Présentation de la saison
1982 a marqué l'avènement des moteurs turbos au sommet de la hiérarchie. Pour 1983, Cosworth essaie de réagir à cette irrésistible montée en puissance. A vrai dire, c'est un combat désespéré. Néanmoins les ingénieurs de Keith Duckworth relèvent le gant en concoctant un V8 amélioré, le DFY qui offre une puissance de 510 chevaux à 11 000 tours/minute pour un poids réduit de 165 à 150 kilos. Mais ce moteur n'est pas prêt en début de saison, et ne le sera pas avant le printemps.
A l'automne 1982, Bernie Ecclestone a commis une lourde erreur en ordonnant à Gordon Murray de concevoir une BT50B à effet de sol pour 1983. Il ne pensait pas que la FISA bannirait si promptement les wing-cars. C'est donc en trois mois seulement que Murray imagine cette magnifique BT52, présentée plus loin. Elle sera équipée de pneus Michelin. Nelson Piquet attaque cette saison avec pour objectif le titre mondial. Son équipier est toujours le bouillant Riccardo Patrese. A souligner enfin que contrairement à ce qui avait été annoncé, Parmalat finance encore cette écurie même si son sponsor principal est désormais Fila Sports.
En 1982 Ferrari est devenue la première équipe utilisant un turbo à remporter la coupe des constructeurs. Hélas, l'accident de Didier Pironi l'a empêchée d'obtenir aussi le titre pilotes. Pour la nouvelle saison Harvey Postlethwaite avait imaginé une « wing-car ». Après l'interdiction de l'effet de sol, il conçoit une voiture intérimaire appelée à être remplacée en cours d'année. Il s'agit de la 126 C2B, qui est en fait le modèle de 82 privé de ses jupes. La souplesse du turbo a été améliorée. Côté pilotes le Scuderia aligne pour la première fois deux Français : le flamboyant René Arnoux et le subtil Patrick Tambay. Deux hommes qui ont déjà cohabité par le passé, en 1976 chez Elf-Martini en Formule 2. Leurs relations avaient alors été orageuses, mais Arnoux et Tambay affirment vouloir collaborer en bonne intelligence, sous l'œil attentif du Commendatore et de son homme-lige Marco Piccinini.
Renault-Elf avait la voiture la plus rapide en 1982 mais un cruel manque de fiabilité a ruiné les espoirs d'Alain Prost. Les hommes de François Castaing ont donc énormément travaillé pour rendre fiable le turbo français, et surtout son système électronique d'injection. La nouvelle RE40 n'étant pas opérationnelle, c'est une RE30C qui est alignée à Rio. Il s'agit simplement de la version B dépourvue de jupes. Elle comprend un système d'injection à eau, imitation des procédés créés par Ferrari et Brabham l'année précédente. Alain Prost espère surmonter sa déception et remporter un titre mondial dont chacun le juge digne. Son nouvel équipier est l'espoir américain Eddie Cheever qui guigne une première victoire bien qu'il soit cantonné au rang de second pilote.
Frank Williams n'est pas parvenu à dénicher un moteur turbo BMW et se tourne maintenant vers Honda. En attendant un accord, son équipe devra disputer ce championnat 83 avec un moteur Ford-Cosworth. Patrick Head et Frank Dernie ont produit une FW08C pourvue de pontons très courts mais peu originale. Le champion du monde Keke Rosberg espère simplement jouer les outsiders. Son nouvel équiper est Jacques Laffite, de retour chez Williams après une longue collaboration avec Ligier. Beaucoup se demandent comment ce dilettante va s'accommoder de l'ambiance austère et volontiers francophobe de Didcot.
Marlboro-McLaren a frôlé l'an passé les titres pilotes et constructeurs. Cependant 83 sera pour elle une année de transition. John Barnard a élaboré une version C de sa MP4/1 à moteur Ford-Cosworth, en attendant le V6 turbo TAG-Porsche, en gestation à Stuttgart. Niki Lauda s'implique beaucoup dans ce projet. John Watson a discuté très longtemps avec Ron Dennis pour négocier son contrat, si bien que celui-ci n'a été signé que quelques jours avant cette manche inaugurale. L'Irlandais n'a pas obtenu l'augmentation de salaire qu'il avait demandée... A noter que la MP4/1C conserve des pontons latéraux pour des raisons de sécurité. Testé en soufflerie, l'arrière de la carrosserie présente un profil courbe qui fait l'admiration des aérodynamiciens.
Après avoir hésité du fait de ses difficultés financières, Alfa Romeo a finalement décidé de rester en Formule 1 en tant que constructeur. Toutefois le département compétition est désormais confié à l'écurie Euroracing de Giampaolo Pavanello. Celle-ci a notamment remporté le championnat d'Europe de Formule 3 en 1982 avec Oscar Larrauri. Autodelta se contente de fournir et d'entretenir les moteurs. Gérard Ducarouge a conçu la 183T à coque en fibre de carbone, équipée d'un V8 à double turbos fabriqués par Avio, une firme faisant partie du groupe Alfa Romeo. Grâce à Marlboro, Andrea de Cesaris a gardé son volant tandis que le jeune espoir italien Mauro Baldi remplace Bruno Giacomelli.
Lotus se relève difficilement de la mort brutale de Colin Chapman en décembre 1982. Son fidèle bras-droit Peter Warr lui succède à la tête du Team Lotus. Peter Wright devient directeur technique et achève avec Martin Ogilvie la 93T à moteur turbo Renault qui n'apparaît qu'en un seul exemplaire pour Elio de Angelis. Cette voiture à l'allure pataude est entièrement en fibre de carbone. Nigel Mansell pilote la 92 à moteur Cosworth, une évolution de la 91 qu'il doit développer durant une bonne partie de la saison.
Tyrrell a fini la saison 82 en fanfare avec la victoire à Las Vegas de son jeune protégé Michele Alboreto. Celui-ci est désormais associé au bel Américain Danny Sullivan, dit « Hollywood », qui s'est fait remarquer en CanAm et en IndyCar. Maurice Philippe a épuré la 011, supprimant presque totalement les pontons. Ken Tyrrell s'est associé avec l'entreprise italienne de mode Benetton, en pleine expansion et célèbre par ses publicités agressives. D'où la curieuse livrée vert pomme de ses machines.
Après la rupture avec PSA, l'écurie Ligier repart de zéro en 1983. Elle devra se contenter du V8 Ford-Cosworth, en attendant mieux. Guy Ligier voudrait obtenir le turbo Renault gratuitement, ce que refuse la Régie ! Grâce à ses « relations », il a tout de même obtenu via le Loto le concours de La Française des Jeux. Michel Beaujon et Hervé Guilpin ont conçu une voiture originale, la JS21, au profil très épuré, sans le moindre ponton. Un double-carénage horizontal est censé redonner un peu d'effet de sol. La principale nouveauté vient des suspensions oléopneumatique de type Citroën. Celles-ci doivent permettre de contrôler les amortisseurs par des vérins hydrauliques agissant sur les roues. Côté pilotes, Ligier s'est réconcilié avec Jean-Pierre Jarier qui obtient enfin un volant de titulaire chez les Bleus. Son coéquipier est le jeune Brésilien Raul Boesel qui a montré quelques belles dispositions chez March. Enfin, Jean-Pierre Jabouille a quitté Abrest après le départ de son beau-frère Jacques Laffite.
L'hiver 82-83 a été catastrophique pour Arrows qui a perdu tous ses sponsors, dont le plus important d'entre eux, Ragno. Les nouvelles A6 à moteur Ford-Cosworth, simples évolutions des A5, apparaissent au Brésil parée d'un blanc immaculé. Marc Surer reste dans l'équipe, assisté du jeune Brésilien Chico Serra, libéré par la faillite de Fittipaldi. Néanmoins Jackie Oliver tient peut-être la clef du renouveau : Alan Jones a accepté de sortir de sa retraite pour conduire ses voitures ! Toutefois le champion australien doit se remettre physiquement à niveau (il a quinze kilos à perdre et s'est cassé la jambe en tombant de cheval !) avant de remonter dans une monoplace, et fait donc l'impasse sur le GP du Brésil.
Chez ATS, Gustav Brunner a conçu une jolie D6 en fibre de carbone et surtout propulsée par le moteur turbo BMW. Günther Schmidt est plein d'ambitions pour cette nouvelle saison. Il n'engage néanmoins qu'une seule voiture pour Manfred Winkelhock, le « poulain » de BMW Motorsport.
Enzo Osella a engagé Tony Southgate pour corriger et rigidifier les FA1/D apparues en 1982. Leurs pontons sont très longs pour des voitures à moteur atmosphériques. Osella utilise un duo de pilotes italiens composé du jeune Corrado Fabi, frère cadet de Teo, champion d'Europe en titre de F2, et de Piercarlo Ghinzani qui a déjà conduit pour la firme en 1981.
Toleman a retrouvé le soutien financer de Candy et acquis celui du constructeur de camions Iveco. Ce qui ne manque pas de faire rire ceux qui se souviennent de la pataude TG181. La TG183 est bien plus belle. Elle a été améliorée au cours de l'hiver par Rory Byrne tandis que Brian Hart a travaillé sur son turbo qui utilise maintenant un système d'injection électronique. L'espoir anglais Derek Warwick est toujours de l'aventure, associé à Bruno Giacomelli qui a quitté Alfa Romeo et tente de relancer sa carrière.
Mo Nunn et Teddy Yip ont décidé d'allier leurs efforts et de fusionner leurs petites équipes. La nouvelle structure prend le nom de Theodore Racing Team, mais Nunn est nommé directeur sportif. Les élégantes Ensign N183 imaginées par Nigel Bennett deviennent les Theodore N183. Deux pilotes sud-américains sont engagés : le Colombien Robert Guerrero, qui amène l'argent de Café de Colombia, et le Vénézuélien Johnny Cecotto, ancien motard, vice-champion d'Europe de F2, patronné par Sanyo Italie.
John Macdonald a pris ses distances avec March et renommé son équipe RAM Automotive Team March. Les châssis 821 ont été redessinés par Dave Kelly pour prendre le nom de RAM 01. Rizzla et Newsweek financent cette nouvelle entreprise. Pirelli fournit les pneus. Une seule voiture est engagée au Brésil pour le Chilien Eliseo Salazar qui n'a pas trouvé de meilleur volant.
Enfin l'aventure brésilienne des frères Fittipaldi n'a pas survécu à l'intersaison. Wilson et Emerson n'ont plus un sou vaillant en poche et ont compris que, sans les moyens de s'acheter un turbo, ils ne quitteraient plus jamais les fonds de grille.
En ce qui concerne les pneus, trois manufacturiers sont en présence. Michelin se taille la part du lion en fournissant Renault, Brabham, Alfa Romeo, Ligier, McLaren et Osella. Goodyear approvisionne Williams, Ferrari, ATS, Tyrrell, Arrows et Theodore. Pirelli est le parent pauvre avec Lotus, Toleman et RAM.
Nouveau règlement: fin de l'effet et affaire de poids
Jean-Marie Balestre et la FISA ont interdit les carénages inférieurs convexes et les jupes de carrosserie, ce qui signifie la fin de l'effet de sol. Ils imposent des fonds de carrosserie plats interdisant tout retour aux « wing-cars ». Les vitesses en virage s'en trouvent réduites, et donc la sécurité accrue. Les ailerons peuvent désormais être positionnés plus hauts mais sont rétrécis de dix centimètres. La sécurité passive est améliorée avec l'accroissement de la structure déformable à l'avant de 30 à 50 centimètres. Le réservoir d'essence est mieux centré et la protection latérale de la coque renforcée.
Balestre a néanmoins fait une concession aux « ultras » de la FOCA en abaissant le poids minimal de 580 à 540 kg. Mais celui-ci pourra désormais être vérifié à tout instant du week-end de course, avec le pilote à bord. L'ingénieur de la FISA Gabriel Cadringher est chargé de veiller au bon déroulement des opérations et de traquer tous les systèmes de lest inventés par les écuries en 1981 et 1982. Et pour se garantir contre toute malice, on pèsera aussi les pilotes avant de peser leurs voitures... Ces mesures drastiques sont contestées par Ken Tyrrell qui menace la FISA de nouvelles poursuites devant le tribunal de la FIA.
L'expansion de l'empire ecclestonien
Bernie Ecclestone étend toujours plus sa « dictature économique ». En 1982, sans en référer à la FISA, il a créé FOCA TV, un nouvel organisme chargé de gérer les droits télévisés de la Formule 1, désormais diffusée dans plus de soixante pays à travers le monde. Il a aussi signé un contrat de trois ans avec l'Union européenne de radio-télévision, une organisation professionnelle regroupant les radiodiffuseurs nationaux de plusieurs dizaines de pays. En tant que président de la FOCA, Ecclestone garantit aux diffuseurs la présence des équipes à chaque Grand Prix, en échange de la retransmission de toutes les courses du championnat du monde. Cela permet de gonfler le temps de présence à l'antenne des grands sponsors, de plus en plus attirés par cette manne. Ecclestone connaît à la seconde près la durée d'exposition de tel ou tel commanditaire. Il « suggère » certains réaménagements financiers pour satisfaire les mécontents.
Et ce n'est pas tout : en 1983 FOCA TV lance sur le marché des vidéo-cassettes des Grands Prix du championnat du monde. Cette forme supplémentaire de rentabilisation ravit les sponsors qui apportent leur appui à l'entreprise. Cela permet de débaucher des « bienfaiteurs » a priori peu concernés par la F1 (comme Fila Sport, le nouveau sponsor de... Brabham) et de faire connaître la marque Formule 1 dans le monde entier.
La Brabham BT52, la « flèche » de Gordon Murray
Afin de donner aux équipes le temps nécessaire pour préparer leurs nouvelles voitures, la FISA a repoussé le Grand Prix d'Afrique du Sud, prévu pour le 12 février, en fin de saison. Le GP du Brésil à Jacarepaguá sert donc de lever de rideau en ce début mars.
Le paddock découvre avec un certain ravissement la superbe Brabham BT52 de Gordon Murray. Effilée au maximum, elle est dépourvue de tout ponton. Seuls les gros radiateurs d'huile et d'eau sont montés en position verticale devant les roues arrière. Cette machine a ainsi la forme d'une flèche. Elle est presque entièrement en carbone, y compris au niveau des disques de freins. Les masses sont fortement décentrées vers l'arrière grâce à un moteur et un cockpit très reculés. Les suspensions avant sont totalement différentes de celles utilisées en 1982. Les tirants relient désormais le triangle inférieur à la tête de l'amortisseur, et non plus le triangle supérieur au pied de l'amortisseur. McLaren utilise aussi ce dispositif. La suspension antérieure est située totalement en avant des pieds du pilote, ce qui accroît la sécurité. La BT52 est aussi munie d'une boîte de vitesses très étroite à six rapports conçue par Brabham. Des patins protecteurs en magnésium font jaillir des étincelles qui impressionnent les spectateurs.
Enfin, BMW a beaucoup travaillé pour améliorer la fiabilité de son turbo qui afficherait une puissance incroyable de 850 chevaux. Murray prend cependant un risque en alignant cette voiture au Brésil car elle n'a disputé jusqu'ici aucun essai officiel.
Le coup de sang de de Cesaris
Le samedi après-midi, Andrea de Cesaris fait parler de lui en refusant de se soumettre au contrôle de pesée. Le jeune Italien dont les nerfs sont toujours aussi fragiles estimait ne pas avoir de temps à perdre après avoir cassé pas moins de trois turbos. Les commissaires appliquent le règlement et l'excluent purement et simplement du Grand Prix. La FISA lance ainsi un sévère avertissement à ceux qui voudraient contourner les nouvelles normes. Ken Tyrrell est indirectement visé et implicitement sommé de courber l'échine devant MM. Balestre et Cadringher.
Un incident à signaler : le directeur sportif de Toleman Roger Silman est agressé à coups de couteau devant son hôtel de Rio par des voyous qui voulaient enlever sa compagne ! Heureusement il ne souffre que de blessures superficielles.
Les qualifications
Les essais se déroulent sous la canicule. Les spécialistes avaient pronostiqué que les turbos seraient intouchables en qualifications. Rosberg leur apporte un démenti flagrant en obtenant la pole position au volant de sa Williams-Ford-Cosworth. Il marque aussi son territoire contre Laffite. Handicapé par une grippe, le Français n'a pas su trouver les bons réglages et partira 19ème... Prost se contente sans amertume de la deuxième place avec sa Renault. Son nouvel équipier Cheever est huitième. Les Ferrari ne donnent pas satisfaction car elles manquent de traction et de tenue de route. Tambay est pourtant troisième et Arnoux sixième. Les Brabham sont accablées de soucis techniques. Par exemple, les roulements de flancs de boîte ne tiennent pas et les turbos BMW surchauffent. La quatrième place de Piquet est un exploit. Patrese se classe septième. Warwick démontre les qualités de la nouvelle Toleman-Hart avec une exceptionnelle cinquième place. Giacomelli, moins heureux, est seulement quinzième.
Chez McLaren Lauda obtient la neuvième place tandis que Watson est seulement dix-septième avec une MP4 mal réglée. Baldi est dixième avec la seule Alfa Romeo qualifiée. De Cesaris s'était hissé au 16ème rang avant son exclusion. Les performances des Tyrrell sont médiocres. Alboreto est onzième et le débutant Sullivan vingt-deuxième. Les Ligier de Jarier (12ème) et de Boesel (17ème) ont rencontré des difficultés de mises au point et des pannes diverses. Déceptions chez Lotus : de Angelis se classe treizième avec la 93T, Mansell vingt-troisième avec la 92. En revanche, les débuts des Theodore ex-Ensign sont encourageants puisque Guerrero est quatorzième et Cecotto vingtième. Les Arrows A6 n'ont pas tourné avant d'arriver au Brésil. Surer (21ème) et Serra (24ème) ont donc assuré leur mise au point. Fabi cadet (25ème) qualifie son Osella au contraire de Ghinzani (28ème). Winkelhock est seulement vingt-sixième avec l'ATS-BMW. Initialement éliminés, Salazar et sa RAM-March sont repêchés grâce à l'exclusion de de Cesaris.
Preuve que la suppression des jupes a produit son effet : la pole de Rosberg est plus lente de près de six secondes que celle réalisée par Prost en 1982. Le chrono du Finlandais lui aurait valu le 21ème rang sur la grille l'année passée.
Le Grand Prix
Il fait une chaleur étouffante à Rio ce 13 mars. On redoute même l'orage.
En 1982 Brabham a introduit des ravitaillements en essence en cours d'épreuve. Cette stratégie fait des émules. Williams a ainsi calculé qu'en partant avec des pneus super-tendres et un demi-plein, Rosberg gagnerait deux secondes au tour en moyenne. Le Finlandais adopte donc cette tactique. Cette année, Brabham est contrainte d'effectuer des ravitaillements car le réservoir de la BT52 serait trop petit pour contenir le plein. Ce qui est aussi une tactique pour réduire son poids... Piquet et Patrese devront ainsi s'arrêter aux stands à mi-distance. Pour compenser un manque flagrant d'équilibre, les Ferrari partent des pneus tendres qui ne conviennent pas à leur poids et à leur puissance.
Durant le tour de mise en grille, le turbo Renault de de Angelis part en fumée. L'Italien abandonne sa 93T et s'installe in extremis dans le mulet 92 à moteur Cosworth. Il partira depuis les stands mais se place dans l'illégalité car le règlement interdit de disputer la course avec un autre modèle que celui utilisé pour se qualifier.
Départ : Rosberg prend un envol canon et demeure premier devant Prost, Piquet, Tambay, Patrese et Arnoux. Baldi se frotte avec Alboreto. Le pilote Tyrrell est envoyé hors-piste et repart avec un radiateur d'huile endommagé.
1er tour : Piquet est dans le sillage de Prost. Patrese prend l'avantage sur Tambay. Rosberg s'échappe et domine devant Prost, Piquet, Patrese, Tambay, Arnoux, Cheever, Warwick, Baldi, Lauda et Watson.
2e : Piquet dépasse Prost dans la ligne droite de Juncao. Le Français est désormais menacé par Patrese. Baldi dépasse Warwick et Watson double Lauda.
3e : Rosberg a trois secondes d'avance sur Piquet. Patrese déborde Prost dans la première courbe. Watson double Warwick et semble parti pour une nouvelle remontée.
4e : Piquet réalise le meilleur chrono de la course (1'39''829'''). Suivi par Patrese, il se rapproche sensiblement de Rosberg.
5e : Piquet n'est plus qu'à deux secondes de Rosberg. La Brabham-BMW à pneus Michelin est bien plus rapide que la Williams-Ford-Cosworth à pneus Goodyear.
6e : Rosberg mène devant Piquet (0.8s.), Patrese (4s.), Prost (10.4s.), Tambay (14.8s.), Arnoux (17.1s.) et Cheever (19s.). Watson prend la huitième place à Baldi.
7e : Piquet est revenu juste derrière Rosberg et le dépasse sans difficulté dans la ligne droite de Juncao. Le public carioca est aux anges. Watson prend l'avantage sur Cheever et Jarier double Lauda.
8e : Piquet s'envole et possède trois secondes d'avance sur Rosberg, désormais menacé par Patrese. Baldi dépasse Cheever. Alboreto revient à son garage. Son radiateur d'huile est percé et le liquide s'est répandu sur la chaussée. L'Italien met pied à terre.
9e : Patrese est à une seconde de Rosberg. Watson double Arnoux dans la courbe Carlos Pace. Le Français subit de terribles vibrations causées par ses pneumatiques avant.
10e : Warwick double Cheever qui est handicapé par des pneus durs. L'Américain retient un peloton comprenant Jarier, Lauda, Surer, les deux Theodore de Guerrero et de Cecotto ainsi que Laffite.
11e : Piquet mène devant Rosberg (7s.), Patrese (8.5s.) et Prost (21s.). Watson se débarrasse de Tambay.
12e : Patrese devient assez lent car son turbo perd de la puissance. Prost et Watson le rattrapent.
13e : Prost repasse devant Patrese. Lauda reprend la onzième place à Jarier qui butait sur Cheever.
14e : Watson dépasse sans mal un Patrese à l'agonie. Arnoux s'effondre du fait des vibrations suscitées par ses pneus et cède le passage à Warwick et à Baldi.
15e : Piquet double les premiers attardés, Salazar et Winkelhock. Lauda a doublé Cheever et maintenant dépasse Arnoux.
16e : Watson est derrière Prost mais celui-ci lui résiste assez farouchement. Patrese continue de ralentir et se fait doubler par Tambay. Surer double Jarier.
17e : Watson déborde Prost dans la courbe Pace. Il est désormais troisième. Patrese se fait doubler par le peloton emmené par Warwick. Guerrero s'arrête chez Theodore pour changer une pince de frein qui s'est fissurée. Giacomelli effectue un tête-à-queue puis son moteur cale. Ainsi s'achève sa première course avec Toleman. Fabi s'arrête chez Osella car son moteur a des ratés.
18e : Piquet mène devant Rosberg (12.8s.), Watson (41.2s.), Prost (43.5s.), Tambay (55.3s.), Baldi (1m. 03s.) et Warwick (1m. 04s.). Suivent Lauda, Arnoux, Cheever, Surer, Jarier, Laffite et Cecotto. Fabi stoppe dans l'herbe avec un moteur en panne.
19e : Surer prend la dixième place à Cheever. Jarier attaque à son tour l'Américain, mais dans la courbe de Lagoa Laffite le surprend par l'intérieur. Patrese entre aux stands. Une tubulure d'échappement a cédé, occasionnant une perte de puissance sur son turbo. Riccardo repart pourtant un peu plus tard.
20e : Laffite double Cheever. Celui-ci regagne ensuite le stand Renault pour changer de pneus et repart en 18ème position. Patrese rentre pour de bon à son garage.
21e : Piquet précède Rosberg de quatorze secondes. Lauda prend la septième place à Warwick. Surer et Laffite doublent Arnoux. Jarier arrive chez Ligier avec une voiture devenue instable. Il redémarre quelques instants plus tard.
23e : Lauda dépasse Baldi et remonte sur Tambay. Le Français rencontre des vibrations comme son équipier, mais à cause de ses pneus arrière. Peu après Warwick tente à son tour de doubler l'Italien mais leurs roues s'entrechoquent. Baldi part en tête-à-queue en pleine courbe et son moteur cale. Il repart, poussé par les commissaires, mais regagne aussitôt son stand pour abandonner car sa suspension est endommagée.
24e : Jarier revient à son stand pour abandonner. Un demi arbre de roue s'est cassé sur sa JS19. Il est vite rejoint par son équipier Boesel, stoppé par un court-circuit sur sa batterie. Guy Ligier pique une colère monumentale. Guerrero reprend la piste après une longue immobilisation.
26e : Piquet devance Rosberg (13.1s.), Watson (39.3s.), Prost (56.4s.), Tambay (1m. 11s.) et Lauda (1m. 12s.). Suivent Warwick, Surer et Laffite. Arnoux est si malmené dans sa Ferrari qu'il doit laisser la place à Cecotto. Tous deux viennent de concéder un tour à Piquet.
27e : Lauda harcèle Tambay sans pouvoir le doubler. Laffite prend la huitième place à Surer.
28e : Surer repasse devant Laffite. Rosberg arrive au stand Williams pour son ravitaillement. Tout se passe bien jusqu'à ce que l'essence coule autour de l'orifice de remplissage dont les écrous de fixation se sont détachés. Le cockpit s'enflamme et Rosberg en bondit en hâte. L'incendie est aussitôt maîtrisé et Patrick Head ordonne à Rosberg de se réinstaller au volant. Le Finlandais s'exécute mais son moteur a calé. Après quelques essais de redémarrage infructueux, les mécaniciens poussent la Williams et Rosberg reprend la route en neuvième position.
29e : Piquet est désormais débarrassé de toute opposition. Il précède Watson (36.3s.), Prost (1m. 06s.), Tambay (1m. 18s.), Lauda (1m. 19s.) et Warwick (1m. 34s.). Laffite dépasse à nouveau Surer.
31e : Piquet revient sur Rosberg qui lui-même est dans les roues de Surer.
32e : Rosberg cède le passage à Piquet. Puis en fin de parcours il prend la huitième place à Surer. Mansell s'arrête chez Lotus pour changer ses pneus.
34e : Lauda parvient enfin à trouver l'ouverture sur Tambay et s'empare de la quatrième place.
35e : Watson arrête sa McLaren dans l'herbe avec un moteur hors d'usage. Son splendide Grand Prix se termine là. Prost récupère la seconde place. Rosberg se débarrasse facilement de Laffite.
36e : Piquet prend un tour à Warwick. Sur ces entrefaites, Rosberg rattrape sans mal le pilote Toleman et le dépasse.
37e : Piquet mène devant Prost (1m. 13s.), Lauda (1m. 24s.), Tambay (1m. 27s.), Rosberg (-1t.), Warwick (-1t.), Laffite (-1t.), Surer (-1t.), Cecotto (-1t.) et Arnoux (-1t.). Cela va tellement mal pour le Grenoblois qu'il est harcelé par... Serra.
38e : Piquet a une telle avance qu'il pourra ravitailler sans pression. Lauda remonte sur Prost qui se plaint d'une mauvaise tenue de route. Salazar s'arrête chez RAM pour changer de pneumatiques.
40e : Piquet arrive au stand Brabham pour prendre de l'essence et monter des pneus tendres. Il libère ainsi Rosberg qui « klaxonnait » derrière lui. L'arrêt du Brésilien dure seulement seize secondes. Il peut reprendre la piste avec une très large avance. Cecotto doit revenir à son garage pour réparer une pince de freins mal montée, comme sur la voiture de son équipier. Il perd deux boucles dans cette opération.
41e : Piquet mène devant Prost (55s.), Lauda (56s.), Tambay (1m. 07s.), Rosberg (1m. 11s.), Warwick (1m. 27s.), Surer (1m. 28s.) et Laffite (1m. 30s.). Winkelhock s'arrête chez ATS pour changer ses pneus. Sa voiture survire abominablement.
42e : Lauda dépasse Prost dans la ligne droite principale. Surer prend la sixième place à Warwick qui n'est plus satisfait du comportement de sa Toleman.
43e : Rosberg vole littéralement et double Tambay sans difficulté. Il a désormais Prost en point de mire. Le moteur Renault de Cheever explose. Le jeune Américain stoppe dans le gazon.
45e : Rosberg est revenu dans les échappements de Prost.
46e : Rosberg dépasse Prost peu avant la première courbe. Lauda est sa prochaine cible. Laffite prend la septième place à Warwick.
48e : Piquet a cinquante secondes d'avance sur Lauda. Rosberg est revenu à sept secondes de l'Autrichien.
50e : Quatre secondes entre Rosberg et Lauda. Prost lève le pied car ses amortisseurs arrière sont en train de céder. Tambay le rattrape, ainsi que Surer et Laffite. Arnoux résiste toujours aux assauts de l'entreprenant Serra.
51e : Piquet devance Lauda (48.5s.), Rosberg (52.3s.), Prost (1m. 13s.), Tambay (1m. 14s.), Surer (1m. 24s.), Laffite (1m. 26s.) et Warwick (1m. 28s.).
52e : Rosberg est revenu à pas de géants sur Lauda et le dépasse avant la courbe Sul. Tambay efface Prost qui a beaucoup ralenti.
54e : Rosberg grappille environ deux secondes par tour à Piquet qui ménage sa mécanique. Surer et Laffite reviennent sur Prost. Arnoux et Serra sont toujours en bataille pour la neuvième place.
56e : Prost, Surer et Laffite sont roues dans roues. Laffite dépasse le Suisse à Sul. Puis, à l'abord de l'ultime courbe à gauche, il se jette à l'extérieur et surprend Prost. Surer tente de s'infiltrer à l'intérieur mais bute sur le pilote Renault qui s'est décalé pour éviter l'accrochage avec Laffite. Mais il parvient ensuite à déboîter Prost sur la ligne de chronométrage.
57e : Piquet précède Rosberg (38.8s.), Lauda (51.6s.), Tambay (1m. 22s.), Laffite (1m. 27s.), Surer (1m. 30s.), Prost (1m. 34s.) et Warwick (-1t.).
58e : Laffite revient très rapidement sur Tambay qui endure toujours de fortes vibrations. Serra parvient enfin à dépasser Arnoux.
60e : Laffite prend la quatrième place à Tambay.
62e : Rosberg est revenu à trente-quatre secondes de Piquet. Le Finlandais « fait le forcing » mais ne rattrapera jamais le Brésilien. Celui-ci est gêné par Prost et Cecotto. Winkelhock termine au ralenti à cause d'un souci d'injection.
63ème et dernier tour : Nelson Piquet remporte sa huitième victoire en F1 sous les vivats du public brésilien qui brandit des bannières et jette des confettis. Rosberg termine deuxième devant Lauda. Laffite est quatrième pour son retour chez Williams. Tambay sauve deux points pour Ferrari après une course épouvantable. Surer ramène un point à Arrows. Il précède Prost, Warwick, Serra, Arnoux, Sullivan, Mansell, de Angelis, Cecotto, Salazar et Winkelhock. Guerrero n'est pas classé.
Elio de Angelis sera disqualifié pour n'avoir pas pris le départ au volant de la Lotus 93T avec laquelle il s'était qualifié.
Après la course
Fêté par les Cariocas en délire, Nelson Piquet prend une éclatante revanche sur le déclassement qu'il a subi l'année précédente lors de cette même épreuve. Cette fois-ci personne ne lui enlèvera ce triomphe national. La Brabham-BMW BT52 l'emporte dès sa première sortie, sans avoir effectué d'essais officiels. Gordon Murray a frappé un grand coup avec cette « voiture-flèche » qui fait l'admiration des connaisseurs.
Rosberg se contente de sa deuxième place malgré un arrêt-ravitaillement mouvementé. L'incendie survenu justifie les critiques contre ces opérations jugées spectaculaires mais dangereuses. De plus, le magazine français Auto-Hebdo affirme qu'en partant avec un demi-plein d'essence, la Williams-Ford-Cosworth bénéficierait d'un gain de poids non négligeable, et pour tout dire illégal. La Williams de Rosberg aurait pesé en dessous des 540 kg réglementaires durant une bonne partie du Grand Prix. Est-ce vrai ? Si oui, pas vu, pas pris...
Car ce n'est pas pour cette raison que Keke Rosberg sera déclassé. Comme en 1982, il est privé de sa seconde place au GP du Brésil. Les commissaires sportifs lui reprochent d'avoir été poussé par ses mécaniciens pour repartir après son ravitaillement. Une décision sévère qui incite Frank Williams à faire appel. Une curiosité : la deuxième place n'est attribuée à personne. Lauda demeure troisième. Septième, Prost est mécontent et estime qu'on aurait dû lui donner le point de la sixième place.
Tony