Prost: du rouge au bleu ?
Alain Prost consacre la première quinzaine de septembre à une réflexion sur son avenir en Formule 1. Il lui apparaît clairement qu'il ne peut pas rester chez Ferrari. Jamais encore le champion français n'a traîné une telle frustration. Cette saison, pour la première fois depuis dix ans, il n'est pas en mesure de disputer le titre mondial. Techniquement dans l'impasse, la Scuderia est minée par des sordides intrigues de cour qui sabotent le travail des ingénieurs et des pilotes, ce que Prost ne peut souffrir. Pis: la presse italienne, rancunière, l'éreinte quotidiennement et réclame son licenciement. Au soir de cette désastreuse campagne 91, Ferrari est un champ de ruines et Prost ne sent plus l'âme d'un reconstructeur. Il étudie très sérieusement les offres de Guy Ligier et promet à ce dernier une réponse entre les 15 et 20 septembre. Autour du 10, il rencontre Piero Fusaro pour négocier une séparation à l'amiable. Problème: son contrat 92 lui interdit, en cas de rupture, de piloter dans l'immédiat une autre machine. Gianni Agnelli, qui souhaite le conserver, s'accroche à cette clause et ordonne à Fusaro de ne pas céder. Ces tractations fuitent bientôt dans la presse française et italienne, ce qui ne fait qu'aggraver l'humeur des deux parties. « Nous ne sommes pas prisonniers du contrat avec Prost ! » s'irrite Fusaro. « Il doit être respecté. Un point, c'est tout ! »
Le 17 septembre, nouvelle péripétie: diligenté par Agnelli, Marco Piccinini invite Stefano Modena à dîner dans un petit établissement de Monte-Carlo. Ensemble, ils évoquent 1992. Les journalistes sont perplexes. Qui donc Modena pourrait-il remplacer ? Alain Prost ? Ou un Jean Alesi que l'on dit en disgrâce ? Le lendemain, McLaren confirme sans surprise Ayrton Senna et Gerhard Berger pour la saison prochaine. Les perspectives de Prost sont maintenant réduites: il a le choix entre Ferrari, Ligier... ou le retrait.
Le petit Forézien débarque à Estoril avec un nouveau look. Il s'est coupé les cheveux et apparaît curieusement détendu, voire taquin. Tout le monde pense qu'il a conclu un accord avec Ligier. Mais lorsqu'il convoque la presse, stupeur: « Je n'ai rien à déclarer ! » assène-t-il dans un sourire. Il a auparavant téléphoné à Ligier, resté à Magny-Cours, pour lui signifier que le projet « Écurie bleue » n'est pas encore assez solide pour qu'il puisse se prononcer. Il reporte sa décision à plusieurs semaines. Ligier ne peut qu'accepter ce délai. Il sait que son interlocuteur aurait aimé travailler de nouveau avec John Barnard, qu'il a contact, en vain. Ligier ne baisse pas les bras pour autant. Il attend Prost comme le Messie: « Alain connaît tout de notre projet. C'est long, mais je suis en train de réunir les éléments pour y parvenir. Tout est délicat à mettre en place. Mais je compte sur lui. Il a l'étoffe d'un Ron Dennis français. » Un compliment qui va droit au cœur de l'intéressé...
Le comportement de Prost ne cesse d'étonner. Durant tout le week-end, il tire à vue sur son écurie, son fonctionnement, le « manque d'ambition » de la famille Agnelli... Selon lui, Fiat ne consacrerait pas un budget suffisamment à la F1. De mémoire de tifosi, jamais un pilote Ferrari n'avait osé un tel sacrilège ! La riposte s'organise. Mario Andretti conduit à Maranello son fils Michael, star de l'IndyCar, pour lui faire visiter les lieux. Simple visite de courtoisie ? Non pas: Piero Lardi-Ferrari s'entretient ouvertement à Estoril avec trois pilotes italiens, Ivan Capelli, Pierluigi Martini et Stefano Modena. Dans sa retraite de Quinta da Marinha, Nigel Mansell lui-même reçoit un émissaire de la Scuderia ! « Non merci, j'ai déjà donné... » répond-t-il en substance. Prost suit ces démarches d'un œil sarcastique.
Présentation de l'épreuve
Le gouvernement portugais a racheté le circuit d'Estoril sous l'impulsion de Alfredo César Torres, qui est à la fois promoteur et secrétaire d'État... Il est désormais possible d'améliorer les infrastructures, et M. Torres annonce la rénovation des stands et la construction d'un centre technique.
Bertrand Gachot est toujours enfermé dans sa prison londonienne mais sera fixé sur son sort en appel le 15 octobre. Il ne retrouvera pas son baquet chez Jordan puisque l'équipe irlandaise a engagé le jeune pilote italien Alessandro Zanardi, un des ténors de la F3000, appuyé par Marlboro. Par ailleurs, le patron de Zanardi, Giuseppe Cipriani, est le gendre du milliardaire transalpin Raul Giardini qui a quelques ambitions en Formule 1. Il serait ainsi en relation avec Adrian Reynard pour lui racheter son programme qui manque de financement. Quoiqu'il en soit, Zanardi fera ses débuts au GP d'Espagne. Roberto Moreno conserve le volant de la seconde Jordan pour cette épreuve. Le Carioca est déçu car il avait réuni des fonds pour rester jusqu'à la fin de la saison. En vain.
Akira Akagi, le patron de Leyton House, est sous les verrous. L'homme d'affaires est accusé d'un énorme détournement de fonds s'élevant à 31 milliards de dollars et a été appréhendé par la justice japonaise. Ses biens sont mis sous séquestre et son empire s'effondre comme un château de cartes. L'avenir de l'ex-écurie March s'inscrit donc en pointillés. Le directeur technique Gustav Brunner reprend la structure en main et cherche de nouveaux investisseurs. Il met en avant deux atouts: le moteur Ilmor, fragile mais convoité, et le point inscrit par Ivan Capelli en Hongrie, qui devrait dispenser le team des pré-qualifications en 92.
Enzo Coloni est las de tirer le diable par la queue et, après avoir envisagé une cessation totale de ses activités, vend finalement son écurie à un consortium formé par Andrea Sassetti, un créateur de mode italien. On ignore tout pour l'instant du projet et des motivations de ce curieux repreneur qui, peut-être, souhaite faire de l'ombre à la famille Benetton...
Selon les dernières rumeurs, Footwork achètera l'an prochain les V10 Honda préparés par Mugen, au détriment de Tyrrell qui n'a pas su bien exploiter le bloc nippon. En prime, l'équipe anglaise devrait engager Aguri Suzuki à la place d'Alex Caffi. Pourtant, Footwork a toujours un contrat avec Porsche pour 1992 et Manfred Jantke, le porte-parole de la frime de Stuttgart, affirme qu'il sera respecté.
Jean Alesi est mécontent: son ingénieur de piste Maurizio Nardon est évincé au motif que sa fiancée jouerait le rôle de « taupe » au profit de... Cesare Fiorio ! L'intéressée se défend en arguant que sa ligne téléphonique a été mise sur écoute... En tout cas, c'est Giuseppe Petrotta, un ancien d'Osella, qui s'occupe désormais de la 643 n°28.
Depuis deux courses, les McLaren-Honda MP4/6 se sont rapprochées des Williams-Renault FW14. Afin d'alimenter cette dynamique, Honda introduit un V12 allégé pour cette campagne ibérique. Cependant, Renault organise sa riposte avec la nouvelle version de son moteur, le RS3B. Cette fois, Bernard Dudot et Jean-François Robin décident de l'installer sur les machines de course afin de reprendre l'ascendant sur les McLaren-Honda. « Ce moteur va nous redonner de l'air pour développer le V10 », explique Dudot. « Si tout va bien, nous devrions rapidement retrouver son plein potentiel, reprendre un peu d'avance sur nos adversaires, en un mot franchir un palier. »
Pour son Grand Prix national, le Portugais Pedro Chaves espère au moins franchir l'étape des pré-qualifications avec sa Coloni. Celle-ci est dotée d'un nouveau V8 Ford-Cosworth préparé par Langford & Peck. Cette fois, AGS amène deux JH27 pour Gabriele Tarquini et Fabrizio Barbazza. Hélas, son concepteur Christian Vanderpleyn a déjà rendu son tablier. Quelques innovations techniques dans les garages: Leyton House présente un nouveau capot avant muni de moustaches à décrochement ; la Lambo adopte des pontons beaucoup plus classiques inspirés de la McLaren ; Brabham retouche aussi ses flancs avec des radiateurs placés de façon conventionnelle ; Footwork abaisse son museau. Johnny Herbert retrouve provisoirement sa place chez Lotus (Michael Bartels doit à nouveau le remplacer à Barcelone) et apporte à son employeur un commanditaire précieux, le sous-traitant automobile japonais Yellow Hat.
Les Brabham de Brundle et Blundell survolent les essais pré-qualificatifs. La Footwork d'Alboreto et l'AGS de Tarquini sont les deux autres machines à se sauver. Les malheureux du vendredi matin sont Caffi (survirage), Barbazza (découverte de la JH27) et Grouillard (boîte de vitesses cassée). Pas de miracle pour Chaves: son nouveau moteur rend l'âme au bout de sept tours.
Essais et qualifications
La première séance qualificative du vendredi est dominée par Berger mais la pluie l'interrompt. Le principal rival de l'Autrichien est Patrese qui est cependant ralenti par des coupures moteur. Le lendemain, à 13h30, soit à une demi-heure du drapeau à damiers, celui-ci est définitivement trahi par son V10 Renault. Le Padouan ne se démonte pas: il court aux stands et monte dans le mulet préparé pour Mansell. Son ingénieur John Russell effectue quelques modifications de détail sur ce châssis. Il est 13h46. Patrese reprend la piste, se « sort les tripes » et réalise une exceptionnelle pole position (1'13''001''') ! Un chef-d'œuvre d'abnégation. Berger est repoussé sur le deuxième rang. Il a presque systématiquement dominé un Senna (3ème) transparent. Mansell (4ème) est gêné par le trafic.
Les Ferrari (Prost 5ème, Alesi 6ème) sont instables sur les bosses et rendent plus d'une seconde aux McLaren et Williams. Les Leyton House-Ilmor (Gugelmin 7ème, Capelli 9ème) ont enfin une bonne adhérence et se présentent en outsiders. Les Minardi-Ferrari (Martini 8ème, Morbidelli 13ème) sont également performantes. Les châssis Benetton ne sont pas parfaits, mais une fois encore Schumacher (10ème) a le dessus face à Piquet (11ème). Les Tyrrell-Honda (Modena 12ème, Nakajima 21ème) souffrent d'un manque de grip. Très en verve le vendredi, les Jordan reculent le lendemain dans la hiérarchie. De Cesaris (14ème) casse deux moteurs et Moreno (16ème) ne déniche pas les bons ajustements. Chez Brabham, Blundell (15ème) domine encore une fois Brundle (19ème) qui sort de la route à cause d'un triangle de suspension brisé. Les Dallara-Judd sont plus stables grâce à un nouvel aileron arrière, mais Pirro (17ème) et Lehto (18ème) butent sur des attardés ou se fourvoient dans leurs choix de pneumatiques.
Les Ligier (Boutsen 20ème, Comas 23ème) sont instables et leurs moteurs Lamborghini fragiles. Le vieux châssis Lotus se montre à son avantage. Herbert se classe 22ème et Häkkinen, 26ème, arrache de justesse sa qualification. Alboreto (24ème) retrouve le chemin de la grille avec sa Footwork corrigée, et ce malgré un violent accident survenu vendredi. Suzuki est 25ème avec sa Lola-Ford. Pour la première fois de sa carrière, son compère Bernard est éliminé, la faute à un tête-à-queue et un moteur serré. Du reste, le natif de Martigues est endeuillé par la mort d'un proche. Tarquini aurait pu qualifier la nouvelle AGS sans une touchette avec Suzuki tandis qu'il bouclait son tour le plus rapide. Les Lamborghini de Larini et van de Poele ont une mauvaise tenue de route et passent logiquement à la trappe.
Si Riccardo Patrese célèbre sa superbe pole position telle une victoire, il entend servir les intérêts de son équipe et promet de s'effacer devant Nigel Mansell en cas de besoin.
Le Grand Prix
Ce Grand Prix se déroule sous une chaleur intense et devant des tribunes clairsemées (25 000 spectateurs). Le warm-up est dominé par les Williams-Renault. Mansell déniche les réglages optimaux et devance Patrese. La Ferrari de Prost s'enflamme suite à une fuite d'essence, probablement due à une canalisation mal colmatée. Le petit Français devra partir sur sa voiture de réserve.
La plupart des pilotes Goodyear prennent des pneus C tendres, excepté Senna qui sélectionne les B. Les gommes Pirelli de course s'encrassent toujours facilement, et Dario Calzavara prédit deux arrêts à ses clients.
Départ: Patrese prend un bon envol tandis que Berger démarre lentement, sans doute afin de gêner Mansell, placé derrière lui. Pour se dégager, l'Anglais fait une démonstration de rodéo: il balance sa Williams à gauche, puis à droite où il coupe fort dangereusement la trajectoire à Senna, contraint de lever le pied. Patrese mène au premier virage devant Berger, Mansell, Senna, Alesi et Prost.
1er tour: Mansell repousse une contre-attaque de Senna, puis fait l'intérieur à Berger avant le second virage. L'Autrichien se rabat sur sa droite, mais le pilote Williams passe en force. Alesi menace hardiment Senna à la Curva 3 et monte sur ses freins pour éviter un accrochage. Patrese mène devant Mansell, Berger, Senna, Alesi, Prost, Martini, Capelli, Schumacher et Gugelmin.
2e: Patrese devance Mansell de deux secondes et demie. Herbert renonce avec un moteur explosé.
3e: Patrese contrôle ce début de course alors que Mansell peine à se défaire des McLaren. Piquet prend la onzième place à Modena.
4e: Mansell décramponne quelque peu Berger. Senna sème des Ferrari trop instables.
5e: Patrese précède Mansell (2s.), Berger (3.7s.), Senna (5.6s.), Alesi (7.6s.), Prost (8.4s.), Martini (9s.), Capelli (9.7s.), Schumacher (10.6s.) et Gugelmin (12s.).
7e: Berger parvient à suivre le rythme imprimé par Mansell. En revanche, Senna ne peut pas rivaliser avec son équipier.
8e: Mansell améliore régulièrement le record du tour mais ne grappille que quelques centièmes sur Patrese.
10e: Patrese mène devant Mansell (1.7s.), Berger (4.5s.), Senna (8.5s.), Alesi (14s.), Prost (16s.), Martini (19s.), Capelli (20s.), Schumacher (21s.), Gugelmin (23s.), Piquet (24s.) et de Cesaris (26s.).
12e: Patrese et Mansell se battent à coups de records. L'intervalle fluctue entre une seconde et demie et deux secondes.
13e: Le triangle de suspension arrière-droit de Blundell se casse net au premier freinage. Le jeune Anglais s'enlise dans le bac à graviers et renonce. Les pièces deviennent fragiles chez Brabham...
14e: Mansell se rapproche de Patrese. Berger est semé. Lehto abandonne à cause de son sélecteur de vitesses qui s'est déréglé.
15e: Mansell tourne en 1'19''321''' et met la pression sur son coéquipier.
17e: Mansell est dans la roue de Patrese. Pirro fait remplacer ses pneus.
18e: Patrese joue la course d'équipe et s'efface devant Mansell devant les stands. Même chez Williams, le championnat prime sur le sport...
19e: Mansell mène devant Patrese (1s.), Berger (8.7s.), Senna (11.2s.), Alesi (22.7s.), Prost (23.6s.), Martini (26s.) et Capelli (27s.). Pirro se range avec un moteur coupé.
21e: L'écart entre les Williams se chiffre à une seconde et demie. Les McLaren de Berger et de Senna se suivent de près.
23e: Senna se rapproche dangereusement de Berger dont les pneus commencent à faiblir.
24e: Mansell possède une seconde et sept dixièmes de marge sur Patrese qui couvre sa fuite.
25e: Les leaders sont dans le trafic. Senna prend la roue de Berger. Arrêts pneus pour de Cesaris et Brundle.
26e: Piquet et Comas remplacent leurs gommes.
27e: Trois secondes entre Mansell et Patrese. Berger entre aux stands pour prendre de nouveaux pneus (7.3s.) et retrouve le circuit derrière les Ferrari. Modena fait changer ses Pirelli qui tiennent mal la route.
28e: Schumacher s'arrête chez Benetton pour remplacer ses Pirelli (6.8s.). Il fait une mauvaise affaire car il repart derrière Piquet et de Cesaris. Senna entre aux stands en fin de parcours.
29e: Patrese comble son retard sur Mansell. Senna chausse de nouveaux Goodyear en seulement cinq secondes et sort devant Berger. Changements de pneus également pour Capelli, Boutsen et Alboreto.
30e: Prost fait halte chez Ferrari pour chausser des pneus frais (6.2s.). Il redémarre entre les Minardi de Martini et de Morbidelli. Moreno le suit dans les stands. En fin de parcours, Mansell rentre aux stands et cède le commandement à Patrese.
31e: Les mécaniciens de Williams chaussent des pneus neufs à Mansell. Le préposé à la roue arrière-droite n'a pas fini de fixer l'écrou qu'un de ses collègues lève le bras à l'attention de Peter Windsor, qui tient le panneau « stop » devant le pilote. Mansell est ainsi libéré au bout de sept secondes et... s'immobilise au bout de vingt mètres ! Sa roue se détache et sème la panique dans le stand Tyrrell, qui attend Nakajima. Les mécaniciens de Williams se précipitent pour remettre la roue manquante, mais Mansell s'est garé le long du mur soit, selon le règlement, en dehors de la pit-lane... Martini chausse des pneus frais et ressort devant Capelli, en sixième position. Gugelmin, Nakajima et Suzuki passent aussi par les stands.
32e: Mansell reprend la piste avec un tour de retard, en dix-septième position. Alesi pénètre dans la voie des stands. Il tarde à décélérer et... manque son emplacement. Il parvient tout de même à se garer « en vrac » et ses mécaniciens lui mettent quatre roues neuves en dix-sept secondes. L'Avignonnais se retrouve derrière Prost.
33e: Changement de pneus pour Patrese (8.6s.). L'Italien reste leader mais rejoint la piste juste au niveau de Mansell qui ne se prive pas de passer en force devant son équipier et de reprendre ainsi son tour de retard. Morbidelli passe aussi par les stands et chute du sixième au treizième rang.
34e: Patrese mène devant Senna (8.7s.), Berger (10s.), Prost (21s.), Alesi (37s.), Martini (41s.), Capelli (42s.), Piquet (46s.), de Cesaris (47s.) et Schumacher (56s.). Mansell a doublé Comas et Brundle. Arrêt pneus pour Häkkinen.
35e: Berger dépasse Senna sur la ligne de chronométrage. Mansell efface Moreno et pointe au quatorzième rang.
36e: Mansell exécute une superbe remontée et réalise le meilleur tour de la course (1'18''179''').
37e: Berger laisse Senna le redoubler. Son moteur a perdu un cylindre et agonise...
38e: Treize secondes séparent Patrese et Senna. Berger rejoint son garage pour renoncer. Prost récupère la troisième place.
39e: Mansell avale Morbidelli et Modena. Le voici onzième, avec Gugelmin en ligne de mire.
40e: Prost se gare dans l'herbe avec un moteur serré, probablement à cause d'un piston défaillant. Mansell prend l'ascendant sur Gugelmin.
41e: Patrese précède Senna (13.7s.), Alesi (45.6s.), Martini (48.1s.), Capelli (49.8s.), Piquet (52.5s.), de Cesaris (55s.), Schumacher (59s.) et Mansell (1m. 13s.).
42e: La tenue de route de la Ferrari d'Alesi se dégrade. Le Français est menacé par Martini et Capelli. Piquet change une seconde fois ses pneus (6.9s.) et tombe au neuvième rang. Abandon de Suzuki, transmission cassée.
44e: Senna reprend quelques secondes à Patrese qui bute sur des attardés. Mansell est aux trousses de Schumacher. Un peu plus loin, Gugelmin défend sa dixième place contre les assauts de Morbidelli.
46e: Schumacher chausse lui aussi un troisième train de Pirelli (6s.) et reprend la course derrière son équipier Piquet. Mansell est septième.
47e: Patrese roule douze secondes devant Senna. De Cesaris s'arrête chez Jordan pour changer de pneus mais perd vingt-huit secondes, la faute à un écrou grippé. Il repart treizième. Mansell est de retour dans les points !
48e: Patrese mène devant Senna (13.7s.), Alesi (54.4s.), Martini (55s.), Capelli (55.4s.), Mansell (1m. 11s.), Piquet (-1t.), Schumacher (-1t.), Gugelmin (-1t.) et Morbidelli (-1t.).
50e: La direction de course brandit le drapeau noir à Mansell, disqualifié pour avoir changé de pneus « dans la voie rapide des stands ».
51e: Mansell obéit aux officiels et rejoint son garage. C'est le tournant du championnat. Second changement de pneus pour Modena.
52e: Patrese mène devant Senna (16.6s.), Alesi (57.6s.), Martini (1m.), Capelli (1m. 03s.), Piquet (-1t.), Schumacher (-1t.), Gugelmin (-1t.), Morbidelli (-1t.) et Moreno (-1t.).
53e: Alesi parvient à se défaire de la menace Martini - Capelli. Second arrêt pour Boutsen qui déplore une mauvaise adhérence.
55e: Capelli lâche prise derrière Martini car sa Leyton House vibre de façon inquiétante. De Cesaris déborde Moreno.
56e: Patrese jouit d'une quinzaine de secondes d'avance sur Senna. Alboreto fait halte aux stands pour purger ses freins.
58e: De Cesaris remonte dans la hiérarchie et s'empare de la neuvième place aux dépens de Morbidelli. Modena renonce suite à la rupture de son moteur.
60e: Patrese est leader devant Senna (19.7s.), Alesi (58s.), Martini (1m. 02s.), Capelli (1m. 10s.), Piquet (-1t.) et Schumacher (-1t.).
62e: Alesi repousse Martini à six secondes et sécurise sa troisième place, malgré une Ferrari très nerveuse.
63e: Patrese arrive sur Capelli pour lui prendre un tour. Il emmène avec lui Piquet qui guigne la cinquième place du Milanais.
64e: L'aileron avant de Capelli se brise dans la première courbe. L'Italien tente de maîtriser son embardée mais frotte le rail avec sa suspension. Puis il perd sa calandre et fait un passage par les graviers. Il parvient néanmoins à regagner son stand.
65e: Capelli fait réparer son train avant et reprend la piste. Troisième arrêt pour Boutsen.
66e: L'intervalle entre Patrese et Senna s'élève à vingt-et-une secondes. Capelli met pied à terre car sa voiture est trop abîmée.
67e: Piquet est dans le sillage d'un Patrese très prudent et aimerait se dédoubler pour aller chercher Martini. Du reste, Schumacher recolle à son équipier.
68e: Patrese laisse filer Piquet, mais celui-ci est bientôt ralenti par les attardés Comas et Nakajima.
70e: Patrese conduit à sa main et ouvre la voie à Schumacher. Senna évolue à vingt secondes de l'Italien, Alesi à plus d'une minute. De Cesaris attaque Gugelmin pour le gain de la septième position.
71ème et dernier tour: Riccardo Patrese remporte son cinquième Grand Prix. Senna termine second et arrache six précieux points. Alesi décroche une méritante troisième place. Martini finit quatrième et apporte trois points à Minardi. Trois unités également pour Benetton grâce à Piquet, cinquième, et Schumacher, sixième. Gugelmin termine septième, un souffle devant de Cesaris. Morbidelli, Moreno, Comas, Brundle, Nakajima, Häkkinen, Alboreto et Boutsen coupent aussi la ligne d'arrivée.
Après la course
Malgré ce succès de Patrese, l'écurie Williams est abattue par l'énorme erreur commise dans les stands. Nigel Mansell a probablement abandonné là ses derniers espoirs de titre mondial. « Le stand n'a pas fait son devoir », énonce sévèrement Frank Williams. Peter Windsor, qui a libéré trop tôt le pilote anglais, plaide coupable. Certes, Mansell n'accable pas son ami, ni le préposé à la roue arrière-droite. Mais, avec vingt-quatre points de retard au championnat sur Ayrton Senna, sa situation devient désespérée. Riccardo Patrese tente de dédramatiser la situation et révèle en conférence de presse que le célèbre mage italien Giucas Casella lui avait prédit sa victoire au Portugal. « Bien sûr, je la dois aussi beaucoup au châssis, aux pneus et à l'écurie », ajoute-t-il avec ironie.
Pour la seconde fois consécutive, nous avons observé un Senna conservateur. Dès qu'il a appris la disqualification de Mansell, le Paulista a levé le pied pour s'assurer la seconde place et les six points qui vont avec. Magic a décidément évolué: il y a quelques années encore, pareille stratégie était inenvisageable pour cet affamé de victoires. Néanmoins, il reproche à Mansell son départ pour le moins baroque: « Si je n'avais pas été raisonnable, il y aurait eu accrochage au premier virage. J'ai freiné très dur pour l'éviter. Cette fois tout a bien marché, mais la prochaine fois, il y aura un crash, c'est certain... » Ces propos parviennent aux oreilles de Mansell qui sort de sa torpeur pour répliquer qu'il n'a fait que réagir à un guet-apens tendu par Gerhard Berger !
Senna a d'autres soucis en tête. Il converse avec Berger et Ron Dennis et déplore une fois encore la supériorité des Williams-Renault. « J'avais pourtant une très bonne voiture !... » soupire Berger à voix haute. « Certainement plus rapide que la mienne ! » le coupe Senna, qui s'enfuit ensuite en compagnie de Christina, sa nouvelle petite amie.
Jean Alesi est très fier de sa troisième place et montre à qui le désire la magnifique coupe en cristal qu'il a reçue en guise de récompense. Toutefois, il ne cache plus sa lassitude devant la crise que traverse son équipe: « Il serait temps qu'Alain dise s'il reste ou non. Nous ne pouvons pas travailler sereinement, ni progresser dans ces conditions. Nous avons besoin de calme. » Prost, naturellement soupe au lait et atterré par cette énième casse moteur, n'apprécie pas cette pique.
A trois manches du terme du championnat, Senna (83 points) est tout proche de son troisième titre mondial. Mansell (59 pts) doit en effet impérativement gagner les trois derniers Grands Prix pour espérer le devancer. Patrese (44 pts) est presque assuré de finir troisième. Au classement des constructeurs, McLaren-Honda (114 pts) demeure sous la menace de Williams-Renault (103 pts). Ferrari (43 pts) lutte pour la médaille de bronze contre Benetton-Ford (36 pts).
Tony