Présentation de l'épreuve
Pour la première fois depuis son accident de Brands-Hatch, Jacques Laffite revient sur un circuit de Formule 1. Guy Ligier vient en effet de le nommer directeur sportif de son écurie. Une fonction purement symbolique comme l'admet l'intéressé: « En fait, ils me demandent de les faire rire un peu. Et ça, je sais faire ! » Les Bleus ont en effet bien besoin de se distraire car ils travaillent sans relâche pour rattraper le temps perdu. La JS29B possède un capot-moteur abaissé et une nouvelle entrée d'air du turbo. Les triangles de suspension sont renforcés pour que ne se produisent plus les incidents d'Imola. En outre, Michel Tétu prépare une version C de sa monoplace destinée à la rendre beaucoup plus légère.
Autour de la galaxie Ferrari, le parti italien enrage toujours contre l'arrivée de John Barnard et ne rend pas les armes. Une rumeur venimeuse accuse l'ingénieur anglais d'offrir à Gerhard Berger des moteurs donnant 200 chevaux de plus que ceux de Michele Alboreto. Barnard nie farouchement, appuyé par Marco Piccinini. De son côté, Alboreto a en Belgique un entretien en tête à tête avec Frank Williams. 1988 se prépare déjà.
Bernard Dudot était présent dans le paddock à Imola, le revoici à Spa... L'ingénieur motoriste de Renault se dit « en vacances ». Pourquoi diable traine-t-il alors derrière lui quelques-uns de ses collaborateurs ? En fait, Dudot attend le feu vert de Raymond Lévy, le nouveau patron de la Régie, pour lancer la conception d'un moteur atmosphérique 3,5 litres, avec pour objectif l'horizon 1989. Et il se murmure que Guy Ligier et Gérard Larrousse se battraient pour obtenir l'exclusivité du futur bloc...
Nelson Piquet est de retour au volant, parfaitement rétabli selon ses dires. En fait, il souffre de violents maux de tête et d'insomnies, mais n'en dit rien à personne. En tout cas, son traumatisme paraît l'avoir adouci puisqu'il déclare à la presse italienne avoir le plus profond respect pour Nigel Mansell ! Le Brésilien reçoit un nouveau châssis pour remplacer celui détruit en Italie.
La plupart des écuries amènent de nouveaux ailerons afin de créer davantage de déportance. Zakspeed apporte un châssis 871 pour Danner. March a démonté la volumineuse prise d'air qui créait trop de turbulences au-dessus de la tête du pilote. Osella n'engage à nouveau qu'une seule voiture, pour Alex Caffi.
Bernie E., 57 ans, milliardaire, vend écurie vieillissante
C'est maintenant un secret de polichinelle: Bernie Ecclestone souhaite vendre l'écurie Brabham. Il a fixé son prix, 26 millions de dollars, et serait en contact avec plusieurs grandes firmes comme Nissan ou Chrysler qui vient de se marier avec Lamborghini. Le constructeur italien a engagé Mauro Forghieri et envisage de mettre en chantier un programme de Formule 1. Toutefois, ses responsables ne paraissent pas emballés par le rachat d'une équipe vieillissante et qui ne possède même pas de soufflerie.
Alors que se déroulent ces tractations, Jean Berchon, le représentant des champagnes Moët & Chandon, célèbre les dix années de Formule 1 de Riccardo Patrese en conviant toute l'écurie Brabham à un splendide dîner préparé par de grands chefs français (Jean-Pierre Vigato, Jacques Le Divellec etc.). La soirée se déroule au chalet Fourcroy qui surplombe le raidillon de l'Eau Rouge. Tard dans la nuit, très volubile, le vin aidant, Ecclestone déclare qu'il est prêt à céder Brabham à « n'importe quel prix » ! Patrese se récrie: « Et moi alors ? » « C'est toi qui vaut le plus cher ! » lui répond son patron dans un éclat de rire.
Au cours de ce même repas, Ecclestone évoque avec John Surtees et Stirling Moss ses souvenirs de la compétition des années 50. Il leur narre aussi comment à Rio il est venu à bout de la fronde des pilotes contre l'achat de leur super-licence: « J'ai dit à Yvon Léon, avant la réunion avec les pilotes: ''Tu as cinq minutes pour les faire payer, sinon j'annule la course. Après quoi, on les vire tous et on engage à la place des pilotes de Formule 3000 avec des contrats de 99 ans, en les payant beaucoup moins cher...'' » Moss rit: « Ce que vous leur avez demandé pour la super-licence correspond en ce que l'on gagnait en une saison à notre époque ! »
Les qualifications
La journée du vendredi est entrecoupée par plusieurs averses tandis que le mercure ne dépasse pas les 8°C. Un temps plus que maussade qui n'incite pas le public à remplir les tribunes. Pour ne rien arranger, la première séance d'essais est retardée d'une demi-heure car des ouvriers n'ont pas achevé l'érection des glissières de sûreté... Ces conditions perturbées permettent à Berger de se mettre en valeur en décrochant la pole position provisoire.
Mais le lendemain, tout rentre dans l'ordre et les Williams-Honda écrasent la concurrence, avant que la pluie retombe et mette fin à la séance qualificative. Mansell réalise la pole avec un chrono d'1'52''026''' et améliore de deux secondes le meilleur temps réalisé par Piquet en 1986, sans bride et avec des pneus de qualifications. Cette performance démontre que la course à la puissance n'est pas freinée par le nouveau règlement et que Honda apporte de moteurs de qualification. Piquet complète la première ligne mais concède plus d'une seconde à son équipier. Senna se classe troisième, à seulement un centième du Carioca. Les Ferrari (Berger 4ème, Alboreto 5ème) sont ici en grande forme et John Barnard affirme qu'elles peuvent viser la victoire. Du côté de McLaren, Prost (6ème) réserve ses forces pour la course, tout comme Johansson (10ème). Les Benetton (Fabi 7ème, Boutsen 9ème) franchissent remarquablement les grandes courbes mais le moteur Ford n'est pas assez puissant et son temps de réponse est trop long.
Patrese place sa Brabham-BMW au huitième rang et « colle » deux secondes à de Cesaris (13ème). Les pilotes Arrows (Cheever 11ème, Warwick 12ème) auraient pu mieux faire s'ils n'étaient pas sortis l'un et l'autre de la route. Le jeune Nannini se met une nouvelle fois en évidence en plaçant sa Minardi sur le quatorzième rang, cinq places devant Campos. Nakajima est seulement quinzième avec la seconde Lotus-Honda. Les Ligier-Megatron (Arnoux 16ème, Ghinzani 17ème) ont subi toute une série d'avaries mécaniques. Les Zakspeed (Brundle 18ème, Danner 20ème) auraient pu briller sans de constants soucis d'alimentation.
Capelli (21ème), adoptant un style très généreux, est le plus rapide de la catégorie atmosphérique. Il devance la Lola d'Alliot et les Tyrrell de Streiff et de Palmer. Fabre (25ème) concède quinze secondes (!) au poleman au volant d'une AGS au comportant imprévisible. La lanterne rouge revient à Caffi dont l'Osella n'a jamais fonctionné correctement.
Le Grand Prix
Dimanche 17 mai 1987, une bise glaciale souffle sur les Ardennes belges, chassant les lourds nuages chargés de pluie. Les tribunes sont clairsemées, comme l'année précédente. Le warm-up est dominé par les McLaren de Prost et de Johansson qui devraient être des concurrents redoutables. Danner (batterie déchargée) et Ghinzani (moteur calé) partiront depuis les stands.
Départ: Mansell conserve la première place tandis que Senna passe devant Piquet avant La Source. Suivent Berger, Alboreto et Prost. La March de Capelli refuse de démarrer.
1er tour: Arnoux et de Cesaris entrent en contact après le freinage de La Source et s'immobilisent instantanément. Un peu plus loin, en haut de la montée qui mène aux Combes, Streiff perd le contrôle de sa Tyrrell qui se fracasse contre le rail et se coupe en deux au niveau de la jonction entre la coque et le moteur. Palmer qui le suivait oblique vers la gauche et heurte la Tyrrell meurtrie. Les débris jonchent le sol, et on craint le pire pour Streiff lorsque celui-ci émerge de son épave, parfaitement indemne. Si sa voiture s'est pulvérisée, la coque en carbone l'a fort bien protégé. Alliot s'est imprudemment arrêté en pleine piste pour porter secours à son compatriote.
A la chicane de l'Arrêt de bus, Berger et Boutsen entrent en contact, et la suspension arrière-gauche du Belge se brise instantanément. Il poursuit son chemin sur trois roues, lorsque Roland Bruynseraede décide l'arrêt de la course pour permettre aux commissaires d'évacuer les carcasses des Tyrrell.
2e: Le drapeau noir est brandi aux pilotes qui s'immobilisent sur la grille de départ, excepté Campos qui s'immobilise à La Source avec un embrayage cassé.
Cette interruption fait le bonheur de de Cesaris, Arnoux, Boutsen et Berger qui vont pouvoir repartir au volant de leurs mulets, de même que Streiff, nullement impressionné par le terrible accident dont il vient de réchapper. Capelli parvient cette fois à lancer sa March. En revanche, Palmer reste à pied, de même que Campos car Nannini a déjà pris le départ sur le mulet Minardi. La course est relancée pour sa distance initiale et Bruynseraede autorise le ravitaillement en carburant.
Second départ: Senna profite d'un mauvais envol de Piquet pour se faufiler entre les Williams. Il vire en tête à La Source devant Mansell, Alboreto, Piquet, Prost, Boutsen et Berger.
1er tour: Piquet déborde Alboreto dans la montée vers l'Eau Rouge. Mansell semble pressé de se défaire de Senna. A l'entrée du gauche de Stavelot, Mansell tente une manœuvre insensée en essayant de contourner la Lotus par l'extérieur. Il n'y a pas la place pour passer mais l'Anglais ne lève pas le pied. Surpris, Senna oblique vers la droite, mais il rebondit contre la bordure et percute l'arrière-droit de la Williams. Les deux machines partent en toupie et s'empêtrent dans les graviers. Tandis que Senna quitte son bolide furax, Mansell parvient à retrouver le circuit. Entretemps, Piquet a pris la tête et devance Alboreto, Prost, Boutsen, Berger, Fabi, Patrese, Johansson, Cheever, Warwick et de Cesaris.
2e: Piquet a une seconde et demie d'avance sur Alboreto. A la chicane de l'Arrêt de bus, le moteur de Berger explose et soulève un épais nuage de fumée. Mansell roule en vingt-deuxième et dernière position avec un carénage endommagé. Nannini abandonne à cause d'un turbo cassé.
3e: Alboreto et Prost demeurent dans le sillage de Piquet. Boutsen et Fabi ne concèdent que quatre secondes au leader.
4e: Patrese dégringole dans la hiérarchie à cause d'un problème d'embrayage. De Cesaris dépasse Warwick.
5e: Prost se colle à l'arrière de la Ferrari d'Alboreto, sans trouver la place pour la dépasser. Patrese abandonne. Piquet devance Alboreto (1.9s.), Prost (2.6s.), Boutsen (5s.), Fabi (5.3s.) et Johansson (9s.).
6e: Fabi prend la quatrième place à Boutsen. De Cesaris dépasse Cheever.
7e: Aux Combes, Johansson double Boutsen qui ne bénéficie pas d'une pression de suralimentation satisfaisante.
8e: Piquet a deux secondes de marge sur Alboreto qui résiste toujours vaillamment à Prost. Warwick renonce, la rupture d'une canalisation d'eau ayant occasionné une surchauffe de son moteur. Arrêt aux stands de Caffi pour résoudre un problème électrique.
10e: Prost déborde Alboreto dans Kemmel. Un joint de transmission s'est cassé sur la Ferrari, et l'Italien se gare dans l'herbe après les Combes. Bientôt Prost hérite du commandement car Piquet revient à son stand avec un moteur qui ratatouille. Deux écrous se sont détachés d'un turbo, endommageant un senseur. La centrale électronique donne donc de fausses informations et le V6 Honda a rendu l'âme. Mansell s'arrête au même moment au stand Williams pour mettre des pneus neufs. C'est également terminé pour Danner, privé de freins.
11e: Prost est le nouveau leader et précède Fabi (3s.), Johansson (6s.), Boutsen (11s.), de Cesaris (27s.), Cheever (38s.), Arnoux (51s.), Brundle (53s.), Nakajima (54s.) et Ghinzani (58s.). Second arrêt pour Caffi.
13e: Prost a cinq secondes d'avance sur Fabi. Piquet reprend la piste avec deux tours de retard.
14e: Fabi concède sept secondes à Prost. Ralenti par une fuite d'échappement, il est menacé par Johansson.
15e: De Cesaris rattrape Boutsen. Après deux tours à faible allure, Piquet renonce pour de bon.
16e: Prost devance Fabi (9.5s.), Johansson (12s.), Boutsen (26s.), de Cesaris (28s.) et Cheever (45s.). Capelli s'arrête après La Source suite à une chute de sa pression d'huile. Il menait alors la course des moteurs atmosphériques et cède cette position à Alliot.
17e: Johansson revient dans les roues de Fabi et le déborde à Rivage. De Cesaris prend la quatrième place à Boutsen.
18e: Les deux McLaren sont désormais aux commandes du Grand Prix. Boutsen rejoint le stand Benetton avec un train arrière fumant. Mansell repasse pour la seconde fois par le stand Williams.
19e: Prost s'arrête chez McLaren pour changer ses roues et reprend la piste juste devant Johansson et Fabi. Il n'a plus qu'à rejoindre tranquillement l'arrivée. Mansell regagne pour de bon son garage, le soubassement de sa voiture étant trop endommagé.
20e: Prost précède Johansson (5s.), Fabi (7s.), de Cesaris (37s.), Cheever (1m. 12s.), Nakajima (1m. 36s.), Arnoux (1m. 38s.), Ghinzani (1m. 40s.), Alliot (-1t.) et Brundle (-1t.).
21e: Arnoux s'arrête chez Ligier pour chausser des pneus neufs. Boutsen rejoint définitivement son garage et abandonne suite à la rupture d'un roulement de roue. Le moteur de Brundle explose. Le jeune Britannique stoppe sa Zakspeed dans le gazon. Caffi s'arrête dans les graviers, en panne de moteur. Johansson entre aux stands en fin de boucle.
22e: Johansson change ses roues et cède la seconde place à Fabi. Celui-ci rejoint son stand à la fin de ce tour.
23e: Fabi repart en troisième position après avoir chaussé des gommes neuves. Cheever change aussi de pneus et redémarre sans avoir perdu sa cinquième place. L'Américain roule avec prudence car sa consommation est trop élevée.
24e: Nakajima prend la sixième place à Ghinzani qui n'a pas encore remplacé ses pneus.
25e: Prost précède Johansson (28s.), Fabi (42s.), de Cesaris (54s.), Cheever (-1t.), Nakajima (-1t.), Ghinzani (-1t.) et Arnoux (-1t.).
26e: Prost réalise le meilleur tour de la course: 1'57''153'''. Mais il s'interroge sur le rythme qu'il doit adopter car son ordinateur de bord ne marche plus...
27e: Afin de renseigner Prost sur sa consommation, le stand McLaren ordonne à Johansson de régler sa pression de turbo au même niveau que son équipier, et ensuite de transmettre les chiffres indiqués par son propre ordinateur. Ce qui est fait. Mais malheureusement, Prost tombe aussitôt en panne de radio ! Ghinzani change ses pneus.
28e: N'ayant aucune information sur la quantité d'essence restant dans son réservoir, Prost décide de se fier aux attitudes de ses mécaniciens lorsqu'il passe devant les stands. Tant qu'ils ne s'agitent pas, il peut rouler à sa main ! De Cesaris rattrape Fabi dont le moteur émet un son très rauque.
29e: De Cesaris se glisse derrière Fabi après Blanchimont et le « dépose » magistralement à la chicane de l'Arrêt de bus. Le Romain est troisième, une position qu'il n'avait pas occupée depuis fort longtemps. Qui plus est, il ne compte pas changer de pneus.
30e: Prost est premier devant Johansson (34s.), de Cesaris (59s.), Fabi (1m.), Cheever (-1t.), Nakajima (-1t.), Arnoux (-1t.), Ghinzani (-1t.), Alliot (-1t.), Fabre (-2t.) et Streiff (-2t.).
32e: Alliot menace les deux Ligier d'Arnoux et de Ghinzani, astreintes à des économies de carburant.
33e: Prost adopte un rythme de sénateur et compte trente-quatre secondes d'avance sur Johansson. De Cesaris en revanche ne ralentit pas et réalise son meilleur chrono de l'après-midi... trois secondes plus lent que celui de Prost !
35e: Fabi s'immobilise dans l'herbe, moteur fumant. Une pierre a cassé la courroie de sa pompe à huile. Alliot prend la septième place à Ghinzani et convoite la sixième position désormais détenue par Arnoux.
36e: Prost devance Johansson (36s.), De Cesaris (1m. 11s.), Cheever (-1t.), Nakajima (-1t.), Arnoux (-1t.), Alliot (-1t.) et Ghinzani (-1t.).
38e: Prost prend un second tour à Ghinzani pendant que devant lui Alliot est lancé aux trousses d'Arnoux.
39e: Alliot escalade un vibreur avant Pouhon et part en tête-à-queue juste devant Prost qui l'évite de quelques mètres seulement. Le pilote de Larrousse revient ensuite en piste derrière Ghinzani.
40e: Prost précède Johansson (33s.) et de Cesaris (1m. 25s.). Cheever est quatrième mais sous la menace de Nakajima, pourtant frappé par des soucis de boîte de vitesses.
41e: Alliot a cassé son levier de vitesses et effectue un nouveau tête-à-queue avant Pouhon. Cette fois la Lola reste perchée sur la bordure. Alliot sort de son bolide, le pousse avec l'appui des commissaires, puis remonte dans son cockpit pour terminer l'épreuve. Fabre abandonne suite à une panne d'allumage.
42ème et dernier tour: De Cesaris tombe en panne d'essence au niveau de la chicane de l'Arrêt de bus ! Le moteur BMW hoquette avant de s'éteindre au début de la grille. Le jeune Romain déboucle son harnais et tente de pousser sa Brabham jusqu'à la ligne d'arrivée, mais cela est inutile puisque Cheever et Nakajima ont à cet instant déjà reçu le drapeau à damiers, et ne pourront donc pas lui passer devant. Ghinzani s'immobilise aussi en panne sèche.
Alain Prost remporte son vingt-septième Grand Prix de F1 et rejoint ainsi Jackie Stewart dans les annales. Johansson termine second et complète le doublé des McLaren-TAG-Porsche. De Cesaris est classé troisième et donne à Brabham son premier podium depuis près de deux ans. Cheever conserve de justesse la quatrième place devant Nakajima. Arnoux apporte un point salvateur à Ligier. Alliot et Streiff sont les seuls autres pilotes à rallier l'arrivée. La Lola de Larrousse & Calmels remporte la course des « atmos » dès sa seconde participation.
Pour Ron Dennis, le triomphe est complet. Ses deux pilotes Prost (18 pts) et Johansson (13 pts) occupent les deux premières places du championnat des pilotes. Chez les constructeurs, McLaren compte quinze points d'avance sur Williams-Honda.
Prost égale Stewart
Ce succès permet à Alain Prost d'entrer dans la légende de la Formule 1. Il est chaleureusement félicité par Jackie Stewart, présent à Spa en tant que commentateur pour la chaîne américaine ABC. « Alain réalise un grand exploit, déclare l'Écossais. Je suis fier de partager mon record avec lui. » Malgré l'ovation qui s'élève des tribunes, Prost garde la tête froide et fait mine de ne pas attacher trop d'importance à cet exploit. « Ce n'est jamais qu'une victoire qui s'ajoute à mes vingt-six autres » lance-t-il en retirant sa combinaison. Il se préoccupe surtout du classement mondial dont il reprend le commandement et, là encore, affiche un enthousiasme mesuré: « Le championnat 87 ne possède pas encore sa vraie physionomie. Attendons pour juger. » Il est conscient que cette victoire doit beaucoup aux retraits prématurés de Senna, Mansell et Piquet, ses trois rivaux les plus sérieux.
Quatre jours plus tard, le 21 mai 1987, Alain Prost découvre la nouvelle usine de McLaren International Ltd. sise à Woking, au nord de Guildford, dans le Surrey. C'est désormais dans ces ateliers ultra-modernes que seront conçues les futures Marlboro-McLaren. Outre Prost et Johansson, Ron Dennis a convié d'autres grands noms de l'histoire de son écurie: James Hunt, John Watson et Keke Rosberg sont notamment présents. Prost évoque l'avenir avec Mansour Ojjeh. Pour l'heure, Porsche ne garantit pas sa présence en Formule 1 au-delà de cette saison 87. Le champion français s'en inquiète. Il tient à toujours disposer du meilleur matériel possible. Le lendemain, il assiste à une autre inauguration, en France cette fois, à Jouy-en-Josas, celle d'une grande exposition retraçant l'histoire de Ferrari. Il discute ouvertement avec Marco Piccinini et Piero Lardi-Ferrari. « C'est le rêve de tout pilote de conduire une Ferrari » glisse-t-il malicieusement. Il n'en faut pas plus à la Gazzeta dello Sport pour annoncer le lendemain son transfert chez Ferrari en 1988...
Le « court-circuit » de Mansell
De retour à son stand, Nigel Mansell tente de convaincre son équipe qu'il n'est pas responsable de la collision avec Ayrton Senna et jette la faute sur ce dernier. « Je ne sais pas s'il a manqué une vitesse, ou si son moteur a hésité, mais j'ai vu une flamme sortir des échappements de la Lotus, raconte-t-il. Je me suis aussitôt déporté sur la gauche, c'était logique, et je l'ai dépassé si facilement que j'étais sûr qu'il avait des ennuis. Normalement, je n'aurais jamais essayé de passer à cet endroit, mais la ligne pour le virage suivant était désormais à moi. Tout ce que je sais, c'est qu'à alors je me suis senti poussé hors de la piste. Pourtant il n'y avait aucun doute : j'avais pris l'avantage. »
Un plaidoyer qui ne convainc personne. Mansell ne veut pas admettre qu'il a forcé le passage à endroit impossible. Frank Williams lui conseille de se rendre chez Lotus pour présenter ses excuses à Senna. Mansell obéit, mais lorsqu'il pénètre dans le garage Lotus, il perd ses nerfs, empoigne Senna par le collet et lui assène un coup de poing. Des mécaniciens ceinturent l'impétueux moustachu, ainsi que le Brésilien qui paraît prêt en découdre. Voilà un spectacle bien affligeant... Mansell rejoint tout penaud son garage, sous les regards désapprobateurs de ses mécaniciens. Il s'enfuit aussitôt pour l'Île de Man et débranche son téléphone pendant quarante-huit heures.
Cette attitude irresponsable crée un tombereau de commentaires acerbes, surtout dans la presse britannique. Senna ne fait rien pour clore la polémique. « Je n'en ai pas cru mes yeux, affirme le Pauliste... Faire l'extérieur dans un endroit pareil, ce n'était pas possible... Nigel est stupide. » Le mot est lâché. Mansell, personnage sanguin, entier, prompt aux « coups de folie », avait déjà une réputation de balourdise. Une certaine presse britannique qui, au fond, ne l'aime pas vraiment, exploite cet incident pour le dépeindre sous les traits d'un sinistre crétin. Cette campagne injuste est dénoncée par James Hunt, qui tient des propos plus fins sur son compatriote: « Nigel est un pilote courageux. Mais il a tort de croire que le monde entier conspire contre lui et s'acharne à sa perte. Il a le potentiel d'un champion du monde mais, en certaines occasions, il perd la tête et ne résiste pas à la tension qui l'entoure. »
Frank Williams en a vu d'autres. Par le passé, il a su gérer les emportements d'un Jones ou d'un Rosberg. Il sait que ce type de pilotes est capable du meilleur comme du pire, et n'accable pas Mansell. En revanche, à Tokyo, les responsables de Honda, très soucieux de l'image de leur firme, découvrent avec consternation cet incident éliminant deux de leurs bolides. Selon eux, Mansell a été victime d'un « court-circuit psychologique ». Le vénérable Monsieur Honda n'apprécie pas du tout une telle contre-publicité, et le fait savoir à MM. Williams et Head...
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Trophée Jim Clark |
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Trophée Colin Chapman |
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1. |
P. Streiff |
21 pts |
1. |
Tyrrell-Ford-Cosworth |
30 pts |
2. |
P. Alliot |
15 pts |
2. |
Lola-Ford-Cosworth |
15 pts |
3. |
P. Fabre |
12 pts |
3. |
AGS-Ford-Cosworth |
12 pts |
4. |
J. Palmer |
9 pts |
Tony