Nouvelle controverse entre Elf et la FISA
Le 2 août 1993, à Paris, le tribunal de la FIA statue sur l'appel interjeté par Williams et McLaren (Footwork s'est dédit) contre l'interdiction, à compter de la saison 1994, des aides électroniques au pilotage. Les deux constructeurs britanniques dépêchent de nombreux juristes et ingénieurs pour convaincre les quatre juges, réunis sous la présidence du Portugais Me José Macedo e Cunha, du bien-fondé de leurs arguments. Paddy Lowe, le père de la suspension active de Williams, plaide la cause de sa création. Frank Williams et Patrick Head assistent aux débats sans se faire la moindre illusion sur leur issue. Ainsi, sans surprise, les interdictions énoncées par le Conseil mondial des 15 et 16 juillet sont confirmées. La suspension active et l'anti-patinage seront bien bannis la saison prochaine. Petite consolation: le tribunal annule le blâme qui avait été adressé à toutes les écuries (Scuderia Italia exceptée) pour avoir soi-disant enfreint le règlement. Voilà qui ne satisfait ni Frank Williams ni Ron Dennis.
Les polémiques reprennent dès Budapest, et cette fois encore à cause du carburant. La FISA refuse en effet d'homologuer des produits Elf pourtant jugés conformes par plusieurs laboratoires. Face à cette énième offensive contre le quatuor Williams - Renault - Elf - Prost, le front des pétroliers a tôt fait de se disloquer. Shell, BP, Sasol et même Agip laissent Elf aux prises avec les autorités sportives. Du côté de Williams, on hurle au complot. « On veut nous chasser de la F1 ! » clame un ingénieur anonyme cité par Auto Hebdo. Ce qui est clair, c'est qu'Elf sert de bouc émissaire dans la lutte qui oppose Max Mosley à Frank Williams. Aussi, le pétrolier français prend ses précautions en mobilisant ses services juridiques.
Sur le Hungaroring, Charlie Whiting, le délégué technique de la FISA, convoque pour concertation Gilbert Chapelet, le responsable des carburants spéciaux chez Elf, ainsi que plusieurs clients de la firme française: Frank Williams, Patrick Head, Bernard Dudot, Flavio Briatore, Rory Byrne et Carmen Ziegler (représentante de Sauber). Le ton monte rapidement entre Whiting d'une part, Chapelet et Head d'autre part. Au bout d'un moment, le volcanique directeur technique de Williams explose: « Demandez à la FISA de nous désigner un interlocuteur valable ! » Whiting ne relève pas cette pique. La discussion se perd en arguties techniques et juridiques. Au final, l'échec est patent: chaque partie campe sur ses positions. Mais peu importe. La FISA sait bien qu'elle ne peut pas exclure Elf du championnat. Cette manœuvre n'est en fait qu'un moyen de pression supplémentaire contre Renault.
Intrigues pour un V10
Bernie Ecclestone nous livre la clef de ces passes d'armes: « La F1 fait partie du show-business. Nous sommes des amuseurs. Je veux que les spectateurs en aient pour leur argent et ne connaissent pas le nom du vainqueur par avance. Certes, jadis, McLaren a souvent écrasé la concurrence. Mais elle offrait le spectacle à elle seule avec deux pilotes capables de se battre l'un contre contre l'autre. Comme chez Williams à une certaine époque, ce qui n'est plus le cas. » Et le Grand Argentier de dévoiler ses intentions: puisque Renault produit le meilleur moteur, qu'elle le fournisse à plus d'écuries ! « Si Renault acceptait de fournir McLaren ou Benetton, voire les deux, je serais le plus heureux des hommes », confie-t-il. « Nous aurions un spectacle fantastique. Sans ABS, sans anti-patinage, ce serait le meilleur pilote qui gagnerait ! » Ainsi tout est clair: à travers Elf, c'est Renault qui est visée dans l'espoir que la Régie adapte sa politique aux désirs de MM. Mosley et Ecclestone.
Comme par hasard, ces soubresauts surviennent au moment même où Flavio Briatore entame une grande offensive de charme envers Renault. L'Italien veut le V10 français, sinon pour 1994, du moins pour 1995. « Ce n'est pas d'aujourd'hui que ce moteur me plaît », dit-il. « Je crois, en plus, que l'écurie a franchi plusieurs paliers. Dorénavant, une association avec Renault serait fondée sur du solide. » Et il peut compter pour cela sur son amitié avec Christian Contzen, le directeur général de Renault Sport, favorable à cette alliance. Celui-ci saura-t-il convaincre ses patrons Louis Schweitzer et Patrick Faure ? Pour l'heure, Renault axe encore toute sa stratégie sur son partenariat avec Williams, au point de lancer prochainement une série de « Clio-Williams ».
Pendant ce temps-là, Ron Dennis cherche un moteur capable de retenir Ayrton Senna qui mène des tractations plus ou moins secrètes avec Williams. Le patron de McLaren lorgne lui aussi vers Renault, mais comme l'an passé se heurte à la question du carburant: pas question pour le Losange de travailler avec Shell ! Du coup, il reporte ses espoirs vers deux autres interlocuteurs, Chrysler-Lamborghini et Peugeot. La firme de Sochaux n'a pas encore officiellement décidé si elle se lancerait en F1 en 1994, mais Jean-Pierre Jabouille mène une intense campagne de prospection. Outre McLaren, il discute également avec Gérard Larrousse, déçu par Lamborghini, et qui se prend à rêver d'un partenariat avec un géant de l'automobile...
Présentation de l'épreuve
Ce huitième Grand Prix de Hongrie a bien failli ne pas avoir lieu. Les organisateurs se plaignent en effet des tarifs imposés par la FOCA, alors que la presse hongroise fait des révélations sur la gestion baroque de l'Hungaroring. Bernie Ecclestone rejette tout rabais, arguant que la Formule 1 a facilité l'ouverture du marché de l'automobile dans cet ancien État socialiste. C'est donc grâce à la manne de Philip Morris que les Hongrois parviennent à respecter tant bien que mal leur contrat et à conserver leur épreuve.
A six épreuves du terme de la saison celle n'offre plus guère de suspens: Alain Prost (77 points) compte vingt-sept longueurs d'avance sur Ayrton Senna (50 pts) et se dirige vers son quatrième sacre. Michael Schumacher (36 pts) espère prendre la deuxième place au Brésilien. Enfin Damon Hill, qui reste sur deux abandons consécutifs après avoir mené la course, entend bien remporter son premier Grand Prix et mener la vie dure à son chef de file.
Début août, Gerhard Berger souffre d'une violente douleur au coude droit. Le professeur Gérard Saillant lui diagnostique une inflammation et lui préconise quelques jours de repos. Aussi l'Autrichien manque-t-il les essais couverts par Jean Alesi et Nicola Larini à Fiorano pour optimiser la suspension active. Il est cependant rétabli pour le GP de Hongrie. Pendant ce temps-là, Jean Todt s'étrangle lorsqu'il découvre dans les colonnes du magazine italien Quattroruote le croquis détaillé de la nouvelle boîte de vitesses transversale élaborée par John Barnard en vue de 1994. Le nouveau directeur de la Scuderia tape du poing sur la table: « Si je surprends une fuite ou si j'en identifie l'auteur, une procédure de licenciement sera immédiatement engagée ! » annonce-t-il dans une note à l'adresse du staff technique. Ferrari apprend peu à peu qu'elle a désormais un chef.
Alain Prost est lui passé par Silverstone pour s'entraîner à améliorer ses départs. Après dix courses et neuf poles positions, le leader du championnat n'a en effet franchi le premier virage en tête qu'à trois reprises. Frank Williams et Patrick Head l'ont amicalement invité à cet exercice. En la matière, la faiblesse de Prost est sa trop grande prudence: il n'appuie pas à fond sur le champignon lorsqu'il relâche l'embrayage, alors que le V10 Renault a justement besoin d'être durement sollicité à cet instant.
Rien ne va plus entre Flavio Briatore et Riccardo Patrese. A Budapest, le premier apprend au second que sa deuxième année de contrat avec Benetton ne sera pas honorée et qu'il est libre de se chercher un autre volant pour 1994. Les deux Italiens s'enguirlandent copieusement. Patrese accuse le coup. Archi-dominé par Michael Schumacher depuis le début de l'année, il n'entre plus dans les plans d'un Briatore qui ne fait pas dans le sentiment. Martin Brundle, viré fin 92 alors qu'il résistait beaucoup mieux à « Schumi », ou encore Nelson Piquet, en savent quelque chose ! « Soit je me trouve un bon volant, soit j'arrête... » soupire Patrese.
Le baquet de Michael Andretti est plus fragile que jamais. Ron Dennis ne se prive plus dorénavant de critiquer le pilote américain et de souligner ses erreurs. Son remplacement par Mika Häkkinen paraît imminent. Vendredi, dans les tribunes du Hungaroring, une poignée de supporteurs finlandais facétieux installent une banderole: « Andretti, go home ! »...
Depuis l'interdiction programmée des aides électroniques au pilotage, l'avenir de la suspension active élaborée par Ligier était en suspens. Le 9 août, Cyril de Rouvre décide d'abandonner ce dispositif après avoir pris l'avis de Gérard Ducarouge et de John Davis, ainsi que des ingénieurs Steve Clark et Hubert Allerat, les deux responsables du projet. Celui-ci s'avérait peu fiable et trop onéreux. Ce sont néanmoins pas moins de trois millions de francs qui ont ainsi été dépensés en pure perte.
Toutes les monoplaces reçoivent ici des ailerons arrière spéciaux, munis de porte-à-faux spectaculaires, afin de garantir une bonne tenue de route. Minardi apporte une suspension arrière à mono-amortisseur qui améliore singulièrement le comportement de la M193. La Scuderia Italia révise une fois de plus la calamiteuse Lola-Ferrari: la suspension avant est nouvelle et la suspension arrière reçoit une géométrie inédite.
Essais et qualifications
Hill se révèle très à l'aise sur ce tracé tortueux et bosselé. Il pousse Prost dans ses retranchements. Leur duel en qualifications est très intense. Le Français se débat avec une voiture survireuse, effectue trois tête-à-queue (!) mais s'empare de sa dixième pole de la saison, la trentième de sa carrière, avec un chrono d'1'14''631''', contre 1'14''835''' pour son équipier. Tous deux battent de près d'une seconde la pole signée par Patrese en 1992. Les Benetton-Ford sont rapides, bien que de mystérieuses vibrations entravent samedi la marche de Schumacher (3ème) et de Patrese (5ème). McLaren perd la journée du vendredi à apprivoiser un nouveau logiciel chargé de commander la suspension active. Senna se déchaîne pour accrocher la quatrième place, au prix de deux figures. Andretti (11ème) sort à deux reprises, notamment après un accrochage avec Katayama. Berger hisse sa Ferrari au sixième rang malgré ses douleurs au coude. Alesi (8ème) est ralenti par de nombreuses coupures de son moteur.
Martini tire un excellent parti de sa Minardi améliorée et décroche une superbe septième place. Fittipaldi (14ème) s'empêtre pour sa part dans ses réglages et est victime samedi d'un gros carton. Les Footwork-Mugen (Warwick 9ème, Suzuki 10ème) poursuivent leur ascension grâce à la suspension active McLaren. Sans surprise, les Ligier-Renault sont peu efficaces sur cette piste très bosselée. Blundell (12ème) et Brundle (13ème) sont tous deux victimes de sorties. Les Sauber (Lehto 15ème, Wendlinger 17ème) font plutôt bonne figure en dépit d'un survirage persistant. Les Jordan-Hart survirent également et surtout dévorent leurs gommes. Comme à l'ordinaire, Barrichello (16ème) fait beaucoup mieux que Boutsen (24ème). Vendredi, les Larrousse subissent un grave problème d'amortisseur qui n'est qu'à moitié résolu le lendemain. Comas (18ème) et Alliot (19ème) en pâtissent sévèrement. Les Lotus coulent à pic: Herbert (20ème) est accablé par les pannes tandis que Zanardi (21ème) se sort deux fois et commet un surrégime. Les Tyrrell-Yamaha sont mal équilibrées et trop fragiles. De Cesaris (22ème) passe plus de temps aux stands que sur la piste alors que Katayama (23ème) distraient les spectateurs par un nombre impressionnant de pirouettes. Certaines mauvaises langues se demandent si le petit Japonais (1m 65) voit la piste depuis son cockpit... Enfin, les Lola-Ferrari (Alboreto 25ème, Badoer 26ème) sont toujours larguées, même si elles se rapprochent imperceptiblement des Tyrrell.
Le Grand Prix
Il se déroule dans une véritable fournaise qui soumet les hommes et les mécaniques à rude épreuve. Goodyear prévoit au moins deux ravitaillements en pneumatiques durant la course. Le public hongrois n'est malheureusement pas au rendez-vous puisqu'on ne compte que 25 000 spectateurs, dont une grosse colonie autrichienne.
Tour de chauffe: Volant sans doute trop bien faire après ses exercices de démarrage, Prost cale son moteur ! Le peloton part sans lui. Le Français parvient à s'élancer mais devra partir dernier. Hill se retrouve donc de fait en pole position.
Départ: Très bon envol de Hill qui s'élance en tête. Schumacher fait patiner ses roues, puis part en dérive au premier virage, frôle les bordures et se fait doubler par Senna et un Berger opiniâtre. Patrese et Alesi dépassent ensuite Schumacher avant le deuxième virage. Andretti est pour une fois très bien parti et se retrouve septième.
1er tour: Schumacher reprend très vite l'ascendant sur Alesi. Harponné par Suzuki, Barrichello sort de la piste à la petite chicane et perd sa roue avant-droite dans l'aventure. Le jeune Brésilien s'immobilise sur le bas-côté. Hill mène devant Senna, Berger, Patrese, Schumacher, Alesi, Andretti, Warwick, Martini et Brundle. Prost est vingt-deuxième. De Cesaris stoppe chez Tyrrell pour faire examiner sa boîte de vitesses qui ne fonctionne pas. Il repartira trois minutes plus tard.
2e: Hill compte deux secondes de marge sur Senna Schumacher dépasse Patrese devant les stands. Prost se défait de Boutsen et de Comas.
3e: Schumacher revient sur Berger et le menace grandement. Prost déborde Katayama.
4e: Après avoir pris l'aspiration dans la ligne droite principale, Schumacher fait l'extérieur Berger au premier virage, tout en rattrapant avec brio un début d'embardée. Hélas, peu après, dans la courbe n°5, l'Allemand met une roue sur la poussière et part en tête-à-queue dans le gazon. Il repart en dixième position. Prost prend la dix-huitième place à Blundell
5e: Hill compte trois secondes d'avance sur Senna. Patrese est en sandwich entre les Ferrari de Berger et Alesi. Schumacher prend la neuvième position à Brundle.
6e: Schumacher dépasse Martini, puis Warwick. Le voici déjà revenu en septième position. Prost a doublé les deux Lotus et pointe au seizième rang.
7e: Hill devance Senna (4.5s.), Berger (13s.), Patrese (13.5s.), Alesi (14.3s.), Andretti (17s.), Schumacher (19s.) et Warwick (22s.). Prost se débarrasse d'Alliot.
8e: Hill tourne en 1'22'', une seconde au tour plus vite que Senna. Schumacher est désormais bloqué derrière Andretti. Prost double Fittipaldi puis Lehto.
10e: Hill mène devant Senna (9s.), Berger (27s.), Patrese (27.5s.), Alesi (28s.), Andretti (29s.), Schumacher (30s.), Warwick (39s.), Martini (41s.) et Brundle (43s.).
11e: Le duo Andretti - Schumacher rejoint le trio Berger - Patrese - Alesi. Prost dépasse non sans mal la Footwork de Suzuki.
12e: Patrese se montre dans les rétroviseurs de Berger. Prost prend la onzième place à Wendlinger.
13e: Dix secondes séparent Hill et Senna. L'Anglais de Williams rencontre les premiers attardés.
15e: Hill compte dix-sept secondes d'avance sur Senna. Andretti ralentit, victime d'une panne d'accélérateur. Prost dépasse Brundle puis revient comme une fusée sur Martini. Arrêt pneus pour Alboreto.
16e: Schumacher est sur les talons d'Alesi. Prost prend l'avantage sur Martini. Zanardi change ses gommes. Andretti met pied à terre.
17e: Schumacher dépasse Alesi et se colle dans les échappements de Patrese. Prost double Warwick.
18e: Senna s'arrête dans l'herbe suite à un problème affectant la commande hydraulique de son accélérateur. Schumacher dépasse Patrese au premier virage et se retrouve troisième, juste derrière Berger. Alesi effectue un changement de pneus et ressort douzième.
19e: Schumacher fait l'extérieur à Berger dans la première courbe. Le voici deuxième. Patrese aperçoit l'irrésistible Prost dans ses rétroviseurs. En fin de tour, Berger chausse des enveloppes neuves (5.3s.).
20e: Hill est premier devant Schumacher (38.6s.), Patrese (44.4s.), Prost (45s.), Warwick (56.7s.), Martini (57.1s.), Brundle (57.6s.), Wendlinger (59.5s.), Suzuki (1m.) et Fittipaldi (1m. 01s.). Arrêt de de Cesaris. Lehto renonce suite à une panne de moteur.
21e: Prost est rappelé à son stand pour changer de pneus. Lors de l'opération, ses mécaniciens repèrent une fêlure sur un montant de l'aileron arrière. Il faut donc le réparer mais l'opération va prendre plusieurs minutes. Le Français perd ainsi toute chance d'inscrire des points.
22e: Hill devance Schumacher de trente-six secondes. Alesi recolle à Fittipaldi pour le gain de la neuvième place. Herbert, Boutsen et Blundell remplacent leurs pneus.
23e: Alesi et Fittipaldi arrivent côte à côte au bout de la ligne droite principale, le premier à gauche, le second à droite. Le Brésilien donne un méchant coup de volant au Français qui part en tête-à-queue, décolle légèrement sur les graviers et tape le rail de face. Alesi sort de sa voiture sonné. Il se couche sur le sol pour reprendre son souffle. Fittipaldi a atterri dans le bac à sable et renonce également.
24e: Hill s'arrête pour changer de pneus, tandis que la voiture de Prost est poussée dans un coin du stand Williams, « en réparation ». L'arrêt dure six secondes et le Britannique reprend la piste toujours premier. Comas remplace aussi ses gommes.
25e: Zanardi fait une excursion par le gazon en haut de la grande côte, mais parvient à rejoindre la piste. Arrêts pneus pour Wendlinger et Suzuki.
26e: Schumacher observe un changement de pneus (6s.) et redémarre en troisième position. Arrêts de Zanardi et de Badoer.
27e: Schumacher exécute un second tête-à-queue. Il se redresse avant de prendre quelques virages plus loin le chemin d'une échappatoire car sa pression d'essence est à zéro. La pompe à carburant a cédé. Prost reprend la course en dix-neuvième et dernière position, avec sept boucles de retard. Changement de gommes pour Alliot.
28e: Patrese chausse quatre roues neuves (7s.) et demeure en seconde position.
29e: Hill mène devant Patrese (49s.), Warwick (53s.), Martini (55s.), Brundle (55.7s.), Berger (57s.), Herbert (1m. 15s.) et Wendlinger (1m. 17s.).
30e: Martini s'équipe en pneus frais. L'arrêt est long (11s.) mais l'Italien repart sixième.
31e: Changements d'enveloppes pour Warwick et Brundle. Ils ressortent dans cet ordre aux quatrième et cinquième rang. Berger récupère la dernière place sur le podium.
32e: Hill compte une cinquantaine de secondes d'avance sur Patrese. Warwick, Brundle et Martini, roues dans roues, se battent pour la quatrième place. Katayama observe un long changement de pneus.
34e: Hill devance Patrese (53s.), Berger (1m. 20s.), Warwick (-1t.), Brundle (-1t.), Martini (-1t.), Herbert (-1t.), Wendlinger (-1t.), Blundell (-1t.) et Suzuki (-1t.).
36e: Hill prend un tour à Berger. Seul Patrese est encore dans le même tour que le leader.
37e: Warwick, Brundle et Martini ne se quittent plus et attirent seuls l'attention du public.
39e: Hill est premier devant Patrese (55.5s.), Berger (-1t.), Warwick (-1t.), Brundle (-1t.), Martini (-1t.), Herbert (-1t.) et Wendlinger (-1t.). Suzuki prend la neuvième place à Blundell.
40e: Herbert est gêné par un boîtier électronique qui s'est détaché et lui tombe sur le bras. Il part en tête-à-queue au premier virage. La Lotus se pose sur un vibreur, sur le bord intérieur de la piste. Herbert renonce. Plus loin, Badoer fait un travers et se retrouve à contre-sens. C'est également terminé pour le jeune Italien.
41e: Alboreto rejoint les stands pour abandonner suite à la rupture d'une durite de refroidissement
43e: L'intervalle est stable entre Hill et Patrese. Suzuki pourchasse Wendlinger lorsqu'il perd le contrôle de sa Footwork dans la courbe au sommet du circuit. Il cale et renonce. Les commissaires poussent la Footwork vers les bas-côtés.
44e: Warwick et Brundle ont semé Martini et luttent pour la quatrième position.
45e: Hill mène devant Patrese (56s.), Berger (-1t.), Warwick (-1t.), Brundle (-1t.), Martini (-1t.), Wendlinger (-1t.), Blundell (-1t.), Alliot (-1t.) et Comas (-1t.).
46e: Hill s'arrête à son stand pour changer une deuxième fois de pneus (7.5s.) et redémarre largement en tête. De Cesaris remplace aussi ses gommes.
48e: Blundell chausse des pneus neufs mais cale au moment de remettre les gaz. Il redémarre à la poussette. Zanardi stoppe dans les graviers avec une boîte de vitesses hors d'usage.
49e: Wendlinger chausse un second jeu de Goodyear et chute au neuvième rang. Nouvel arrêt de Katayama.
50e: Hill prend un tour à Berger puis plonge au premier virage entre Wendlinger et Katayama, le premier assez lent et l'autre sortant des stands. Arrêts pneus pour Comas et Boutsen.
52e: Hill boucle son meilleur tour de la journée (1'20''441'''). Changement de pneus de Patrese (6.1s.). L'Italien roule en deuxième position, totalement isolé.
54e: Berger fait halte à son garage pour renouveler son set de pneus. Il redémarre en sixième position. Alliot remplace aussi ses gommes.
55e: Hill précède Patrese (1m. 12s.), Warwick (-1t.), Brundle (-1t.), Martini (-1t.), Berger (-1t.), Wendlinger (-1t.), Blundell (-1t.), Alliot (-2t.) et Boutsen (-2t.). Comas jette l'éponge suite à une chute de pression d'huile.
57e: Berger dépasse Martini et revient à trois secondes du duo Warwick - Brundle. Prost prend des pneus neufs. Il demeure en course dans le vain espoir d'inscrire un point.
58e: Martini chausse des enveloppes neuves et demeure en sixième position.
59e: Berger poursuit Brundle. A l'avant-dernier tournant, l'Autrichien plonge à l'intérieur et escalade un vibreur. Il touche la Ligier avec sa roue avant-droite, ce qui lui évite de tirer tout droit et lui permet de passer. Brundle reste en piste avec une direction quelque peu faussée... Voilà une manœuvre cavalière de la part de Berger. Dernier à sept tours du leader, Prost réalise le meilleur tour de la course: 1'19''633'''.
60e: Hill devance Patrese (1m. 20s.), Warwick (-1t.), Berger (-1t.), Brundle (-1t.), Martini (-1t.), Wendlinger (-1t.) et Blundell (-1t.).
61e: Berger attaque maintenant Warwick. Brundle remplace ses pneus. Martini roule sur de la poussière dans une courbe à droite. Il part en tête-à-queue et heurte violemment les rails, perdant une roue au passage. Ainsi s'achève sa très belle course. Wendlinger récupère la sixième place.
63e: Berger menace Warwick mais ne trouve pas d'ouverture. L'Anglais entrevoit son premier podium depuis 1984 !
65e: Hill jouit d'une minute et vingt secondes d'avance sur Patrese. Warwick a de plus en plus de peine à repousser Berger car ses pneus sont usés. Il n'en a changé qu'une seule fois.
66e: Berger prend l'aspiration de Warwick au passage de la ligne de chronométrage, puis retarde son freinage pour doubler la Footwork. Warwick laisse la porte ouverte pour éviter une collision. Berger est troisième.
68e: Hill mène devant Patrese (1m. 24s.), Berger (-1t.), Warwick (-1t.), Brundle (-1t.), Wendlinger (-1t.), Blundell (-1t.), Alliot (-2t.), Boutsen (-2t.), Katayama (-4t.), de Cesaris (-4t.) et Prost (-7t.).
70e: Hill a Patrese en point de mire, mais ne semble pas vouloir lui prendre un tour.
72e: Brundle est très rapide grâce à ses pneus neufs et fait la jonction avec Warwick.
73e: Hill commence à croire à sa première victoire en F1, même si le souvenir des deux précédents Grands Prix l'astreint à la prudence. Il préserve donc sa mécanique et conduit à sa main. Du reste, il souffre d'une crampe à une jambe.
75e: Berger revient sur Hill et devrait pouvoir se dédoubler. Brundle peine à sélectionner ses vitesses et abandonne la poursuite de Warwick pour sauvegarder sa cinquième place.
77ème et dernier tour: Hill laisse Berger reprendre son tour de retard.
Damon Hill remporte sa première victoire en Formule 1. Patrese finit deuxième, ce qui est son meilleur résultat de la saison. Berger est troisième et obtient ainsi son premier podium depuis son retour chez Ferrari. Warwick décroche une superbe quatrième place pour Footwork. Brundle se classe cinquième. Wendlinger inscrit son deuxième point de la saison. Suivent Blundell, Alliot, Boutsen, Katayama, de Cesaris et Prost, douzième et dernier à sept tours de son équipier.
Le triomphe de Hill Junior
C'est exténué et claudiquant que Damon Hill s'extrait de son habitacle. Il a puisé dans ses dernières ressources pour aller au bout de cette épreuve, en dépit de la chaleur et des crampes. Ne pouvant bondir sur le podium, il salue le public d'une révérence insolite. Puis il écoute solennellement le God Save the Queen, en songeant bien évidemment à son père défunt, mais aussi à son parcours atypique: « Je reconnais avoir pensé à mon père Graham. Il aurait été fier de moi. Il m'a fallu un peu moins de dix ans pour passer du statut de novice sans espoir à celui de vainqueur de Grand Prix. J'ai enfin réussi: le nom de Hill est de retour. Je dédie cette victoire aux Hill présents, passés et à venir. »
Un peu plus tard, Damon Hill quitte le circuit à bord d'un vieil hélicoptère dans lequel ont également pris place Frank Williams, Patrick Head et Adrian Newey, soit l'état-major du team Williams. Entre Mogyoród et l'aéroport de Budapest, l'appareil ne cesse de vibrer et d'émettre des bruits suspects. Voilà qui rappelle d'atroces souvenirs au vainqueur du jour. Heureusement tout le monde arrive à bon port. « A l'avenir, je crois que ce serait une bonne idée qu'on ne vole pas tous en même temps... » glisse Head à l'oreille de Williams.
Après la course
Alain Prost félicite chaleureusement son équipier pour son succès. Il a connu un dimanche noir mais, comme Senna a abandonné, cela n'a pas d'incidence au classement général. Reste qu'il a encore manqué un démarrage. « Je me suis laissé surprendre. Mon embrayage était neuf, ses réglages un peu plus pointus qu'aux essais, je n'avais pas le même feeling », explique-t-il. Puis son aileron arrière a été victime de sa charge spectaculaire. Il aurait pu abandonner mais a préféré demeurer en piste pour recueillir des informations techniques. « Tant pis, ça n'a aucune importance. J'ai couru pour l'équipe. » lâche le Français, un peu las.
Riccardo Patrese ramène une deuxième place précieuse puisqu'elle permet à Benetton de recoller à McLaren au championnat des constructeurs. Mais le Padouan a la surprise de voir que Flavio Briatore n'est pas là pour le féliciter. Le patron de Benetton a quitté les lieux après l'abandon de Schumacher ! Le plus joyeux sur le podium est Gerhard Berger, acclamé par les nombreux fans autrichiens qui ont traversé la frontière pour l'encourager. Ce podium permet à Ferrari de passer devant Lotus au classement général. Quant à Gerhard, il trouve des justifications à son pilotage pour le moins rugueux: « Nous nous sommes touchés avec Brundle, certes. Mais il faut savoir qu'il n'existe pas d'autre manière d'agir sur ce circuit ! Surtout avec ces moteurs Renault si rapides en ligne droite ! On y va, on fonce en se disant que ça passera. » Évidemment, Martin Brundle ne voit pas les choses de la même manière...
Une autre dispute oppose Jean Alesi à Christian Fittipaldi, qui se rejettent mutuellement la responsabilité de leur violent accrochage. Les deux jeunes pilotes échangent quelques propos aigres avant d'être convoqués devant les commissaires de course, lesquels leur infligent des blâmes. Un jugement de Salomon qui ne satisfait ni l'un ni l'autre.
Enfin, par son abandon, Ayrton Senna voit s'envoler ses derniers espoirs de titre mondial. « J'aurais pu passer Hill dans le deuxième virage, mais j'ai préféré jouer la prudence », narre-t-il. « Ma voiture était à la limite puis, très vite, mes ennuis d'accélérateur ont commencé. C'était ma monoplace qui me conduisait... J'ai essayé d'améliorer les choses en tripotant les commandes de mon cockpit, mais elles ont empiré. Le moteur s'est mis à ratatouiller puis a stoppé pour de bon. » Senna n'est pas trop déçu : il sait qu'il n'a aucun espoir de contester le titre mondial à Prost, mais il reporte sa motivation sur la saison 1994, où il espère bien pouvoir enfin bénéficier de cette fabuleuse Williams-Renault.
Tony