Ferrari et la rivalité Tambay - Arnoux
Patrick Tambay est le coureur le plus entouré à Monaco. Depuis sa victoire à Imola au volant de la Ferrari n°27, il est devenu la coqueluche des supporteurs italiens, nombreux à traverser la frontière. De plus, avec 14 points contre 15 à Prost et à Piquet, il est désormais un prétendant sérieux au titre de champion du monde. Une belle opportunité pour ce pilote qui il y a un an avait tiré une croix sur la F1. Tambay s'impose pour l'heure comme le fer de lance de la Scuderia. Une situation qui déplaît forcément à son équipier René Arnoux, qui prend ses marques à Maranello et semble peu à l'aise en ce début d'année.
Tout oppose les deux hommes. Fils de bonne famille, élevé aux États-Unis, s'exprimant dans un langage policé, armé d'un physique de « jeune premier » à la française, Tambay est un cérébral, un méthodique, un grand professionnel et surtout un metteur au point précieux pour ses ingénieurs. René Arnoux est quant à lui resté le « p'tit gars » de Pontcharra, au léger accent dauphinois, timide, baragouinant l'anglais, piètre technicien, un dilettante aimant les longues soirées, mais très doué et très brave derrière un volant. Un des pilotes les plus spectaculaires de sa génération. Sa pointe de vitesse est supérieure à celle de Tambay. Mais en ce début d'année, les hommes de Mauro Forghieri ont surtout besoin d'un bon développeur, sérieux et appliqué, et Tambay correspond parfaitement à ce profil.
Les deux Français ne s'aiment pas beaucoup mais pour l'heure font cause commune. Tambay l'explique, très « corporate », à Renaud de Laborderie : « Ce que je veux, c'est vivre dans toute ma plénitude ma carrière chez Ferrari. Pour moi, piloter une Ferrari est un privilège. Je ne cherche ni ne cultive les polémiques avec quiconque, Arnoux en tête. A mes yeux l'intérêt de l'équipe est primordial. »
Affaire de Rio: Rosberg et Williams déboutés
La cour d'appel de la FIA a planché sur la réclamation déposée par Frank Williams suite à la disqualification de Keke Rosberg au Grand Prix du Brésil. On se souvient que le Finlandais était sorti de sa voiture après un début d'incendie lors de son ravitaillement, puis était reparti, poussé par ses mécaniciens. Or le règlement précise que pour redémarrer un moteur « l'utilisation d'une source de puissance extérieure n'est autorisée que dans les stands et sur la fausse grille. » Pour Williams « source de puissance extérieure » pouvait s'appliquer aux bras de ses mécaniciens. Mais pour la cour d'appel, cette force extérieure ne peut être qu'électrique, mécanique ou à air comprimé.
La disqualification de Rosberg est donc maintenue, à la grande colère de ce dernier, bien décidé à prendre une revanche en piste.
Présentation de l'épreuve
Il n'y aura pas de ravitaillement à Monte-Carlo car un arrêté ministériel remontant à 1955 limite la quantité de carburant pouvant être entreposée dans les stands. Bernie Ecclestone se plie à cette règle car il sait qu'en cas de coup de force il ne serait pas suivi par ses amis de la FOCA. Déjà à Imola, ceux-ci ont failli l'abandonner et voter l'interdiction des ravitaillements. La Formule 1 est devenue pour lui un tel « business » qu'Ecclestone ne souhaite plus s'impliquer dans des querelles politico-sportives.
Le Grand Prix de Monaco ne connaît pas la crise qui frappe les circuits urbains nord-américains. Les recettes de l'Automobile Club augmentent chaque année. Il offre la retransmission en direct de l'épreuve à l'Eurovision et à Intervision, l'organisme des pays du bloc de l'Est. 44 chaînes assurent la diffusion dans 35 pays. Michel Boeri a même signé un contrat d'exclusivité avec la chaîne américaine ABC courant jusqu'en 1987. De plus, l'affichage d'un sponsor coûte 150 000 dollars le panneau. L'ACM n'a donc aucun mal à faire son beurre et à verser les 850 000 dollars réclamés chaque année par la FOCA.
Le Grand Prix de Monaco est aussi l'occasion de croiser des sommités du monde automobile, comme le patron de Fiat Giovanni Agnelli, ou le PDG de Goodyear Robert E. Mercer. Celui-ci va surveiller avec beaucoup d'attention la séance d'essais du samedi au cours de laquelle vont être testés les nouveaux pneus radiaux concoctés par sa firme. Ils se comporteront plutôt bien.
Beaucoup d'amélioration sur les Renault RE40, avec notamment un nouveau carénage inférieur arrière très long, muni de dérives latérales. Les échappements sortent désormais derrière les pontons au lieu d'émerger au-dessus. Officiellement, il s'agit de ne plus chauffer les pneus avec les gaz d'échappement, mais pour certains il s'agirait d'un procédé visant à recréer de l'effet de sol...
Chez Ferrari les profils déporteurs ont été rognés à l'arrière et le capot-moteur est raccourci pour éviter les problèmes de surchauffe rencontrés à Imola. Brabham sera la seule équipe à utiliser des freins en fibre de carbone, toutes les autres y ayant renoncé pour cette course. Williams arbore un aileron arrière à double fente qui génère les gros appuis nécessaires à cette course monégasque.
Sur les Lotus on constate un train avant plus court et des profils déporteurs allongés. On trouve sur la Tyrrell 011 une nouvelle suspension avant qui détermine un empattement plus court. Chez Arrows on utilise un aileron en trois pièces. Alfa Romeo a retouché son V8 turbo en y ajoutant notamment une valve « by-pass » qui permet de retrouver plus rapidement le régime maximal. A Imola, Ligier avait démonté ses suspensions oléopneumatiques. Elles sont de retour à Monaco et devraient donner un avantage aux voitures bleues sur ce tracé tortueux. Celles-ci disposent aussi d'une nouvelle boîte à air et d'un énorme second aileron arrière avancé, affichant 140 cm de large. Deux ailerons arrière aussi pour les Osella FA1D et E qui ont perdu du poids.
Arrows a enfin trouvé un sponsor : le cigarettier américain Barclay. D'où une nouvelle livrée beige et brune. Chico Serra dispute sa dernière course pour le compte de Jackie Oliver puisqu'il sera remplacé à partir du prochain Grand Prix par le Belge Thierry Boutsen.
Les qualifications
La séance de pré-qualification du vendredi matin voit l'élimination des Theodore. Cecotto et Guerrero sont tous les deux sortis de la piste.
Tout se joue le vendredi après-midi car la séance qualificative de samedi est gâchée par la pluie. Prost réalise aisément la pole position et « colle » près d'une seconde et demie à son équipier Cheever, pourtant troisième. Les Renault encadrent la Ferrari d'Arnoux qui a cru un temps détenir la pole. Tambay est quatrième mais concède une seconde à son équipier. Grâce à son style généreux, Rosberg décroche une belle cinquième place avec la petite Williams, à quelques centièmes de Tambay. Laffite se classe quant à lui huitième. On sait les Brabham-BMW peu performantes sur les tracés urbains. Si Piquet obtient une satisfaisante sixième place, Patrese, le vainqueur de l'année passée, n'est que 17ème.
Warwick place sa Toleman en dixième position mais Giacomelli, toujours décevant, n'est pas qualifié. De Cesaris hisse son Alfa Romeo au septième rang, non sans avoir rudement heurté les rails sous le tunnel. Son équipier Baldi est treizième. Les Ligier fonctionnent plutôt bien : Jarier se classe neuvième, Boesel dix-huitième malgré un accident. Les Tyrrell souffrent d'un manque d'équilibre, même avec leur nouvelle suspension, et les performances d'Alboreto (11ème) et de Sullivan (20ème) sont médiocres. Bonne prestation en revanche pour les Arrows de Surer (12ème) et de Serra (15ème). Chez Lotus, Mansell se qualifie honorablement (14ème), mais de Angelis se plaint d'une voiture terriblement louvoyante et ne s'élancera que depuis le 19ème rang. Enfin Winkelhock place l'ATS en seizième position, mais il méritait mieux car il fut le plus rapide lors de la séance libre du samedi matin.
Giacomelli, C. Fabi, Ghinzani et Salazar ne sont pas qualifiés... de même que les McLaren de Lauda (22ème) et de Watson (23ème) ! Les MP4/1D ne parviennent absolument pas à faire monter leurs gommes en température. John Barnard et Niki Lauda blâment Michelin, accusée de se concentrer sur les monoplaces équipées d'un turbo. Pourtant chez Ligier Jean-Pierre Jarier se déclare très satisfait de ses pneus clermontois de qualification. Preuve de sa bonne volonté, Pierre Dupasquier commande pour le samedi après-midi des pneus qui devraient être plus adaptés aux McLaren. Hélas, la pluie vient mettre un terme à tous leurs espoirs.
La casquette aux couleurs de Parmalat vissée sur le crâne, les mains dans les poches, Niki Lauda a évidemment la mine sombre. Ne pas se qualifier, cela ne lui était jamais arrivé depuis ses débuts en Formule 1 en 1971. Il résumé les événements avec sa concision sarcastique habituelle : «Jeudi: Scheiße ; vendredi: beau temps, pas d'essais ; samedi : pluie. Fermez le ban. »
Le Grand Prix
La course de Formule 3 est remportée par le Français Michel Ferté au volant d'une Martini de l'équipe Oreca. Il succède au palmarès à son frère aîné Alain, vainqueur en 1981 et 1982.
Ce dimanche après-midi, la météo laisse pilotes, ingénieurs et stratèges dans l'expectative. Un crachin tombe sur la Principauté au moment précis où les bolides s'installent sur la grille. Que faire ? Le bitume est gras, légèrement humide, glissant selon les endroits. La question est de savoir si la pluie va durer. Patrick Tambay, né à Cannes, pense que non, mais Ferrari ainsi que Renault et Brabham-BMW décident de chausser leurs pilotes de pneus rainurés. Question de sécurité : vue la puissance stupéfiante des turbos, il paraît hasardeux de s'élancer à Monaco, où les rails longent la piste, avec des pneus manquant d'adhérence.
Pendant ce temps-là, Keke Rosberg discute véhémentement avec Frank Williams et Lee Gaug. Il est persuadé que l'averse va cesser et qu'il faut faire le pari de partir en slicks. Gaug appuie le Finlandais, qui emporte la décision. Laffite l'imite. Alboreto, Sullivan et Surer choisissent aussi les pneus lisses, de même que Winkelhock, de Angelis et Warwick, bien qu'ils soient munis d'un turbo.
Départ : Prost prend un bon envol, au contraire d'Arnoux dont les roues patinent. Rosberg s'élance comme une flèche et déborde par la droite tous les turbos qui le précédaient avant Sainte-Dévote, excepté Prost. Viennent ensuite Cheever, Tambay, de Cesaris et Arnoux.
1er tour : Rosberg est extrêmement rapide et menace Prost. Il le déborde en fin de parcours sur la ligne de chronométrage. Cheever est troisième et déjà distancé. Arnoux repasse devant de Cesaris puis devant Tambay. Suivent Laffite, Jarier, Piquet, Baldi et Serra. Mansell et Alboreto entrent en contact à la Piscine et percutent les glissières. La course est déjà finie pour eux.
2e : Rosberg a doublé Prost et s'envole en tête. A Sainte-Dévote Arnoux attaque Cheever et escalade le vibreur. L'Américain s'écarte pour éviter le contact mais conserve sa troisième place. Les commissaires évacuent les monoplaces accidentées de Mansell et d'Alboreto.
3e : Quelques gouttes d'eau tombent encore sur le Rocher, mais la piste est sèche et la situation favorable à ceux partis en slicks. Rosberg a creusé un écart de cinq secondes sur Prost. Cheever emmène le peloton. Laffite double de Cesaris.
4e : Déchaîné, Rosberg flirte avec le rail tout en évitant les portions de l'asphalte encore humides. Arnoux se débarrasse de Cheever. Grâce à ses pneus slicks, Laffite double Tambay puis Cheever. Piquet a compris que partir en pneus rainurés était une erreur et arrive aux stands pour mettre des Michelin slicks. Winkelhock percute Boesel à la sortie du tunnel et tous deux échouent dans l'échappatoire de la chicane. Le Brésilien et l'Allemand sortent de leurs voitures pour s'expliquer rudement.
5e : Rosberg a douze secondes d'avance sur Prost, dix-neuf secondes sur Arnoux, menacé par Laffite. Surer a fait le bon choix stratégique et double Jarier qui est chaussé de gommes rainurées. Piquet est reparti en quatorzième position. Patrese stoppe aux stands pour effectuer la même opération que son équipier.
6e : La pluie a cessé. Laffite percute Arnoux au Portier et l'expédie contre le rail. Le pilote Williams poursuit sa route tandis qu'Arnoux regagne cahin-caha les stands avec une roue arrière-gauche tordue et un pneu crevé. Il s'arrête à l'entrée des stands puis est poussé vers son garage par les commissaires. Surer double de Cesaris et Warwick dépasse Jarier.
7e : Seize secondes séparent Rosberg et Prost. Tambay prend la quatrième place à Cheever tandis que Warwick se débarrasse de de Cesaris. Jarier chausse les pneus slicks. Prost arrive aux stands en fin de tour.
8e : Prost met des pneus lisses et reprend la piste en septième position. De Cesaris l'imite pendant qu'en piste Surer double Cheever. Rosberg mène devant Laffite (28.5s.), Tambay (51.1s.), Surer (53s.), Cheever (55s) et Warwick (56s.). Suivent Prost, Piquet, de Angelis et Baldi. Arnoux a repris la piste après quelques réparations.
9e : Changement de pneus pour Cheever qui chute au douzième rang. Arnoux se gare avant le virage du Bureau de tabac. Sa Ferrari est trop endommagée.
10e : Tambay arrive aux stands pour mettre des slicks mais a trop tardé. Il ne repart qu'en onzième position, un tour derrière Rosberg.
11e : Rosberg est coincé dans le trafic derrière un peloton comprenant Serra, Cheever, Jarier et Sullivan. Baldi et Serra changent leurs pneumatiques en fin de tour.
12e : Rosberg est gêné par Jarier qui refuse de s'écarter pendant plus d'un tour et demi, avant d'obtempérer à la chicane.
13e : Après seulement treize tours, grâce à leur pari audacieux, Rosberg et Laffite ont course gagnée. Surer et Warwick suivent à plus de cinquante secondes. Prost concède une minute dix. Piquet prend la sixième place à de Angelis.
14e : Rosberg a dix-huit secondes d'avance sur Laffite qui ne peut pas le rattraper. Tandis que Surer est isolé, Prost et Piquet sont revenus dans les échappements de Warwick.
15e : De Cesaris arrive à son stand et renonce avec une boite de vitesses bloquée.
16e : Rosberg est premier devant Laffite (23.2s.), Surer (1m. 07s.), Warwick (1m. 13s.), Prost (1m. 13.5s.), Piquet (1m. 14s.), de Angelis (1m. 23s.), Cheever (1m. 28s.), Jarier (-1t.), Patrese (-1t.), Tambay (-1t.), Sullivan (-1t.), Baldi (-1t.) et Serra (-1t.).
18e : Prost harcèle Warwick sans trouver l'ouverture. Piquet observe leur duel. De Angelis s'arrête chez Lotus pour changer ses pneus Pirelli déjà usés. Il redémarre en douzième position.
20e : Rosberg creuse l'écart sur Laffite et porte son avance à vingt-huit secondes. Prost et Piquet sont toujours bloqués derrière Warwick. Cheever remonte sur ce trio.
21e : Prost est en difficulté car sa quatrième vitesse saute par intermittence. De plus son châssis est réglé pour la pluie et manque d'équilibre. Piquet se fait menaçant.
22e : Piquet réussit un dépassement assez osé sur Prost, par l'intérieur sous le tunnel. Complètement déchaîné, Cheever se retrouve juste derrière son équipier.
24e : Tandis que Piquet bute désormais sur Warwick, Prost et Cheever sont roues dans roues. Rosberg n'est qu'à quelques secondes de leur prendre un tour.
25e : Rosberg mène devant Laffite (31s.), Surer (1m. 12s.), Warwick (1m. 26s.), Piquet (1m. 27s.), Prost (1m. 30s.) et Cheever (1m. 31s.).
27e : Cheever est bloqué par Prost qui doit toujours garder sa main sur son levier de vitesses pour éviter que la quatrième saute.
28e : Cheever prend la sixième place à Prost en passant devant les stands. De Angelis effectue un second changement de pneus.
30e : Rosberg est premier devant Laffite (33s.), Surer (1m. 15s.), Warwick (1m. 24s.), Piquet (1m. 25s.), Cheever (1m. 26s.) et Prost (1m. 27s.). Tous les autres pilotes ont concédé un tour au leader.
31e : Après le tunnel, le moteur de Cheever se coupe suite à une avarie électrique. L'Américain abandonne sa Renault au niveau de la Piscine.
33e : Piquet tente de surprendre Warwick par l'intérieur au Portier, mais la manœuvre est trop hardie et le Brésilien lève le pied pour éviter un accrochage.
34e : Trente-deux secondes entre Rosberg et Laffite. Warwick, Piquet et Prost commencent à se rapprocher de Surer.
35e : Jarier abandonne suite à la rupture de la pompe de son système hydraulique. Guy Ligier fulmine...
38e : Rosberg mène devant Laffite (26s.), Surer (1m. 08s.), Warwick (1m. 11s.), Piquet (1m. 12s.), Prost (1m. 16s.), Patrese (-1t.), Tambay (-1t.), Sullivan (-1t.), Baldi (-1t.), de Angelis (-1t.) et Serra (-1t.).
40e : La mi-course est dépassée. L'écart entre Rosberg et Laffite se réduit peu à peu car le Finlandais souffre de ses mains couvertes d'ampoules.
41e : Warwick est revenu à deux secondes de Surer. Piquet est dans son sillage tandis que Prost est un peu distancé.
42e : Rosberg laisse Patrese et Tambay reprendre leur tour de retard.
43e : Warwick et Piquet sont maintenant sur les talons de Surer.
44e : Warwick menace Surer tandis que Piquet se tient en retrait pour l'heure, attendant que les deux jeunes loups s'expliquent.
46e : Rosberg précède Laffite (10.9s.), Surer (1m. 02s.), Warwick (1m. 03s.), Piquet (1m. 04s.), Prost (1m. 09s.), Patrese (1m. 21s.) et Tambay (1m. 24s.).
48e : Laffite remonte sur Rosberg et reprend espoir de gagner la course. L'écart entre les deux équipiers est de dix-huit secondes.
49e : Warwick est de plus en plus pressant derrière Surer, sous le regard de Piquet. Tous trois arrivent derrière la Tyrrell de Sullivan.
50e : Au freinage de Saint-Dévote, Warwick croit voir une ouverture à l'extérieur et harponne Surer. L'Arrows se met à l'équerre, heurte rudement de face le rail externe avant de rebondir contre la glissière opposée. Le Suisse quitte sans mal son habitacle tandis que Warwick, en tête-à-queue, parvient à remettre les gaz mais sa suspension est endommagée. Piquet et Prost parviennent à éviter les débris.
51e : Warwick regagne son stand pour abandonner.
52e : Rosberg est premier devant Laffite (19.8s.), Piquet (1m. 06s.), Prost (1m. 07s.), Patrese (1m. 15s.), Tambay (1m. 22s.), Sullivan (-1t.), Baldi (-1t.), Serra (-1t.) et de Angelis (-2t.).
53e : Tambay rattrape Patrese dont le moteur cafouille. De Angelis effectue un troisième changement de pneus, mais au redémarrage il casse un demi-arbre de roue. C'est donc un cinquième abandon consécutif pour le jeune Italien.
55e : Laffite perd l'usage de sa troisième vitesse. Bientôt, c'est toute sa boîte qui se bloque. Le pilote français regagne son garage à faible allure et abandonne pour la première fois en 1983.
56e : Rosberg est en tête devant Piquet (1m. 04s.), Prost (1m. 06s.), Patrese (1m. 15s.), Tambay (1m. 16s.), Sullivan (-1t.), Baldi (-1t.) et Serra (-2t.).
58e : Rosberg s'inquiète car son moteur coupe par intermittence. Il a cependant plus d'une minute d'avance sur Piquet. La principale bagarre en piste oppose maintenant Patrese à Tambay pour la quatrième place.
60e : Rosberg précède Piquet (58s.), Prost (1m. 02s.), Patrese (1m. 12s.), Tambay (1m. 13s.) et Sullivan (-1t.).
61e : Tambay prend la quatrième place à Patrese dont le moteur ne tourne pas rond à cause d'un problème électrique.
62e : Rosberg sent son moteur caler dans l'enchaînement de la Piscine. Il parvient à le remettre en route à l'embrayage et évite le rail de justesse. Patrese s'arrête au stand Brabham pour remettre de l'essence et changer de pneus, puis redémarre sans avoir perdu de position.
64e : Rosberg est bloqué par Sullivan qui refuse de s'écarter. Son avance sur Piquet tombe à 49 secondes
65e : Rosberg brandit son poing à l'adresse de Sullivan qui ne s'efface toujours pas. Patrick Head se rend au stand Tyrrell pour se plaindre du comportement du pilote américain mais se fait éconduire par « Uncle Ken ».
66e : Sullivan laisse passer Rosberg sous le tunnel. Le moteur de Patrese est en train de rendre l'âme mais l'Italien poursuit tout de même sa route.
67e : Après avoir frotté un rail, Patrese s'arrête à l'entrée du tunnel. Il n'a toujours pas vu une seule fois le drapeau à damiers depuis le début de la saison.
69e : Piquet réalise le meilleur tour de la course : 1'27''283'''.
70e : Rosberg devance Piquet (41s.) et Prost (44s.). Tambay ne cherche qu'à rallier l'arrivée car son support d'aileron arrière est abîmé. Sullivan et Baldi occupent les dernières positions octroyant des points.
72e : Piquet grignote environ trois secondes par tour à Rosberg mais il est bien trop loin pour pouvoir l'inquiéter. De son côté Prost prie pour que sa boîte de vitesse tienne le coup. Voici une heure qu'il n'a pas lâché son levier pour éviter tout grippage. Sa main droite est ensanglantée.
74e : Rosberg précède Piquet (35s.), Prost (40s.), Tambay (1m. 23s.), Sullivan (-2t.) et Baldi (-2t.).
76ème et dernière tour : Keke Rosberg remporte sa seconde victoire en F1 pleine de brio. Piquet et Prost n'avaient pas adopté la bonne stratégie mais terminent tout de même sur le podium. Tambay hérite de la quatrième place. Sullivan termine cinquième et inscrit ses deux premiers points en F1. Sixième, Baldi ouvre le compteur d'Alfa Romeo. Serra est le seul autre pilote à rallier l'arrivée.
Après la course: Rosberg parmi les Grands
Jusqu'à présent, quelques spécialistes étaient sceptiques quant au réel talent de Keke Rosberg et certains estimaient que son titre mondial avait été acquis « au rabais ». Sa splendide démonstration dans les rues de Monte Carlo fait taire ses détracteurs. Le moustachu finlandais a fait le meilleur choix stratégique et fait montre d'une classe certaine au volant d'une monoplace difficile à piloter. Cet exploit lui permet de s'asseoir à la table des grands champions.
Keke rejoint le podium où il retrouve Rainier III et ses enfants, le prince Albert et les princesses Caroline et Stéphanie. Grace Kelly n'est plus là : elle s'est tuée dans un accident d'automobile en septembre 1982.
Malgré sa victoire, Rosberg est tendu. Il a toujours sur l'estomac sa disqualification de Rio : « Pour moi, ce week-end de Monaco aurait dû être un week-end à 15 points et pas seulement à 9. Je mérite mes six points du Brésil... » grommelle-t-il. Curieux bonhomme, jamais pleinement satisfait ! Nelson Piquet, Alain Prost et Patrick Tambay sont en revanche très contents d'avoir limité les dégâts. Ils estiment que compte tenu de leurs moteurs turbo, l'option de Rosberg de partir en pneus slicks ne leur était pas possible.
Avec sa deuxième place, Piquet s'installe en tête du championnat du monde avec 21 points contre 19 unités pour Prost et 17 pour Tambay. Rosberg grimpe au quatrième rang avec quatorze points. Le classement des constructeurs est on ne peut plus serré : Ferrari (25 pts) précède Renault (23 pts), Brabham-BMW, McLaren-Ford-Cosworth et Williams-Ford-Cosworth (21 pts chacune) !
Le week-end se conclut par le traditionnel gala princier. Keke Rosberg en est l'invité d'honneur. Jackie Stewart présente au prince tous les pilotes présents. De longs applaudissements saluent la venue de René Dreyfus, 78 ans, vainqueur du Grand Prix en 1930. Stirling Moss, Phil Hill, Maurice Trintignant, Jean-Pierre Beltoise et Jody Scheckter sont également présents, et tous accueillent le benjamin Michel Ferté, vainqueur de la course de Formule 3, tout émerveillé de se trouver aux côtés de tant de noms illustres.
Tony