Adieu, M. le Professeur
Le vendredi 24 septembre, Alain Prost convoque la presse à l'issue de la première séance qualificative pour annoncer qu'il prendra sa retraite à l'issue de cette saison. Cette nouvelle stupéfie les journalistes, beaucoup moins son entourage qui ces derniers temps n'a pu que constater la profonde lassitude du pilote français. « J'ai pris ma décision il y a un mois. J'attendais d'avoir le quatrième titre en poche pour la communiquer », admet-il. S'il n'est pas encore officiellement sacré, Prost se retire malgré tout avec le sentiment du devoir accompli. Il est revenu en 1993 après une année sabbatique pour prouver qu'il n'était pas fini, retrouver le chemin du succès avec Williams et surtout effacer l'échec de 1983 en décrochant enfin la couronne mondiale avec Renault. Mission remplie. « Il est revenu. On l'a vu. Il a vaincu. Il n'a plus rien à prouver » confie un de ses proches au journaliste Renaud de Laborderie. « J'ai eu de la chance durant toute ma carrière, ajoute Prost. Je touche du bois. Non, je ne voulais plus prendre de risques. C'est mieux de sortir par la grande porte. J'ai beaucoup donné à ce sport et il me l'a bien rendu. Comme on dit, la vie commence à 40 ans. J'en ai 38. En tout cas, ce sera une nouvelle vie. » A la tête d'une écurie française de F1 ? Il ne dit pas non mais pour l'heure paraît surtout songer au repos.
Car Prost quitte surtout la Formule 1 par désarroi. Il ne supporte plus le primat de la politique sur la compétition. En moins d'un an, il a subi de nombreuses avanies parfaitement iniques de la part du pouvoir sportif: refus de lui délivrer sa super-licence, soupçons autour d'une essence non-conforme, menaces d'exclusion des Williams-Renault, pénalités stupides à Monaco et Hockenheim... Par dessus tout, il exècre une certaine presse qui l'a constamment éreinté. Celle-ci considérait en effet que puisqu'il disposait de la meilleure voiture, il devait gagner chaque course. Ses erreurs et échecs du début de saison lui ont valu de violentes critiques, souvent injustifiées. A cet égard, l'épreuve du Donington, où il fut humilié par Ayrton Senna sous la pluie, a constitué un point de rupture. Il s'explique à Olivier Margot dans L'Équipe magazine: « La saison était pourrie puisqu'il était hors de question que je ne gagne pas le championnat, puisqu'on faisait des comparaisons absolument stupides avec l'année dernière, alors que les voitures sont différentes, et les règlements, et les pneus, et l'essence, et la concurrence ! L'année dernière, Williams-Renault avait une suspension active et pas les autres. On sait aujourd'hui que ça équivaut à une seconde, une seconde et demie au tour. Psychologiquement, ce fut l'année la plus dure. »
Le retrait de Prost suscite de nombreux commentaires attristés. Frank Williams, qui ne fut pas jadis un de ses plus grands supporteurs, lui rend un chaleureux hommage: « Alain est un gentleman, une personne avec laquelle il est très facile de travailler. Le temps passé avec lui aura été trop court. Alain s'est de plus en plus battu au fil de la saison et je trouve que son pilotage est de plus en plus précis. Il sera toujours le bienvenu dans l'écurie. » La tristesse prédomine évidemment chez Renault. Christian Contzen regrette ainsi le retrait de celui qu'il qualifie de « plus grand champion français de tous les temps. »
Jean Alesi est pour sa part déçu du départ de celui qui avec le temps était devenu un ami, mais il donne un éclairage intéressant sur ses motivations: « Je suis moyennement surpris de sa décision. Nous parlons fréquemment ensemble, et je connaissais son état d'esprit. Cela fait trois ou quatre mois que je me trouve face à un homme blessé. On ne lui pardonne rien. Et quand il gagne, c'est normal ou bien grâce à des consignes d'équipe. C'est dommage, car il est toujours au top, et l'année prochaine, il aurait pu être encore champion du monde. Mais il en vraiment marre... » Pour sa part, Alesi est abattu par le départ d'un de ses proches: « Alain s'en va, comme naguère Nelson [Piquet]... Pour moi, c'est un coup dur. »
Ayrton Senna: de McLaren à Williams
Le départ d'Alain Prost ouvre la route de Williams-Renault à Ayrton Senna. Le Brésilien attendait que le Français officialise son retrait pour annoncer son propre engagement. Mais il aurait aimé auparavant clore avec sérénité sa belle histoire avec McLaren. Peine perdue. Ron Dennis ne digère pas cette désertion. S'il est bien sûr déçu de perdre un triple champion du monde, le glacial maître de Woking laisse également transparaître un ressentiment d'amoureux éconduit. Son amitié pour Senna demeure très vive. Les deux hommes ont tout gagné ensemble. Pour sa « diva », Dennis a fait jadis de gros sacrifices, comme rompre avec Prost, son ancien favori. Quelques jours avant le GP du Portugal, il répand sa bile dans la presse brésilienne et vend la mèche du départ de Magic: « Les exigences financières d'Ayrton étaient devenues disproportionnées. En les acceptant, j'aurais mis l'écurie en difficulté, notamment sur le plan technique. J'ai jugé qu'il était préférable de consacrer ces sommes importantes à construire une meilleure voiture et à développer notre outil. Le temps est venu de promouvoir de jeunes pilotes. Il faut savoir qu'en 1993 Ayrton nous a coûté tellement cher que nous avons été contraints de différer le règlement du solde de son contrat au début de l'année 1994. »
C'est le cœur lourd que Senna arrive à Estoril. Il estime avoir été diffamé par son patron, niant lui avoir réclamé des sommes astronomiques. Il ne lui adresse plus la parole et se contente de dialoguer avec Jo Ramirez et Mansour Ojjeh. Le samedi soir, il convie dans un restaurant du bord de mer Peter Schreer, le président de Philip Morris Amérique du Sud qui l'a soutenu depuis son arrivée chez McLaren, en 1988. Il lui offre le volant de la voiture avec laquelle il a gagné cette année à Monte-Carlo. « L'heure est venue pour moi de partir », ajoute-t-il en guise de commentaire. Schreer a bien compris le message.
McLaren: Häkkinen succède à Andretti
Le jeudi 16 septembre, McLaren et Michael Andretti annoncent sans grande surprise leur divorce à l'amiable. L'Américain retourne à ses chères F. Indy. Il est logiquement remplacé par Mika Häkkinen qui trépignait d'impatience depuis le début de la saison. Le jeune Finlandais, qui fêtera ses 25 ans à la fin du mois, n'a pas besoin de se familiariser avec la MP4/8 qu'il connaît par cœur. Il a en effet presque intégralement assuré son développement depuis l'hiver 92-93. Ce blondinet chétif et pâlot, d'un abord guilleret que d'aucuns prennent pour de la futilité, ne paie pas de mine mais déborde d'ambition. Cornaqué par son mentor Keke Rosberg et son agent Didier Coton, il ne s'effraie pas de la confrontation avec Ayrton Senna. Bien au contraire, il est prêt à en remontrer au triple champion du monde. Enfin, il reçoit à Estoril la sympathique visite de son compatriote Juha Kankkunen, triple champion du monde des rallyes, qui s'installe d'ailleurs pour quelques minutes au volant de la McLaren-Ford.
Présentation de l'épreuve
Après sa panne de moteur à Monza, Alain Prost doit enfin s'assurer du titre ce week-end et ainsi aborder la fin de la saison en toute sérénité. Sa tâche est aisée: il compte 23 points d'avance sur Damon Hill, son équipier et poursuivant immédiat. Pour être sacré, il lui suffit de conserver vingt points de marge sur l'Anglais. Certes Hill est en grande forme et reste sur trois succès de rang, mais la course de Monza a prouvé que Prost demeurait le leader incontesté de Williams. Quant à Ayrton Senna il doit gagner les trois dernières courses pour avoir une chance d'empocher le titre, ce qui compte tenu de la faiblesse de la McLaren-Ford est impossible. Toutefois il se trouve des journalistes venimeux pour mettre la pression sur les épaules de Prost et lui rappeler le mauvais souvenir de la fin de la saison 1983.
Le bitume du circuit d'Estoril a été refait aux trois quarts au cours de l'hiver, ce qui génère une certaine ambivalence puisque le tracé est successivement lisse et bosselé. Les pilotes auront donc du mal à régler leurs machines.
La valse des pilotes se poursuit chez Jordan: après la (très courte) pige de Macro Apicella à Monza, c'est Emanuele Naspetti, jusqu'alors essayeur, qui s'installe dans le baquet de la n°15 grâce à la manne de ses sponsors. L'Italien n'a cependant payé que pour une course, et sa place devrait être occupée dès le GP du Japon par l'Irlandais Eddie Irvine, grand animateur du championnat nippon de F3000. A noter également que la Jordan-Hart reçoit ici un empattement plus long.
Le leader du championnat international de F3000 Olivier Panis est au Portugal pour prospecter un volant en F1. Grâce à Elf, son premier soutien, le jeune Français a un temps caressé le fol espoir de remplacer Damon Hill chez Williams. Plus sérieusement, il doit tester début octobre la Benetton-Ford à Silverstone et espère - pourquoi pas ?- devenir l'équipier de Michael Schumacher en 1994. Footwork se cherche des pilotes pour 1994 car Derek Warwick, démotivé, va s'éloigner pour de bon de la Formule 1 et Aguri Suzuki quittera l'équipe avec Mugen. Jackie Oliver teste ainsi trois jeunes pilotes à Estoril, juste après le Grand Prix: Paul Stewart, Gil de Ferran et Jos Verstappen. Mais il semble qu'une place soit réservé à Christian Fittipaldi qui est en froid avec Giancarlo Minardi.
General Motors a vendu 25 % du capital d'Ilmor à Mercedes à la fin de l'été. Le motoriste britannique passe donc sous la coupe de la firme à l'étoile. En IndyCar, les Penske seront ainsi désormais propulsées par des V8 Ilmor/Mercedes. En F1, Sauber bénéficiera toujours de V10 Ilmor, mais ceux-ci seront renommés Mercedes. Stuttgart accentue ainsi sa présence dans la catégorie reine, en attendant de prendre entièrement le contrôle du team Sauber, ce qui est prévu si tout va bien pour 1995.
McLaren a testé une MP4/8B à moteur V12 Lamborghini, d'abord à Silverstone puis à Pembrey, avec Senna et Häkkinen. Ceux-ci sont impressionnés par la puissance délivrée par le moteur italien mais déplorent une fiabilité hasardeuse. Dans le même temps, Bob Lutz, le principal dirigeant de Chrysler, discute avec Ron Dennis autour d'un deal pour 1994. La firme américaine aimerait enfin percer en F1 en équipant un top team. Hélas, malgré son réel potentiel, la McLaren-Lamborghini devrait être rapidement mise au rancart car Dennis penche dorénavant pour un accord avec Peugeot qui lui offre des garanties plus solides. Il s'inquiète en effet du flou qui règne autour de la présence de Lamborghini en F1 puisque, rappelons-le, Chrysler aimerait revendre cette marque sans céder sa division sportive.
L'avenir prend forme chez Ferrari: l'ancien ingénieur de Magneti Marelli Valerio Bianchi est nommé directeur technique en remplacement d'Harvey Postlethwaite qui va retourner chez Tyrrell. Pendant ce temps-là, Gerhard Berger, qui souffre un peu moins du coude, a testé une Ferrari à suspension passive à Imola pour préparer 1994.
Les Ligier ont tourné à Monza pour tester plusieurs solutions aérodynamiques satisfaisantes. En coulisses, les rapports se tendent quelque peu entre Martin Brundle et Mark Blundell. Pour des raisons budgétaires, Cyril de Rouvre devra se passer de l'un de ses deux Anglais, et chacun joue dorénavant sa propre carte.
Essais et qualifications
Vendredi, Prost domine la session qualificative pendant que Hill fait un tête-à-queue. Le lendemain cependant, l'Anglais arrache une pole record (1'11''494'''), deux dixièmes devant son leader qui part à la faute au virage n°3, et occasionne d'ailleurs un drapeau rouge. C'est la 23ème pole position consécutive d'une Williams-Renault. Häkkinen (3ème) réalise des débuts en fanfare puisqu'il devance Senna (4ème) pour 48 petits millièmes. Rare exploit ! Les Ferrari sont loin de leur niveau de Monza. Alesi (5ème) use de toute sa hargne pour maintenir en piste une monoplace très sous-vireuse. Berger (8ème) rencontre encore des soucis avec la suspension active. Les Benetton-Ford (Schumacher 6ème, Patrese 7ème) se révèlent instables au freinage et concèdent deux secondes aux Williams.
Warwick (9ème) préserve les espoirs de Footwork. Suzuki (16ème) déprime de nouveau et part deux fois à la faute. Les Ligier-Renault (Blundell 10ème, Brundle 11ème) sont performantes sur ce tracé qui a priori ne leur était pas favorable. Bonnes prestations des pilotes Sauber (Lehto 12ème, Wendlinger 13ème) en dépit d'une C12 un peu nerveuse. Herbert (14ème) et le jeune Lamy (18ème) se démènent au volant d'une Lotus très survireuse, faute d'appui à l'arrière. Barrichello se classe quinzième avec sa Jordan-Hart améliorée, alors que Naspetti (23ème) s'offre une figure par séance. Joie chez Tyrrell: non seulement de Cesaris (17ème) et Katayama (21ème) ne rencontrent pas le moindre pépin mécanique, mais en plus tous deux parviennent à rester sur le bitume ! Les Minardi (Martini 18ème, Fittipaldi 24ème) sont encore une fois affectées d'un dramatique sous-virage. Les Larrousse-Lamborghini (Alliot 20ème, Comas 22ème) sont stables sur la portion lisse du circuit, mais glissent sur les bosses. Enfin, les calamiteuses Lola-Ferrari de BMS (Alboreto 25ème, Badoer 26ème) achèvent leur carrière là où elles l'ont commencée: en queue de peloton.
Ayrton Senna a l'orgueil sensible et n'aime pas les blancs-becs qui piétinent ses plates-bandes. On se souvient de son algarade avec Michael Schumacher à Hockenheim ou encore du sermon délivré à Damon Hill à Imola. Cette fois, il ne supporte pas que son nouvel équipier Mika Häkkinen ait osé le vaincre en qualifications. Lorsqu'il lui demande comment il a réalisé cet exploit, le Finlandais lui répond, goguenard: « Parce que j'ai de plus grosses c****** que toi ! » Senna n'apprécie pas la plaisanterie: il plaque l'insolent contre un mur et lui enjoint de ne pas continuer ce petit jeu... Quand on cherche « Magic », on le trouve...
Le Grand Prix
Il se déroule sous un beau et chaud soleil, devant une affluence de 55 000 spectateurs, dopée par l'arrivée en F1 du Portugais Pedro Lamy. Schumacher juge la tenue de route de sa voiture de course calamiteuse et choisit de s'élancer sur son mulet, réglé différemment.
Tour de formation: Hill rencontre un problème de démarreur. Le peloton part sans lui: il devra s'élancer depuis le dernier rang de la grille. Prost se retrouve donc virtuellement en pole position.
Départ: Häkkinen prend un départ-canon et se porte à la hauteur de Prost qu'il tasse sans vergogne vers le côté droit. Mais Alesi est encore mieux parti que le Finlandais. Il déborde Senna puis se place à l'extérieur aux abords du premier tournant. Il coupe la trajectoire à Häkkinen et s'empare du commandement. L'Avignonnais a réalisé le plus beau départ de la saison. Senna est troisième devant Prost et Schumacher.
1er tour: Senna dépasse Häkkinen dans la Parabolica Interior. Alesi mène devant Senna, Häkkinen, Prost, Schumacher, Berger, Blundell, Patrese, Brundle et Wendlinger. C'est la première fois qu'une Ferrari mène une course depuis le GP de Belgique 1991. Hill se fraie un chemin dans le paquet. Il est déjà dix-huitième.
2e: Senna est juste derrière Alesi mais ne trouve pas d'ouverture. Hill dépasse de Cesaris et Suzuki.
3e: Alesi emmène un peloton comprenant Senna, Häkkinen, Prost et Schumacher. Hill grignote une position par tour: il double ici Lamy, puis Barrichello.
4e: Alesi garde l'avantage sur Senna grâce à la puissance de son V12. Mais il ne pourra pas tenir ce rythme durant toute l'épreuve car, à ce régime, son moteur est gourmand en essence.
5e: Alesi devance Senna (0.5s.), Häkkinen (1.4s.), Prost (2.1s.) et Schumacher (2.5s.). A cinq secondes, Berger mène un second groupe comprenant Blundell, Patrese, Brundle, Wendlinger et Warwick. Hill déborde Herbert.
6e: Hill prend la douzième place à Lehto.
7e: Les cinq premiers se tiennent désormais en deux secondes. Hill double Warwick.
8e: Senna maintient la pression sur Alesi. Schumacher se montre dans les rétroviseurs de Prost. Hill dépasse Wendlinger et apparaît ainsi à la dixième place.
9e: Naspetti renonce avec un moteur en feu. L'Italien roulait en vingt-quatrième position.
10e: Le train Alesi - Senna - Häkkinen - Prost - Schumacher poursuit son chemin. A une dizaine de secondes roule un autre peloton composé de Berger, Blundell, Patrese et Brundle sur lequel remonte Hill, l'homme le plus rapide en piste.
11e: Alesi tourne en 1'18''787''' et compte maintenant une seconde d'avance sur Senna. Blundell prend la sixième place à Berger au virage n°3.
12e: Senna répond à Alesi et conclut son tour en 1'18''570'''. Hill s'empare de la neuvième place aux dépens de Brundle.
13e: Hill dépasse Patrese. Katayama fait un tête-à-queue suite à une attaque manquée sur Comas. Il cale son moteur et sa Tyrrell doit être poussée vers le bas-côté.
14e: Hill double Berger et pointe maintenant en septième position. Brundle s'arrête à son stand pour changer de pneus et se retrouve vingtième.
16e: Alesi et Senna s'échappent quelque peu devant Häkkinen, menacé par Prost et Schumacher. Hill pourchasse Blundell.
18e: Alesi mène devant Senna (0.5s.), Häkkinen (3s.), Prost (3.7s.), Schumacher (4.2s.), Blundell (19s.), Hill (20s.), Berger (27s.), Patrese (27.5s.), Wendlinger (30s.) et Warwick (32s.).
19e: Les leaders tombent sur les premiers attardés. Hill prend la sixième place à Blundell et aura ainsi dépassé une vingtaine de bolides en moins de vingt tours !
20e: Le moteur de Senna explose soudainement. Le Brésilien se gare dans l'herbe et perd ainsi ses derniers espoirs de titre mondial. Sur ce, Alesi et Häkkinen entrent aux stands pour changer de pneus. Ils repartent respectivement cinquième et sixième.
21e: Prost se retrouve en tête avec une demi-seconde d'avance sur Schumacher. Hill est troisième devant Blundell. Häkkinen est reparti dans le sillage d'Alesi et tente de le dépasser, sans succès. Lehto change de pneus.
22e: Schumacher s'arrête pour mettre de nouvelles gommes (5.3s.) et parvient à repartir troisième devant Alesi et Häkkinen. Il réalise donc une superbe opération. Changement de pneus également pour Blundell.
23e: Prost précède Hill (15.1s.), Schumacher (20s.), Alesi (24.5s.), Häkkinen (24.8s.), Berger (30.7s.), Patrese (32s.) et Wendlinger (34s.).
24e: Schumacher vole avec ses pneus frais et boucle ce tour en 1'16''910'''. Il n'a que dix-neuf secondes de retard sur Prost et pourrait donc repartir en tête après l'arrêt de celui-ci.
25e: Patrese, Warwick, de Cesaris et Comas passent par les stands pour se ravitailler en pneus neufs.
27e: Prost est rapide mais ne parvient pas à semer Schumacher, son adversaire direct pour la victoire. L'écart entre eux est toujours de vingt secondes. Plus loin, Häkkinen menace sérieusement Alesi. Changements d'enveloppes pour Wendlinger et Suzuki.
28e: Schumacher est revenu à une seconde de Hill. Williams se fourvoie en retardant les arrêts de ses voitures dont les gommes souffrent de plus en plus. Arrêt pneus pour Herbert.
30e: Prost change enfin de pneus (7s.). Comme il pouvait le craindre, il repart derrière Schumacher. Hill est le nouveau leader. Alliot et Badoer stoppent aux stands. Suzuki abandonne à cause d'une boîte de vitesses cassée.
31e: Hill s'empare de pneus neufs (6.8s.). Il ressort cinquième et laisse donc Schumacher en tête de l'épreuve.
32e: Grand bénéficiaire de la vague d'arrêts aux stands, Schumacher mène devant Prost (2.5s.), Alesi (5.3s.), Häkkinen (5.5s.), Hill (21.2s.), Berger (24.6s.), Blundell (32s.), Brundle (41s.), Patrese (43s.) et Wendlinger (44s.). Lamy et Alboreto prennent des pneus neufs.
33e: Collé à l'arrière d'Alesi, Häkkinen se retrouve sans appui à la sortie de la parabolique. Il perd le contrôle de sa voiture qui percute les glissières extérieures, décolle légèrement, traverse la piste et s'écrase contre le muret des stands. Le Finlandais sort sans peine de sa voiture. Il n'y a plus de McLaren en piste. Patrese change une seconde fois de gommes et se retrouve onzième.
34e: Schumacher s'échappe en tête de la course et possède maintenant cinq secondes d'avance sur Prost. Les commissaires évacuent la McLaren d'Häkkinen.
36e: Berger changer ses pneus. Il quitte la pit-lane à pleine vitesse lorsque sa suspension arrière s'affaisse ! La Ferrari oblique vers la gauche, coupe la piste perpendiculairement et frôle la Footwork de Warwick, lancée à pleine vitesse et elle-même suivie de près par la Sauber de Lehto. La voiture folle heurte finalement le rail externe et Berger la range ensuite dans les graviers. Mais il vient de nouveau d'échapper à un terrible drame.
37e: Barrichello crève son pneu arrière-gauche sur un débris semé par Häkkinen. Il parcourt une boucle au ralenti pour rejoindre son stand et remplacer ses roues.
38e: Schumacher perd un peu de temps parmi les attardés. Prost se rapproche à trois secondes.
39e: C'est au tour de Prost de rencontrer du trafic. Brundle chausse un troisième train de pneus et perd ainsi quelques positions.
40e: Schumacher précède Prost (7.4s.), Alesi (16.5s.), Hill (30.4s.), Blundell (46s.), Wendlinger (56s.), Warwick (1m. 08s.), Lehto (1m. 09s.), Patrese (1m. 10s.) et Brundle (1m. 11s.).
41e: Blundell remplace ses gommes et repart derrière Wendlinger.
42e: Schumacher possède maintenant six secondes d'avance sur Prost. Alboreto se range dans l'herbe avec une boîte de vitesses bloquée.
43e: De Cesaris exécute un tête-à-queue mais parvient à se relancer par ses propres moyens. Puis il chausse un troisième train de pneus.
45e: Schumacher évolue parmi des retardataires. Il double Brundle puis Patrese. La Ferrari use trop vite ses pneus: Alesi doit en changer une seconde fois (5.5s.). Il repart quatrième, laissant sa place sur le podium à Hill.
46e: Schumacher est gêné par Lehto qui lutte pour la septième place avec Warwick... et croit avoir à faire à Patrese.
47e: Lehto bloque Schumacher et lui coupe à plusieurs reprises la trajectoire. Prost revient ainsi à une seconde de l'Allemand.
48e: Prost est juste derrière Schumacher, toujours bouchonné par Lehto.
49e: Schumacher et Prost sont roues dans roues. Lehto continue son petit numéro d'obstruction tout en poursuivant Warwick.
50e: A chaque virage, Lehto ferme la porte devant Schumacher. Comme Prost est lui-même ralenti, c'est Hill qui est désormais le plus rapide en piste. Finalement Lehto s'efface en fin de tour devant Schumacher et Prost.
51e: Schumacher mène devant Prost (1s.), Hill (13s.), Alesi (40s.), Wendlinger (1m. 15s.), Blundell (1m. 16s.), Warwick (-1t.), Lehto (-1t.), Patrese (-1t.) et Brundle (-1t.).
52e: Dans le virage n°3, Blundell plonge à l'intérieur pour doubler Wendlinger qui ne lui laisse aucun espace. Les roues des deux voitures s'entrechoquent. La Ligier escalade l'avant de la Sauber et part en tête-à-queue dans les graviers. L'Anglais sort de sa voiture mécontent, tandis que Wendlinger poursuit sa route.
53e: Lehto écope d'une pénalité de dix secondes pour sanctionner sa conduite devant Schumacher.
54e: Schumacher ne compte qu'une demi-seconde d'avance sur Prost. Le Français va-t-il prendre le risque de l'attaquer ? Cette deuxième place lui suffit amplement pour être titré.
55e: Lehto s'arrête aux stands pour observer sa pénalité. Il passe de la septième à la onzième place.
56e: Prost esquisse une attaque contre Schumacher à la Parabolica Interior mais l'Allemand referme la porte.
58e: Schumacher change plusieurs fois de trajectoire pour couper l'aspiration de Prost. Par malchance, il est aussi gêné par l'attardé Alliot.
59e: Alliot laisse passer Schumacher dans la ligne droite de départ, mais bouchonne ensuite Prost sur plusieurs virages.
60e: Schumacher devance Prost (0.5s.), Hill (13s.), Alesi (45.2s.), Wendlinger (-1t.), Warwick (-1t.), Patrese (-1t.), Brundle (-1t.), Herbert (-1t.), Lehto (-1t.), Martini (-1t.) et Lamy (-2t.).
62e: Prost garde le contact avec Schumacher. Herbert exécute un travers dans la Parabolica, heurte le rail par l'avant et se retrouve au milieu de la piste. Il quitte rapidement son habitacle alors que les commissaires évacuent la Lotus.
63e: Quelques secondes après la sortie de Herbert, Lamy, alors aux trousses de Martini, perd le contrôle de sa Lotus à la sortie du virage n°3 et tape le mur par l'arrière. Le Portugais ne verra pas l'arrivée de son Grand Prix national.
65e: Hill remonte sur le duo de tête. Patrese tente de faire l'intérieur à Warwick aux abords de la parabolique centrale. Mais il bloque ses roues et harponne son adversaire. Tous deux achèvent leur parcours dans les graviers. Patrese tente de s'excuser auprès de Warwick qui ne semble pas l'écouter.
66e: Schumacher est premier devant Prost (1.3s.), Hill (8s.), Alesi (55s.), Wendlinger (-1t.), Brundle (-1t.), Lehto (-1t.) et Martini (-2t.). Les commissaires de piste essaient d'évacuer la Lotus de Lamy, très mal située. Les drapeaux jaunes sont agités dans le premier secteur.
67e: Prost n'est qu'une demi-seconde derrière Schumacher mais semble se résigner à conserver sa deuxième place.
68e: Hill réalise le meilleur tour en course (1'14''859'''). Alesi connaît une fin d'épreuve pénible car la tenue de route de sa Ferrari s'est passablement dégradée. Bon dernier, Badoer se bat lui avec un anti-patinage devenu fou.
70e: Prost demeure sagement derrière Schumacher et va se satisfaire de sa seconde position.
71ème et dernier tour: Schumacher est un temps gêné par... Lehto. Prost tente d'intimider l'Allemand en se montrant dans ses rétroviseurs, mais sans résultat.
Michael Schumacher remporte la deuxième victoire de sa carrière, la première de la saison 1993. Prost termine deuxième et remporte son quatrième titre de champion du monde. Hill finit troisième. Après un superbe début de course, Alesi termine quatrième et confirme les progrès de Ferrari. Wendlinger, cinquième, rapporte deux points supplémentaires à Sauber. Brundle est sixième. Les autres pilotes à rallier l'arrivée sont Lehto, Martini, Fittipaldi, Alliot, Comas, de Cesaris, Barrichello et Badoer.
Après la course: la consécration de Prost IV
Alain Prost, euphorique, boucle son tour d'honneur en brandissant un grand drapeau tricolore. Puis, sur le podium, il se fait joyeusement asperger de champagne par Michael Schumacher et Damon Hill. Le nouveau quadruple champion du monde pourra se retirer la tête haute. Cette saison éprouvante s'achève en apothéose. En ce qui concerne cette course, il déplore la manœuvre agressive de Mika Häkkinen au départ: « Häkkinen a sensiblement devancé l'appel. J'ai dû céder et freiner très tôt pour éviter l'accrochage. » Il a délivré une prestation sage pour s'assurer de la couronne: « Après quelques attaques sur Schumacher, qui n'hésitait pas à louvoyer sur la fin, j'ai préféré ne prendre aucun risque. » Tous les gars de Williams, Renault et Elf viennent évidemment saluer le nouveau champion qui aura, tout au long de la saison, sut fédérer leurs énergies et tirer l'ensemble vers le haut, sans jamais se décourager en dépit des embûches.
Michael Schumacher est pour sa part très fier de sa victoire inattendue, d'autant plus que la Benetton-Ford n'était à l'origine pas du tout performante sur ce tracé: « Pendant 48 heures, je ne savais plus du tout où j'en étais. Hier soir, nous avons travaillé jusqu'à 23 heures. J'ai très mal dormi. Au départ, nous avions prévu deux arrêts, mais quand je me suis retrouvé devant Alain, j'ai tout fait pour ne plus stopper. J'ai pris mille précautions pour préserver mes pneus. Jusqu'à ce que je vois Alain derrière moi. Alors j'ai attaqué un peu plus. » Prost rend hommage au jeune vainqueur dont il apprécie la bravoure: « Michael a réalisé un joli coup. Jamais je n'aurais imaginé qu'il se contente de ce seul arrêt ! » « Toute ma vie je me rappellerai d'avoir battu un champion du monde ! » souligne en retour le jeune Allemand. « Je suis content de partager ce podium de mon titre mondial avec toi », lui répond le Français. Damon Hill participe aussi à cet échange d'amabilités et rend hommage à son coéquipier: « Alain m'a donné la chance de défier un champion. C'était passionnant. J'ai appris énormément avec lui, et ce n'est d'ailleurs pas fini. »
Jean Alesi est lui aussi très satisfait de son week-end. Il ne s'attendait certainement pas à mener le Grand Prix. « Ma plus grande surprise était de constater que j'avais entre les mains une voiture capable de contenir les autres ! Après les arrêts, l'équilibre à commencer à se dégrader. Compte-tenu de l'évolution de la course, j'ai décidé de réduire la cadence pour rallier l'arrivée. » Résultat, le Français a glané neuf points en deux courses. Ferrari n'avait pas été à pareille fête depuis longtemps. Bien sûr, cette belle performance en fait pas oublier l'incroyable mésaventure survenue à Gerhard Berger. « Depuis le début, la suspension active ne marchait pas bien », raconte l'Autrichien. « Après mon arrêt, quand je suis sorti de la pit-lane, j'ai senti que la voiture s'affaissait à l'arrière. Je ne peux vraiment pas expliquer ce qui s'est passé... » Certains diront que la suspension a bon dos et que Berger s'est tout simplement laissé piéger par une bosse. Toujours est-il qu'il est vraiment miraculé car, à quelques mètres près, Warwick le percutait de plein fouet à 300 km/h...
Après le sacre de Prost, reste encore en jeu le titre de dauphin mondial que se disputeront Hill (62 points), Senna (53 pts) et Schumacher (52 pts). Chez les constructeurs, Benetton-Ford (72 pts), enfin vainqueur cette saison, consolide sa seconde place devant McLaren-Ford (60 pts). Malgré le point ramené par Martin Brundle, l'écurie Ligier n'a pas le sourire car Ferrari lui passe devant 1(23 points à 22). « Et tout ça parce que Wendlinger a balancé Blundell... » râle Dany Hindenoch.
Tony