Alain PROST
 A.PROST
McLaren Honda
Ayrton SENNA
 A.SENNA
McLaren Honda
Thierry BOUTSEN
 T.BOUTSEN
Benetton Ford Cosworth

457o Grande Prémio

XXVI Grand Prix du Canada
Ensolarado
Montreal
domingo, 12 de junho de 1988
69 voltas x 4.390 km - 302.910 km
Affiche
F1
Coupe

Sabiam-no?

Piloto
Construtore
Motore

Williams-Renault: un pont entre la Manche

Malgré ses difficultés actuelles, le Team Lotus gardait encore fin mai un mince espoir d'obtenir le futur V10 Renault atmosphérique. Partenaire potentiel privilégié, Frank Williams devait en effet rompre avec Mobil pour pouvoir s'associer avec la firme au losange, alliée à Elf. Mais à Mexico, Dominique Savary, l'adjoint de François Guiter, a annoncé à Peter Warr qu'un accord de principe entre Williams, Renault et Elf était conclu pour 1989. La grande coalition franco-anglaise verra le jour à Didcot. Frank Williams accepte de sacrifier Mobil sur l'autel de ses ambitions. Son écurie n'a inscrit qu'un misérable point depuis le début de cette saison 88. John Judd n'est qu'un associé de transition. Après le divorce avec Honda, Williams avait besoin de retrouver au plus tôt le soutien d'un géant de l'automobile. C'est désormais chose faite.

 

Le 7 juin 1988, Renault et Williams officialisent leur partenariat pour trois saisons, jusqu'en 1991, avec une exclusivité pour 1989. Il n'est fait aucune mention d'Elf qui doit maintenant négocier l'octroi de compensations avec Mobil. Pour le géant américain, cette rupture avec Williams est un coup très dur.

 

Ce même jour, à Abrest, Guy Ligier surveille le déménagement de ses ateliers lorsqu'il reçoit un coup de téléphone de Dany Hindenoch. Celui-ci lui annonce la conclusion de l'alliance Renault-Williams. Ligier explose de colère. Il se fait le chantre d'un patriotisme sourcilleux. Selon lui, Renault trahit le sport automobile français en s'alliant avec un constructeur britannique. « Moi, je roule anglais, avec Judd, parce que je n'ai pas d'autres solutions... » soupire-t-il. Sa stupeur étonne son entourage. Comment une équipe de fond de grille comme Ligier, qui n'a inscrit qu'un seul point en un an et demi, pouvait-elle sérieusement espérer obtenir en exclusivité le moteur Renault ? Les journalistes prennent de moins en moins au sérieux le patron des « Bleus »...

 

Ferrari dans le doute, Lotus au fond du trou

Depuis quelques semaines, l'état de santé d'Enzo Ferrari, qui vient de fêter ses 90 ans, s'altère et inquiète ses proches. Le 5 juin, il a été contraint de reporter à la dernière minute une entrevue avec le pape Jean-Paul II. Le Commendatore sent que sa fin approche et cède à Fiat les parts de sa firme qu'il possédait encore. Il reste néanmoins aux commandes de son entreprise et, avec Piero Lardi-Ferrari et Marco Piccinini, prépare activement la saison 1989. Si Gerhard Berger a prolongé son contrat d'un an, Michele Alboreto ne fera très vraisemblablement plus partie de la Scuderia l'an prochain. Constamment dominé par son équipier depuis un an et demi, l'Italien de 32 ans aspire à un autre défi. On évoque son arrivée chez Benetton ou Dallara. Son remplaçant pourrait être Nigel Mansell dont Enzo Ferrari apprécie le talent et la pugnacité.

 

Pendant ce temps, Lotus paraît en perdition. La police financière britannique a en effet ouvert une enquête pour détournement de fonds contre le constructeur de Norwich, dans le cadre de la fameuse affaire DeLorean. Elle soupçonne Colin Chapman d'avoir affecté au Team Lotus de Formule 1 des capitaux confiés par John DeLorean alors qu'ils étaient destinés à Lotus Cars. Si rien ne peut évidemment être entrepris contre Chapman, disparu en 1982, Fred Bushell, le copropriétaire de l'écurie, serait mis en cause. Dans ce contexte délétère, les rumeurs vont bon train quant au futur cette équipe légendaire. Certaines affirment qu'Hazel Chapman souhaiterait tout bonnement la vendre !

 

Retour à Montréal

Après une année d'absence et une querelle interminable entre Bernie Ecclestone et les brasseries Labatt, ex-commanditaire de l'épreuve, le Grand Prix du Canada fait finalement son retour au calendrier. Ecclestone a utilisé Robert Ferland, l'ancien promoteur de l'épreuve, afin de contraindre le maire de Montréal Jean Doré à choisir son camp entre Labatt et Molson, les deux sponsors rivaux. Pour lui forcer la main, le président de la FOCA tenait sous le coude un contrat avec la ville de Toronto... Doré tranche finalement en faveur de Molson tandis qu'Ecclestone appointe un nouveau promoteur, le Californien Jack Long, naguère entrevu à Las Vegas, Dallas et Détroit. Celui-ci conclut un nouveau contrat de cinq ans avec la municipalité de Montréal.

 

Le circuit de l'Île Notre-Dame nécessitait des rénovations. D'importants travaux sont entrepris durant l'hiver 1987-88 pour un montant de 6,5 millions de dollars. Le dessin est modifié: la ligne de départ est repoussée juste avant l'épingle de l'île et un Esse est supprimé. Les Québécois ne ménagent pas leurs efforts pour améliorer les infrastructures. Une nouvelle tour de contrôle abrite la salle de presse. Les nouveaux stands en dur sont plus spacieux, l'asphalte est refait sur les portions bosselées, des zones de dégagement et des bacs à sable sont installés en bordure de piste. Las, les pilotes sont consternés lorsqu'ils inspectent le circuit. Le revêtement n'a en effet été arasé que sur... 850 mètres ! Surtout, le terrible Esse ultra-rapide du Casino qui prolonge la ligne droite des anciens stands est toujours là, alors que les pilotes avaient réclamé sa suppression.

 

De manière générale, la nouvelle portion ne respecte aucun des critères de sécurité définis par la FISA. L'entrée des stands se trouve en effet sur la trajectoire d'une chicane trop rapide que les pilotes franchissent en quatrième... avant de frôler un dangereux muret de béton... La nouvelle ligne de départ, dont la largeur est trop faible, précède une courbe prise à fond de cinquième avant un freinage très délicat. Enfin, la sortie des stands débouche à gauche de la piste, à la hauteur du rapide premier enchaînement. Les furieux quittant les stands passeront donc sous le nez des concurrents en pleine manœuvre. Cette situation est si dangereuse que, lors des essais, un feu rouge et un commissaire muni d'un drapeau blanc sont chargés de réguler la circulation au bout de la pit-lane.

 

Ces erreurs de conception suscitent des commentaires acerbes parmi les pilotes. « Vous avez vu la largeur de la piste à la hauteur de la grille ? » tempête Philippe Streiff. « Si un pilote rate sa seconde vitesse, c'est le carambolage garanti car nous ne disposons d'aucune place sur les côtés. Ils viennent de refaire exactement ce qui existait à Zeltweg... C'est insensé ! » Mais, malgré un nombre élevé de tête-à-queue, touchettes et sorties en tout genre, le GPDA n'émet aucune protestation officielle.

 

Présentation de l'épreuve

La consommation d'essence sera comme d'habitude la clef de ce Grand Prix. A priori, les moteurs atmosphériques ont en la matière un avantage sur les turbocompressés. Mais la gestion électronique de ceux-ci leur permet d'adapter leur puissance à leur gourmandise, en jouant avec la pression de suralimentation. Les V8 aspirés pompent eux leur essence avec régularité. En outre, les freins sont aussi très sollicités sur cette piste. Certaines écuries ressortent à l'occasion les gros disques en carbone SEP des saisons 1986 et 1987 afin de parer à toute défaillance.

 

Les Lotus 100T ont tourné sur le circuit de Croix-en-Ternois entre le Mexique et le Canada et ont troqué leurs prises d'air « périscope » pour des prises internes. Le V6 Ferrari dispose (encore !) de nouveaux collecteurs d'admission tandis que la soupape FISA prend une position quasi-verticale.

 

Giancarlo Minardi est las des performances désastreuses d'Adrián Campos et le remplacera à compter du Grand Prix de Détroit par son ancien protégé Pierluigi Martini. La transaction a cependant été ralentie par les cigarettiers, car si Martini est appuyé par Camel, Minardi « roule » pour Marlboro. Néanmoins un terrain d'entente a été trouvé, Minardi passant avec Martini du côté de la marque au dromadaire en 1989.

 

Essais et qualifications

Samedi après-midi, Derek Warwick se fait une grosse frayeur à l'entrée de l'ultime chicane lorsqu'il glisse sur une pelletée de terre, répandue peu auparavant par Gabriele Tarquini. L'Arrows part en toupie, décolle sur la première bordure, puis sur la seconde avant de frapper par l'arrière le muret de béton. L'impact, très violent, s'est produit à 180 km/h. Sonné et souffrant du bassin, le pilote anglais reste immobile quelques instants dans son cockpit, avant de retirer son volant. Il est conduit vers le centre médical où par bonheur aucune blessure ne lui est diagnostiquée. Warwick revient quelques heures plus tard sur le circuit, bien décidé à participer à la course du lendemain. Par chance, il roulait sur son mulet et dispose donc toujours de son A11B habituelle.

 

Les McLaren-Honda dominent sans surprise ces essais, et Senna réalise sa cinquième pole position consécutive, 182 millièmes devant Prost. Les Ferrari (Berger 3ème, Alboreto 4ème) sont en deuxième ligne à plus d'une seconde. Comme attendu, les Benetton à moteur Ford-Cosworth aspiré sont ici des outsiders de poids. Nannini (5ème) précède une nouvelle fois Boutsen (7ème) qui se plaint d'un manque de motricité. Les Lotus-Honda (Piquet 6ème, Nakajima 13ème) déplorent le manque d'efficacité de leurs châssis... et de leurs moteurs, une fois encore. Satisfait du comportement de son Arrows, Cheever se classe huitième, loin devant Warwick, seizième, victime de l'accident précité et qui s'est fourvoyé dans ses réglages. Les Williams-Judd (Mansell 9ème, Patrese 11ème) peinent toujours à cause de leur suspension réactive, décidément pas au point. Les FW12 sont tantôt sous-vireuses, tantôt survireuses... Elles encadrent l'étonnante AGS de Streiff (10ème).

 

De Cesaris s'attribue le douzième chrono avec la Rial. Les March-Judd de Capelli (14ème) et Gugelmin (18ème) déçoivent à cause de mauvais réglages. Modena arrache une très belle quinzième place avec l'Eurobrun. Son équipier Larrauri se qualifie au 24ème rang. Alliot est 17ème au volant de la seule Lola qualifiée. Dalmas sort en effet de la route vendredi et démolit son châssis. L'écurie Larrousse manquant de pièces de rechange après l'accident d'Alliot à Mexico, le Varois se contente d'un mauvais mulet pour la séance du samedi et est donc éliminé. Les pilotes Ligier (Arnoux 20ème, Johansson 25ème) mangent toujours leur pain noir. Grâce à un châssis plus rigide, Palmer (19ème) qualifie cette fois la Tyrrell, de même que Bailey (23ème) au volant du modèle « standard ». On trouve aussi en fond de grille la Minardi de Pérez-Sala (21ème), la Zakspeed de Ghinzani (22ème) et la Coloni de Tarquini (26ème). Schneider et Larini, aux prises avec de gros problèmes de moteurs, ne sont pas qualifiés, ainsi que Campos, toujours aussi décevant. Victime d'incessants problèmes de boîte de vitesses, Caffi a été éliminé dès la pré-qualification.

 

La splendide performance de Philippe Streiff et de son AGS décidément bien née ne passe pas inaperçue. L'écurie de Gonfaron se sent pousser des ailes. « Nous pensons, nous aussi, au moteur Renault atmosphérique », révèle un Streiff radieux.

 

Le Grand Prix

Alboreto réalise le meilleur chrono de l'échauffement, mais cette performance ne trompe personne car en course les Ferrari devront économiser beaucoup d'essence. « Ce sera la pire course de la saison pour nous... » prévient Gerhard Berger. Le second temps est réalisé par Boutsen au volant d'une Benetton remplie à ras bord, ce qui fait donc de lui et de son équipier Nannini les favoris potentiels de cette course. Avec 215 litres, la Benetton est à l'abri de la panne sèche redoutée par les voitures à moteurs turbo. Prost et Senna émettent ainsi de vives inquiétudes quant à la consommation de leurs McLaren.

 

Quant à Derek Warwick, il décide de prendre le départ malgré son énorme « carton » de la veille et de vives douleurs aux reins. Comme à Mexico, malgré sa pole, Senna démarrera sur le côté poussiéreux de la piste...

 

Départ: Les roues de Senna patinent, ce qui permet à Prost, placé à gauche, de franchir le premier virage en tête devant son équipier. Suivent Berger, Alboreto, Nannini et Boutsen. A l'arrière du peloton, bousculé par un concurrent, Bailey harponne la Minardi de Pérez-Sala.

 

1er tour: Boutsen double Nannini à la première chicane. Prost mène devant Senna, Berger, Alboreto, Boutsen, Nannini, Piquet, Mansell, Cheever et Streiff.

 

2e: Berger parvient à suivre le rythme des McLaren. Bailey revient à son stand pour abandonner, suspension faussée, tandis que Pérez-Sala fait réparer son train arrière privé d'aileron.

 

3e: Berger demeure dans le sillage de Senna mais sait qu'il ne pourra pas tenir ce rythme tout l'après-midi.

 

4e: Deux groupes se forment en tête: Prost, Senna et Berger d'une part, Alboreto, Boutsen et Nannini d'autre part. Plus loin, Piquet est poursuivi par Mansell.

 

5e: Prost devance Senna (0.5s.), Berger (2s.), Alboreto (4.5s.), Boutsen (5s.) et Nannini (5.6s.).

 

7e: Berger est distancé par les McLaren. Le voici à quatre secondes de Prost. Alboreto est de plus en plus menacé par les Benetton de Boutsen et de Nannini.

 

8e: Streiff prend la neuvième place à Cheever qui doit économiser beaucoup d'essence. A l'épingle du Casino, Larrauri endommage son capot contre la Ligier d'Arnoux.

 

9e: Six dixièmes séparent Prost et Senna. Larrauri revient à son garage sans museau. L'Eurobrun n'est pas réparable et l'Argentin retire gants et casque.

 

10e: Prost est premier devant Senna (0.7s.), Berger (4s.), Alboreto (7s.), Boutsen (7.5s.), Nannini (8.1s.), Piquet (18s.), Mansell (19s.), Streiff (25s.), Cheever (28s.), de Cesaris (29s.) et Patrese (30s.).

 

11e: Senna se rapproche sensiblement de Prost. Boutsen déborde Alboreto à l'épingle. Du fait de sa consommation excessive, l'Italien sait qu'il ne sert à rien de résister aux Benetton et ouvre aussitôt la voie à Nannini.

 

12e: Senna constate que sa température d'eau est en train de grimper. Il doit donc soit doubler Prost très bientôt, soit le laisser s'échapper... Les Benetton reviennent derrière Berger.

 

14e: Boutsen attaque et dépasse Berger au freinage du Casino. Nannini double la Ferrari sur ces entrefaites. Toujours à l'épingle, Patrese fait l'intérieur à Cheever mais manque son freinage et touche l'Arrows. L'Américain part en tête-à-queue et laisse passer cinq concurrents avant de reprendre la piste.

 

15e: Senna roule une demi-seconde derrière Prost. Nannini ralentit suite à la rupture d'une canalisation d'eau. Il parcourt quelques centaines de mètres avant de stopper dans le gazon. Berger récupère la quatrième place.

 

16e: Prost devance Senna (0.6s.), Boutsen (7.3s.), Berger (10s.), Alboreto (17s.), Piquet (21s.), Mansell (22s.) et Streiff (24s.).

 

18e: Senna met une forte pression sur Prost qui tient toujours bon. Beaucoup plus loin, Piquet résiste à son « ami » Mansell.

 

19e: Prost perd quelques dixièmes en doublant Pérez-Sala. A l'abord de la grande épingle, Senna prend l'aspiration derrière le Français, plonge à l'intérieur et s'empare du commandement de l'épreuve.

 

20e: Senna mène devant Prost (1.1s.), Boutsen (6s.), Berger (18s.), Alboreto (21s.), Piquet (29s.), Mansell (29.6s.), Streiff (30.3s.), de Cesaris (39s.), Capelli (50s.), Patrese (51s.) et Modena (53s.).

 

22e: Senna creuse l'écart sur Prost. Mansell harcèle toujours Piquet, sans succès. Streiff les rejoint.

 

23e: Le moteur de Berger est déréglé par des problèmes électroniques. L'Autrichien se gare dans l'herbe peu avant les anciens stands. C'est son premier abandon de la saison. Mansell double Piquet à l'épingle et se retrouve ainsi cinquième.

 

25e: Prost est gêné par Gugelmin, l'ami de Senna... En fin de tour, le Pauliste précède Prost (4s.), Boutsen (15s.), Alboreto (28s.), Mansell (38s.), Piquet (40s.), Streiff (41s.) et de Cesaris (44s.).

 

27e: Mansell se lance à la poursuite d'Alboreto qui a l'œil rivé sur son ordinateur de bord.

 

28e: Senna arrive sur le trio Cheever - Warwick - Arnoux dont il se débarrasse avec brio. Prost est moins heureux et perd du temps derrière Arnoux qui combat contre Warwick. Sur l'autre Ligier, Johansson abandonne avec un moteur fumant.

 

29e: Prost est maintenant bloqué par Warwick et Cheever. Mansell immobilise sa Williams, moteur en flammes. C'est son cinquième abandon en cinq courses. Streiff se retrouve sixième avec l'AGS.

 

30e: Senna devance Prost (5s.), Boutsen (11s.), Alboreto (32s.), Piquet (44s.), Streiff (45s.), de Cesaris (47s.), Capelli (1m. 07s.), Patrese (1m. 08s.) et Modena (1m. 09s.).

 

32e: Arnoux double Warwick, désormais menacé par Tarquini. Avant l'épingle, celui-ci attaque l'Anglais mais rate tellement son freinage qu'il harponne Arnoux. Tous deux partent en tête-à-queue mais se relancent aussitôt.

 

33e: La lutte pour la cinquième place se poursuit. Piquet contient difficilement Streiff, lui-même talonné par de Cesaris. Patrese abandonne suite à la rupture de son V8 Judd. Cheever regagne aussi son garage pour renoncer. Un ressort d'accélérateur s'est brisé sur son Arrows.

 

34e: De la fumée s'échappe de la Ferrari d'Alboreto. Un de ses radiateurs a été touché par une pierre. L'Italien abandonne. Streiff tente de faire l'extérieur à Piquet au freinage de l'épingle, mais le Brésilien conserve l'avantage.

 

35e: Senna précède Prost (4.1s.), Boutsen (15.1s.), Piquet (52.7s.), Streiff (53s.), de Cesaris (54s.) et Capelli (1m. 18s.).

 

36e: Boutsen réduit sa cadence car ses pneus arrière se dégradent et sa Benetton commence à sous-virer.

 

37e: Prost reprend quelques dixièmes à Senna sans se rapprocher sérieusement. Streiff demeure dans le sillage de Piquet.

 

38e: Après trois tours de forte pression, Streiff relâche quelque peu son effort contre Piquet. De Cesaris revient dans la roue de l'AGS. Touché deux fois depuis le départ, Arnoux met pied à terre car sa transmission suscite de très fortes vibrations.

 

40e: Senna est leader devant Prost (3s.), Boutsen (20s.), Piquet (1m.), Streiff (1m. 02s.), de Cesaris (1m. 04s.), Capelli (-1t.), Modena (-1t.), Alliot (-1t.) et Palmer (-1t.).

 

42e: Streiff est trahi par un basculeur de suspension à l'avant-gauche et effectue un tête-à-queue. Il repart, mais c'est pour regagner son garage. La désillusion est grande pour AGS qui pouvait légitimement viser la quatrième place. Capelli entre dans les points.

 

44e: Seuls les cinq premiers sont encore dans le même tour. Boutsen laisse les McLaren s'envoler. Contrairement aux turbos, les moteurs aspirés n'ont aucun moyen de réduire leur puissance, donc leur consommation. Le Belge se contente de limiter son régime moteur.

 

45e: Senna domine devant Prost (4.8s.), Boutsen (24s.), Piquet (1m. 08s.) et de Cesaris (1m. 10s.). Capelli et Modena sont en bagarre pour la sixième place.

 

46e: Prost réalise son meilleur tour de l'après-midi (1'25''045'''), mais réduit à peine son retard.

 

48e: Senna et Prost tournent tous deux en 1'25'' environ. Modena commence à connaître des problèmes de boîte et lâche prise face à Capelli. Il devient la cible d'Alliot.

 

50e: Senna précède Prost (4.3s.), Boutsen (38s.), Piquet (-1t.), de Cesaris (-1t.), Capelli (-1t.), Modena (-1t.), Alliot (-1t.), Palmer (-2t.) et Warwick (-2t.)

 

51e: Piquet concède un tour aux McLaren.

 

53e: Senna réalise le meilleur tour de la course: 1'24''973'''. L'intervalle avec Prost est toujours d'environ quatre secondes.

 

55e: Senna possède trois secondes et neuf dixièmes d'avance sur Prost. Boutsen est repoussé à quarante-cinq secondes. Piquet résiste toujours à de Cesaris qui attaque sans trop se soucier de sa jauge d'essence. Alliot est sur les talons de Modena.

 

56e: Jusqu'alors douzième, Gugelmin renonce, trahi par sa boîte de vitesses.

 

58e: Prost s'aperçoit que sa consommation est trop importante. La panne sèche le guette et il lève le pied. Il rend dorénavant six secondes à son coéquipier.

 

60e: Senna est premier devant Prost (7.1s.), Boutsen (48s.), Piquet (-1t.), de Cesaris (-1t.), Capelli (-1t.), Modena (-1t.), Alliot (-1t.), Palmer (-2t.) et Warwick (-2t.).

 

61e: Le stand McLaren ordonne à Prost de régler sa pression de suralimentation au niveau 1, soit le plus bas. La victoire est donc quasi-assurée pour Senna.

 

62e: Dix secondes séparent désormais Senna et Prost. Modena s'arrête à son stand pour faire réparer sa boîte de vitesses grippée. Il reste immobilisé trois minutes.

 

64e: Senna devance Prost (11.7s.), Boutsen (51s.), Piquet (-1t.), de Cesaris (-1t.), Capelli (-1t.), Alliot (-1t.), Palmer (-2t.) et Warwick (-2t.).

 

66e: Par prudence, Senna diminue à son tour son rythme. Ghinzani casse son moteur. Il occupait le treizième rang.

 

68e: Alliot s'arrête dans l'herbe suite à une défaillance de son boîtier électronique. Peu après, c'est au tour de de Cesaris de stopper, à court d'essence. Capelli récupère la cinquième place et Palmer grimpe dans les points.

 

69ème et dernier tour: Ayrton Senna remporte le GP du Canada. Il s'arrête quelques mètres après la ligne d'arrivée car il n'a pas assez de carburant pour effectuer un tour d'honneur. Prost assure la deuxième place et le troisième doublé de la saison pour McLaren-Honda. Boutsen finit troisième. C'est le premier podium de l'année pour un moteur atmosphérique. Piquet termine à une anonyme quatrième place. Capelli est cinquième et ouvre le compteur de March-Judd. Palmer finit au sixième rang. Le courageux Warwick échoue à la porte des points. Tarquini achève la course huitième, en roue libre, faute d'essence. Nakajima, Modena et Pérez-Sala franchissent aussi la ligne d'arrivée.

 

Après la course

Le public, comportant bon nombre de Sud-Américains, semble très heureux de la victoire d'Ayrton Senna. Le Brésilien a conquis sa victoire intelligemment, sachant attaquer au bon moment sans gaspiller trop de carburant. « S'agissant d'une course à l'essence, je devais être patient, dit-il. Les ingénieurs de Honda m'ont dit qu'ici mon ordinateur serait précis, qu'il faudrait absolument suivre ses indications. J'attendais donc la bonne occasion. Quand j'ai vu que Prost commençait à buter sur des attardés, je n'ai pas hésité. » « Je pouvais lui fermer la porte », répond Alain Prost, « mais ce n'est pas mon genre... Étant limité en consommation et un peu chaud en température d'eau, j'ai estimé qu'il était préférable de le laisser passer. D'autant que nous étions au début d'une course longue. Je pensais que tout allait se jouer à la fin, au verre d'essence près... » Ce ne fut pas le cas. Le Forézien estime avoir perdu la victoire derrière Arnoux et les Arrows. Dès lors, il a réduit sa pression de suralimentation pour éviter la panne sèche et empocher les six points de la seconde place.

 

Les McLaren-Honda ont à nouveau démontré qu'elles étaient seules au monde. Thierry Boutsen et sa Benetton-Ford n'ont jamais été menaçants. Mention spéciale à Derek Warwick qui a rallié l'arrivée malgré de fortes douleurs, séquelles de son accident de la veille. « J'avais mal au cou, je ne parvenais pas à reprendre mon souffle... Un calvaire ! » dit-il en s'épongeant le front.

 

Au classement mondial, Prost totalise désormais 39 points contre 24 pour Senna. Le double abandon des Ferrari permet à McLaren de s'échapper au championnat des constructeurs. L'équipe anglaise compte maintenant 63 points contre 27 à la Scuderia.

Tony