Grosse frayeur pour Senna
Dis jours avant ce Grand Prix d'Allemagne, la FOCA organise des essais privés à Hockenheim. Le vendredi 19 juillet, Ayrton Senna est en piste et aborde la première chicane lorsque son pneu arrière-gauche déchape à 320 km/h. La McLaren lui échappe, décolle sur quelques mètres, heurte la barrière de vieux pneus, puis exécute une série de tonneaux avant de s'immobiliser. Senna s'extrait seul de son épave disloquée, mais il est aussitôt transporté à la clinique universitaire de Mannheim, en compagnie de son père Milton da Silva et de son ami Maurício Gugelmin. Le Brésilien a une chance extraordinaire: les médecins ne lui décèlent aucune fracture ni lésion. Il souffre du cou et des épaules, mais exclut de déclarer forfait pour le Grand Prix. Après l'incident de jet-ski et la pirouette de la Peraltada, voilà toutefois son troisième accident sérieux en moins de deux mois. Mais il en faut plus pour l'impressionner. Il part se ressourcer sur la côte portugaise afin d'être en forme pour la compétition.
Néanmoins, Magic est tout sauf un inconscient. Il a pleinement conscience des risques encourus et s'en ouvre d'ailleurs devant quelques journalistes: « Je ne suis pas immortel. Il m'arrive d'avoir peur. Je peux mourir comme n'importe qui. La différence entre moi et quelques autres, c'est que je suis habitué à vivre avec la nécessité d'affronter beaucoup de dangers. Les risques font partie de mon métier. Si je ne les acceptais pas, je ne pourrais pas piloter en compétition. »
Prost - Ferrari: nouveaux couacs
Le 23 juillet 1991, Umberto Agnelli, vice-président du groupe Fiat, se livre à une attaque en règle contre la Scuderia Ferrari dans les colonnes du Corriere de la Serra. Le frère cadet de l'Avvocato ne mâche pas ses mots: « Le meilleur pilote, c'est Senna. Il me plairait de le voir chez nous. Ce qui manque à Ferrari, c'est un vrai leader. Jean Alesi et Alain Prost ne donnent pas le meilleur d'eux-mêmes. J'ai l'impression que Prost n'a plus son enthousiasme d'antan. Et Alesi n'est pas à son aise... »
Les deux pilotes français prennent ces remarques désobligeantes de plein fouet. Ils ignorent qu'en fait Umberto Agnelli, en les éreintant, a surtout déniché un prétexte pour déstabiliser son frère. Les luttes de pouvoir sont impitoyables au sein du groupe Fiat. Mais Prost s'emporte et accuse à nouveau la presse italienne de lui nuire. Vendredi 26 juillet, lors d'une conférence qu'il tient en présence de Piero Fusaro, il donne libre cours à son aigreur: « Ou bien on en revient à des conditions de travail normales, ou bien je quitte Ferrari ! Oui, j'ai un contrat pour 92, mais si je ne me plais plus ici, je suis prêt à m'en aller. Je ne vais quand même pas gâcher ma vie ! Un pilote a droit à un certain respect. Je ne me plains pas de mon environnement immédiat, des gens avec lesquels je travaille à l'usine ou en essais. Je suis au mieux avec M. Lombardi, un excellent ingénieur. Avec lui, j'aurais été champion du monde en 1990. Au lieu de cela, nous continuons à payer les erreurs de Cesare Fiorio... »
Ce réquisitoire est celui d'un homme accablé. Prost ne supporte plus l'ambiance de complot permanent inhérent à la Scuderia et surtout se braque lorsqu'on agite devant lui l'épouvantail Senna. Il se retrouve esseulé dans son amertume. Claudio Lombardi l'apprécie, mais n'est pas un homme de pouvoir. Piero Fusaro et Piero Lardi-Ferrari se taisent. Prost s'en remet à Gianni Agnelli qui lui téléphone pour l'assurer de son plein soutien. Quant à Jean Alesi, il fait le gros dos et espère que son avenir chez les Rouges n'est pas compromis.
Présentation de l'épreuve
Jeudi 25 juillet, Satoru Nakajima annonce à la presse son retrait de la compétition automobile à la fin de la saison. A 38 ans, le Japonais, qui n'a jamais voulu s'établir en Europe, est las d'accumuler les kilomètres en avion et souhaite consacrer plus de temps à sa famille. Nakajima restera comme le premier pilote de l'archipel nippon à avoir fait carrière dans en F1. Personnage très affable et bon metteur au point, il ne s'est toutefois jamais adapté à certains circuits européens, d'où des performances très irrégulières. Pour le remplacer, Ken et Bob Tyrrell songent à Allan McNish, l'essayeur de McLaren, ou au jeune Allemand Michael Schumacher que pourrait parrainer Braun, leur sponsor.
C'est le cœur lourd que Nigel Mansell aborde ce Grand Prix d'Allemagne. Le 21 juillet, son poulain et ami Paul Warwick s'est tué lors d'une épreuve de Formule 3000 à Oulton Park. Il est d'autant plus bouleversé qu'il avait rencontré le jeune homme huit jours plus tôt à Silverstone et qu'ils avaient ensemble évoqué son possible avenir en Formule 1. Très pudique, Mansell ne s'épanche pas sur cette disparition et se recueille avec Rosanne et les siens. Frank Williams recommande d'ailleurs à ses employés de ne pas lui parler de ce drame.
Johnny Herbert retourne au Japon courir en Formule 3000, afin de remplir sa bourse et retrouver son volant chez Lotus. Il compte par ailleurs réinvestir les gains acquis en juin lors de sa victoire au Mans. Pour le supplanter, Peter Collins recrute l'Allemand Michael Bartels, nanti de quelques marks. Ce jeune homme n'a pour tout palmarès que quelques succès en Formule 3 allemande et vivote depuis un an en F3000. Il est surtout connu pour sa liaison avec la championne de tennis Steffi Graf.
La tension n'est pas retombée entre Jackie Oliver et Alex Caffi. Certes, l'Italien retrouve le volant de sa Footwork, mais comme il a osé réclamer à son patron les primes des quatre épreuves qu'il a manquées, il n'est pas autorisé à effectuer des essais de remise en forme !
Les problèmes de trésorerie de Larrousse semblent résolus: après le partenariat avec Venturi, l'équipe française annonce un accord avec le groupe japonais Doï qui contrôle des marinas, des parcs d'attraction etc., et finance déjà l'écurie Modena sous le nom de Central Park. Pendant ce temps-là, Carlo Patrucco, le patron du Modena Team, un temps attiré par une entente avec Larrousse, propose une fusion à Adrian Reynard qui continue de monter son programme F1 mais n'a pas de financement solide.
Grâce à l'apport financier de quelques petits sponsors, le Team Lotus acquiert l'ancienne soufflerie de Frank Williams qui en a acheté une toute neuve pour Adrian Newey. Bien sûr, elle ne fonctionne qu'à l'échelle ¼, mais cela est mieux que rien. Le technicien argentin Enrique Scalabroni est chargé de concevoir la Lotus de 1992 au moyen de cet outil. Par ailleurs, Peter Collins annonce le retour au bercail de Nigel Stepney, nommé directeur des courses.
Malgré l'échec de Silverstone, Honda fournit à McLaren des moteurs « spécification 3 », les seuls capables de rivaliser avec le V10 Renault dans les grandes accélérations d'Hockenheim. Reste à savoir si cette fois les MP4/6 ne tomberont pas en panne sèche avant l'arrivée ! Shell apporte aussi de nouveaux carburants pour améliorer le rendement du moteur. En outre, Ron Dennis apprend à ses pilotes qu'aucune évolution aérodynamique majeure n'apparaîtra d'ici la fin de la saison. C'est une très mauvaise nouvelle, car la tenue de route de la McLaren demeure inférieure à celle de la Williams FW14. Pour compenser ce handicap, elle arbore à Hockenheim un aileron postérieur très cambré... qui engendre un surcroît de consommation ! Le serpent se mord la queue. Henri Durand travaille certes sur un nouveau design mais celui-ci n'apparaîtra que sur la monoplace de 1992. Du reste, il ne dispose pas des meilleurs outils de travail. La soufflerie du team est obsolète comparée à celle qu'utilise Newey chez Williams. Pour calmer l'impatience d'Ayrton Senna, Dennis annonce le lancement à Budapest d'une nouvelle boîte semi-automatique.
Mi-saison oblige, la liste des participants aux pré-qualifications évolue en fonction des résultats obtenus jusqu'ici. Jordan GP, la Scuderia Italia et le Modena Team cèdent leurs places peu enviées à Brabham, Footwork et AGS. La nouvelle équipe d'Eddie Jordan, qui a déjà glané dix points, est la plus soulagée d'échapper à cette purge. Le fantasque irlandais ne s'attendait pas à des débuts aussi resplendissants. « Je ris du bon tour que nous jouons à tout le monde ! » s'exclame-t-il. Ses deux pilotes sont tout aussi épanouis. A 32 ans, Andrea de Cesaris réalise sans doute sa meilleure saison en F1. Pour preuve: il finit régulièrement les courses ! Quant à Bertrand Gachot, il est sur un nuage: non seulement il perce enfin dans la catégorie reine, mais en plus il a triomphé au Mans en juin avec Mazda, en compagnie de Johnny Herbert et de Volker Weidler.
Essais et qualifications
Les Brabham de Brundle et Blundell sortent des pré-qualifications avec la Footwork d'Alboreto et l'AGS de Tarquini, dotée de quelques modifications aérodynamiques, en attendant la JH26, ainsi que d'une version évoluée du V8 Cosworth préparée par Heini Mader. Les éliminés sont Barbazza (sortie de route), Caffi (à court d'entraînement), Chaves (pompe à essence cassé), ainsi que le malheureux Grouillard, trahi au bout de deux tours par un V8 Cosworth Hart tout neuf.
Lors des essais libres du samedi matin, Érik Comas arrive sur la chicane de l'Ostkurve à fond de sixième lorsqu'il perd soudain la maîtrise de sa Ligier. Celle-ci s'envole, s'écrase à vive allure contre les barrières de vieux pneus et atterrit à l'envers sur le bitume. Le Drômois est rapidement secouru et bloqué dans une civière gonflable, le cou ceint d'une minerve. Il est conscient mais s'inquiète de son état de santé. Héliporté vers Mannheim, comme Senna huit jours plus tôt, il s'en tire parfaitement indemne. Il reçoit même l'autorisation de se présenter à la séance qualificative de l'après-midi. « Je m'en tire bien, admet-il, juste un bobo au coude. La cellule de survie m'a sauvé. Je n'avais jusqu'ici jamais osé écrire à Philippe Streiff. Après ce qui m'est arrivé, je vais lui rendre visite. » Comas vient en effet de vivre le premier grave accident de sa carrière et sait que le malheureux pilote grenoblois n'a pas eu sa chance deux ans plus tôt à Rio, faute d'infrastructures de sûreté adéquates.
Williams-Renault est en pole position pour la cinquième fois consécutive. La première place revient à Mansell (1'37''087''') qui aurait pu cependant faire mieux s'il n'avait pas été bouchonné par Comas samedi après-midi. Patrese commet une petite faute dans son tour le plus rapide et ne partira que quatrième. Les McLaren-Honda réduisent l'écart avec les Williams. Senna (2ème) ne concède que 187 millièmes à Mansell, Berger (3ème) 306 millièmes. Les Ferrari (Prost 5ème, Alesi 6ème) sont repoussées à deux secondes à cause de leur V12, faiblard et fragile. Les Jordan-Ford (de Cesaris 7ème, Gachot 11ème) se mettent encore en évidence. Les Benetton-Ford (Piquet 8ème, Moreno 9ème) souffrent d'un manque de développement et rendent plus de trois secondes à Mansell ! En outre, les Pirelli sont ici hors du coup.
Martini (10ème) tire un bon parti de sa Minardi-Ferrari sur ce tracé peu exigent pour les châssis. Morbidelli (19ème) se fourvoie dans ses réglages. Les Leyton House sont performantes. Capelli est douzième. Gugelmin signe vendredi le dixième chrono, mais il est déclassé car le lest standard imposé aux monoplaces dépourvues de caméra embarquée - dont la sienne - n'a pas les dimensions réglementaires ! Il se qualifie au seizième rang sur le mulet qui ne possède pas le moteur spécial apporté par Ilmor. Les Tyrrell-Honda sont instables. Nakajima (13ème), toujours à l'aise sur les pistes rapides, se qualifie devant Modena (14ème). Les Brabham de Brundle (15ème) et Blundell (21ème) exploitent bien la cavalerie Yamaha. Boutsen (17ème) se plaint d'un manque de grip sur sa Ligier. Samedi après-midi, Comas (26ème) réussit l'exploit d'améliorer son temps et se qualifie quelques heures après avoir quitté l'hôpital ! La Scuderia Italia réduit la puissance de ses Judd à cause de la fragilité de ses bielles. Pirro (18ème) et Lehto (20ème) surnagent. Les Larrousse n'ont pas participé aux essais FOCA. Suzuki (22ème) et Bernard (25ème) se qualifient malgré une série de pépins mécaniques. Häkkinen détruit sa Lotus vendredi dans le droit suivant les stands, mais se place le lendemain sur le vingt-troisième rang. Bartels manque sa qualification de quelques dixièmes. Larini hisse sa Lamborghini au 24ème rang. Van de Poele ne peut défendre ses chances le samedi à cause d'un capteur défaillant. Alboreto (problèmes de boîte) et Tarquini (moteurs cassés) restent sur le quai.
Briefing d'avant-course: accrochage Balestre - Senna
Les accidents de Senna et de Comas mettent en lumière le déficit de sécurité de ce tracé ultra-rapide. Le briefing des pilotes présidé par Jean-Marie Balestre et Roland Bruynseraede est ainsi très tendu. Ayrton Senna dénonce pêle-mêle le faible nombre de commissaires, le mauvais dessin des chicanes, et surtout l'emplacement des murailles de pneus par-dessus lesquelles lui et Comas se sont envolés. Balestre coupe court aux débats avec sa morgue habituelle (« The best decision is my decision ! »), puis annonce aux pilotes que des restructurations sont prévues pour 1992. Il les fait ensuite voter à main levée pour que les pneus soient remplacés par des cônes qui délimiteront la piste. Résolution qui avait sans doute déjà été arrêtée mais qui permet au président de la FISA de se parer du soutien des intéressés. Bruynseraede fait donc retirer certaines piles de caoutchouc jugées dangereuses.
De son côté, Balestre prévient l'AvD que, sans amélioration des infrastructures, Hockenheim perdra son Grand Prix. Toutefois Bernie Ecclestone lui montre les chiffres de la billetterie: 120 000 spectateurs, un record. Il serait bête de se passer d'une telle manne...
Le Grand Prix
La plupart des pilotes s'équipe de pneus tendres, Goodyear ou Pirelli, et prévoit de s'arrêter une fois. Alesi se singularise en prenant des Goodyear B durs afin d'effectuer une course « non-stop ». La stratégie de Prost est toute différente: enveloppes C tendres et aileron biplan très plat pour rivaliser avec les Williams en vitesse de pointe. Ce sera malaisé car les FW14, « flashées » à 338 km/h dans les lignes droites, sont souveraines. A titre de comparaison, la Ferrari atteint 332km/h, la McLaren-Honda 326 km/h. Suzuki s'élance depuis les stands avec son mulet, suite à une fuite d'eau sur sa machine de course.
Départ: Mansell part « en crabe » et coupe la trajectoire de Senna avant de s'enfuir. Le Brésilien se fait doubler par Berger. Patrese patine et se retrouve derrière les Ferrari. Dans le peloton, aux abords du premier freinage, Häkkinen harponne Blundell qui part en tête-à-queue. Larini exécute une pirouette pour éviter la Brabham. Mais si l'Anglais redémarre aussitôt, l'Italien cale et doit renoncer.
1er tour: Comas et Bernard se frottent à la première chicane. Le Martégal emprunte l'échappatoire. Mansell précède Berger, Senna, Prost, Alesi, Patrese, de Cesaris, Piquet, Moreno et Martini. Häkkinen passe par son stand pour ôter un cône coincé dans sa suspension avant.
2e: Patrese dépasse Alesi et Piquet double de Cesaris.
3e: Mansell compte deux secondes et demie d'avance sur Berger que Senna suit de près.
4e: Prost se montre dans les rétroviseurs de Senna. Patrese est dans la roue du Français.
5e: Mansell possède deux secondes d'avance sur le train Berger - Senna - Prost - Patrese. Alesi est quelque peu distancé à cause de ses gommes dures. Piquet et de Cesaris luttent pour la septième place.
6e: Mansell mène devant Berger (2.3s.), Senna (3s.), Prost (4s.), Patrese (4.6s.), Alesi (6.7s.), Piquet (10s.), de Cesaris (10.5s.), Moreno (12s.), Martini (14s.), Gachot (14.5s.) et Capelli (16s.). Nakajima fait changer ses pneus. Les Pirelli sont de nouveau inefficaces.
7e: De Cesaris fait l'intérieur à Piquet devant les stands et récupère la position perdue précédemment.
8e: Mansell s'enfuit devant Berger au rythme d'une seconde par tour. Senna a beaucoup de mal à contenir Prost et Patrese. Il coupe régulièrement la trajectoire au Français.
10e: Mansell précède Berger (6s.), Senna (8.7s.), Prost (9.1s.), Patrese (10s.), Alesi (11s.), de Cesaris (20s.), Piquet (21s.), Moreno (24s.), Martini (26s.) et Gachot (27s.). Bernard abandonne, encore trahi par son couple conique.
11e: Prost harcèle Senna en vain. Alesi recolle à Patrese. Modena fait remplacer ses Pirelli.
12e: Le moteur de Martini perd de l'huile. Le lubrifiant fuit sur ses roues arrière et l'Italien sort dans le gazon à l'Ostkurve. Il abandonne tandis que les commissaires s'apprêtent à retirer la Minardi.
13e: Mansell compte huit secondes d'avance sur un peloton compact comprenant Berger, Senna, Prost, Patrese et Alesi. Piquet prend des pneus frais et tombe au douzième rang.
14e: Berger arrive aux stands pour chausser des gommes neuves. Hélas, l'écrou de sa roue avant-droite s'avère capricieux, et il ne redémarre qu'après seize secondes d'immobilisation, entre Capelli et Boutsen.
15e: Mansell devance Senna (13s.), Prost (13.8s.), Patrese (14.5s.), Alesi (15.6s.), de Cesaris (26.4s.) et Moreno (34s.). Morbidelli gare sa Minardi à la première chicane, moteur fumant. Les deux Minardi-Ferrari sont hors-jeu.
16e: Berger se défait de Capelli. La Minardi de Morbidelli s'enflamme et les commissaires doivent intervenir avec leurs extincteurs. Moreno et Lehto remplacent leurs gommes. Suzuki abandonne suite à la rupture de son Cosworth.
17e: Senna et Prost entrent ensemble aux stands pour prendre des pneus neufs. Les arrêts durent sept secondes, et le Brésilien ressort devant le Français
18e: Dix-sept secondes entre Mansell et Patrese. Changement de pneus pour de Cesaris et Boutsen. Berger double Gachot.
19e: Mansell fait halte chez Williams et change ses pneus (8.3s.). Patrese est en tête devant Alesi. L'Italien regagne la pit-lane en fin de parcours, laissant l'Avignonnais seul aux commandes avec ses pneus durs. Gachot remplace ses pneus, puis cale au redémarrage, perdant ainsi de précieuses secondes.
20e: Alesi ne compte pas changer de pneus mais Mansell fond sur lui grâce à ses gommes fraîches. Patrese chausse des pneus neufs (6.5s.) et ressort au cinquième rang, juste derrière Senna et Prost. Les trois hommes roulent de concert. Capelli apparaît dans la voie des stands et parvient à repartir devant Gachot.
21e: Mansell reprend la première position à Alesi avant la première chicane. Prost suit Senna comme son ombre mais Patrese s'agite dans ses rétroviseurs. Nouveau changement de gommes pour Nakajima. Häkkinen rejoint son stand avec un moteur muet.
22e: Mansell s'échappe très facilement devant Alesi. Patrese fait l'extérieur à Prost dans la première grande ligne droite. Puis, il se défait de Senna à l'entrée du Stadium. Arrêt de Pirro. Gugelmin casse son moteur à cause d'un allumage défaillant.
23e: Mansell précède Alesi (4s.), Patrese (16s.), Senna (17.1s.), Prost (17.5s.), Berger (25s.), de Cesaris (41s.), Piquet (50s.), Moreno (52s.) et Capelli (54s.). Arrêt pneus pour Blundell. Comas abandonne à cause d'une chute de pression d'huile.
24e: Patrese réduit son retard sur Alesi. Senna ne parvient pas décramponner Prost.
26e: Mansell roule une seconde au tour plus vite qu'Alesi. Patrese n'est plus qu'à neuf secondes du jeune Français. Beaucoup plus loin, Moreno est sur les talons de Piquet et Capelli retient Gachot.
27e: Senna s'offre un petit matelas d'une seconde sur Prost. Le Forézien lève le pied pour réduire la température de son moteur. Modena chausse un troisième train de Pirelli. Son équipier Nakajima quitte l'épreuve après avoir cassé sa boîte.
28e: Mansell devance Alesi de dix secondes, Patrese de quinze secondes. Piquet stoppe dans la forêt, en panne de boîte de vitesses.
30e: Patrese a maintenant Alesi en ligne de mire, mais celui-ci réalise d'excellents chronos malgré sa gomme usée. Senna et Prost sont toujours séparés par cinquante mètres. Berger cravache pour les rattraper.
32e: Patrese roule en 1'43''695''' et ne concède plus que trois secondes à Alesi. Brundle prend des Pirelli neufs.
33e: Mansell est premier devant Alesi (11.4s.), Patrese (13.8s.), Senna (24s.), Prost (26.5s.), Berger (33.8s.), de Cesaris (58s.), Moreno (1m. 20s.), Capelli (1m. 23s.) et Gachot (1m. 24s.).
35e: Patrese réalise le meilleur chrono de la course (1'43''569''') et fait la jonction avec Alesi. Il tente plusieurs fois de le déborder mais le Français lui ferme toujours la porte. Gachot dépasse Capelli dont le moteur Ilmor hoquette. Modena regagne le stand Tyrrell pour faire remplacer sa batterie et perd ainsi plusieurs minutes.
36e: Patrese dépasse Alesi dans la première grande ligne droite. Prost revient dans les échappements de Senna. Gachot prend le meilleur sur Moreno dont les pneus Pirelli sont abîmés.
37e: Treize secondes séparent Mansell et Patrese. Senna zigzague devant Prost tout en donnant des petits coups de freins lorsque la Ferrari se rapproche. Capelli renonce car son moteur est affligé de coupures électriques. Lehto renonce après avoir coulé une bielle. Il était douzième.
38e: Prost prend l'aspiration derrière Senna et tente de lui faire l'extérieur à la première chicane. Le Brésilien ne lui laisse aucun espace et le Français, trop optimiste, écrase sa pédale de frein. Il tire tout droit dans la chicane, rétrograde mais est alors lâché par son embrayage. Le moteur cale. Prost sort de sa machine, très en colère contre Senna.
39e: Mansell précède Patrese (15s.), Alesi (18.6s.), Senna (32.4s.), Berger (37s.), de Cesaris (1m. 03s.), Gachot (1m. 30s.), Moreno (1m. 38s.) et Boutsen (-1t.).
41e: Mansell prend un tour à Moreno. Berger refait son retard sur Senna mais se garde de l'attaquer pour ne pas lui prendre des points.
42e: A trois tours du but, Mansell compte une quinzaine de secondes de marge sur Patrese. Alesi parvient à suivre le Padouan.
44e: Mansell est premier devant Patrese (14s.), Alesi (16.5s.), Senna (35s.), Berger (37s.), de Cesaris (1m. 10s.), Gachot (1m. 37s.) et Moreno (-1t.).
45ème et dernier tour: Comme à Silverstone, Senna se trouve à court d'essence et se gare dans l'échappatoire de la première chicane...
Nigel Mansell empoche sa troisième victoire de rang devant son équipier Patrese. Alesi finit troisième grâce à sa stratégie audacieuse. Berger termine quatrième. Cinquième et sixième, de Cesaris et Gachot inscrivent trois nouveaux points pour Jordan. Senna se classera septième. Moreno, Boutsen, Pirro, Brundle, Blundell et Modena finissent aussi le Grand Prix. Pour McLaren, le scénario du GP de Grande-Bretagne se répète absolument: Berger tombe en panne de carburant dans le tour d'honneur...
Après la course: Prost menace Senna
Le podium est des plus joyeux: à l'initiative de Jean Alesi, Nigel Mansell et Riccardo Patrese aspergent de champagne Jean-Marie Balestre, qui s'insurge en riant. Mansell commente ce nouveau triomphe avec concision: « Fantastic job, no problem ! » Les Williams-Renault ont atomisé la concurrence. « Je m'attendais pourtant à une réaction de nos adversaires ! » s'étonne Bernard Dudot avec ironie. La FW14 paraît imbattable, et Mansell ne concède plus que huit points à Senna au championnat des pilotes. Chez les constructeurs, Williams (71 pts) prend l'ascendant sur McLaren (70 pts). L'avenir semble appartenir à l'écurie de Didcot. Mansell se rêve en champion du monde...
McLaren-Honda est en pleine crise. Cette épidémie de pannes sèches peut coûter le titre à Ayrton Senna. Honda et son V12 sont éreintés. Akimasa Yasuoka affirme pourtant que le problème est électronique: la centrale de gestion enverrait des données erronées à l'ordinateur de bord. Donc Senna et Berger ne pourraient pas correctement gérer leur consommation. Mais tous deux ont bien vu leurs mécaniciens rajouter de l'essence dans les réservoirs avant le coup d'envoi ! En fait, le V12 surconsomme pour une raison encore inconnue des ingénieurs japonais. Pour résoudre le problème, Honda monte un « commando » d'une quinzaine d'ingénieurs qui ont précédemment travaillé sur le V6 turbo. A charge pour eux de sauver la saison des Rouges et Blancs...
En couvrant toute la distance de l'épreuve avec des pneus durs, Jean Alesi a récolté une belle troisième place, mais il n'est pas satisfait pour autant. Car si la Ferrari 643 est en effet plus stable que sa devancière, le V12 italien est franchement asthmatique. « Entre ce que j'ai réussi et ce que j'ai manqué, la balance n'est pas égale », soupire Jean d'Avignon. « Notre moteur ne manque pas de chevaux: il n'a pas de puissance ! Il faut absolument réagir... »
Alain Prost s'emporte violemment contre le comportement d'Ayrton Senna. Le Français, rageur, se défoule devant les micros: « Senna m'a joué de mauvais tours dans les lignes droites. Il freinait sans raison pour m'obliger à lever le pied. Et puis, avant la chicane, il ne s'est pas gêné pour faire de l'obstruction. A la prochaine occasion, je n'hésite pas: je le fous dehors ! Comme ça, je pourrais aider Mansell et Renault... » Senna lui réplique sur le même ton: « Tout le monde connaît Prost maintenant. Il se plaint de sa voiture, de ses pneus, de son équipe, de son essence, des autres pilotes, des circuits... Ce n'est jamais de sa faute ! Aujourd'hui, il a pris beaucoup de risques et s'est sorti tout seul... » Cet incident et ces propos menaçants inquiètent les observateurs: un troisième accrochage impliquant les deux champions est-il envisageable ? Prost souhaite-il réellement provoquer un accident avec Senna ? Ses partisans diraient que ce ne serait qu'un juste retour des choses après l'agression de Senna à Suzuka l'année précédente...
Cependant, Prost s'en prend également au laxisme de la FISA: « La fédération n'est pas capable de prendre les décisions. Elle met dix mille dollars d'amende à Suzuki et à Gugelmin, mais est incapable de punir des pilotes de pointe. S'il y a un règlement, il doit être pareil pour tout le monde. » Cette fois, Jean-Marie Balestre bondit. Quand Prost et Senna se critiquent à distance, c'est une gaminerie, mais qu'on l'attaque lui, le multi-président, sur ses responsabilités, cela dépasse l'entendement ! Il décide de siffler la fin de la récréation à l'occasion du prochain rendez-vous hongrois.
Tony