La MP4/7, ou la dernière carte de McLaren-Honda
Sous la pression d'Ayrton Senna, McLaren-Honda amène à São Paulo pas moins de six châssis ! Trois MP4/6B et trois nouvelles MP4/7 sont ainsi à la disposition des deux pilotes. Les deux modèles ne se ressemblent pas: la MP4/7 se distingue par des flancs bombés et un museau inversé, selon la mode de 1992. Elle est propulsée par un tout nouveau V12 Honda en provenance directe de Wako, le RA-122E/B. Il contient une distribution à rappel de soupapes pneumatique, à l'instar du V10 Renault et du V8 Ford HB. L'angle de ses bancs de cylindres est élargi de 60 à 75° pour améliorer l'aérodynamisme. « Ce moteur est plus compact et plus léger que le précédent », explique Michio Kawamoto, l'ingénieur en charge du projet. « Pour Honda, il représente une nouveauté car c'est la première fois que nous produisons un moteur dont l'aérodynamique est la priorité. Agrandir l'angle des cylindres permet d'abaisser le moteur et de loger les accessoires au centre du V. » En outre, ce bloc bénéficie de trompettes télescopiques pour améliorer le couple, et de nouveaux conduits d'admission visant à accroître la vitesse de combustion.
La McLaren dispose aussi d'une boîte semi-automatique transversale à six rapports « maison » qui a beaucoup tardé à être mise au point. Mais l'élément le plus intéressant de la MP4/7 est son accélérateur « fly-by-wire » à commande électronique. Le câble de commande a disparu: un potentiomètre relié à l'accélérateur envoie un signal à un actuateur qui actionne les coulisses de gaz.
Qualifier cette MP4/7 de très attendue est un euphémisme. Hélas, après avoir parcouru quelques tours à son volant, à Silverstone, Senna ne cache pas sa vive déception: « Cette voiture est une horreur ! La seule chose qui fonctionne est la boîte de vitesses. L'écart qui nous sépare des Williams est énorme... » C'est donc avec un scepticisme marqué que l'Idole aborde son Grand Prix national. Gerhard Berger n'est guère plus enjoué. Quant à Ron Dennis, il peine à convaincre ses interlocuteurs que cette machine n'est pas un laboratoire roulant. « Dennis est l'otage de Senna », tranche Peter Collins, le patron de Lotus. « Ils ont dépensé des millions de dollars pour pouvoir donner ce show au Brésil. Mais à mes yeux, cette nouvelle voiture n'est prête pour courir. »
Andrea Moda, épisode III
Après avoir fait le forcing auprès de son concepteur Simtec, Andrea Sassetti aligne au GP du Brésil deux nouvelles Andrea Moda S921, en fait deux mauvais dérivés de la Coloni C4. Il doit cependant trouver deux pilotes car Alex Caffi et Enrico Bertaggia, écœurés par son amateurisme, ont jeté l'éponge. Il parvient à convaincre Roberto Moreno, recommandé par Mike Francis, l'attaché de presse de son motoriste, Judd. Homme des causes désespérées, le petit Carioca en est à sa huitième écurie de F1 (après Lotus, AGS, Coloni, Eurobrun, Benetton, Jordan et Minardi) et, prudent, a demandé à être payé avant de courir...
Le second baquet revient à un parfait inconnu, le Britannique Perry McCarthy. Âgé de 32 ans, champion Autosport de Formule Ford en 1983, celui-ci a roulé sa bosse en F3 et F3000 sans jamais se distinguer autrement que par des accidents. Depuis deux ans, il roule en IMSA aux États-Unis, et a tout de même réussi à devenir essayeur chez Footwork en 1991. Un tel pedigree devrait donc l'empêcher d'obtenir sa super-licence. Plein de sollicitude, Bernie Ecclestone lui conseille de glaner le soutien de la RAC Motor Sports Association. Aussitôt dit, aussitôt fait. La fédération britannique accepte d'effectuer les démarches en faveur de McCarthy et lui envoie un fax lui annonçant qu'il est « apte à faire une demande ». Hélas, notre héros interprète mal le message et comprend qu'il a déjà obtenu sa super-licence. Jeudi 2 avril, lorsqu'il se présente à São Paulo devant Roland Bruynseraede, il lui affirme que tout est en ordre. Le directeur de course lui délivre alors sa super-licence avant qu'un coup de téléphone de la FISA lui révèle qu'il y a maldonne. Confus, Bruynseraede doit retirer le précieux sésame à McCarthy, contraint de regarder le Grand Prix depuis les stands.
Présentation de l'épreuve
Toujours bronzé et serein, Nigel Mansell arrive directement de sa propriété floridienne et répond avec affabilité aux pressantes sollicitations des médias. Le rival d'Ayrton Senna bénéficie en effet curieusement d'une belle cote d'amour au Brésil. Son seul objectif est bien évidemment d'enchaîner une troisième victoire de rang. Pour leur part, Frank Williams, Patrick Head et Bernard Dudot se montrent très prudents et feignent de craindre la concurrence des McLaren-Honda. Personne ne les croit. Riccardo Patrese paraît en revanche préoccupé. Pour rejoindre São Paulo, il s'est offert une semaine de vacances aux Bahamas. Visiblement, il est beaucoup moins à l'aise que Mansell avec les gadgets électroniques qui garnissent la FW14B. Mis sous l'éteignoir lors des deux premiers Grands Prix, il doit prouver à ses employeurs, et peut-être aussi à lui-même, qu'il est encore capable d'être autre chose qu'un porteur d'eau.
Si comme chaque année les Paulistes brûlent d'amour pour Magic Senna, ils encouragent très vivement leur nouveau chouchou Christian Fittipaldi. Celui-ci n'a d'ailleurs pas besoin de se faire un nom, son prénom suffit. Depuis deux semaines, tout le monde au Brésil l'appelle simplement Christian. Le stand Minardi est envahi par une cohorte de fans du jeune homme. Son père Wilson et sa mère Suzy sont contraints d'éconduire ces importuns. Quant à l'oncle, Emerson, s'il est retenu aux États Unis par le championnat CART, il prodigue de précieux conseils à son neveu par téléphone. Le jeune Fittipaldi est aussi une manne financière pour Giancarlo Minardi. Il lui apporte ainsi les soutiens d'Embraer, une compagnie aéronautique brésilienne, et de la banque d'État Banespal.
Un autre Brésilien, carioca celui-là, suscite l'attention. Nelson Piquet, le faux néo-retraité, hante le stand Ferrari, officiellement pour rencontrer ses amis Niki Lauda et Jean Alesi. Mais de nombreuses rumeurs affirment que l'équipe au cheval cabré l'a contacté pour remplacer Ivan Capelli. Piquet dément formellement. Il s'apprête en effet à participer à son premier Indy 500 pour le compte du Team Menard.
Lamborghini offre à Minardi et à Larrousse une version évoluée de son V12, abaissé de quelques millimètres grâce à de nouvelles culasses. L'injection et l'admission ont évolué pour permettre au moteur d'atteindre les 13 800 tours/minute. Ce nouveau bloc ne donne toutefois pas satisfaction à ses clients, jusqu'à ce qu'une nouvelle cartographie d'injection soit utilisée samedi. En outre, Chrysler semble enfin décidée à considérer sérieusement l'engagement de sa filiale Lamborghini en F1, comme le prouve la nomination d'un directeur technique spécialement détaché de la maison mère, Mike Royce.
Ferrari connaît un début de saison calamiteux: aucune machine rouge n'a rallié l'arrivée, ni à Kyalami, ni à Mexico. Selon Jean Alesi, la F92A est tout simplement inconduisible. Elle sous-vire avec le plein, survire quand le réservoir s'allège, et le moteur ne pousse pas ! Après une réunion de crise convoquée par Luca di Montezemolo à Maranello, la Scuderia décide d'emmener les moteurs de 1991 pour le GP du Brésil. À Paolo Massai de trouver une solution pour revitaminer les V12 version 92... En outre, lors des essais menés à Nardo, Alesi s'est aperçu que le carter monte en pression, ce qui explique les ruptures moteurs de Kyalami et Mexico. Au Brésil, les F92A sont munies de nouveaux carters, mieux ventilés, mais les pertes d'huile demeurent importantes avec les V12 92. Du coup, samedi, comme prévu, les blocs de l'an passé sont remontés dans les machines rouges.
Ligier a effectué d'intenses essais au Castellet pour déceler le ou les loup(s) de la JS37. Afin d'accroître les appuis, Frank Dernie a modifié le fond plat et rajouté de nouveaux extracteurs. À Interlagos, Érik Comas affiche sa satisfaction mais Thierry Boutsen est mécontent de la tenue de route.
La Benetton-Ford B192 a fait ses premiers tours de roue à Silverstone, sans la suspension active annoncée car les deux concepteurs Rory Byrne et Ross Brawn souhaitent avant tout connaître l'exact potentiel de la monoplace. Quant au V12 Ford-Cosworth, véritable Arlésienne, il n'apparaîtra qu'en 1993 !
Le Team Lotus semble en pleine renaissance: il ne se passe pas un week-end sans que Peter Collins annonce l'arrivée d'un ingénieur ou d'un sponsor. Déjà, John Miles a rejoint son ancienne écurie pour aider à la mise au point de la future 107. Un autre ancien pilote, Guy Edwards, est recruté pour chasser les commanditaires. C'est un spécialiste reconnu en la matière: Rothmans, ICI ou Silk Cut sont venues en F1 à son instigation.
Les jours de Giovanna Amati en Formule 1 sont désormais comptés. Malgré ses louables efforts, la jeune femme n'est pas parvenue à se hisser au niveau de la discipline, d'autant qu'une fois passé l'effet de curiosité, elle n'a pas su apporter de nouveaux commanditaires à Brabham. Dennis Nursey lui cherche un remplaçant pour le GP d'Espagne.
Malgré les récriminations d'Ayrton Senna et consorts, Goodyear ne fournira pas de pneus de qualifications. Les constructeurs se sont réunis pour étudier cette question et seulement deux d'entre eux ont plaidé pour leur retour. Il s'agit de McLaren et de Williams, soit deux des trois teams (avec Ferrari) à être gratuitement fournis... Du reste, Max Mosley est opposé à tout retour en arrière. « Si Senna est sorti à Mexico, il ne doit pas accuser les pneus mais lui-même ! » estime le président de la FISA.
Nouvelle restructuration à la FISA: l'un des deux ingénieurs fédéraux, Patrice Catalano, quitte son poste pour rejoindre Peugeot Sport. Gabriele Cadringher se cantonnant désormais au rallye, son adjoint Charlie Whiting est promu ingénieur en charge des Grands Prix.
Nouvel incident Senna - Mansell
Samedi après-midi, en toute fin de séance, Mansell boucle l'un de ses derniers tours rapides lorsqu'il aperçoit devant lui la McLaren de Senna. L'Anglais est quelque peu contrarié: il n'a pas réussi à améliorer son temps de la veille. Peu importe cependant, puisqu'il détient la pole avec une seconde d'avance sur Patrese. Mais, inexplicablement, notre intrépide moustachu entreprend de déborder Senna par l'extérieur à un endroit impossible: l'épingle à cheveux de Cotovelo ! Évidemment, il s'aperçoit trop tard de sa bêtise, monte sur l'herbe pour éviter l'accrochage, part en tête-à-queue et se fracasse contre les glissières. Le choc est rude, et l'Anglais, se plaignant de sa nuque, fait un tour à l'infirmerie du circuit. Fort heureusement, les médecins ne lui décèlent aucune blessure. Mais les commentateurs ne manquent pas de gloser sur cette nouvelle bévue. « C'est Nigel. Il faut le prendre comme il est... » tempère Bernard Dudot, un brin ironique. Pour sa part, Mansell admet son erreur: « Senna et moi ne nous sommes pas compris. Je croyais qu'il allait me laisser passer. C'est un incident de course. » Faute avouée...
Essais et qualifications
L'engagement d'Andrea Moda impose le retour à la séance de pré-qualification du vendredi matin, afin d'éliminer... une voiture. Cette purge concerne les deux pilotes Larrousse, Gachot et Katayama, Chiesa pour Fondmetal et Alboreto pour Footwork. A l'origine, Jackie Olivier avait désigné Suzuki pour cette tâche, mais « Albo », bon prince, s'est dévoué devant les appréhensions du Japonais. Sans surprise, c'est Moreno et son Andrea Moda qui passent à la trappe. Mais ils se distinguent: la machine noire, assemblée vingt minutes avant le feu vert, prend la piste avec des morceaux de scotch sur la carrosserie, et tombe en panne de boîte au bout de deux tours...
Si l'on excepte l'incident qui l'a opposé à Senna, Mansell connaît des essais sans histoires et réalise la vingtième pole position de sa carrière (1'15''703''') avec plus d'une seconde d'avance sur Patrese. Mécontent de sa machine, l'Italien demande samedi matin à Frank Williams la permission d'utiliser le mulet, normalement réservé à Mansell. Ce dernier n'apprécie pas et envoie son équipier sur les roses ! McLaren peine à régler sa MP4/7 et casse deux nouveaux moteurs Honda. Après de multiples tâtonnements, Senna arrache la troisième place sur la grille mais concède plus deux secondes à Mansell ! Berger se classe quatrième avec l'ancienne MP4/6B, qu'il juge plus sûre que le nouveau modèle. Chez Benetton-Ford, Brundle (7ème) ne concède cette fois que deux dixièmes à un Schumacher (5ème) toujours aussi incisif. Ferrari travaille à améliorer le comportement de sa F92A. Alesi (6ème) et Capelli (11ème) tentent d'exploiter au mieux cette monoplace ratée. La Dallara-Ferrari est extrêmement difficile à mettre au point. Martini (8ème) déniche les bons réglages alors que Lehto (16ème) patauge. Wendlinger amène sa March à une très belle neuvième place. Son équipier Belmondo est en passe de se qualifier samedi lorsqu'un tête-à-queue suivi d'une panne annihilent ses espoirs.
Les Ligier-Renault (Boutsen 10ème, Comas 15ème) apparaissent en nets progrès et sont toujours fiables. Les Jordan sont rentrées dans le rang à cause d'un V12 Yamaha trop lourd et pas assez puissant. Modena (12ème) en tire cette fois meilleur parti que Gugelmin (21ème). Des difficultés pour Tyrrell: de Cesaris (13ème) subit des chutes de pression d'essence et Grouillard (17ème) ne roule pas vendredi à cause d'un incendie. La Footwork-Mugen est délicate à conduire, et du reste Alboreto (14ème) comme Suzuki (22ème) se plaignent du trafic. Les Venturi-Lamborghini de l'écurie Larrousse trouvent sans peine leurs places sur la grille: Gachot est 18ème, Katayama 25ème. Tarquini (19ème) se déchaîne pour tirer le maximum de sa vieille Fondmetal. Chiesa échoue à la 27ème place. Les Minardi-Lamborghini (Fittipaldi 20ème, Morbidelli 23ème) se traînent encore en queue de peloton. Les Lotus (Häkkinen 24ème, Herbert 26ème) ne sont cette fois pas dans le coup, la faute à de mauvais réglages. Les antiques Brabham-Judd sont incapables de se qualifier, et la malheureuse Amati rend cette fois cinq secondes (!) à van de Poele.
Après ces essais, Ayrton Senna dresse un portrait très sombre de la nouvelle McLaren. Les coups sont également distribués entre les fournisseurs: « Nous avons de sérieuses difficultés de tenue de route, donc en suspensions, donc en aérodynamisme. Cette voiture n'est pas équilibrée. Il faut à tout prix résoudre cela avant la course. Mais quelle que soit la réponse apportée, nous ne pourrons pas nous battre avec les Williams. Et puis, le nouveau moteur n'est pas à la hauteur de celui de l'an passé. Shell non plus n'a pas progressé par rapport à Elf... Et le châssis n'est pas bon, nous ne pouvons pas compenser ces déficits ! » Quant à Gerhard Berger, il accepte de disputer l'épreuve avec la MP4/7, bien qu'il la juge également insuffisamment préparée.
Le Grand Prix
Comme tous les ans, des dizaines de milliers de Paulistes sont massés dans les tribunes pour encourager Senna, même si celui-ci a peu de chances de vaincre. L'atmosphère est orageuse, et l'attrition des gommes devrait être importante. Lee Gaug prévoit un arrêt aux stands en course.
Tour de formation: Berger a fait changer son moteur avant de quitter les stands. Hélas, au feu vert sa boîte refuse de répondre et le V12 cale. Après intervention de ses mécaniciens, l'Autrichien peut finalement s'élancer, mais il prendra le départ depuis les stands.
Départ: Mansell prend un départ médiocre, ce qui permet à Patrese de s'emparer du commandement. Au premier virage, Schumacher tente de faire l'intérieur à Mansell mais celui-ci ferme la porte. Dans l'Esse, Senna déborde l'Allemand par la droite, au forceps: la McLaren et la Benetton se touchent. En queue de peloton, Tarquini se frotte à Gachot.
1er tour: Mansell attaque Patrese à Subida do Lago, mais l'Italien coupe la trajectoire à son équipier. Patrese mène devant Mansell, Senna, Schumacher, Alesi, Brundle, Martini, Wendlinger, Boutsen et Capelli. Berger démarre avec un tour de retard. Tarquini rejoint le stand Fondmetal pour faire changer sa biellette de direction, endommagée lors du contact avec Gachot, et repartira cinq minutes plus tard.
2e: Patrese compte une seconde d'avance sur Mansell. Senna est à deux secondes. Modena renonce, boîte de vitesses bloquée.
3e: Mansell met la pression sur Patrese. Suzuki quitte la course car son moteur ne répond plus.
4e: Les Williams s'envolent comme d'habitude tandis que Schumacher est la poursuite de Senna.
5e: Senna se débat avec un châssis vicieux et retient un groupe composé de Schumacher, Alesi, Brundle et Martini. Berger revient à son garage et abandonne car son moteur a chauffé de la précédente réparation.
6e: Patrese précède Mansell (0.5s.), Senna (12s.), Schumacher (12.7s.), Alesi (13.2s.), Brundle (13.4s.), Martini (14s.), Wendlinger (16s.), Boutsen (17s.) et Capelli (18.5s.).
8e: Le moteur de Senna coupe dans la Subida dos Boxes et le Pauliste se fait doubler par Schumacher. Mais il se replace aussitôt dans le sillage de la Benetton.
9e: A l'abord du premier Esse, Senna plonge à l'intérieur et reprend la troisième place à Schumacher.
10e: Tandis que Patrese et Mansell roulent en escadrille, Senna ralentit une grosse partie du peloton, de Schumacher au quatrième rang à Comas qui n'est que treizième.
11e: Les Williams comptent plus de vingt-cinq secondes d'avance sur l'impressionnant paquet retenu par Senna. Brundle se montre particulièrement entreprenant contre Alesi. Schumacher attaque Senna à Juncao, mais le Brésilien se rabat devant lui.
12e: Patrese mène devant Mansell (0.3s.), Senna (29s.), Schumacher (29.6s.), Alesi (30.3s.), Brundle (30.7s.), Martini (32s.), Wendlinger (33s.) et Boutsen (34s.). De Cesaris prend la dixième place à Capelli. Alboreto et Comas ferment la marche dans ce groupe. Lehto crève un pneu et doit parcourir toute une boucle à petite allure pour rejoindre les stands.
13e: Comme au huitième tour, le V12 Honda de Senna hoquette au pied de la grande montée. Schumacher dépose la McLaren. Lehto change de roues et se retrouve avant-dernier.
14e: Sur la lancée de Schumacher, Alesi attaque Senna avant le premier virage et lui prend la quatrième place. Brundle double à son tour le Brésilien dans la partie sinueuse du circuit.
15e: Une demi-seconde sépare Patrese et Mansell. Schumacher roule à trente-quatre secondes des leaders.
16e: Senna retient comme il peut la Dallara de Martini. Son moteur est toujours affecté par de coupures électriques.
17e: Senna revient à son stand et met pied à terre, au grand désespoir du public. La MP4/7 n'était décidément pas prêter à rouler en course.
18e: Schumacher est désormais solidement installé à la troisième place. Alesi décramponne Brundle.
20e: Patrese est premier devant Mansell (0.5s.), Schumacher (38s.), Alesi (41s.), Brundle (42.4s.), Martini (47s.), Wendlinger (47.5s.), Boutsen (48.5s.), de Cesaris (47.5s.), Capelli (50s.), Alboreto (52s.) et Comas (53s.).
21e: Patrese est gêné sur quelques centaines de mètres par Katayama.
22e: De Cesaris renonce suite à une panne d'allumage sur sa Tyrrell. Il venait de doubler Boutsen.
24e: Mansell suit Patrese comme son ombre. Schumacher pénètre aux stands pour changer de pneus (7.5s.) puis repart dixième. Martini est au ralenti à cause d'une panne d'embrayage et entre au garage pour abandonner. Gachot s'immobilise dans le gazon: sa suspension, abîmée lors de la collision avec Tarquini, a lâché.
25e: Changements de pneus pour Alesi et Wendlinger. Le Français repart sous le nez de l'Autrichien qui s'arrêtait. Wendlinger reste immobilisé une vingtaine de secondes à cause d'une fuite sur son circuit d'embrayage. Fittipaldi remplace aussi ses pneus.
26e: Patrese et Mansell se débattent parmi les attardés. Arrêts pneus pour Alboreto et Herbert.
27e: Changement de gommes de Brundle (7.2s.) qui ressort en huitième position. Boutsen récupère la troisième place. Schumacher dépasse Comas.
28e: Changements de pneus pour Boutsen, Capelli, Morbidelli et Katayama. Schumacher retrouve le troisième rang et devance Comas (qui ne s'est pas arrêté), Alesi et Brundle.
29e: Patrese essaie de prendre un tour à Grouillard à Subida do Lago, mais le Français lui ferme la porte au nez. Mansell tente de s'infiltrer à l'intérieur. Patrese défend sa position. Grouillard s'efface au virage suivant. Mansell change de gommes à la fin de ce tour (8.5s.). Arrêt d'Häkkinen.
30e: Patrese mène devant Mansell (20.9s.), Schumacher (1m. 02s.), Comas (1m. 07s.), Alesi (1m. 08s.), Brundle (1m. 09s.), Gugelmin (-1t.), Capelli (-1t.), Alboreto (-1t.) et Herbert (-1t.). Grouillard change ses enveloppes.
31e: Mansell est plus rapide que Patrese qui regagne les stands en fin de tour avec une marge de seulement seize secondes. Brundle attaque Alesi au premier freinage et touche la Ferrari qui part en tête-à-queue. Le Britannique se gare, train avant ouvert, tandis que l'Avignonnais profite de la déclivité pour faire redémarrer son moteur qui a calé. Par chance, son bolide est intact.
32e: L'immobilisation de Patrese dure neuf secondes, et le Padouan retrouve le circuit trois secondes derrière Mansell qui a maintenant la victoire en vue. Patrese a le sentiment d'avoir été joué. Comas et Gugelmin effectuent leurs changements de pneus.
33e: Mansell domine devant Patrese (5.3s.), Schumacher (45.5s.), Alesi (1m. 04s.), Capelli (1m. 15s.), Alboreto (1m. 17s.), Herbert (1m. 20s.), Comas (-1t.), Boutsen (-1t.) et Wendlinger (-1t.).
34e: Patrese réalise le meilleur tour de la course: 1'19''490'''.
36e: Patrese revient à quatre secondes de Mansell qui est pris dans le trafic. Tarquini remplace ses Goodyear.
37e: Patrese bute à son tour sur les attardés et laisse filer Mansell. Herbert, Comas et Boutsen luttent pour la septième place.
38e: A l'abord du premier Esse, Boutsen tente de faire l'intérieur à Comas mais ne parvient pas à sa hauteur. Le Français se rabat devant son équipier qui l'éperonne avec sa roue avant-droite. Boutsen part en tête-à-queue et percute Herbert qui s'était rangé sur la droite. Le Belge et l'Anglais abandonnent, tandis que Comas peut continuer. La course est aussi terminée pour Gugelmin dont la boîte de vitesses s'est mise en rideau.
40e: Mansell précède Patrese (9s.), Schumacher (54s.), Alesi (1m. 19s.), Capelli (-1t.), Alboreto (-1t.), Comas (-1t.), Wendlinger (-1t.), Morbidelli (-1t.), Grouillard (-1t.), Häkkinen (-1t.), Fittipaldi (-1t.), Lehto (-1t.), Katayama (-2t.), Lehto (-2t.) et Tarquini (-4t.).
42e: Mansell prend un tour à Alesi.
44e: Huit secondes entre les Williams. Comas abandonne, moteur explosé. Il gare sa Ligier le long du muret des stands. Les commissaires agitent le drapeau rayé jaune et rouge car le V10 Renault sème de l'huile.
46e: Mansell boucle son tour le plus rapide de la journée (1'19''682'''). Il ne battra pas celui de son compagnon d'écurie.
47e: Mansell compte toujours huit secondes d'avance sur Patrese. Schumacher est repoussé à une minute dix. L'Allemand n'a rien à craindre d'Alesi qui lutte avec une Ferrari instable. Ses pneus avant bullent très facilement.
49e: Mansell devance Patrese (10.2s.), Schumacher (1m. 16s.), Alesi (-1t.), Capelli (-1t.), Alboreto (-1t.), Wendlinger (-1t.) et Morbidelli (-1t.).
50e: Il n'y a plus qu'une seule bagarre en piste. Elle oppose Capelli à Alboreto pour la cinquième place. Une seconde les sépare.
52e: Morbidelli et Grouillard débordent Wendlinger qui a perdu l'usage de son embrayage.
53e: Mansell arrive derrière Schumacher qui se fait quelque peu prier pour laisser passer son aîné.
54e: Schumacher ouvre la voie à Mansell. Häkkinen dépasse Wendlinger. Grouillard a cassé un tirant de suspension arrière. Il regagne les stands lorsque son moteur Ilmor part en fumée.
55e: L'intervalle entre les deux Williams de tête se chiffre à dix secondes tout juste.
57e: Alors dixième, Fittipaldi ne verra pas l'arrivée de son Grand Prix national: sa boîte de vitesses ne fonctionne plus.
58e: Mansell roule une seconde au tour plus vite que Patrese. Privé d'embrayage, Wendlinger a fini par casser sa boîte. Il revient à son garage à faible allure. Häkkinen est bloqué en troisième vitesse. Il laisse passer Lehto et Katayama.
59e: Tarquini réalise un chrono de 1'21''028''', ce qui est le troisième meilleur tour en course, derrière ceux réalisés par les Williams ! Un véritable exploit pour le pilote Fondmetal... ou une erreur du chronomètre électronique ?
60e: Mansell est premier devant Patrese (17s.), Schumacher (-1t.), Alesi (-1t.), Capelli (-1t.), Alboreto (-1t.), Morbidelli (-1t.), Lehto (-2t.), Katayama (-2t.), Häkkinen (-3t.) et Tarquini (-5t.).
61e: Alboreto pourchasse toujours Capelli sans trouver d'ouverture.
63e: L'écart entre les deux Williams dépasse les vingt secondes. Alboreto n'est qu'à une seconde de Capelli.
64e: Patrese ménage sa monture en cette fin de course. Il peut se le permettre: Schumacher est une minute derrière lui !
66e: Tarquini rejoint les stands avec un radiateur d'eau percé et quitte la course. Il n'y a plus que dix voitures en piste.
68e: L'écart entre Mansell et Patrese est à présent de vingt-quatre secondes.
69e: Alboreto est dans la roue de Capelli, mais le V12 Ferrari demeure plus puissant que le V10 Mugen-Honda. Le vétéran italien restera derrière son cadet. Häkkinen achève la course au ralenti avec une boîte hors d'usage.
71ème et dernier tour: Nigel Mansell remporte son troisième Grand Prix de rang, et encore une fois Patrese est son dauphin. Schumacher termine troisième avec un tour de retard. Alesi et Capelli sont quatrième et cinquième et ouvrent ainsi le compteur de Ferrari. Alboreto se classe sixième et inscrit son premier point depuis trois ans. Morbidelli, Lehto, Katayama et Häkkinen sont les seuls autres pilotes à rallier l'arrivée. Mansell effectue son tour d'honneur en agitant deux petits drapeaux britannique et brésilien que lui ont donnés trois commissaires facétieux.
Après la promenade des Williams-Renault
Williams-Renault nage dans le bonheur. Après trois courses, la paire franco-britannique affiche un score parfait. Mansell compte 30 points sur 30 possibles et l'écurie 48 points sur les 48 qui étaient en jeu. Sur le podium, Mansell et Patrese se congratulent, un peu crispés. L'incident de la veille n'est pas oublié. De plus, Riccardo est certain d'être passé à côté de la victoire. Pourquoi Williams l'a-t-elle rappelé aux stands en dernier, offrant ainsi la victoire de Mansell ? « Ordre du team », confirme Peter Windsor. Patrese l'a bien compris ainsi, et l'a saumâtre. Quant à Mansell, il ne se départ pas d'une grande retenue: « Hier, ce fut un choc pour moi de me retrouver à l'hôpital. Comme quoi, un pilote est peu de choses. Désormais, je m'attends à tout. A la réussite comme à la défaite. » Visiblement, il ne veut pas voir la vérité en face. Armé d'une machine surclassant toute concurrence, débarrassé d'un équipier démotivé, il peut enfin entrevoir (à 39 ans !) sa première couronne mondiale.
Les deux Ferrari ont cette fois vu le drapeau à damiers, qui plus est dans les points. C'est bien la seule satisfaction de Jean Alesi qui critique aussi bien son châssis que son moteur. Il est en plus sévèrement mis en cause par Martin Brundle suite à leur collision. « Alesi n'a cessé de changer de trajectoire, et il est parvenu à me sortir... On se serait cru en Formule Ford ! » peste le Britannique.
Chez Ligier, les retrouvailles entre Érik Comas et Thierry Boutsen sont très tendues après leur accrochage. Les deux équipiers se rejettent mutuellement la responsabilité de l'incident. Pourtant, il semblerait que le Bruxellois soit le plus fautif. Devant son équipier depuis le démarrage, il s'est retrouvé derrière lui après les arrêts aux stands, et bouillait d'être battu comme à Mexico. Cet épisode tragi-comique désespère les Bleus. « Le jour où nos voitures expriment leur potentiel, tous nos efforts sont ruinés par un accident stupide ! » soupire Gérard Ducarouge.
Enfin, Jackie Oliver savoure le premier point de son équipe Footwork, ex-Arrows, depuis le GP de Monaco 1990 ! Une performance d'autant plus précieuse qu'elle devrait permettre au team de Milton Keynes d'échapper aux pré-qualifications lors de la deuxième partie de saison et de bénéficier des avantages FOCA. Michele Alboreto attendait lui son retour dans les points depuis le GP du Mexique 1989 ! Il avait ce jour-là fini troisième au volant d'une Tyrrell-Ford. « J'étais encore jeune en ce temps-là » rigole le Milanais en désignant ses cheveux poivre et sel.
Schumacher - Senna: premières bandrilles
Celui que l'on commence à surnommer le « Petit Mozart de la Formule 1 » est certes content de ce second podium, mais il s'en prend avec véhémence à Ayrton Senna, coupable selon lui d'obstruction en début de Grand Prix: « Senna a soudainement ralenti puis s'est moqué de moi. Il freinait là où je ne pouvais pas le passer, il accélérait là où j'avais des occasions. J'étais vraiment très en colère car d'autres auraient pu me doubler. Ce n'est pas un comportement digne d'un champion du monde. » En égratignant ainsi le héros national devant un parterre de journalistes brésiliens, le jeune loup teuton prouve qu'il ne manque pas d'aplomb ! En effet, si Schumacher éprouve une vive admiration pour Senna, il ne cache pas son désir d'en découdre avec lui et de contester son statut de « meilleur pilote du monde ». Certains s'étonnent, voire condamnent cette incroyable arrogance. D'autres admirent ce culot qui n'a d'égal que son talent.
Senna ne répond rien à son nouvel ami. Désabusé par le niveau catastrophique de sa MP4/7, il s'est éclipsé en catimini, escorté par son père Milton et son frère Eduardo. Il abandonne aux médias une cassette (!) dans laquelle, d'une voix monocorde, il a enregistré quelques phrases empreintes de désarroi. Magic a compris qu'à moins d'un miracle il ne sera pas champion du monde en 1992. « Si nous ne réagissons pas au GP d'Espagne... Ce sera l'année Mansell », lâche-t-il en guise de conclusion.
Tony