Jean Todt, de Peugeot à Ferrari
Sans surprise, Peugeot officialise le 7 avril 1993 l'abandon de son projet F1 1994. Malgré tous ses efforts, Jean Todt s'est heurté à l'inertie, voire à l'hostilité, de Jacques Calvet, le P-DG de PSA, qui estime cette discipline trop onéreuse. Le patron de Peugeot Sport, livide, affronte la presse ce même jour. Lorsqu'on lui demande si Peugeot songe à fournir un moteur à une équipe de pointe, opération moitié moins onéreuse qu'un programme F1 complet, il réplique, acerbe: « Je sais aussi bien compter que vous ! Ce n'est pas d'actualité. » Pour sa part, Calvet ne manifeste aucun regret. « Maintenant, les jeunes sont calmés », lâche-t-il devant quelques fidèles. Dans son esprit, les « jeunes » sont ceux qui rêvaient d'une F1 100% Peugeot.
En fait, Todt est sur le point de quitter la marque au lion pour répondre aux sirènes de Maranello. Fin mars, Me Henry Peter, l'avocat de Ferrari, l'a rencontré à Paris pour finaliser un protocole contractuel définissant sa future mission au sein de la Scuderia, ainsi que le calendrier de sa prise de fonctions. Ces tractations sont rapidement révélées par la presse française, et aussitôt démenties par les intéressés. Mais personne n'est dupe. L'enterrement du programme F1 de Peugeot offre à Todt une magnifique porte de sortie. Comme l'écrit Renaud de Laborderie, il pourra conduire chez Ferrari la politique qu'il aurait aimé appliquer chez Peugeot.
A Donington, la Scuderia Ferrari célèbre un triste record de trente-sept Grands Prix sans le moindre succès, depuis la victoire d'Alain Prost à Jerez en 1990. Maranello attend avec impatience l'arrivée de Todt, ce qui ne plaît pas à tout le monde. « L'engager serait une erreur. Ferrari a besoin de tranquillité pour revenir au sommet », lâche Harvey Postlethwaite, directement menacé par le recrutement du Français.
Jordan: T. Boutsen remplace I. Capelli
Après avoir délivré deux prestations calamiteuses en ce début de saison (accident à Kyalami, non-qualification à São Paulo) et s'être fait marcher dessus par son jeune équipier Rubens Barrichello, Ivan Capelli interrompt sagement sa collaboration avec Jordan, et donc sa carrière en Formule 1. Le sympathique Italien, pourtant très doué, n'aura au final réalisé que quelques coups d'éclats sans jamais réussir à se hisser au rang des meilleurs. Sa catastrophique saison 92 avec Ferrari lui a porté un coup fatal.
Pour le remplacer, Eddie Jordan contacte Thierry Boutsen, avec lequel il a déjà discuté au cours de l'intersaison. Mais l'Irlandais mène les négociations à sa manière, en se perdant dans des arguties juridiques. Excédé, Boutsen choisit de ne plus lui répondre et finit par couper le téléphone de son appartement monégasque. Mais Jordan parvient tout de même à le recontacter via Keke Rosberg, son voisin de palier ! Finalement, le Belge accepte de signer avec l'Irlandais, tout en obtenant l'assurance de pouvoir disputer les prochaines 24 heures du Mans avec Peugeot. Il apporte aussi à son nouveau patron le concours de son sponsor personnel, le cigarettier Barclay.
Escapade printanière dans les Midlands
Après la disparition du Grand Prix du Mexique, Bernie Ecclestone souhaitait organiser une deuxième course au Japon. C'est ainsi qu'un Grand Prix d'Asie était annoncé pour 1993 sur le circuit d'Autopolis, mais l'opération a échoué suite à la faillite de ses commanditaires. Du coup, Ecclestone ressuscite le Grand Prix d'Europe qui se tiendra pour la première fois à Donington. Ce tracé, situé dans le parc du château de Donington, dans un cadre champêtre, au cœur des Midlands, est chargé d'histoire puisque c'est le seul circuit routier qui fut ouvert à la compétition au Royaume Uni avant la Seconde Guerre Mondiale. En 1971, il est racheté par Tom Wheatcroft, un autodidacte richissime, passionné d'automobile, heureux détenteur de la plus collection de monoplaces au monde. Celui-ci restaure le circuit qui s'ouvre de nouveau à la compétition à compter de 1977.
Ecclestone a choisi d'inscrire Donington au calendrier pour deux raisons: d'une part parce que Wheatcroft est très populaire dans le milieu du sport auto britannique, d'autre part car c'est un coup de semonce donné à Silverstone. Le président de la FOCA est en effet en conflit avec le British Racing Drivers' Club, propriétaire de l'ancien aérodrome, depuis qu'il a plaidé la cause de Tom Walkinshaw. On se souvient que le virevoltant copropriétaire de Benetton s'était servi du club pour éviter la faillite de sa chaîne de garages. Depuis, les deux parties sont en procès. Ecclestone soutient activement Walkinshaw et ne cesse de critiquer Silverstone, le circuit du BRDC. En organisant une épreuve de F1 à Donington Park, il veut prouver à celui-ci que le GP de Grande-Bretagne pourrait fort bien trouver une autre destination...
Mais la démonstration est ratée. Certes, le tracé, très technique, est intéressant au point de vue du pilotage. Mais la sécurité n'est pas au rendez-vous: les bacs à graviers ne sont pas toujours idéalement situés et surtout la piste est très étroite. Les dépassements seront périlleux. Le retour des pilotes est globalement négatif. Par ailleurs, la météo est calamiteuse: des trombes d'eau s'abattent sur le circuit le vendredi et le dimanche. Seuls 30 000 spectateurs font le déplacement sur l'ensemble du week-end. Aussi, ce GP d'Europe n'a pas vocation à se pérenniser: il ne s'agit que d'une épreuve de complément.
Présentation de l'épreuve
En arrivant en Angleterre, Alain Prost remâche encore sa déception d'Interlagos: « J'ai commis une belle bêtise là-bas », admet-il. « Si je m'étais arrêté, même avec Damon au stand, j'aurais perdu quelques secondes. Mais je serais resté en course. » Critiqué par la presse française suite à cet incident, le pilote Williams veut remettre les pendules à l'heure à Donington.
Pour sa part, Ayrton Senna refuse toujours de s'engager pour la saison entière avec McLaren. Officiellement, ce GP d'Europe sera pour lui une nouvelle « pige », moyennant rétribution évidemment. A vrai dire, le Pauliste n'a jamais songé à faire l'impasse sur cette épreuve. Au contraire, sa victoire devant les siens à São Paulo a regonflé son moral et il ne perd pas espoir de vaincre Prost au championnat... pour peu que Ford lui en donne les moyens. Enfin, Donington Park a pour Senna une certaine valeur sentimentale. C'est en effet sur cette piste qu'il a effectué ses premiers tours en Formule 1, fin 1983, pour le compte de... Williams. Il le rappelle devant la presse, ne cachant pas qu'il a bien l'intention de renouer un jour ou l'autre le fil de cette histoire. Pour son jeune équipier Damon Hill, ce rendez-vous est également riche en émotions, puisqu'il a débuté sa carrière à Donington, sur une Yamaha 250. Dans sa jeunesse, le fils de Graham Hill s'orientait en effet vers une carrière de motocycliste.
Après un début de saison décevant, Benetton lance la version B de sa B193, qui paraît très similaire au modèle A. « C'est pourtant une voiture entièrement nouvelle », explique Ross Brawn. « La B193A était conçue pour une suspension passive et on s'était contenté de greffer dessus la suspension active. Celle-ci est prévue d'emblée pour la recevoir. Elle est en outre beaucoup plus légère. » Benetton ne dispose pas encore de l'anti-patinage, mais travaille sur ce dispositif avec Ford.
Footwork lance pour sa part sa nouvelle FA14 due au crayon d'Alan Jenkins. L'aérodynamisme de cette machine a été conçu grâce à la soufflerie dont dispose cette équipe dans son usine de Milton Keynes. Elle possède un anti-patinage et une boîte de semi-automatique à changement séquentiel. Mugen-Honda lance aussi son nouveau moteur, baptisé MF351H-B, qui n'est pas beaucoup plus puissant que le précédent, mais est moins lourd et possède un vilebrequin logé plus bas, ce qui permet d'abaisser le centre de gravité de l'ensemble.
Le V10 « Yamaha-Judd » est entièrement remanié pour ce Grand Prix et dispose désormais de la distribution pneumatique, d'une nouvelle pompe à huile et de nouveaux pistons/bielles fabriqués au Japon. Ken Tyrrell n'est cependant pas satisfait car cette évolution aurait dû apparaître... en Afrique du Sud. Quant à la future Tyrrell 021, elle poursuit ses essais et ne doit apparaître qu'à Imola.
A São Paulo, les constructeurs ont tenu une réunion au cours de laquelle l'axe Frank Williams - Ron Dennis est parvenu à contrer les menées du tandem Bernie Ecclestone - Flavio Briatore et à imposer une déclaration de principe en faveur du maintien des aides électroniques au pilotage. Mais entretemps Max Mosley a adressé un courrier aux membres de la FOCA leur signifiant qu'il n'entendait revenir sur aucune des résolutions mises en avant par le Conseil mondial de la FISA du mois de mars. Si chacune des parties campe sur ses positions, on s'achemine donc vers un bras de fer qui pourrait être très préjudiciable au déroulement de ce championnat.
Michael Andretti connaît des débuts en F1 fort difficiles. Le jeune Américain n'a parcouru que quatre tours lors de ses deux premiers Grands Prix, et s'est distingué au Brésil par une cabriole qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques. Son père Mario fait le déplacement à Donington pour le réconforter. Le champion du monde 1978 effectue cette escale entre deux manches du championnat Indy qu'il dispute toujours à 53 ans. Cette saison, il fait équipe chez Newman-Haas avec un « rookie » redoutable nommé Nigel Mansell.
Essais et qualifications
Jeudi, les participants bénéficient d'une séance libre d'entraînement pour découvrir le circuit. La pluie fait son apparition le vendredi. La première session officielle se déroule sous une piste très détrempée. Comme à l'accoutumée, Senna brille dans ces conditions délicates, et seul passe sous la barre d'1'24''. Hill se met en vedette en devançant un Prost prudent.
Samedi, le temps est au sec. Prost signe sa troisième pole position (1'10''458''') en autant de courses, avec seulement trois dixièmes d'avance sur son équipier Hill. Schumacher (3ème) parvient à hisser sa nouvelle Benetton-Ford devant les McLaren. Patrese (10ème) voit sa séance écourtée par une panne électronique. Senna (4ème) se fourvoie dans ses réglages pour piste sèche. Andretti (6ème) concède six dixièmes à son équipier. Les Sauber s'affirment comme la quatrième force du plateau. Lehto, brillant quatrième vendredi sous la pluie, choisit le lendemain un mauvais set-up et se contente du septième temps. Wendlinger, cinquième, rencontre de graves problèmes de freins samedi matin et emprunte les réglages de son équipier pour se qualifier l'après-midi. Les Ferrari (Berger 8ème, Alesi 9ème) rendent deux secondes et demie aux Williams et souffrent de l'inconstance de leur suspension active.
Les Lotus-Ford (Herbert 11ème, Zanardi 13ème) affichent un certain déficit en motricité. Barrichello se met en exergue vendredi sur le mouillé en signant un excellent huitième chrono. Le lendemain, sur le sec, il recule au douzième rang. Le grand Boutsen (19ème) est trop serré dans l'habitacle de la Jordan et se contente de découvrir cette monoplace. Les nouvelle Footwork-Mugen (Warwick 13ème, Suzuki 23ème) se comportent bien mais rencontrent beaucoup de problèmes de boîte. Chez Larrousse, Alliot (15ème) devance une nouvelle fois un Comas (17ème) quelque peu déboussolé. Du côté de Minardi, Barbazza dame le pion à Fittipaldi sous la pluie, mais le lendemain, sur le sec, le Brésilien (16ème) précède l'Italien (20ème). Katayama (18ème) doit prêter sa Tyrrell à de Cesaris (25ème) qui a démoli la sienne dans un rude « carton » vendredi matin. Déconfiture chez Ligier: les JS39 de Blundell (21ème) et Brundle (22ème) se révèlent ici inconduisibles. Enfin, le comportement des lourdes Lola-Ferrari est toujours aussi désastreux. Alboreto (24ème) arrache sa qualification à l'expérience alors que le jeune Badoer (26ème) reste sur le carreau.
Le Grand Prix
Le warm-up se déroule sous la pluie. Hill démontre de belles qualités en signant le meilleur chrono. Senna, Prost et Schumacher se contentent de peaufiner leurs réglages.
Une averse tombe sur Donington en début d'après-midi et la piste est très humide au moment du coup d'envoi. Tous les pilotes partent en pneus rainurés, sauf Alboreto et Lehto qui n'ont rien à perdre. Pour compenser leur déficit de performance par rapport aux Williams, les McLaren sont pourvues de gros ailerons afin de bénéficier d'un appui maximal sur le mouillé. Au talent de Senna de faire le reste. Mais sur la grille, l'attention se porte sur la princesse Diana, la très populaire épouse (en cours de divorce) du prince de Galles, qui sème péniblement les paparazzis attachés à ses pas.
Tour de formation: Suite à une panne électrique, Lehto s'élance depuis les stands au volant du mulet Sauber, lequel est réglé aux mensurations de Wendlinger, qui ne sont pas exactement les siennes...
Départ: Bons envols de Prost et de Hill qui gardent les commandes tandis que Wendlinger s'empare de la troisième place. Schumacher suit après avoir tassé Senna vers la gauche. Le Brésilien n'est donc que cinquième au premier virage.
1er tour: Senna dépasse Schumacher dans les Craner Curves. Puis il déborde Wendlinger par l'extérieur et s'impose à l'ancienne épingle. Le Brésilien, déchaîné, se place aussitôt dans le sillage d'un Hill très prudent. Pendant ce temps-là, Schumacher cède à Andretti, et Barrichello, auteur d'un excellent départ, dépasse les deux Ferrari. A McLean's, Senna se jette à l'intérieur et déborde Hill. Il se lance alors à la poursuite de Prost. Il prend l'aspiration de la Williams et la dépasse à Melbourne Hairpin. Senna a gagné cinq places en un seul tour ! Plus loin, au virage de Coppice, Andretti harponne Wendlinger et tous deux finissent leur court Grand Prix dans les graviers. Barrichello et Alesi sont venus à bout de Schumacher. A l'issue de cette premiere boucle, Senna mène devant Prost, Hill, Barrichello, Alesi, Schumacher, Berger, Herbert, Patrese et Zanardi.
2e: Senna s'échappe et compte déjà quatre secondes d'avance sur Prost et Hill. L'incroyable Barrichello est quatrième.
3e: Senna marche sur les eaux. Son avance sur Prost grimpe à six secondes. Barrichello, Alesi et Schumacher parviennent à suivre les Williams. Tête-à-queue de Suzuki devant les stands. Le Japonais parvient à repartir.
4e: Sept secondes entre Senna et Prost. Barbazza prend la dixième place à Zanardi.
5e: La pluie a cessé, le bitume s'assèche. Katayama entre aux stands et prend des pneus slicks.
6e: L'écart entre Senna et les Williams est désormais plus stable. Barrichello et consorts sont semés. Brundle chausse des slicks.
7e: Senna mène devant Prost (5.9s.), Hill (7.5s.), Barrichello (14.3s.), Alesi (15.4s.), Schumacher (16.2s.), Berger (19s.), Herbert (25.5s.), Patrese (27.8s.), Barbazza (33.3s.), Alliot (42.1s.), Zanardi (43s.) et Warwick (44s.). Alboreto et Katayama concèdent déjà un tour aux leaders.
8e: Brundle part en tête-à-queue juste avant les Esses. Il se retrouve à contresens, moteur calé. L'Anglais sort de sa voiture que les commissaires vont essayer d'évacuer de cet endroit dangereux.
9e: Barrichello est attaqué par Alesi et Schumacher. La Ligier de Brundle est tractée hors de la piste. Zanardi passe chez Lotus pour prendre des slicks.
10e: Senna devance Prost (6.1s.), Hill (7.6s.), Barrichello (18.3s.), Alesi (20s.) et Schumacher (20.8s.). Herbert prend des slicks.
11e: Alesi et Schumacher se battent pour la cinquième place. Comas prend à son tour les gommes lisses.
13e: Senna rencontre du trafic, ce qui permet à Prost de revenir à trois secondes et demie. Hill suit le sillage de son leader. Katayama renonce suite à une fuite à son embrayage.
14e: La trajectoire s'assèche de plus en plus. Prost est gêné par Zanardi. Hill se montre dans les rétroviseurs de son équipier. Berger met des slicks au cours d'une longue immobilisation de vingt secondes. Warwick et Alliot changent aussi de gommes.
15e: Senna compte six secondes de marge sur Prost qui se défait difficilement de Zanardi. Arrêts pneus pour Blundell et Boutsen.
16e: Prost réplique à Senna en tournant en 1'26''912'''. Alesi prend des slicks et ne perd qu'une position, au bénéfice de Schumacher. De Cesaris et Fittipaldi l'imitent. Lehto ne parvient pas à conduire le mulet Sauber réglé pour Wendlinger et préfère renoncer.
17e: La trajectoire est maintenant quasi sèche. Cinq secondes séparent Senna et Prost. Hill fait halte chez Williams et met les pneus lisses (9.5s.). Schumacher fait de même, ainsi que Suzuki.
18e: Senna s'arrête chez McLaren et chausse des slicks (8.3s.). Il cède le commandement à Prost. Quelques instants plus tard, Barrichello change de pneus. Il repart devant Schumacher mais derrière Alesi. Patrese et Barbazza remplacent aussi leurs pneus.
19e: Prost apparaît dans la pit-lane et met des gommes pour le sec (7.3s.). Il repart second derrière Senna.
20e: Berger rejoint son garage pour abandonner: une fuite de liquide hydraulique frappe sa suspension active.
21e: Senna devance Prost (5.1s.), Hill (6.9s.), Alesi (16.4s.), Barrichello (19.8s.), Schumacher (20.4s.), Herbert (43.4s.), Patrese (55.3s.), Alliot (56.2s.) et Barbazza (1m. 02s.). Changement de gommes pour Alboreto.
22e: La pluie refait son apparition. Les pilotes vont-ils devoir remettre des pneus pluie ? Senna et Prost sont englués dans le trafic. Schumacher double Barrichello. Juste devant Senna, Blundell attaque Fittipaldi à la chicane des Esses mais loupe complètement sa manœuvre et part en tête-à-queue dans les graviers. L'Anglais abandonne.
23e: Comme le crachin persiste, Prost revient à son stand pour remettre des pneus striés et repart cinquième. Schumacher bloque ses roues arrière, part en tête-à-queue et atterrit dans un bac à sable. La Benetton s'enlise. C'est terminé pour le jeune Allemand.
24e: Senna devance Hill (12.2s.), Alesi (17.7s.), Barrichello (23s.), Prost (27s.), Herbert (49s.), Patrese (1m.) et Alliot (1m. 04s.).
25e: Hill est aux stands où il remet des pneus rainurés comme son équipier (7.5s.). Il repart cinquième derrière Prost. Patrese s'empare aussi des pneus pluie.
26e: De fines gouttes tombent sur la piste qui est praticable pour les pilotes équipés de slicks. Senna mène avec vingt secondes d'avance sur Alesi. Barrichello est troisième mais Prost le menace.
27e: Prost dépasse Barrichello dans les Craner Curves. Boutsen prend des gommes rainurés.
28e: L'averse se fait plus intense. Senna s'arrête pour mettre des pneus pluie (6.4s.) et retrouve la piste toujours en tête. Barrichello change aussi de gommes et cède ainsi la quatrième place à Hill. Arrêts pneus pour de Cesaris et Comas.
29e: A l'abord des Esses, de Cesaris attaque Alliot bien qu'il soit un tour derrière lui. Il glisse en voulant se décaler et part en tête-à-queue, entraînant Alliot avec lui. L'Italien repart tandis que le Français remet sa voiture dans le bon sens mais cale ensuite à la sortie de l'enchaînement.
30e: Prost revient sur les talons d'Alesi et finit par le dépasser. Le drapeau jaune est agité dans le troisième secteur pour évacuer la Larrousse d'Alliot, arrêtée à même la piste.
31e: L'étonnant Barrichello pourchasse Hill. Alesi s'arrête pour chausser des pneus pluie. La roue avant-gauche a du mal à se fixer et l'Avignonnais perd ainsi quelques secondes. Il est désormais cinquième. Changement de pneus également pour Barbazza. La Larrousse d'Alliot est poussée vers les bas-côtés.
32e: Senna compte quatorze secondes d'avance sur Prost. Hill est gêné par Warwick et Fittipaldi qui se bagarrent devant lui. A l'épingle de Melbourne, Barrichello fait l'intérieur à l'Anglais et reprend ainsi la troisième place. Suzuki abandonne suite à un problème de boîte de vitesses. Troisième arrêt pour de Cesaris.
33e: L'averse cesse. Dans les stands, les mécaniciens préparent les slicks. Senna précède Prost (11s.), Barrichello (27s.), Hill (28s.), Alesi (40s.), Herbert (1m. 02s.), Patrese (-1t.), Barbazza (-1t.), Warwick (-1t.) et Fittipaldi (-1t.).
34e: Prost effectue son troisième changement de pneus (7s.). Il met des slicks et repart toujours deuxième. Warwick dépasse Barbazza. Senna pénètre dans les stands en fin de tour.
35e: Senna prend les gommes lisses. Ses mécaniciens peinent à fixer l'écrou de sa roue arrière-droite. L'arrêt dure vingt secondes et lorsque le Brésilien reprend la piste, Prost s'est emparé du commandement. Hill suit Senna dans les stands et met lui aussi des slicks.
36e: L'épreuve semble basculer en faveur de Prost qui jouit désormais de sept secondes d'avance sur Senna. Mais... il pleut derechef ! Alesi change ses gommes. L'arrêt s'éternise suite à un problème de roue, et l'Avignonnais repart derrière Herbert qui n'est jamais repassé en pneus pluie.
37e: Senna remonte sur Prost et tourne en 1'22''545'''. Hill file le train de Barrichello. Alesi met pied à terre, victime du même problème que Berger: fuite dans le dispositif de suspension active.
39e: Voici Prost de retour à son stand, cette fois-ci pour rechausser des pneus striés. Il laisse le commandement à Senna. Barrichello et Zanardi font le même choix tactique que Prost.
40e: Senna est en tête devant Prost (16.6s.), Hill (39.2s.), Barrichello (46.1s.), Herbert (1m. 03s.), Patrese (-1t.), Warwick (-1t.), Barbazza (-1t.), Fittipaldi (-1t.) et Boutsen (-1t.). Arrêt pneus pour de Cesaris.
41e: Le bitume n'est pas également humide sur l'ensemble du tracé, ce qui permet à Senna de maintenir son avance sur Prost. Fittipaldi prend les gommes rainurées.
42e: Arrêt de Hill. Comme Prost, le pilote anglais remet des pneus pour la pluie. Il redescend ainsi à la quatrième place derrière Barrichello. Barbazza s'empare de la septième position aux dépens de Warwick.
44e: Senna s'échappe et possède maintenant vingt secondes d'avance sur Prost.
45e: La pluie a de nouveau cessé. Senna prend un tour à Herbert à la grande épingle. Il estime que le pilote Lotus a été un peu long à s'écarter et lui adresse un signe de mécontentement.
46e: Senna est premier devant Prost (21.4s.), Barrichello (58s.), Hill (1m. 06s.), Herbert (-1t.), Patrese (-1t.), Barbazza (-1t.) et Warwick (-1t.).
47e: Senna tourne deux secondes au tour plus vite que Prost. La piste est grasse mais parfaitement praticable avec une gomme lisse.
48e: Prost a compris son erreur et reprend le chemin des stands pour s'emparer de slicks. L'arrêt se passe bien, mais au redémarrage le Français cale. C'est une défaillance qu'il a déjà rencontrée en essais. Finalement Prost repart au bout de quarante secondes. Barrichello et Hill sont passés, et surtout Senna lui a pris un tour !
50e: La trajectoire s'assèche. Senna mène maintenant avec une minute et douze secondes d'avance sur le jeune Barrichello. Fittipaldi et de Cesaris reprennent des enveloppes lisses.
51e: A l'instar de son équipier, Hill repasse en slicks et reprend la piste en quatrième position. Comas change aussi de gommes.
52e: Senna est aux prises avec Warwick, Barbazza et Patrese qui luttent pour la sixième place.
53e: Warwick prend la septième place à Barbazza. Peu après, Patrese s'arrête aux stands pour changer de pneus, ce qui permet au pilote Footwork d'entrer dans les points.
54e: Prost subit une chute de pression de pneus et pense avoir une crevaison. Il laisse passer Hill, puis revient aux stands pour changer encore une fois de train de gommes.
55e: Une assez forte averse s'abat de nouveau sur Donington Park. Senna précède Barrichello (1m. 20s.), Hill (-1t.), Prost (-1t.), Herbert (-1t.), Warwick (-2t.), Barbazza (-2t.), Patrese (-2t.), Fittipaldi (-2t.) et Zanardi (-2t.).
56e: Senna tente de prendre un tour à Barrichello, mais le jeune Brésilien zigzague devant son mentor avant de le laisser passer. Il croyait défendre sa deuxième place... Il change de pneus à la fin de ce tour et commet l'erreur de prendre des slicks, alors que la pluie redouble.
57e: Senna entre aux stands pour changer de pneus mais ses mécaniciens ne sont pas prêts ! Gardant son sang-froid, le pilote McLaren ressort des stands sans s'être arrêté. Comme l'allée des stands est un raccourci par rapport à la piste, cet incident lui permet de signer le meilleur tour de la course: 1'18''029'''. Barrichello repasse aux stands pour remettre les pneus pluie et chute au quatrième rang.
58e: La piste est maintenant passablement détrempée mais Senna reste dehors.
59e: Patrese prend la septième place à Barbazza qui ménage ses pneus. De Cesaris abandonne à cause d'une panne de boîte de vitesses.
60e: Nouvelle accalmie météorologique: il ne pleut plus. Senna mène devant Hill (-1t.), Prost (-1t.), Barrichello (-1t.), Herbert (-1t.), Warwick (-2t.), Barbazza (-2t.), Patrese (-2t.), Fittipaldi (-2t.) et Zanardi (-3t.).
62e: Hill se rapproche de Senna sur la piste... mais lui concède un tour au classement général. Prost est à dix-huit secondes de son coéquipier. Les deux pilotes Minardi, Barbazza et Fittipaldi, se battent pour la huitième position.
63e: Boutsen met pied à terre à cause d'un accélérateur grippé. Il était onzième.
65e: Senna laisse Hill reprendre son tour de retard. Zanardi exécute un tête-à-queue aux Craner Curves avant de revenir en piste. Peu après, Fittipaldi se fait surprendre au même endroit et sort dans l'herbe. Il fait un 360° et repart.
66e: Les nuages crèvent encore une fois et l'asphalte est de plus en plus humide. Senna entre aux stands pour mettre des pneus pluie. Il ressort très largement en tête. Fittipaldi change aussi d'enveloppes.
68e: Senna devance Hill (1m. 08s.), Prost (-1t.), Barrichello (-1t.), Herbert (-1t.), Patrese (-2t.), Barbazza (-2t.) et Fittipaldi (-3t.). Warwick se gare dans l'herbe face aux stands avec une boîte de vitesses cassée. Patrese entre dans les points.
69e: Hill s'arrête chez Williams pour mettre des pneus pluie (7s.). Il reste second et concède de nouveau un tour au leader. Arrêt également pour Comas.
70e: Pour la septième fois, Prost s'arrête à son stand. Il chausse des pneus rainurés (7.2s.) et repart quatrième. Barrichello retrouve sa place sur le podium. Patrese s'arrête aussi pour mettre d'autres pneus et passe derrière Barbazza.
71e: Senna laisse de nouveau passer Hill. Herbert perd le contrôle de sa Lotus qui pirouette sur elle-même. Comme il roule isolé au cinquième rang, il peut repartir sans perdre de position. Arrêt pneus pour Zanardi.
72e: Victime d'une chute de pression d'essence, Barrichello doit stopper sa Jordan dans l'herbe. Immense déception pour le jeune Brésilien qui s'apprêtait à monter sur le podium pour son troisième Grand Prix. A la lutte avec Patrese, Barbazza exécute un tête-à-queue qu'il parvient heureusement à maîtriser. Il devra se contenter de la sixième place.
74e: La course s'achève sous une forte pluie. Senna précède Hill (1m. 10s.), Prost (-1t.), Herbert (-1t.), Patrese (-2t.) et Barbazza (-2t.).
76ème: Ayrton Senna remporte ce dantesque GP d'Europe. Hill se classe deuxième, seul pilote à finir dans le même tour que le vainqueur. Prost achève son dur après-midi au troisième rang. Herbert récolte une belle quatrième place après ne s'être arrêté aux stands qu'une seule fois. Patrese finit cinquième et marque ses premiers points de la saison. Barbazza est sixième et inscrit le premier point de sa carrière. Fittipaldi, Zanardi et Comas rallient aussi l'arrivée, tout comme Alboreto, dernier à six tours au volant d'une Lola inconduisible.
Après la course: Senna surnage, Prost boit la tasse
Senna interrompt son tour d'honneur pour recevoir un drapeau brésilien des mains d'un commissaire. Malheureusement, il laisse s'échapper l'objet qui se coince dans ses roues arrière. Il déniche finalement un second drapeau pour saluer la foule. Le Pauliste déguste son triomphe. Rarement un champion n'aura dompté les éléments avec un tel brio. Au cours de sa déjà longue carrière, jamais Senna n'aura à ce point éteint la concurrence. La faillite des Williams-Renault réputées imbattables est complète...
Néanmoins, en conférence de presse, Senna ne s'étend pas sur sa performance du jour. Il tire à boulets rouges sur Ford et sa politique en faveur de Benetton: « Avec un moteur Ford HB hyper-développé, je pourrais revenir plus près encore des Williams ! » peste-t-il. Puis, les journalistes se tournent vers un Alain Prost abattu. Le Français a vécu une course cauchemardesque, marquée par un triste record de sept arrêts aux stands. Il se lance dans une longue litanie énumérant ses soucis techniques: problèmes d'embrayage, de boîte de vitesses, de stabilité, d'électronique etc. Railleur, Senna l'interrompt et lui lance: « Si tu n'aimes pas ta voiture, on peut échanger si tu veux ! » C'est un trait piquant quand on songe à tous les efforts fournis par Senna pour obtenir le volant d'une Williams...
La cinglante défaite des pilotes Williams, leurs treize (!) changements de pneus à eux deux, suscitent bien sûr d'âpres critiques. Patrick Head s'empresse de se dédouaner, affirmant que ce sont Prost et Hill qui ont choisi quand ils devaient regagner les stands et quels pneus ils devaient chausser. C'est possible. Cela étant, on s'explique mal pourquoi Williams a mis tous ses œufs dans le même panier: Hill a toujours suivi Prost aux stands, alors qu'il aurait été plus judicieux que l'un ou l'autre se claque sur la course de Senna.
En tout cas, après ses piètres prestations à Interlagos et à Donington, Prost est la cible d'une violente campagne de presse. Du fait de l'incontestable supériorité de la Williams-Renault, tout le monde s'attendait à ce qu'il survole ce début de saison. Résultat: après trois épreuves, Senna est en tête du championnat du monde avec 26 points contre 14 à son adversaire. Il n'en faut pas plus à certains commentateurs pour juger que le talent de Prost s'est émoussé au cours de son année sabbatique, qu'il a perdu ses dons de tacticien, qu'il ne surmontera jamais son aversion de la pluie... Certains l'estiment tout simplement fini, ringard, has-been. La très populaire émission satirique de Canal +, Les Guignols de l'Info, l'éreinte durement et le dépeint sous les traits d'un caractériel susceptible et veule, ne gagnant que lorsqu'il dispose d'une voiture au-dessus du lot. Ces attaques stupides minent le moral du champion français. Celui-ci réplique maladroitement au journal télévisé de TF1 du mardi 13 avril, s'estimant victime d'une « cabale ». Quoiqu'il en soit, Prost conserve le plein soutien de Williams et de Renault. Après quelques jours de repos, il se concentre sur le GP de Saint-Marin. Après tout, il reste treize manches à disputer dans ce championnat 93...
Enfin, l'autre héros de ce Grand Prix restera Rubens Barrichello, étincelant troisième au volant de sa modeste Jordan-Hart, avant d'être trahi par une panne stupide. Le Pauliste de 21 ans met ses pas dans ceux de Senna. La religion des Brésiliens est faite: « Magic » tient déjà son successeur, ce sera « Rubinho » !
Tony