Fusion de la FIA et de la FISA: Mosley maître du jeu
Le 10 juin 1993, l'assemblée générale extraordinaire de la Fédération internationale de l'automobile adopte la réforme institutionnelle proposée par Max Mosley et soutenue par Jean-Marie Balestre. Parmi les mesures entérinées, la plus importante est l'absorption de la FISA par la FIA. Pour Mosley, il s'agit de mettre sur un pied d'égalité le tourisme et la compétition. Deux conseils mondiaux consacrés à chacun de ces domaines sont ainsi créés. Le conseil sportif sera présidé par le Portugais Cesar Torres, un proche de Balestre. Par ailleurs, apparaît un Sénat de la FIA, composé de huit membres, chargé d'influencer la politique de la fédération. Enfin, cette assemblée générale élit comme prévu Mosley à la présidence de la FIA, sans opposition car Jeffrey Rose, directeur du RAC et seul autre candidat déclaré, s'est finalement retiré. Bernie Ecclestone garde son poste de vice-président.
Toutes ces réformes doivent entrer en vigueur le 1er octobre 1993. Elles ont surtout pour but de renforcer les moyens d'action du pouvoir sportif, à l'heure où celui-ci entend bannir de la F1 les aides électroniques au pilotage, ce qui suscite de nombreuses réactions hostiles. « Personne ne sait où on va », soupire ainsi Bernard Dudot. « L'interdiction de l'électronique est un sale coup d'ensemble, asséné par des hommes qui ignorent l'apport de l'électronique dans leur vie quotidienne, par exemple dans leurs rasoirs... » « Il est insensé de rendre les motoristes aveugles sur leurs moteurs », déclare pour sa part Gérard Ducarouge. Mais la fédération ne les écoute pas...
Le coup de Trafalgar de Mosley
A Monte-Carlo, le trio Balestre - Mosley - Ecclestone s'est concerté pour préparer une offensive dans le bras de fer qui les oppose aux grands constructeurs. Leur bombe éclate à Montréal, le samedi 12 juin: les commissaires techniques du GP du Canada publient une note annonçant que de nombreuses voitures contreviennent à l'article 3.7 du règlement technique de la F1 interdisant que toute partie d'un bolide exerçant une influence aérodynamique soit mobile par rapport aux portions suspendues de l'ensemble. Selon cette note, toutes les monoplaces munies d'une suspension active ou même d'un correcteur d'assiette sont illégales. Sont visées les Williams, McLaren, Tyrrell, Benetton, Lotus, Ferrari et Minardi. Par ailleurs, serait aussi violé l'article 1.3 stipulant que le pilote doit maîtriser la propulsion et la direction de son véhicule. C'est ici l'anti-patinage qui est dénoncé. Jordan, Footwork, Larrousse, Ligier et Sauber sont à leurs tours incriminées, en sus de toutes les équipes citées précédemment. Bref, au terme de ce réquisitoire, il apparaît que seules les Lola-Ferrari de la Scuderia Italia sont conformes au règlement ! Cependant, vu l'impact que la disqualification de 24 des 26 monoplaces du plateau aurait sur le championnat, les commissaires canadiens proposent de « tolérer » leur participation au Grand Prix et à soumettre l'affaire à la FIA.
Ce coup double est évidemment destiné à mettre la pression sur Williams et McLaren, les écuries les plus attachées à l'électronique. « Cela vise à nous maintenir tous, écuries et pilotes, sous la pression et la menace, pour éviter précisément toute réaction de poids », souligne Alain Prost. Car en effet, la ficelle est grosse. Bernie Ecclestone, à qui Frank Williams demande pourquoi les officiels ont attendu cette manche pour se manifester, réplique qu'il y avait « risque d'une réclamation à l'issue de la course » ! Selon le président de la FOCA, en cas de recevabilité de la plainte, Williams pouvait tout simplement d'être exclue du championnat... Quant aux commissaires ayant signé le sulfureux document, ils quittent le circuit, leur besogne faite ! Charlie Whiting, le délégué technique de la FISA, est chargé d'encaisser les récriminations. Elles sont nombreuses. Ron Dennis et Frank Williams, décidés à jouer au plus fin, envisagent de saisir un tribunal civil. Le pouvoir sportif serait attaqué pour ne pas avoir fait respecter de son propre règlement !
Reste que les constructeurs sont pris au piège. Certes, drapés dans leur dignité bafouée, ils pourraient rejeter la « grâce » offerte par les commissaires, défier Mosley et plier bagages, laissant les deux Lola seules en piste ! Mais encore faudrait-il qu'ils soient unis. Or les petites équipes, hostiles à la surenchère électronique, ne veulent surtout pas être confondues avec les « gros » qui, selon elles, sont effectivement des tricheurs ! Ainsi Giancarlo Minardi et Gérard Larrousse, pétrifiés de se voir mis à l'index, soutiennent que leur anti-patinage est légal, alors que la suspension active du voisin ne l'est pas... On comprend ainsi pourquoi Mosley et ses sbires ont choisi de frapper l'ensemble du plateau au moyen de deux chefs d'accusation: diviser pour mieux régner... Quant à la Scuderia Italia, qui n'a rien à refuser au pouvoir fédéral, elle est seulement épargnée pour rendre crédible la perspective d'une réclamation.
Ron Dennis résume parfaitement les enjeux de cette énième crise: « Je crois partiellement que l'objectif de la FISA est la réduction des coûts, mais le cynique qui est en moi croit percevoir sous-jacent le désir de niveler les performances des voitures. Quelques équipes sont persuadées que les restrictions vont rapprocher les performances des grandes équipes des leurs. C'est une illusion. Ce qui va se passer en réalité, ce que nous dépenserons beaucoup d'argent pour développer de nouveaux concepts qui donneront lieu à des interprétations qui, à leur tour, feront naître d'autres développements qui nécessiteront encore plus d'argent ! »
Les doutes d'Alain Prost
Avant le coup d'envoi de la saison 93, on se demandait si Alain Prost, armé d'une Williams-Renault réputée invincible, allait remporter toutes les courses du championnat. Or, après six Grands Prix, le Français ne s'est imposé qu'à trois reprises et figure seulement à la seconde place du classement général, cinq points derrière son ennemi Ayrton Senna. Son prestige en souffre. Son erreur sous la pluie à São Paulo, ses errements stratégiques à Donington, son départ volé (d'un rien) à Monaco mettent à mal ce que Gérard Crombac nomme son « mythe de l'infaillibilité ». Surtout, il semble avoir beaucoup de peine à maîtriser les nouveaux embrayages, car il manque presque systématiquement ses départs. Mais Prost a aussi rencontré beaucoup de malchance et n'a rien perdu de sa rapidité comme en témoignent ses six poles en six courses. Du reste, il explique que la Williams FW15 est plus délicate à conduire que la FW14B de l'an passé: « La 15 est plus élaborée, mais elle a des défauts terribles: un peu imprévisible, la suspension arrière est moins bonne et donc la motricité en pâtit. Sur la 14, on sentait bien la suspension active travailler alors que celle de la 15 est très raide, car on est obligé de la durcir pour qu'elle fonctionne bien. » Patrick Head lui-même reconnaît que cette voiture est perfectible.
Cependant, Prost commence à se lasser des critiques qui sourdent autour de lui. Sa méfiance naturelle s'exacerbe. Il se coupe d'une partie de la presse, ne s'exprimant que devant des journalistes triés sur le volet. En outre, habitué à la chaleureuse ambiance de McLaren, il est quelque peu dérouté par la froideur inhérente au team Williams, « une entreprise d'ingénierie qui fait de la course automobile », dixit Damon Hill. Il est surtout très las des querelles politiciennes qui biaisent la compétition sportive. L'épisode de sa super-licence lui demeure en travers de la gorge. Pour toutes ces raisons, et bien qu'il n'en dise rien pour l'heure, Prost envisage de prendre du recul à la fin de l'année.
Présentation de l'épreuve
Un temps menacé, le Grand Prix du Canada est maintenant assuré de son avenir après avoir renouvelé ses contrats avec son sponsor-titre, Molson, et avec la FOCA jusqu'en 1997. Le directeur général de l'événement Normand Legault est très optimiste puisque la billetterie enregistre 100 000 réservations, soit une hausse de 10 % par rapport à 1992. Il note que plus de 3000 billets ont été achetés à Nazareth (Pennsylvanie), fief de la famille Andretti. « Et parmi eux, 2000 se vantaient d'être des camarades de classe de Michael Andretti ! » sourit Legault. Le jeune Américain, auteur d'un début de saison très médiocre avec McLaren, aura bien besoin d'eux pour retrouver un semblant de motivation...
Curiosité: au cours de sa longue carrière, Alain Prost n'a jamais gagné le Grand Prix du Canada. Il en faut plus néanmoins pour l'impressionner. Après la douche froide monégasque, il ne songe qu'à sa revanche et ne prête guère d'attention à ce genre de statistiques.
Ayrton Senna a pour sa part enfin approuvé son contrat 1993, négocié avec Ron Dennis. Il ne reste plus aux deux parties qu'à le parapher, ce qui doit être fait avant le GP de France. Mais dans le même temps, le Brésilien fait part de son intérêt pour Ferrari ! Il est en effet séduit par le projet de reconstruction de la Scuderia que prépare Jean Todt. Mais, à l'heure actuelle, il s'agit tout bonnement pour lui de faire pression sur Frank Williams, avec lequel il conduit des pourparlers secrets...
Philippe Alliot célèbre ce week-end son centième Grand Prix. Le natif de Voves, qui a longtemps traîné une réputation de froisseur de tôles, s'assagit à l'approche de la quarantaine. De son propre aveu, ses deux saisons passées chez Peugeot en Endurance l'ont aidé à mûrir: « J'ai énormément appris. On me reprochait de ne pas être assez concentré. A mon âge, j'ai réussi à progresser sur ce plan-là. » Sa pointe de vitesse et ses qualités techniques en font un atout précieux pour Gérard Larrousse. Ce dernier profite de cette étape nord-américaine pour faire un crochet par Détroit, afin de rencontrer ses partenaires de Chrysler. Son interlocuteur n'est pas un inconnu puisqu'il s'agit de François Castaing, l'ingénieur qui a présidé à ses côtés aux débuts de Renault en F1, aujourd'hui vice-président de Chrysler Corporation. Hélas, celui-ci ne lui donne aucune garantie quant à l'engagement à court terme de Chrysler et de Lamborghini en F1...
Les deux Ferrari d'Alesi et de Berger sont pour la première fois équipées du nouveau V12 « TT » à trompettes d'admission télescopiques. Tyrrell a enfin étrenné sa nouvelle 021 à l'occasion d'une séance privée à Silverstone, mais cette monoplace n'est pas prête pour le GP du Canada. Néanmoins, les vieilles 020C sont munies dans la Belle Province de la nouvelle suspension active. En espérant que de Cesaris et Katayama auront le temps de l'éprouver avant de sortir de la piste... Les Jordan sont largement remaniées par le staff de Gary Anderson: nouvelle configuration de l'aileron avant, boîte retouchée, apparition d'un anti-patinage et d'un embrayage automatique. Minardi inaugure également son anti-patinage, développé par Marelli, sur la voiture de Fittipaldi. Enfin, les BMS-Lola ont un empattement réduit de six centimètres afin d'améliorer la tenue de route, mais le résultat sera décevant.
Comme chaque année, le bassin olympique de l'Île Notre-Dame est le théâtre d'une amusante course d'embarcations de fortune construites de bric et de broc par les mécaniciens des différentes équipes. C'est Jordan qui l'emporte cette fois devant les ingénieurs de Goodyear. Pendant ce temps-là, Fabrizio Barbazza, pilote moyen mais pêcheur émérite, attrape dans le Saint-Laurent une gigantesque carpe qui lui permet de faire (pour une fois) sensation dans le paddock.
Essais et qualifications
Le mercure monte haut durant ce week-end québécois, et la plupart des pilotes réalisent leurs meilleurs temps le vendredi, car le lendemain la piste est trop chaude pour permettre des améliorations significatives. C'est le cas de Prost, qui semble prendre goût sur le tard à l'exercice des qualifications qu'il ne prisait guère naguère. Il réalise en effet sa septième pole position de rang. Jamais un pilote n'avait effectué un tel sans faute en début de saison. Il bat en outre le record de la piste: 1'18''987'''. Hill l'accompagne en première ligne. Les deux Benetton-Ford occupent la deuxième rangée, et pour une fois Patrese (4ème) est distancé par Schumacher (3ème) par un faible écart: quinze centièmes. Les Ferrari réalisent un tir groupé en troisième ligne. Berger (5ème) utilise les nouvelles trompettes télescopiques qu'Alesi (6ème) doit abandonner suite à une avarie. Les McLaren-Ford sont ici peu maniables et en outre manquent de fiabilité. Senna (8ème, sa pire performance depuis le GP d'Autriche 85 !) et Andretti (12ème) tâtonnent dans leurs réglages.
Les Ligier-Renault (Brundle 7ème, Blundell 10ème) sont très efficaces, en partie grâce à un nouveau fond plat. Chez Sauber, Wendlinger (9ème) casse un moteur et Lehto (11ème) déplore un manque de motricité. Les Larrousse-Lamborghini ont un très bon comportement sur les bosses. Comas (13ème) en tire un meilleur parti qu'Alliot (15ème), victime d'un bris de suspension samedi après-midi. Barrichello (14ème) se satisfait des évolutions apportées à la Jordan. Boutsen (24ème) se plaint lui d'un manque total de grip. Les Footwork-Mugen souffrent ici d'un dramatique manque d'équilibre. Pour une fois, Suzuki (16ème) fait mieux que Warwick (18ème). Les pilotes Minardi n'ont pas de chance: Fittipaldi (17ème) sort de la piste vendredi, s'accroche avec Senna samedi et doit se qualifier avec la voiture de son équipier. Barbazza (23ème) rencontre des problèmes de freins et d'embrayage. Galère chez Lotus: Herbert (20ème) est immobilisé vendredi par une grave panne de suspension active et Zanardi (21ème), obligé de « pomper » à chaque freinage, ne peut éviter de taper le mur. De Cesaris (19ème) utilise ces essais pour éprouver la suspension active de Tyrrell. Katayama (22ème) est lui victime de deux accidents. Le Nippon commence à devenir un habitué... Enfin, les deux pilotes de la Scuderia Italia se battent pour éviter la position éliminatoire. A ce petit jeu, le jeune Badoer (25ème) bat son aîné Alboreto (26ème).
Le Grand Prix
La chaleur est encore au rendez-vous en ce dimanche, ce qui devrait contraindre les coureurs à changer au moins une fois de pneumatiques. Prost domine aisément le warm-up devant Schumacher et Hill.
Tour de formation: Andretti ne parvient pas à démarrer son moteur car sa batterie est à plat. La McLaren est poussée vers les stands.
Départ: Prost s'élance prudemment, ce qui permet à Hill de prendre les commandes. Les deux Ferrari suivent les Williams. En délicatesse avec son anti-patinage, Schumacher perd de nombreuses positions. Senna prend un superbe envol et pointe au sixième rang dans le premier enchaînement, à la lutte avec Patrese. Katayama heurte Warwick par l'arrière.
1er tour: Senna s'impose face à Patrese, puis revient sur Alesi. Pendant ce temps-là, Schumacher attaque et dépasse Brundle. A l'épingle du Casino, Senna fait l'extérieur à Alesi. Le Français résiste et les deux pilotes sortent du virage côte à côte. Ils parcourent les courbes suivantes roue contre roue, ni l'un ni l'autre ne voulant céder. Alesi s'incline finalement. Hill mène devant Prost, Berger, Senna, Alesi, Patrese, Schumacher, Brundle, Wendlinger et Blundell. Katayama et Warwick font halte aux stands: le premier pour changer sa calandre, le second pour remplacer un pneu arrière crevé.
2e: Senna est à l'attaque derrière Berger. Il le déborde par la droite au freinage de la grande épingle. Le Pauliste a gagné cinq positions en deux tours. Schumacher double Patrese. Andretti s'élance de la pit-lane avec deux tours de retard.
3e: Prost se blottit dans l'aileron de Hill, attendant le moment opportun pour passer. Senna évolue à quatre secondes des Williams. Schumacher prend la cinquième place à Alesi à la dernière chicane.
4e: Schumacher met désormais la pression sur Berger. Brundle est aux trousses de Patrese.
5e: Hill mène devant Prost (0.4s.), Senna (4.5s.), Berger (10s.), Schumacher (10.3s.), Alesi (11s.), Patrese (13s.), Brundle (14s.), Wendlinger (15s.), Blundell (16s.) et Lehto (17s.).
6e: Prost attaque Hill au freinage de l'épingle et s'impose par l'intérieur. Quelques instants plus tard, Schumacher double Berger dans la ligne droite longeant le bassin olympique.
7e: Prost creuse le trou sur Hill. Senna revient à deux secondes du Britannique.
8e: Prost devance Hill (2s.), Senna (4.2s.), Schumacher (11.7s.), Berger (14.8s.), Alesi (15.6s.), Patrese (16s.), Brundle (16.6s.), Wendlinger (18.6s.), Blundell (19.9s.), Lehto (20.7s.) et Barrichello (23.2s.).
9e: Alliot est contraint de se garer sur le bas-côté parce que son levier de vitesses lui reste dans la main...
10e: Senna est aux trousses de Hill. Badoer fait changer ses gommes, endommagées suite à un léger contact avec Boutsen.
11e: Le moteur Hart de Barrichello coupe après un changement de rapport. Le jeune Brésilien stoppe sa Jordan dans l'herbe
12e: Prost précède Hill (4s.), Senna (5.5s.) et Schumacher (11s.). Viennent ensuite deux groupes de batailleurs: un quatuor Berger - Alesi - Patrese - Brundle, puis un trio Wendlinger - Blundell - Lehto.
14e: En bagarre avec Lehto, Blundell glisse à la première chicane et tape le mur extérieur par l'arrière. Il sort de sa voiture accidentée et les drapeaux jaunes sont déployés dans le secteur.
15e: Prost poursuit son échappée et améliore le meilleur tour à chaque boucle. Senna poursuit toujours Hill sans pouvoir l'attaquer.
16e: Alesi harcèle Berger et le déborde au forceps à la grande épingle. L'Autrichien a laissé au Français juste assez d'espace pour passer.
17e: Prost devance Hill (6.5.), Senna (9s.), Schumacher (14s.), Alesi (27.1s.), Berger (27.7s.), Patrese (29s.), Brundle (30s.) et Wendlinger (31.4s.).
18e: Prost boucle ses tours 1'23'', soit près d'une demi-seconde de mieux que son équipier.
19e: Alesi s'enfuit et laisse Berger aux prises avec Patrese et Brundle. Wendlinger recolle à ce trio.
20e: Prost mène devant Hill (8.3s.), Senna (9.5s.), Schumacher (15.7s.), Alesi (33.7s.), Berger (36.8s.), Patrese (37.2s.), Brundle (38s.), Wendlinger (39.3s.), Lehto (44s.), Comas (58s.) et Fittipaldi (1m. 03s.).
22e: Le Grand Prix sombre peu à peu dans l'ennui. Au cœur du peloton, Suzuki exécute un tête-à-queue et perd trois places.
24e: Prost possède neuf secondes d'avance sur son équipier. Le moteur d'Alesi se tait après le Pont de la Concorde. Une perte de liquide de refroidissement est à l'origine de cette défaillance.
25e: Prost tourne en en 1'23''390'''. Rien ne semble pouvoir troubler la démonstration du Professeur.
26e: De Cesaris stoppe chez Tyrrell pour faire examiner sa suspension active. Un vérin a en effet été abîmé dans un contact avec Suzuki. Le Romain repart au bout de quelques secondes après avoir débranché ce dispositif.
27e: Schumacher remonte peu à peu sur Senna. Cinq secondes séparent l'Allemand du Brésilien. Arrêt pneus pour Warwick.
28e: Prost devance Hill (8.5s.), Senna (10s.), Schumacher (15s.), Berger (47.3s.), Patrese (47.8s.), Brundle (48.5s.) et Wendlinger (50s.).
29e: Schumacher est le premier des leaders à changer de pneus (7s.) et ne perd aucune position. Arrêts également pour Suzuki et Katayama.
30e: Suite à la mauvaise lecture d'un panneau, Hill rejoint le stand Williams qui attendait... Prost. Les mécaniciens doivent en catastrophe sortir les pneus prévus pour l'Anglais, puis peinent à fixer la roue avant-gauche. Hill repart finalement au bout de dix-sept secondes, derrière Schumacher. Berger change aussi d'enveloppes (5s.), de même que Zanardi.
31e: Senna fait changer ses pneus en cinq secondes seulement. Le Brésilien repart deuxième devant Schumacher et Hill. Ce dernier est donc le grand perdant de cette salve d'arrêts. Brundle et Boutsen prennent de nouveaux trains de pneus.
32e: Patrese chausse des gommes neuves (5.7s.) et repart en septième position devant Berger. Changement de pneus pour de Cesaris.
33e: Prost compte trente secondes d'avance sur Senna. Lehto remplace ses gommes et repart neuvième.
34e: Prost s'arrête en fin de tour. Il était temps car Senna commençait à gagner du terrain grâce à ses enveloppes neuves. L'arrêt est médiocre (8.3s.) mais il permet au Français de repartir en tête.
35e: Prost devance Senna (13s.), Schumacher (15.8s.) et Hill (20.8s.). Wendlinger est cinquième mais doit encore changer de pneus. Barbazza est éliminé par sa boîte de vitesses. Arrêt pneus pour Andretti.
37e: Senna est plus rapide que Prost et revient à dix secondes du Français. Arrêt de Wendlinger qui reprend la piste en neuvième place derrière son équipier Lehto.
38e: Senna réduit l'écart sur Prost, mais est lui-même pressé par Schumacher qui tourne en 1'22''933'''.
40e: Prost est premier devant Senna (9.2s.), Schumacher (14s.), Hill (21.5s.), Patrese (1m. 04s.), Berger (1m. 05s.), Brundle (1m. 06s.), Lehto (1m. 08s.), Wendlinger (1m. 14s.), Comas (1m. 20s.) et Fittipaldi (1m. 21s.).
41e: Les intervalles se stabilisent entre Prost et Senna ainsi qu'entre Senna et Schumacher. Patrese, cinquième, contient tant bien que mal Berger et Brundle.
43e: Senna perd du temps en doublant Fittipaldi et Comas, en lutte pour la dixième place. Cela permet à Schumacher de revenir au peu.
44e: Patrese commet une erreur sous la pression de Berger et brise son aileron avant contre une glissière. L'Italien regagne son stand pour réparer. Il repart au bout de quinze secondes, mais n'est plus que douzième.
45e: Prost réalise un superbe chrono d'1'22''192'''. Senna est relégué à onze secondes, toujours poursuivi par Schumacher. Hill ne remonte pas sur ce duo.
46e: Prost rencontre du trafic. Il dépasse ainsi les deux Sauber qui cognent à la porte des points.
48e: Prost trace son chemin parmi les attardés. Victime d'un bris de suspension, de Cesaris quitte la route au premier freinage et s'enlise dans le bac à sable.
50e: Prost mène devant Senna (9.6s.), Schumacher (13.5s.), Hill (21.8s.), Berger (1m. 16s.), Brundle (1m. 18s.), Lehto (-1t.), Wendlinger (-1t.), Comas (-1t.), Fittipaldi (-1t.), Herbert (-1t.) et Patrese (-1t.).
51e: Senna est englué dans les bouchons. Il évite de peu une collision avec Warwick dans les enchaînements suivant l'épingle.
53e: Prost possède maintenant un peu plus de dix secondes d'avance sur Senna, lequel maintient Schumacher à quatre secondes. L'Allemand a fort à faire avec les retardataires.
54e: Lehto a perdu ses 2e et 3e rapports de boîte et doit laisser filer son équipier Wendlinger.
56e: Prost précède Senna (14.2s.), Schumacher (17.3s.), Hill (29s.), Berger (-1t.) et Brundle (-1t.). Patrese revient à son garage: victime de fortes crampes, il ne peut plus tenir son volant et abandonne.
57e: Bénéficiant d'une piste claire, Schumacher réalise le meilleur tour de la course: 1'21''500'''. Le moteur de Hill émet quelques bafouillages. L'Anglais va finir prudemment cette course.
59e: Schumacher revient à deux secondes de Senna et convoite la seconde position.
60e: Prost est leader devant Senna (14.1s.), Schumacher (15.1s.), Hill (37.4s.), Berger (-1t.), Brundle (-1t.), Wendlinger (-1t.), Lehto (-1t.), Comas (-1t.) et Fittipaldi (-1t.).
61e: Schumacher est maintenant dans la boîte de Senna. Le moteur du Brésilien perd des tours suite à une défaillance d'alternateur.
63e: Le moteur de Senna coupe brutalement en arrivant au pont de la Concorde. Surpris par ce ralentissement inopiné, Schumacher braque à droite pour contourner le Brésilien, mais ne peut éviter un léger choc entre sa roue arrière-gauche et la roue avant-droite de la McLaren. Il poursuit néanmoins sans dommages alors que Senna met pied à terre.
65e: Prost est en tête devant Schumacher (15s.), Hill (44s.), Berger (-1t.), Brundle (-1t.), Wendlinger (-1t.), Lehto (-1t.) et Comas (-1t.).
67e: La dernière bataille de la course oppose Berger à Brundle pour la quatrième place. L'Autrichien a néanmoins un assez net avantage sur l'Anglais.
68e: A un tour du but, Prost jouit de seize secondes de marge sur Schumacher.
69ème et dernier tour: Alain Prost remporte pour la première fois le GP du Canada. Schumacher finit deuxième et Hill troisième. Berger se classe quatrième, son meilleur résultat de l'année. Brundle termine cinquième et ramène deux points supplémentaires à Ligier. Wendlinger, sixième, inscrit son premier point de la saison. Viennent ensuite Lehto, Comas, Fittipaldi, Herbert, Zanardi, Boutsen, Suzuki, Andretti, Badoer, Warwick et enfin Katayama qui termine sa première course en 1993.
Après la course
Alain Prost aura donc attendu sa douzième prestation sur le circuit Gilles-Villeneuve pour triompher ici. Ce succès lui procure une intense satisfaction: « J'ai vécu un week-end plein, sans aucun souci. Ma voiture se comportait très bien sur les bosses. C'est aussi une grande performance pour Renault. » Mais il se garde de tout optimisme: « Même si nous sommes les meilleurs en qualification, nous ne sommes pas toujours dominateurs en course. Hill l'a prouvé aujourd'hui. Il suffit d'un petit pépin pour rendre une voiture pointue moins efficace. Il faut travailler, progresser. Benetton risque de se montrer dangereuse sur les circuits à venir. »
L'aveu est à souligner: Prost redoute désormais davantage Benetton que McLaren qui semble en perte de vitesse. Pourtant, Ayrton Senna a réalisé une superbe course, remontant de la huitième à la seconde place, mais son alternateur le prive de six points mérités. « Le moteur a commencé à couper et l'alternateur a fini par lâcher pour de bon », raconte le Pauliste. « Une terrible déception après tout le travail produit par l'équipe pour résoudre nos problèmes durant ce week-end. »
La performance de Michael Schumacher, qui s'est battu comme un lion pour revenir sur Senna et conquérir la deuxième position, est également saluée. Sur le podium, « Schum », hilare, affiche sa complicité avec Prost. « Au départ, j'ai failli caler deux fois, dit-il, nous devons à tout prix revoir l'anti-patinage ! Dans ces conditions, terminer deuxième représente une vraie victoire. Ma plus grande surprise fut d'arriver si rapidement derrière Senna. J'ai attaqué comme un fou. Que lui est-il arrivé ? Je me suis dit qu'il était fatigué et qu'il voulait s'arrêter pour se reposer un peu... » Si maintenant les Allemands se mettent à manier l'humour...
Grâce à cette victoire, Prost (47 points) reprend la tête du classement général avec cinq longueurs d'avance sur Senna (42 pts). Chez les constructeurs, Williams-Renault compte maintenant 25 points de marge sur McLaren-Ford-Cosworth.
Décès de James Hunt
Deux jours après le GP du Canada, le 15 juin 1993, James Hunt meurt subitement d'une crise cardiaque dans sa maison de Wimbledon. Il avait 45 ans et venait de commenter le GP du Canada pour la BBC avec son compère Murray Walker. Sa disparition suscite des commentaires contrastés. Sa carrière automobile fut en effet météorique, et il a plus défrayé la chronique par ses frasques que par ses performances sur les circuits. Certes, Hunt était très talentueux, mais en vrai « gentleman driver », il a toujours fait passer son mode de vie (plus que dissipé) avant sa carrière professionnelle. Celle-ci en a pâtit. Reste que son titre mondial de 1976, remporté après un fabuleux duel contre son rival et ami Niki Lauda, est une des plus belles pages de l'histoire du sport.
Depuis sa retraite sportive, en 1979, James Hunt profitait de la vie, se partageant entre son travail à la BBC, l'élevage de perruches (!) et ses meilleurs ennemis: les femmes, l'alcool et la drogue... Ces dernières années, cependant, il s'assagissait. Sa fortune avait fondu suite à son second divorce, et il avait fini, sur les conseils de son médecin, par adopter un mode de vie plus sain. Hélas son cœur, usé par tant d'excès, l'a trahi... La F1 pleure son ex-« enfant terrible ». Comme il le disait lui-même: « Dans une soirée, ce sont toujours les invités les plus ennuyeux qui se cramponnent jusqu'à la fin... »
Tony