Le fantôme de Gilles Villeneuve
A Imola se déroule le premier des deux Grands Prix italiens inscrits au championnat du monde. Ce Grand Prix de Saint-Marin attise la ferveur des tifosi puisqu'un an auparavant le grand Gilles Villeneuve disputait ici sa dernière course en livrant un combat fratricide à son équipier et ami Didier Pironi. Les Italiens n'ont pas oublié « Il grande Villeneuve » et multiplient les hommages sous forme de calicots, d'inscriptions, d'objets souvenirs... Ils soutiennent tout particulièrement Patrick Tambay qui a récupéré le numéro 27 du légendaire Québécois dont il était très proche. Tambay, mais aussi Arnoux, aimeraient l'emporter ici pour saluer sa mémoire.
Gérard Ducarouge quitte Alfa Romeo
Après l'affaire de l'extincteur vide découvert sur la voiture d'Andrea de Cesaris au GP de France, les jours de Gérard Ducarouge chez Alfa Romeo étaient comptés. L'ingénieur français s'est vu signifier dix jours plus tard « la fin de son détachement chez Euroracing », en clair son limogeage. Carlo Chiti a enfin obtenu sa tête, avec le concours de Giampaolo Pavanello, le directeur d'Euroracing qui ne supportait guère cette tutelle. Ducarouge est présent à Imola, amer mais pas vindicatif. Il prétend qu'il n'était plus écouté par Autodelta et Euroracing, et que jamais Alfa Romeo ne lui a donné le budget, les structures et les hommes pour bâtir une grande équipe.
Que va-t-il faire désormais ? On le voit discuter avec Guy Ligier qui, malgré leur rupture de l'été 1981, aimerait certainement collaborer de nouveau avec lui. Surtout, Ducarouge dîne un soir au Novotel de Bologne avec Peter Warr, Tony Rudd et Gérard Crombac, le très anglophile rédacteur en chef de Sport Auto. Déjà peu avant sa mort Colin Chapman lui avait proposé de travailler chez Lotus. Le contact est rétabli...
Présentation de l'épreuve
Le 24 avril, Rolf Stommelen s'est tué à l'âge de 39 ans lors d'une manche du championnat IMSA GT à Riverside. Cet excellent coureur à lunettes brilla surtout en voitures de sport, remportant toutes les épreuves d'endurance imaginables, à l'exception des 24 heures du Mans. Sa carrière était intimement liée à Porsche dont il était le pilote officiel depuis 1967. En Formule 1, Stommelen fut en revanche toujours en retrait. Hormis son passage chez Brabham en 1970, il ne conduisit que pour des écuries de fond de grille. Son acmé fut le tragique Grand Prix d'Espagne à Montjuïc en 1975 : alors qu'il menait la course au volant de sa modeste Embassy-Hill, il perdit son aileron arrière et s'envola pour retomber dans le public, tuant cinq personnes et se blessant grièvement. Ironie du destin : la sortie de piste qui lui a été fatale à Riverside a également été provoquée par la perte d'un aileron...
Autre triste nouvelle : Jean-Luc Lagardère a annoncé la dissolution du département compétition de Matra. C'est la fin d'une belle aventure de près de vingt ans qui aura porté très haut les couleurs du sport automobile français, en Endurance comme en Formule 1. L'ingénieur motoriste Georges Martin est détaché chez Solex, tandis que Jean-François Robin rejoint lui Renault Sport.
Cosworth apporte quatre nouveaux exemplaires de son DFY pour Lotus, McLaren et Williams (qui ne l'utilise pas). Tyrrell achète de son côté des DFV « S », un produit intérimaire qui donnerait environ 515 chevaux. Theodore et Ligier bénéficient aussi de ce V8 qui selon Michele Alboreto est plus performant que le DFY. Niki Lauda pense en effet que le nouveau bloc atmosphérique manque de souplesse et se demande où sont les chevaux annoncés par Cosworth. Seuls Mansell, Lauda et Watson utiliseront le DFY à Imola.
Chez Euroracing, Ducarouge a déjà un remplaçant. Il s'agit de Luigi Marmiroli, un aérodynamicien qui a travaillé chez Ferrari et cofondé le studio Fly avec Giacomo Carliri. Sur les Brabham, les moteurs BMW utilisent un nouveau type de turbocompresseur. Les Ferrari disposent de la nouvelle suspension arrière à tirant testée lors de la Course des champions. La tenue de route des 126 C2B s'en trouve bien améliorée. Toleman inaugure aussi une suspension arrière neuve, possédant un plus grand débattement. ATS apporte la deuxième version de sa D6 dont la coque est tout en carbone, d'où un gain de poids de quinze kilos.
Osella lance la FA1E à moteur V12 Alfa Romeo. Tout l'arrière de la cette voiture est issue de l'Alfa 182 de la saison précédente. Les radiateurs sont inclinés « façon Brabham », ce qui donne à cette voiture une forme de flèche. Une lourde flèche... elle affiche 600 kg sur la balance ! Mais ce n'est qu'un prototype que doit encore réviser Tony Southgate. Seul Piercarlo Ghinzani le pilote à Imola.
RAM-March n'engage qu'une seule voiture pour Eliseo Salazar. Jean-Louis Schlesser est absent car il juge inutile de mettre de l'argent dans une écurie qui ne participe à aucun essai de développement...
Côté pneus, Pirelli a augmenté le diamètre des ses jantes avant et arrière, pour des progrès semble-t-il significatifs. Goodyear envisage de lancer prochainement en Grand Prix ses propres pneus à carcasse radiale, un projet qui remonte à... 1978 et jamais concrétisé.
Les qualifications
Grâce à des pneus de qualification de plus en plus performants, mais qui se dégradent aussi très facilement, les essais qualificatifs prennent l'apparence d'une suite de « mini-relais » d'une forte intensité. Une erreur de pilotage, et c'est le bénéfice d'un train de gommes neuves qui s'envole.
La bataille oppose ici Renault, Ferrari et Brabham-BMW. Pour le grand bonheur des Italiens, Arnoux réalise sa première pole position pour le compte de Ferrari. Il parvient à précéder Piquet de sept dixièmes. Troisième, Tambay manque la première ligne pour seulement trois millièmes ! Prost est quatrième devant l'autre Brabham de Patrese et son équipier Cheever. Avec son ATS allégée, Winkelhock (7ème) est celui qui s'approche le plus des chronos des « trois grands ». Victimes de défaillances du turbo Alfa Romeo, de Cesaris et Baldi se contentent respectivement des huitième et dixième places. Pas de sourire non plus chez Lotus. De Angelis (9ème) se plaint toujours du manque de motricité de sa 93T. Mansell (15ème) n'est pas satisfait de la 92 malgré l'installation d'un aileron quadri-plan. Les Williams de Rosberg (onzième) et de Laffite (seizième) font de la figuration. Surer obtient en revanche une belle douzième place avec l'Arrows. Son collègue Serra n'est que vingtième. Chez Tyrrell, Alboreto (13ème) fait de son mieux tandis que Sullivan (22ème) découvre le tracé.
Les Toleman-Hart (Warwick 14ème, Giacomelli 17ème) ont été accablées de pannes. Inexplicablement, les McLaren manquent ici complètement d'efficacité. Leurs pneus ne montent pas en température. Lauda est relégué à la 18ème place, Watson à la 24ème... Les Ligier de Jarier (19ème) et de Boesel (25ème), les Theodore de Guerrero (21ème) et Cecotto (23ème) et l'Osella-Ford de Fabi (26ème) sont aussi qualifiés. Salazar avec la March et Ghinzani au volant de la nouvelle Osella-Alfa sont éliminés.
Le Grand Prix
La mode des ravitaillements se répand : après Brabham, Williams, Ferrari et Renault, Alfa Romeo et Lotus ont décidé elles-aussi de découper la course de leurs pilotes en deux relais, sauf pour Nigel Mansell. A cause d'une fuite d'essence survenue lors du warm-up, Winkelhock doit s'élancer avec son ancien modèle, plus lourd et moins performant. Toujours au cours de l'entraînement, de Cesaris effectue une effrayante cabriole et atterrit sur le toit dans un muret de pneumatiques ! Par bonheur, le jeune Italien n'est pas blessé...
Dans le camp Michelin, tout le monde part avec des pneus 05 très tendres. Chez Goodyear le panachage prédomine. Le moteur turbo de de Angelis tombe en panne dans son tour d'installation. Le jeune Italien a le temps de s'installer sur la grille dans son mulet, mais hélas celui-ci n'est pas équipé pour un ravitaillement en carburant. Il doit donc changer sa stratégie.
Tambay est saisi d'émotion en se garant à son emplacement sur la grille. Il y découvre un petit drapeau canadien, message symbolique d'un tifosi. Dans les tribunes, les spectateurs interpellent le porteur du n°27 : « Gilles, Tambay, due cuori, un numero 27 » ou encore « Patrick, vince per Gilles. » Très ému, Tambay éclate en sanglots puis, peu à peu, se reprend, abaisse sa visière et se concentre sur son objectif : gagner pour les tifosi et son ami disparu.
Départ : Arnoux prend un bon envol devant Tambay, Prost et Patrese, tandis que Piquet reste immobilisé, moteur calé ! Par bonheur, tout le monde parvient à éviter la Brabham. Piquet parvient finalement à démarrer avec l'aide des commissaires, mais se retrouve bon dernier.
1er tour : Prost tente de dépasser Tambay par la gauche avant Tosa, mais il est tassé et doublé par Patrese sur sa droite. Arnoux mène devant Tambay, Patrese, Prost, de Cesaris, Winkelhock, de Angelis, Cheever, Baldi et Rosberg. Cecotto s'arrête à son stand pour changer sa visière.
2e : Patrese menace Tambay. Baldi et Rosberg doublent de Angelis, tandis que Cheever regagne les stands avec un moteur fumant. Mansell récupère la dixième place et précède Lauda, Alboreto et Laffite.
3e : Patrese double Tambay avant Tosa et lance la chasse à Arnoux. Prost est dans les échappements de Tambay. Baldi et Rosberg doublent Winkelhock.
4e : Arnoux n'a qu'une seconde d'avance sur Patrese. De Angelis prend la huitième place à Winkelhock. Dans la courbe Gilles Villeneuve, Guerrero entre en contact avec Sullivan, part en toupie et s'écrase dans le muret, mais sans dommage corporel.
5e : Arnoux devance Patrese (0.8s.), Tambay (2.7s.), Prost (3.2s.), de Cesaris (6.5s.), Baldi (16.5s.), Rosberg (17.3s.) et de Angelis (19s.). Suivent Lauda, Alboreto et Laffite qui ont doublé Winkelhock et Mansell. Piquet est vingt-et-unième.
6e : Patrese est dans les roues d'Arnoux et le déborde par l'intérieur à Rivazza. La Brabham survire mais l'Italien tient bon et s'empare ainsi du commandement. Rosberg double Baldi. Winkelhock chute au classement à cause d'un problème d'injection.
7e : Patrese a une seconde et demie d'avance sur Arnoux tandis que Prost met la pression sur Tambay. Piquet occupe le 18ème rang.
8e : Patrese mène devant Arnoux (1.2s.), Tambay (2.4s.), Prost (2.8s.), de Cesaris (9s.) et Rosberg (20.7s.).
9e : Surer s'arrête chez Arrows pour changer un pneu crevé suite à une touchette au départ avec Alboreto. Piquet a doublé Winkelhock et Warwick et se retrouve quatorzième.
10e : Patrese, Arnoux, Tambay et Prost se tiennent en cinq secondes. Seul de Cesaris parvient à maintenir un certain contact avec eux.
11e : Mansell et Alboreto entrent en contact au cœur du peloton. L'Italien part en tête-à-queue et son moteur cale. C'est l'abandon.
12e : Lauda est surpris par un blocage de freins, sort de la piste... et atterrit juste à côté de la Tyrrell abandonnée d'Alboreto. Piquet prend la onzième place à Mansell. Winkelhock s'arrête à son stand pour faire examiner son turbo qui ne tourne que sur trois cylindres. Cecotto est encore aux stands pour faire changer ses amortisseurs et y reste vingt minutes.
13e : Patrese précède Arnoux (1.2s.), Tambay (4.3s.), Prost (5.7s.), de Cesaris (15.5s.) et Rosberg (27.6s.). Suivent Baldi, de Angelis et Laffite. Piquet prend la dixième place à Watson.
14e : Prost perd un peu le contact avec Tambay.
16e : De Angelis prend la septième place à Baldi. Piquet remonte sur Laffite, entraînant avec lui Watson et Mansell.
17e : Piquet double Laffite et se lance à la chasse de Baldi.
18e : Les écarts sont très stables en tête. Patrese a deux secondes d'avance sur Arnoux. Watson et Mansell dépassent Laffite.
20e : Patrese creuse l'écart sur ses poursuivants. Arnoux entre aux stands pour ravitailler et changer de pneus. L'opération ne dure que seize secondes et le petit Français reprend la piste derrière de Cesaris, en cinquième position.
21e : Patrese précède Tambay (5.2s.), Prost (9.6s.), de Cesaris (27.7s.), Arnoux (35s.) et Rosberg (41s.). Piquet dépasse Baldi.
22e : A la sortie d'Acque Minerale, Fabi laisse passer Patrese, mais mord sur l'herbe et part en tête-à-queue. Coincé contre le rail, il doit abandonner son Osella. Giacomelli abandonne suite à un bris de triangle de suspension à l'arrière gauche. Laffite reprend la onzième place à Mansell.
24e : Piquet prend la septième position à de Angelis.
26e : Patrese a six secondes de marge sur Tambay qui a été gêné par des retardataires. Prost concède douze secondes. Arnoux est revenu derrière de Cesaris. Laffite double Watson.
27e : Arrêt de Prost pour ravitailler et changer de pneus. Malgré un petit souci avec la roue arrière gauche, tout se passe correctement et le Français redémarre après seize secondes d'immobilisation. De Cesaris arrive aussi à son stand... mais s'arrête trop loin ! Il enclenche la marche arrière pour rejoindre son emplacement. L'opération se passe ensuite sans accroc mais le jeune Italien a perdu du temps.
28e : Prost est reparti en quatrième position. De Cesaris se retrouve sixième derrière Rosberg, en point de mire de Piquet. Cecotto sort des stands puis quitte la route à Acque Minerale à cause de ses pneus trop froids. Il doit abandonner.
29e : Patrese devance Tambay (3.9s.), Arnoux (36.2s.), Prost (46.1s.), Rosberg (54.5s.) et de Cesaris (1m. 13s.). La piste se dégrade et se couvre de gravillons. A la sortie de Rivazza, Warwick part en glissade et sa voiture atterrit sur les glissières ! L'Anglais s'en tire sans dommage mais les commissaires ne pourront pas évacuer la Toleman...
30e : Rosberg entre aux stands et ravitaille en 16.4s. Il redémarre en septième position. Piquet retrouve ainsi la zone des points. Lotus ravitaille Mansell en quatorze secondes grâce à un système par gravité.
31e : Piquet dépasse de Cesaris dans la montée après Tosa. Le voici cinquième. De Angelis fait changer ses Pirelli.
32e : Tambay arrive chez Ferrari pour son ravitaillement et son changement de pneus. Arrêté durant quinze secondes, il redémarre sans avoir perdu sa deuxième place et effectue donc une excellente opération. Baldi ravitaille aussi mais reste arrêté vingt-quatre secondes suite à un souci de fixation de sa roue avant gauche. Il repart douzième.
33e : Patrese a vingt-sept secondes de marge sur Tambay. Laffite dépasse Rosberg.
34e : Patrese arrive à son stand mais manque son emplacement d'environ 70 centimètres. Un des mécaniciens tire trop fort sur la canalisation de son pistolet à air comprimé qui finit par casser. L'arrêt dure 23s., et lorsque Patrese redémarre, Tambay est passé depuis dix secondes.
35e : Voici Tambay en tête de l'épreuve. Laffite effectue son ravitaillement (en 14s.) et se retrouve onzième. Mansell perd toute adhérence et dégringole dans le peloton. Il se fait doubler par Surer et par Boesel.
36e : Piquet arrive chez Brabham. Ses mécaniciens réalisent un arrêt-record en 11.2s. seulement ! Le Brésilien repart en sixième position entre de Cesaris et Rosberg.
37e : Tambay est leader devant Patrese (9.7s.), Arnoux (11.7s.), Prost (27.2s.), de Cesaris (55.8s.) et Piquet (1m. 12s.). Suivent Rosberg, de Angelis, Watson, Jarier, Laffite et Baldi. Changement de pneus pour Sullivan.
38e : Arnoux doit lever le pied car ses pneus se dégradent rapidement. De Angelis effectue un second changement de gommes et redémarre entre Laffite et Baldi.
39e : Patrese remonte peu à peu sur Tambay. L'écart n'est plus que de huit secondes. Sullivan dérape à Rivazza et percute de plein fouet la Toleman de Warwick, toujours fichée sur le rail ! Par bonheur, l'Américain n'a rien touché avec la tête et sort indemne.
41e : Tambay prend un tour à Rosberg. Jarier a abîmé un pneu en escaladant une bordure. Lorsqu'il arrive chez Ligier, on s'aperçoit que son radiateur est crevé et il doit renoncer.
42e : Tambay sent son moteur bafouiller à chaque passage dans Tamburello. Patrese le rejoint à quatre secondes. De son côté, Arnoux n'a rien à craindre de Prost dont le moteur a perdu 800 tours/minute. Ce n'est pas le jour de Piquet, contraint au retrait suite à une rupture de soupape.
44e : Patrese perd un peu de temps dans le trafic. De Angelis a usé trois trains de pneus et juge sa tenue de route catastrophique. Il choisit d'abandonner, ce qui déplaît à Peter Warr. Une explication houleuse oppose les deux hommes.
45e : Tambay est premier devant Patrese (6.4s.), Arnoux (16.7s.), Prost (33s.), de Cesaris (1m. 13s.), Rosberg (-1t.), Watson (-1t.), Laffite (-1t.), Baldi (-1t.), Serra (-1t.) et Surer (-1t.).
46e : De Cesaris abandonne à cause de la rupture de son rotor d'allumeur. Watson entre dans les points.
47e : Patrese réalise le meilleur chrono de l'épreuve : 1'34''437'''. Dans ce même tour, Tambay réalise lui aussi son meilleur temps, mais en 1'35''516'''. Son moteur continue de se couper à Tamburello. La remontée de Patrese apparaît désormais irrésistible.
48e : Serra effectue un tête-à-queue à la Variante Alta et laisse ainsi passer son équipier Surer.
49e : Laffite rencontre des soucis d'embrayage et de freins. Il doit ouvrir le passage à Baldi et à Surer.
50e : Il reste dix tours. Deux secondes et demie séparent encore Tambay et Patrese. Arnoux concède quinze secondes à son équipier.
52e : Tambay mène devant Patrese (0.5s.), Arnoux (35.4s.), Prost (50.5s.), Rosberg (-1t.), Watson (-1t.), Baldi (-1t.) et Surer (-1t.).
53e : Patrese est maintenant dans les roues de Tambay. Le Cannois résiste, encouragé par des tifosi qui désirent la victoire d'une Ferrari, et non pas celle d'un Italien sur une voiture anglaise !
54e : Patrese se montre dans les rétroviseurs de Tambay à Tosa.
55e : Patrese dépasse Tambay à la sortie de Tamburello. Voici l'Italien en route vers sa seconde victoire. Mais quelques instants plus tard, à la sortie d'Acque Minerale, il place ses roues quelques centimètres en dehors de la corde. La Brabham sous-vire, quitte la piste et fonce dans un mur de pneus ! La foule explose de joie ! Tambay reprend le commandement tandis que Patrese quitte son épave, dépité. Peu après survient Arnoux qui commet exactement la même erreur que Patrese, mais lui part en tête-à-queue et s'immobilise sur le bas-côté. Guidé par un commissaire italien très complaisant, Arnoux redescend vers la chicane, braque à gauche, fait demi-tour et revient en piste. Il a entretemps perdu la seconde place au profit de Prost.
56e : Tambay se dirige vers un tranquille succès. Il compte 52 secondes d'avance sur Prost qui a perdu l'usage de sa quatrième vitesse. Arnoux concède un tour à son équipier. Il devrait être disqualifié pour avoir roulé en sens inverse, mais comme nous sommes en Italie...
58e : Tambay est premier devant Prost (54s.), Arnoux (-1t.), Rosberg (-1t.), Watson (-1t.), Baldi (-1t.), Surer (-1t.) et Laffite (-1t.). Le pauvre Patrese regagne les stands à pied, hué par les tifosi, ses compatriotes...
59e : Le moteur de Baldi explose dans la descente vers Rivazza. L'Italien cède sa place dans les points à Surer.
60ème et dernière tour : L'aileron « quadri-plan » de Mansell se détache tandis qu'il négocie la Curva Villeneuve à 260 km/h. La Lotus exécute une effrayante embardée mais par bonheur ne touche rien et s'immobilise dans l'herbe, à droite de la piste. Mansell en est quitte pour une belle frayeur.
Patrick Tambay remporte sa seconde victoire en Formule 1. Prost se contente de la seconde position au volant d'une Renault bien malade. Arnoux termine troisième mais par son erreur prive Ferrari d'un doublé. Rosberg finit quatrième à plus d'un tour et précède Watson. Revenu de fin fond du peloton, Surer arrache une très belle sixième place. Laffite, Serra, Boesel et Winkelhock franchissent aussi la ligne d'arrivée. Ce succès de Tambay est aussi le premier de la saison pour Ferrari et pour Goodyear.
Patrick Tambay, vainqueur pour Gilles
Tambay salue le public italien lorsqu'il tombe en panne d'essence dans la ligne droite menant à Piratella. Des tifosi frénétiques envahissent la piste, s'emparent du héros du jour, le hissent sur leurs épaules, le pressent, le palpent, lui arrachent ses gants et des éléments de sa combinaison. Un illuminé tente même de lui dérober son casque ! «Tu l'as vengé, tu l'as vengé ! » lui crient les adorateurs de Gilles Villeneuve. Patrick est ballotté dans tous les sens et est sur le point d'étouffer lorsque des carabiniers dépêchés par les organisateurs l'arrachent des mains de ses admirateurs et l'embarquent dans un véhicule officiel, direction le podium. Dur métier que celui de pilote Ferrari, même victorieux !
Pendant ce temps-là, Riccardo Patrese arrive à pied à son stand, toujours sous les huées. « Pourquoi me sifflent-ils ? Je suis italien, comme eux... » se lamente le pauvre Padouan. Hélas, les tifosi se fichent complètement des pilotes italiens s'ils ne conduisent pas un bolide rouge !
A Hockenheim en 1982, Patrick Tambay avait gagné vingt-quatre heures après le tragique accident qui a mis un terme à la carrière de Didier Pironi. Cette fois-ci, il gagne à Imola, devant les supporteurs italiens, un an après la disparition de Gilles Villeneuve. Il est l'homme des heureuses victoires. Une marée humaine s'agglutine au pied du podium où trônent trois Français, Tambay, Prost et Arnoux. Fierté française dans cet antre du fanatisme italien : tous trois sont issus de la filière Elf. Tambay rejoint le motorhome Ferrari environné de gardes du corps et peut enfin souffler... avant de s'épancher auprès des journalistes : « C'est le plus beau jour de ma vie de pilote. Pendant toute la course, je n'ai pas cessé de penser à Gilles Villeneuve. Je lui dédie cette victoire. » Le soir-même, il reçoit un appel téléphonique de Joann Villeneuve qui lui déclare ces simples paroles : « Tu l'as vengé. » Elle aussi...
Prost rejoint Piquet au sommet du classement mondial. Tous deux comptent 15 points, soit un de plus que Tambay qui devient un prétendant pour la couronne mondiale. Viennent ensuite Watson (11 pts), Lauda (10 pts) et Arnoux (8 pts). Le champion en titre Rosberg ne totalise que cinq unités. Chez les constructeurs, Ferrari s'empare du commandement avec vingt-deux points, une longueur devant McLaren. Avec 19 points, Renault se fait menaçante.
Tony