Jean Todt: de Peugeot à Ferrari
Jean Todt connaît un début d'été très agité. Le 20 juin, ses Peugeot 905 signent un triplé historique aux 24 heures du Mans. La n°3 de l'équipage Geoff Brabham - Christophe Bouchut - Éric Hélary devance la n°1 (Thierry Boutsen - Teo Fabi - Yannick Dalmas) et la n°2 (Philippe Alliot - Mauro Baldi - Jean-Pierre Jabouille). C'est sur ce triomphe que s'achèvent ses douze années à la tête de Peugeot-Talbot Sport. Quelques jours plus tard, Luca di Montezemolo le nomme directeur général de la Scuderia Ferrari. A charge pour lui de relever le cheval cabré qui enchaîne les déboires depuis trois saisons. Il n'a pas le temps de se griser car le chantier est immense...
L'arrivée de Todt suscite une vague de murmures en Italie. La presse transalpine regrette de voir Ferrari tomber sous la coupe des étrangers. Déjà, John Barnard a la haute main sur le département technique et dessine la future monoplace dans ses ateliers anglais... Le jeudi 1er juillet, à Magny-Cours, Todt affronte sa première conférence de presse. D'emblée, il surprend les journalistes italiens en leur répondant dans la langue de Dante qu'il a assimilée en quelques mois. Diplomate, il rend hommage à Niki Lauda, le conseiller très apprécié du président Montezemolo. Il confirme également que Jean Alesi et Gerhard Berger seront bien de la partie en 1994. Puis, il se rend dans le garage Ferrari pour rencontrer ingénieurs, techniciens, mécaniciens et autres petites mains. A tous, il prodigue attention et encouragements. « Je ressens autant d'émotion que de curiosité, car il me faut des supporteurs », lance-t-il devant les journalistes transalpins qui lui ont déjà trouvé un surnom en référence à son autorité et à sa petite taille: Il Piccolo Napoleone.
Jean Todt a à peine quitté Vélizy que déjà Jacques Calvet, l'ombrageux P-DG de PSA, ne ferme plus la porte à une possible entrée de Peugeot en F1, mais en tant que fournisseur de moteurs. Jean-Pierre Jabouille, le successeur de Todt, envoie l'ingénieur motoriste Jean-Pierre Boudy sur le GP de France, à Magny-Cours, pour servir d'éclaireur. A lui de nouer des contacts avec de potentiels clients, et notamment avec McLaren, qui déjà avait tendu la main au Lion à deux reprises en 1992, sans succès...
Nouvelle polémique autour de l'essence
Ce week-end, il n'est plus question de dispositifs électroniques illégaux mais, pour changer, de carburant. A Montréal, Ayrton Senna a confidentiellement déclaré qu'il savait « de source sûre » que le carburant utilisé par Alain Prost lors du GP d'Espagne était illégal. Cette information est divulguée quelques jours avant un Conseil mondial extraordinaire de la FIA, annoncé pour le 15 et 16 juillet, qui doit statuer sur la légalité de l'antipatinage et de la suspension active.
La question de l'essence vient donc s'ajouter à l'agenda. La fédération internationale a en effet confié les échantillons prélevés sur la Williams de Prost à Barcelone à deux laboratoires différents, un britannique et un français, qui ne détectent pas les mêmes composants et aboutissent donc à des résultats contradictoires ! Un troisième laboratoire, suisse celui-là, est saisi et l'on attend fiévreusement ses conclusions. « C'est curieux, ma voiture est souvent déclarée non conforme alors que j'utilise exactement le même carburant que Ligier ! », relève Alain Prost avec ironie. Mais qu'il se rassure: ce sont tous les clients du pétrolier français (outre Williams et Ligier, Benetton, Sauber et Larrousse) que Max Mosley et Bernie Ecclestone entendent mettre à l'index. Alain Guillon, le président d'Elf-France, et son représentant Jean-Claude Fayard, démentent évidemment toute tricherie. Du reste, Elf n'est pas seule dans le viseur de la FISA, puisque le carburant Agip fourni à Ferrari, Minardi et la Scuderia Italia contreviendrait lui aussi aux normes fédérales...
Retrait de Camel et de Canon, Rothmans arrive
Depuis plusieurs semaines, Reynolds Tobacco, en pleine guerre contre Philip Morris sur le marché américain, a chargé ses experts financiers de réduire ses budgets de communication. La présence de Camel en Formule 1 fait les frais de ces restrictions. Début juillet, Williams et Benetton, les écuries sponsorisées par le dromadaire, savent à quoi s'en tenir. Le vendredi 2 juillet, Camel annonce son retrait de la F1 à l'issue de la saison 1993. Flavio Briatore est furieux. Frank Williams apparaît lui étrangement serein. Et pour cause: dans la foulée, son écurie annonce la signature d'un partenariat avec le cigarettier sud-africain Rothmans pour un montant de vingt millions de dollars, à compter de la saison 1994. L'écurie s'appellera Rothmans-Williams, et non plus Canon-Williams. Colère du géant japonais de l'optique qui négociait justement une prolongation de contrat avec Frank Williams ! Avec ses huit millions de dollars annuels, Canon ne pouvait pas rivaliser... Du coup, cette firme quitte aussi la F1. Son président Masahiro Tanaka publie un communiqué dans lequel il exprime en termes sévères ce qu'il pense du « sens des affaires » de Williams. « Mon devoir est de préserver l'avenir de l'équipe », réplique l'intéressé. « Je regrette de ne pas avoir été compris par certains de mes partenaires... »
Présentation de l'épreuve
Leader du championnat depuis Montréal, Alain Prost aborde en favori cette halte à Magny-Cours. Le circuit au revêtement parfait devrait admirablement convenir à sa Williams. Afin de resserrer ses liens avec Renault, le triple champion du monde se plie le 28 juin à une tournée promotionnelle: il visite la concession de Vitry, la succursale de Fresnes et la direction des pièces de rechange de Cergy-Pontoise. Il s'entretient en toute simplicité avec les employés et les ouvriers de la firme au losange. Il compte sur leur soutien pour le Grand Prix de France, épreuve qu'il a déjà remportée à cinq reprises (1981, 1983, 1988, 1989 et 1990), sans jamais hélas soulever l'enthousiasme. Certes, Prost possède des fans dans son pays, mais il est bien connu que les Français préfèrent les valeureux combattants aux austères métronomes. La cote d'amour du jeune Jean Alesi est ainsi plus élevée que celle de son aîné. Pis: on compte sans doute plus de Sennistes que de Prostistes dans l'Hexagone...
L'état-major de Renault Sport, c'est-à-dire Bernard Dudot (directeur technique), Jean-Jacques His (responsable du développement) et Jean-François Robin (responsable de l'exploitation), s'est mis en branle pour peaufiner les V10 RS5 en vue du GP de France. L'objectif est d'enfin réaliser le premier doublé Williams-Renault de la saison, et pourquoi pas d'hisser une Ligier sur le podium. Cyril de Rouvre espère justement que l'écurie bleue frappera un grand coup à Magny-Cours. Celle-ci compte déjà treize points sur les trente fixés comme objectif en début de saison. Les critiques qui entouraient le duo « british » Martin Brundle - Mark Blundell se sont tues, même si certains sponsors auraient aimé que l'essayeur Éric Bernard soit titularisé pour le GP de France. Enfin, malgré la pression amicale de de Rouvre, Guy Ligier n'apparaîtra pas dans la Nièvre. Il se fait représenter par son fils Philippe qui ne manquera pas de le tenir informé par téléphone.
Panique à Woking: le mardi 29 juin, six jours avant le GP de France, Ayrton Senna annonce qu'il refuse de se rendre dans la Nièvre tant que Ron Dennis n'aura pas apposé sa signature au bas du contrat les liants pour le reste de la saison ! Il est en effet las des pressions de son patron qui reporte sans cesse cette formalité dans l'espoir d'ajouter une option pour 1994. Dennis met vingt-quatre heures avant de céder à ce chantage. Senna est très méfiant: le 30 juin au soir, à quelques minutes du départ de son vol São Paulo - Paris, il demande à Julian Jakobi d'appeler le directeur de McLaren, depuis une cabine de l'aéroport, afin de s'assurer que ce dernier a bien signé le fameux contrat.
Chez Benetton, Flavio Briatore et Tom Walkinshaw sont mécontents de Riccardo Patrese. Le vétéran italien est en effet complètement dominé par Michael Schumacher, bien plus que ne l'était son prédécesseur Martin Brundle l'année passée. En sept courses, Patrese n'a inscrit que cinq misérables points et paraît assez démotivé. On commence à susurrer que sa 17ème saison en F1 pourrait bien être la dernière...
Fabrizio Barbazza a réalisé une demi-saison satisfaisante avec Minardi puisqu'il a inscrit deux points tout en tenant tête à son équipier Christian Fittipaldi. Hélas, son contrat avec Giancarlo Minardi ne portait que sur huit courses et ne sera pas renouvelé, faute de rallonge de budget de la part de son commanditaire Beta. Son remplaçant sera tout simplement Pierluigi Minardi, l'éternel porte-drapeau de la Scuderia de Faenza, muni d'une mallette de billets bien remplie.
Les deux Ferrari seront cette fois dotées du V12 « TT » durant tout le week-end. Un flap avant apparaît sur l'aileron avant de la F93 pour améliorer l'écoulement de l'air. Surtout entre en scène une nouvelle suspension « réactive », conçue par John Barnard, qui n'est que la quatrième version d'un tel dispositif produite par la Scuderia... Berger reçoit un châssis neuf en sa qualité de premier pilote, ce qui fait grogner Alesi... Jordan étrenne une nouvelle suspension avant, éprouvée durant trois jours d'essais intensifs à Silverstone. Les Lotus 107B reçoivent de nouvelles géométries de suspensions et des améliorations aérodynamiques chargées d'apporter un grip qui leur fait cruellement défaut. Les Tyrrell 021 ne sont toujours pas prêtes et n'apparaîtront qu'à Silverstone. Pour finir, Footwork utilise pour la première fois la suspension active achetée à McLaren.
Un journaliste d'Auto Hebdo réunit Ayrton Senna, Martin Brundle, Gerhard Berger et Ukyo Katayama pour leur poser la question qui taraude tous les passionnés de sport auto: que diable transportent les pilotes dans leur inséparable attaché-case ? Brundle répond le premier: « Dans le mien ? Passeport, billet d'avion, copie de mon contrat, numéro de mon avocat, quelques préservatifs... rien que de très commun ! » Berger: « - Martin a répondu pour moi: des capotes. Et dans celle de Senna: du pognon, du pognon et encore du pognon ! - Comme toi depuis que tu as signé chez Ferrari ! » rigole le Brésilien. « Je vous rassure, ni fric, ni capote » assure le petit Katayama qui croit bon de raconter ensuite une histoire drôle: « C'est un serpent qui s'est perdu en Afrique. Il ne se rappelle rien, ni qui il est, ni où il est. Il croise un éléphant et lui demande un éclaircissement. Celui-ci se met à tâter le serpent. « Tu n'as pas de cheveux, ni d'oreille, ta peau est toute lisse... Mais je te reconnais, lance l'éléphant, tu es Niki Lauda ! » » Fou rire gêné de Berger, grand ami de l'intéressé...
Essais et qualifications
Comme à l'ordinaire, la pole position se dispute entre les pilotes Williams. Vendredi matin, Prost sort de la route suite à un blocage de son ABS qu'il choisit de débrancher pour le reste du week-end. Hill persiste avec ce système, et bien lui en prend puisqu'il réalise le lendemain la première pole de sa carrière (1'14''382'''). C'est la 17ème position de pointe consécutive pour Williams. Le record établi par les McLaren-Honda en 1988-1989 est égalé. Prost se contente du deuxième chrono (1'14''524'''). Les Ligier font sensation sur le « billard » nivernais, particulièrement favorable à leur châssis. Les compères Brundle (3ème) et Blundell (4ème) colorent en bleu la seconde ligne. Les quatre moteurs Renault occupent donc les quatre premiers rangs de la grille. McLaren ne trouve les bons réglages que le samedi. Senna (5ème) rend néanmoins près de deux secondes au poleman tandis qu'Andretti (16ème) ne parvient pas à boucler des tours clairs. Les pilotes Ferrari peinent à régler leur nouvelle suspension active. Alesi décroche le sixième chrono au prix d'un bel effort. Berger (14ème) se plaint d'un « loup » sur sa nouvelle monture... Les Benetton-Ford sont ici très sur-vireuses. Schumacher (7ème) fait encore une fois mieux que Patrese (12ème).
Les Jordan-Hart progressent, du moins celle de Barrichello, excellent huitième. Boutsen se plaint d'un manque d'équilibre et figure au vingtième rang. Les Larrousse-Lamborghini (Comas 9ème, Alliot 10ème) monopolisent la cinquième ligne, une excellente performance si l'on songe que la LH93 est encore pourvue d'une boîte et d'une suspension traditionnelles... Les Sauber ont un bon équilibre général mais pas de grip. Pour la première fois de la saison, aucune des monoplaces suisses ne figure dans le « top ten ». Wendlinger (11ème) comme Lehto (18ème) se fourvoient dans leur « set-up ». La suspension active McLaren améliore le comportement des Footwork. Suzuki (13ème) en tire un meilleur profit que Warwick (15ème) qui perd son vendredi sur une panne électrique. Malgré les améliorations apportées, les Lotus (Zanardi 17ème, Herbert 19ème) sont encore très instables dans les entrées de virages. Les Tyrrell 020 sont vraiment bonnes pour le musée: si Katayama (20ème) limite les dégâts, de Cesaris (25ème), victime de chutes persistantes de pression d'huile, évite le couperet de justesse. Les Minardi (Fittipaldi 23ème, Barbazza 24ème) louvoient au freinage. Enfin, Badoer qualifie sa Lola-Ferrari au 22ème rang, alors qu'Alboreto hérite encore une fois de la 26ème position éliminatoire.
Le Grand Prix
Le soleil et la chaleur sont au rendez-vous de ce troisième Grand Prix de France à Magny-Cours. Philippe Gurdjian et Jean Glavany se satisfont des bons chiffres de la billetterie: on compte 70 000 spectateurs en ce dimanche 4 juillet. Jean-Marie Balestre accueille Michèle Alliot-Marie, le ministre des Sports, et Jacques Toubon, ministre de la Culture, celui-ci beaucoup plus passionné de F1 que celle-là. Tous rendent hommage à Pierre Bérégovoy, l'ancien Premier ministre et maire de Nevers, acteur majeur de cet événement, tragiquement disparu deux mois plus tôt. Dans le paddock, on aperçoit Louis Schweitzer, le président de Renault, qui s'attarde longuement aux stands Williams et Ligier.
Le warm-up est sans surprise dominé par les Williams. Du fait de la chaleur, certains pilotes sélectionnent les pneus Goodyear « A », les plus durs. C'est le cas de Schumacher, de Patrese et d'Alesi. Peu satisfait de son châssis depuis le début du week-end, Prost opte finalement pour son mulet.
Départ: Excellent envol de Hill qui conserve sa première place devant Prost, suivi par Brundle, Blundell, Senna et Schumacher. Aucun incident à signaler, hormis une légère excursion hors-piste de Katayama.
1er tour: Blundell attaque en vain Brundle à Adélaïde. Alesi repousse une attaque du bouillant Barrichello. Au terme de cette première boucle, Hill mène devant Prost, Brundle, Blundell, Senna, Schumacher, Alesi, Barrichello, Comas et Wendlinger.
2e: Hill prend deux secondes d'avance sur Prost. Les Ligier sont déjà semées.
3e: Senna et Schumacher mettent la pression sur Blundell. Zanardi s'immobilise dans l'herbe suite à une panne de suspension active, puis choisit finalement de rejoindre son stand pour mettre pied à terre.
4e: Schumacher se montre dans les rétroviseurs de Senna à Adélaïde. Barrichello prend la septième place à Alesi.
5e: Hill mène devant Prost (1.9s.), Brundle (8.8s.), Blundell (11s.), Senna (11.7s.), Schumacher (12.4s.), Barrichello (19s.), Alesi (20s.), Comas (21s.) et Wendlinger (23s.).
7e: Deux secondes toujours entre Hill et Prost. Andretti remonte dans le peloton: il a doublé Warwick, Berger puis Alliot, et pointe au 14ème rang.
9e: Blundell retient Senna et Schumacher. Katayama a endommagé son carter d'huile sur un vibreur. Il stoppe chez Tyrrell pour faire nettoyer son radiateur et redémarre.
10e: Katayama est reparti devant les deux Williams et leur envoie des projections d'huile. Gêné par le Japonais, Hill voit revenir son équipier dans ses échappements. Alesi est aux prises avec un trio de poursuivants comprenant Comas, Wendlinger et Suzuki.
11e: Hill et Prost doublent Katayama. Ce dernier casse son moteur et s'arrête dans le gazon. Une épaisse fumée se dégage de sa Tyrrell et oblige les commissaires de course à intervenir avec leurs extincteurs.
12e: Hill précède Prost (0.6s.), Brundle (15.6s.), Blundell (21.9s.), Senna (22.6s.), Schumacher (23.3s.), Barrichello (31.3s.), Alesi (40s.), Comas (40.7s.), Wendlinger (41.6s.), Suzuki (43s.), Patrese (46s.), Lehto (47s.) et Andretti (48s.).
14e: Prost suit Hill comme son ombre sans chercher à l'attaquer. Il attend les changements de pneus pour le doubler. Andretti dépasse Lehto. Berger, Herbert et Warwick livrent une furieuse bataille pour la... 16ème place.
15e: Senna pourchasse Blundell sans pouvoir le déborder car le V10 Renault délivre plus de chevaux que le V8 Ford ancienne version.
17e: Harcelé par Warwick, Herbert perd le contrôle de sa Lotus à l'entrée du virage à 180° et s'évanouit dans le bac à graviers. Les deux Lotus sont out. Barbazza est trahi par sa commande de boîte et échoue également dans les décors.
18e: Les deux Williams sont gênées par des retardataires, à savoir Boutsen, Badoer, Fittipaldi et Warwick. Prost maintient la pression sur Hill. Empêtré en queue de peloton, Berger revient à son stand pour changer ses pneus.
20e: Hill mène devant Prost (0.5s.), Brundle (20.8s.), Blundell (28s.), Senna (29.3s), Schumacher (30.2s.), Barrichello (42s.), Alesi (1m.), Comas (1m. 01s.) et Wendlinger (1m. 02s.). Boutsen remplace ses gommes.
21e: Blundell tente de prendre un tour à de Cesaris en arrivant à la courbe d'Estoril. Mais le Romain ne voit pas le Britannique et lui coupe brutalement la route. Blundell monte sur ses freins, quitte la route et s'immobilise face aux glissières de sécurité. La course est finie pour lui.
22e: Comas et Warwick chaussent des enveloppes neuves. Wendlinger gagne son stand car il a perdu ses 3e et 4e rapports. Il reprend la piste après trente secondes d'immobilisation.
23e: Hill précède Prost (0.5s.), Brundle (25s.), Senna (32s.), Schumacher (34s.) et Barrichello (48s.). Lehto abandonne sa Sauber en panne de boîte de vitesses.
24e: Patrese prend des pneus neufs (5.4s.). L'Italien passe du dixième au douzième rang.
25e: Une seconde sépare les deux Williams de tête. Senna a gagné une petite marge de deux secondes sur Schumacher.
26e: Brundle change ses pneus (6.1s.) et ressort en cinquième position. Alesi et Alliot font aussi escale par les stands.
27e: Senna et Schumacher entrent ensemble aux stands, chaussent des gommes neuves et repartent dans cet ordre derrière Brundle. Quelques instants plus tard, Hill apparaît dans la pit-lane sur les talons de Suzuki et Andretti. Le pilote Williams fait changer ses pneus en sept secondes et quitte les stands derrière Andretti. L'arrêt de Suzuki est plus long. Le Japonais dégringole au classement.
28e: Prost est maintenant seul en tête. A la sortie des stands, Andretti et Hill sont gênés un temps par Wendlinger qui redémarre après un nouvel arrêt. Barrichello prend des pneus frais et conserve la sixième place. Jusqu'alors excellent douzième, Badoer change d'enveloppes.
29e: Prost observe son changement de pneus (6.9s.) et retrouve le circuit juste devant Hill. Andretti prend la neuvième place à Fittipaldi. Arrêt pneus pour de Cesaris. Wendlinger a perdu l'usage de toutes ses vitesses et renonce.
30e: Hill prend l'aspiration derrière Prost avant Adélaïde. Il se déporte vers la gauche, puis vers la droite, sans pouvoir passer. Prost mène donc devant Hill (0.5s.), Brundle (33.7s.), Senna (35.1s.), Schumacher (38s.), Barrichello (1m. 02s.), Comas (1m. 25s.), Alesi (-1t.), Andretti (-1t.) et Fittipaldi (-1t.). Badoer se range sur le bas-côté car sa suspension avant-gauche s'est affaissée.
31e: Senna est revenu sur les talons de Brundle. Il se plaint cependant de Warwick qui tarde à s'écarter malgré les drapeaux bleus.
33e: Prost et Hill se tiennent toujours en moins d'une seconde. Il semble dans les intérêts de Williams que les positions ne bougent plus.
35e: Brundle est ralenti par les attardés, en particulier par Alliot. Senna, beaucoup plus habile à naviguer dans le trafic, fond sur l'Anglais.
36e: Andretti s'empare de la huitième place aux dépens d'Alesi.
38e: Prost et Hill roulent de concert. Très loin d'eux, Brundle, Senna et Schumacher se tiennent maintenant en à peine trois secondes.
39e: Les Williams prennent un tour à la Jordan de Barrichello.
40e: Prost précède Hill (0.6s.), Brundle (44.5s.), Senna (45.6s.), Schumacher (47.5s.), Barrichello (-1t.), Comas (-1t.), Andretti (-1t.), Alesi (-1t.), Fittipaldi (-1t.), Patrese (-1t.), Berger (-1t.) et Alliot (-1t.).
41e: Prost tourne en 1'20''530''' et repousse Hill à une seconde et demie.
42e: Berger observe un second changement de pneus. L'équilibre de sa Ferrari est très précaire car sa suspension active fonctionne de manière aléatoire.
44e: Prost mène devant Hill (1s.), Brundle (47.5s.), Senna (48.4s.), Schumacher (50.3s.) et Barrichello (-1t.).
46e: Schumacher chausse un troisième train de pneus et espère ainsi pouvoir doubler Senna plus aisément. Warwick et Suzuki se bagarrent pour la quatorzième place.
47e: Brundle change de gommes pour la seconde fois (5.2s.). Il repart cinquième derrière Schumacher qui vient de signer le meilleur tour de la course: 1'19''256'''.
49e: Prost et Hill se fraient de nouveau un chemin parmi les attardés. Alesi rejoint son stand suite à une panne de moteur et renonce.
50e: Schumacher remonte facilement sur Senna. Six secondes les séparent. Deuxième arrêt pneus pour Patrese.
52e: Prost est premier devant Hill (1.1s.), Senna (45s.), Schumacher (49.4s.), Brundle (54.7s.), Barrichello (-1t.), Comas (-1t.), Andretti (-1t.), Fittipaldi (-1t.) et Patrese (-1t.).
53e: Andretti s'équipe en pneus tendres pour finir la course en trombe. Il ne perd aucune position dans cette opération.
55e: L'intervalle est très stable entre les deux Williams de tête. Andretti s'intercale entre Senna et Schumacher.
56e: Senna est gêné par de Cesaris, relégué à trois tours, et voit revenir Schumacher.
57e: Schumacher se défait de l'attardé Andretti et prend maintenant Senna en chasse. Beaucoup plus loin, Patrese, dixième, menace Fittipaldi qui est le seul pilote à ne pas avoir changé ses pneus.
59e: Schumacher évolue à moins d'une seconde de Senna. C'est le moment pour le Ford « VII » de donner une leçon au Ford « VI ».
60e: Prost devance Hill (0.7s.), Senna (40.9s.), Schumacher (41.6s.), Brundle (47.2s.), Barrichello (-1t.), Comas (-1t.), Andretti (-1t.), Fittipaldi (-1t.) et Patrese (-1t.).
62e: A la sortie d'Adélaïde, Patrese tente de prendre l'aspiration de Fittipaldi mais il est surpris par un ralentissement du Pauliste et escalade l'arrière de la Minardi. L'Italien y laisse son aileron avant et doit repasser par les stands pour réparer.
63e: Une seconde sépare Prost de Hill. Schumacher est dans les échappements de Senna. Berger change encore une fois de gommes. Le Styrien est quinzième et avant-dernier...
65e: Schumacher prend l'avantage sur Senna à l'épingle et s'empare de la troisième position. Andretti recolle à Comas.
66e: Schumacher, un peu optimiste, tente de doubler l'attardé Comas à Adélaïde au prix d'un freinage appuyé. Cela ne passe pas, et le jeune Allemand s'agrippe à son volant pour éviter la sortie. Puis il se défait du Drômois qui va aussi gêner Senna...
67e: Brundle n'est plus qu'à deux secondes de Senna. Andretti dépasse Comas qui rencontre des problèmes de transmission. Suzuki prend enfin l'avantage sur son équipier Warwick.
68e: Prost est leader devant Hill (0.7s.), Schumacher (33s.), Senna (40s.), Brundle (42s.), Barrichello (-1t.), Andretti (-1t.) et Fittipaldi (-1t.). Trahi par sa boîte de vitesses, Comas rentre à son garage et abandonne.
69e: Senna prend un tour à Warwick au virage du Lycée. L'Anglais heurte légèrement l'arrière de la McLaren et perd un morceau de son aileron avant. Andretti remonte rapidement sur Barrichello dont les pneus sont peu fringants.
70e: Prost et Hill ne forcent pas leur talent et achèvent cette épreuve en formation serrée. Senna et Andretti arrivent sur Barrichello.
71e: Barrichello commet une erreur en ouvrant trop largement la porte à Senna. Andretti, malin, se place dans le sillage de son leader, dépasse la Jordan et récupère ainsi in extremis la sixième place.
72ème et dernier tour: Alain Prost remporte son sixième Grand Prix de France, juste devant Hill qui l'a patiemment suivi durant toute la seconde partie de la course. C'est le premier doublé de la saison pour Williams-Renault. Schumacher complète le podium. Senna termine quatrième. Brundle amène sa Ligier à une décevante cinquième place. Andretti glane le point de la sixième place. Suivent Barrichello, Fittipaldi, Alliot, Patrese, Boutsen, Suzuki, Warwick, Berger et de Cesaris.
Après la course: la France au sommet avec Prost et Renault
Alain Prost parcourt son tour d'honneur en brandissant un drapeau tricolore. Sur le podium, Jean-Marie Balestre lui remet la coupe du vainqueur, tandis que Mme. Alliot-Marie félicite Damon Hill. Loi Évin oblige, les pilotes doivent se passer de douche au Moët & Chandon... Prost a la consolation d'être acclamé par un public français enthousiaste, ce qui n'a pas toujours été le cas par le passé. « Lors de ma victoire au Castellet, en 83, face à 20 000 spectateurs, il n'y avait aucune ambiance », se rappelle-t-il. « L'attitude des spectateurs a beaucoup changé en dix ans. Ils montrent leur joie. Dans le tour de parade de ce matin, j'ai aperçu des centaines de personnes venant des usines Renault, et les autres. On sent qu'ils sont derrière vous, derrière votre équipe. Pour un type un tant soit peu sentimental, je peux vous garantir que ça trouble, que ça secoue. Oui, ce soir, je suis un homme heureux. »
En ce qui concerne la course en elle-même, Prost résume sa tactique: « Au début, je n'avais aucune raison d'attaquer. J'aurais pu le faire deux ou trois fois, mais c'était risqué pour l'équipe. J'attendais l'heure de mettre ma stratégie en route. Elle était simple. Hill a stoppé deux tours avant moi, deux tours durant lesquels j'ai accéléré la cadence, creusant un petit écart. Après un bon changement de roues, j'ai pu reprendre la piste devant lui. J'étais alors plus tranquille. Dès l'instant où Damon a vu que j'étais devant, il a su que c'était impossible de passer. Cela étant, il fut un adversaire coriace ! »
Certains journalistes britanniques, toujours très chauvins, accusent Frank Williams et Patrick Head d'avoir muselé Damon Hill, qui selon eux, aurait pu aller chercher Prost. Ces assertions sont formellement démenties par le pilote anglais lui-même. « Entre l'arrêt d'Alain et le mien, il n'y a eu que deux à trois secondes de différence, mais ce fut suffisant », raconte-t-il. « A un moment j'ai envisagé un second arrêt. C'était un risque supplémentaire de perdre beaucoup de temps. Nous étions loin devant, je n'avais pas à attaquer dur... J'ai demandé au stand si les gars voulaient un autre arrêt pour s'entraîner un peu. Ils m'ont dit qu'ils en avaient assez fait pour aujourd'hui ! » Quoiqu'il en soit, jamais Hill n'aura été aussi proche de Prost, et sa première victoire ne semble plus être qu'une question de temps. Du reste, on ne décèle aucune once de rivalité entre les deux équipiers. « Damon est un type fantastique sur le plan humain. Il n'a absolument pas pris la grosse tête », décrète Prost.
Ce doublé des Williams est immédiatement exploité par Renault qui inonde dès le lendemain ses concessionnaires de posters publicitaires arborant le slogan « Vive le sport ! ». Une idée de Louis Schweitzer qui félicite très chaleureusement les hommes de Patrick Faure et Bernard Dudot. La firme au losange rayonne sur la Formule 1 comme jamais auparavant.
Le jeune Rubens Barrichello se fait passer un savon par Eddie Jordan, furieux de l'erreur de son pilote qui lui coûte un point précieux. L'Irlandais a en effet absolument besoin d'ouvrir son compteur pour bénéficier en fin de saison des droits TV. Mais il se calme bien vite, car il sait détenir une pépite en Barrichello. La chance finira bien par tourner...
Prost (57 points) accroît son avantage sur Senna (45 pts) au classement des pilotes. Williams-Renault (85 pts) devance très nettement McLaren-Ford (48 pts) chez les constructeurs.
Tony