a maintenant en point de mire.
62e: Alesi est leader devant Schumacher (0.7s.), Coulthard (31.8s.), Barrichello (-1t.), Irvine (-1t.), Herbert (-1t.), Brundle (-1t.), Häkkinen (-1t.), Lamy (-2t.), Salo (-3t.), Badoer (-3t.) et Papis (-3t.).
63e: Schumacher prend la roue d'Alesi et se montre dans ses rétroviseurs. Son équipier Herbert est toujours à la poursuite d'Irvine.
64e: Alesi perd quelques dixièmes en doublant le retardataire Badoer. Schumacher tente en vain de prendre l'aspiration de la Ferrari.
65e: Alesi allume sa roue avant-gauche au freinage de l'épingle. Schumacher essaie de se porter à sa hauteur dans la montée qui suit, mais le pilote Ferrari ferme la porte. Puis, devant ces deux leaders, Diniz et Häkkinen dérapent sur une plaque d'humidité et sortent dans la pelouse. Voilà qui ne trouble pas Schumacher qui prend l'aspiration d'Alesi dans la montée vers la dernière chicane, se déporte à l'extérieur et freine tard. L'Allemand braque autoritairement, ne laissant d'autre choix au Français que de serrer vers la gauche. Schumacher s'extrait en tête de cet enchaînement et roule vers la victoire.
66e: Les supporteurs allemandes sont aux anges: Schumacher a course gagnée. Loin de là, Herbert s'empare de la cinquième place aux dépens d'Irvine.
67ème et dernier tour: Michael Schumacher remporte sa septième victoire de la saison devant un Alesi valeureux mais malheureux. Coulthard complète le podium. Barrichello donne à Jordan-Peugeot une belle quatrième place. Herbert et Irvine empochent les derniers points. Rejoignent aussi l'arrivée: Brundle, Häkkinen, Lamy, Salo, Badoer, Papis, Diniz, Tarquini et Delétraz. Ce dernier concède sept tours au vainqueur !
Lors du tour d'honneur, Damon Hill se dresse en bord de piste pour applaudir son vainqueur Michael Schumacher. Touché par ce geste généreux, le pilote Benetton tente de stopper pour raccompagner son rival malheureux aux stands, mais son embrayage fait des siennes ! Le pauvre Hill devra rentrer à pied...
Après la course: Schumacher assomme Hill
Michael Schumacher rayonne de bonheur sur la plus haute marche du podium. Non seulement il vient de remporter l'une des plus belles victoires de sa carrière, mais il a accompli un très grand pas vers son second titre mondial. « Après avoir gagné le GP d'Allemagne, je ne pensais pas vivre autre chose d'aussi agréable », se réjouit-il. « J'ai aussi triomphé à Monaco, où je vis, et à Spa, à quelques kilomètres de mon village, Kerpen. J'ai tout gagné ! Quand j'ai vu Hill dans le mur, j'ai pensé au championnat, et j'ai calculé qu'avec une deuxième place, je faisais déjà une bonne opération. Mais j'ai vu ces tribunes agitées, me réclamant cette victoire. Alors, j'ai attaqué vraiment fort, et je suis allé chercher Alesi ! » Ce succès est d'autant plus méritoire que la Benetton-Renault, vicieuse et instable, n'était clairement pas la meilleure voiture du plateau ce week-end. Mais une bonne stratégie, et surtout le brio de Schumacher, ont compensé ce déficit et permis aux hommes de Flavio Briatore de vaincre les Williams et les Ferrari. « Deux ou trois ravitaillements, ce qui reste du Grand Prix est le talent de Schumacher », résume un ingénieur de Renault. « Une course incisive, sans faute, avec quelques dépassements courageux. Fondamentalement, la Williams est plus performante, mais ce talent a fait la différence. »
Le grand vaincu de la journée est une fois de plus Damon Hill, dont le fair-play ne fait pas oublier sa course désastreuse, marquée par un accrochage avec Jean Alesi et achevée dans les glissières suite à une énième erreur de pilotage. Ses compliments à l'égard de Schumacher ont quelque chose de pathétique, tel l'hommage d'un vulgaire faire-valoir à son incontestable vainqueur. « Je ne serai probablement pas champion cette année, mais mon tour viendra », assure-t-il devant des reporters quelque peu narquois. « Ma déception est forte, évidemment. J'ai pourtant fait tout ce qu'il était possible de faire. Je ne ressens aucun regret. Michael a disputé une très belle course et gagne une nouvelle fois à domicile. Je lui tire mon chapeau. » Avec dorénavant vingt-sept longueurs de retard sur Schumacher, Hill a presque mathématiquement perdu le titre mondial. Reste à savoir s'il saura surmonter une telle désillusion.
Jean Alesi retrouve le podium, qu'il n'avait plus fréquenté depuis le GP de Grande-Bretagne, mais ne peut que regretter cette victoire perdue dans les derniers kilomètres, après une course exemplaire. « Je suis heureux pour Ferrari et déçu pour moi », avoue-t-il. « Se faire doubler à trois tours de la fin n'est jamais très agréable. Nous avions eu raison de partir en slicks, mais ensuite j'ai rencontré quelques petits problèmes, à commencer par des retardataires qui n'ont pas compris l'usage des drapeaux bleus. J'ai dû aussi surveiller ma consommation et appauvrir constamment le mélange. Sur la fin, mes pneus étaient très dégradés... Mais ce résultat est toujours meilleur que celui de Monza !... »
Au classement des pilotes, Schumacher n'a désormais besoin que de trois points supplémentaires pour coiffer sa seconde couronne mondiale. Chez les constructeurs, Benetton-Renault (112 pts) devance nettement Williams-Renault (92 pts) et se rapproche de son premier titre.
Tony