Quinze jours après avoir visité la riante Principauté de Monaco, le paddock pose ses bagages dans les plaines flamandes. Toutefois la météo n'est pas meilleure à Zolder qu'à Monte Carlo, et des averses vont émailler ce week-end.
Les grandes écuries, Ferrari, Lotus, Brabham et McLaren, sont très inquiètes des performances de la petite équipe Wolf qui placent Jody Scheckter nettement en tête du championnat des pilotes. En six épreuves, Scheckter a gagné deux fois et est monté à cinq reprises sur le podium. Il est bel et bien prétendant au titre mondial. Face à lui, les Ferrari de Niki Lauda et Carlos Reutemann sont très constantes mais ne dominent plus comme autrefois. La Lotus 78 à effet de sol de Mario Andretti est sans doute la monoplace la plus rapide, mais elle rencontre encore des soucis de fiabilité. Quant à l'équipier d'Andretti, le Suédois Gunnar Nilsson, il est pour l'heure en retrait. Les Brabham-Alfa Romeo de John Watson et Hans Joachim Stuck font figures d'épouvantails. Chez McLaren on attend beaucoup de la M26, mais son développement a pris beaucoup de retard. James Hunt craint de ne pouvoir défendre son titre. Enfin, les Tyrrell à six roues s'alourdissent course après course et glissent dans la hiérarchie. Malgré ses efforts Patrick Depailler n'y peut mais, tandis que Ronnie Peterson semble perdu au volant de la P34.
McLaren réintroduit sa M26, mais encore une fois seul James Hunt sera à son volant. L'équipe anglaise a un grand besoin de points: elle n'a plus placé de pilote sur le podium depuis le GP du Brésil. Chez Wolf, Jody Scheckter récupère la première version de sa voiture, la WR1.
Copersucar lance enfin son nouveau modèle, la F5 conçue par Dave Baldwin, récent transfuge de chez Ensign. Par un heureux hasard, la voiture brésilienne ressemble comme une jumelle à l'Ensign N177... Les journalistes ont tôt fait de la surnommer « Fittipensign » et Mo Nunn affirme que les pièces de ses voitures pourraient sans problème être installée sur la F5 !
Plusieurs équipes privées absentes à Monaco sont de retour: BRM avec Conny Andersson, LEC avec David Purley, Williams avec la March du pilote local Patrick Nève. Hesketh engage trois voitures: grâce à l'appui financier de Marlboro, le jeune Mexicain Hector Rebaque, 21 ans, pilotera la troisième 308E. British F1 Racing Team aligne toujours une March 761, cette fois-ci confiée au jeune pilote belge Bernard de Dryver. L'Espagnol Emilio de Villota va de nouveau tenter sa chance avec sa McLaren M23. BS Fabrications a acquis une autre M23 pour Brett Lunger, en remplacement de la vieille March 761 utilisée jusqu'ici par l'équipe anglaise.
Chez Surtees, Hans Binder cède sa place à Larry Perkins, qui espère trouver en la TS19 une meilleure voiture que la BRM qu'il a pilotée en début d'année.
Jacky Ickx aurait aimé participer à son Grand Prix national sur une Ensign, mais Mo Nunn n'avait qu'une seule voiture disponible, celle de Clay Regazzoni.
Les qualifications
Le vendredi, le circuit est noyé sous les eaux et aucun temps de référence n'est réalisé. Tout se joue donc lors des essais du samedi.
Comme en Espagne, la Lotus 78 d'Andretti semble être sur une autre planète. L'Américain réalise la pole position avec un chrono d'1' 24'' 64''', soit presque deux secondes de mieux que la pole de Lauda en 1976 ! De plus, cette fois-ci, Nilsson semble presque aussi compétitif que son équipier, mais le toujours étonnant Watson lui chipe la deuxième place sur la grille. Nilsson partage la deuxième ligne avec Scheckter. Depailler obtient la cinquième place et devance Mass, qui pour une fois précède son équipier... qui plus est avec la vieille M23. Hunt est en effet seulement neuvième. Entre eux, en quatrième ligne, on retrouve Reutemann et Peterson. Laffite est dixième et précède Lauda et Brambilla. L'Autrichien est très déçu: la Scuderia n'a pas participé aux essais privés prévus à Zolder pour se rendre à la place à Anderstorp. Elle en paie les conséquences...
Fittipaldi est seulement seizième avec la nouvelle Copersucar. Stuck avait été le plus rapide le vendredi sur piste humide, mais il n'est que dix-huitième au départ. Merzario est 14ème avec sa March privée et fait ainsi bien mieux que les autres pilotes de la marque. Purley qualifie pour la première fois la LEC au vingtième rang.
En fond de grille, Lunger, Perkins, Nève, Ertl et Jarier sont parvenus à sa qualifier, au contraire de Hayje, de Villota, Andersson, Ribeiro, de Dryver et Rebaque.
Le Grand Prix
Au moment de se placer sur la grille, Brett Lunger ne parvient pas à démarrer son moteur à cause d'un problème de soupape. Il doit déclarer forfait, ce qui permet à Boy Hayje d'être admis au départ en 25ème et dernière position.
Peu avant le tour de chauffe, un gros crachin s'abat sur le circuit. Dans les stands on hésite: faut-il ou non partir en pneus rainurés ? Finalement, sur un signal de Bernie Ecclestone, les mécaniciens se précipitent sur la piste pour chausser des pneus pluie sur les voitures. Seul James Hunt refuse de céder à la panique et décide de garder ses slicks.
Départ: Watson prend un meilleur départ qu'Andretti et vire en tête au premier virage, suivi de l'Américain, de Nilsson et de Jody Scheckter. Ian Scheckter part en tête-à-queue au premier virage et sème la panique, mais par miracle aucune collision n'est à déplorer. Le pilote March va reprendre sa route.
1er tour: La piste est détrempée. Scheckter déborde Nilsson. A l'abord de la chicane, Andretti monte sur ses freins, dérape et emboutit l'arrière de la Brabham de Watson. Les deux voitures partent en tête-à-queue et les deux pilotes sont hors course. Scheckter se retrouve leader.
Scheckter, Nilsson et Mass sont assez nettement en tête à l'issue de cette première boucle et précèdent Reutemann, Depailler, Laffite, Peterson, Lauda, Brambilla et Patrese.
2e: Scheckter, Nilsson et Mass creusent l'écart sur le reste du peloton. Laffite double Depailler et Brambilla dépasse Lauda. Hunt est avant-dernier, étant contraint à la prudence car ses pneumatiques ne sont pas du tout adaptés à la situation.
3e: Laffite, Depailler, Peterson, Brambilla et Lauda sont roues dans roues. Fittipaldi est déjà contraint à l'abandon suite à une avarie sur un circuit électrique. Hayje passe par les stands.
4e: Brambilla double successivement les deux Tyrrell de Peterson et Depailler. Le fougueux italien est comme d'habitude très rapide sous la pluie.
5e: Scheckter a une seconde et demie d'avance sur Nilsson, menacé par Mass. Reutemann est quatrième à environ cinq secondes. Lauda dépasse à son tour les Tyrrell et pointe au septième rang.
6e: Sortie de piste pour Stuck qui abîme sa voiture. Il regagne son stand pour faire réparer sa calandre et repartira avec du retard.
7e: Reutemann se rapproche du trio de tête. Mécontent de ses pneus pluie, Depailler entre aux stands et va le premier chausser des slicks.
8e: L'averse semble être moins forte. Scheckter est toujours leader devant Nilsson et Mass qui est attaqué par Reutemann.
9e: Reutemann prend la troisième place à Mass. Quelques secondes derrière eux, Brambilla s'empare du cinquième rang aux dépens de Laffite. Patrese prend la huitième place à Peterson. Tête-à-queue de Ian Scheckter qui cette fois-ci ne repartira pas.
11e: Lauda prend la sixième place à Laffite.
12e: Scheckter mène avec trois secondes d'avance sur Nilsson. Reutemann commence à rattraper le Suédois.
13e: Patrese part en aquaplanage et se retrouve en tête-à-queue dans le gazon mouillé. Le jeune Italien abandonne après un beau début de course.
14e: La pluie a désormais cessé. Lauda s'engouffre dans la voie des stands pour chausser des slicks. L'arrêt est très rapide et l'Autrichien repart neuvième, derrière la LEC de Purley qui impressionne. Peterson s'arrête aussi pour changer de gommes.
15e: Reutemann dérape en sortie de virage et percute les piquets de protections. C'est terminé pour l'Argentin. Keegan percute Hayje qui était dernier à un tour. Le Néerlandais continue, mais en revanche le pilote Hesketh renonce.
16e: Scheckter est toujours en tête mais songe à s'arrêter à son stand. Il précède Nilsson, Mass, Brambilla, Laffite, Regazzoni, Jones, Purley, Lauda et Ertl. Jarier est au stand ATS pour mettre des slicks.
17e: Scheckter part en tête-à-queue à la chicane. Il parvient à se relancer avec l'aide des commissaires, ce qui est interdit. Il perd beaucoup de temps. Nilsson prend le commandement.
18e: Nilsson s'arrête aux stands et son changement de pneus va être long à cause d'une roue récalcitrante. Mass se retrouve au commandement devant Brambilla et Laffite. Purley s'empare de la quatrième place face à Regazzoni. Scheckter pointe au septième rang, juste devant Lauda.
19e: Mass s'arrête pour mettre des slicks et laisse la Surtees de Brambilla en tête de l'épreuve. Regazzoni et Jones s'arrêtent aussi pour changer les pneumatiques.
20e: Brambilla mène cette course devant Laffite et... Purley, dont la LEC est étonnamment rapide ! Derrière lui vient Scheckter, très menacé par Lauda et Mass.
21e: Scheckter entre aux stands pour mettre des slicks. L'opération est rapide et le Sud-Africain ne perd que trois places. Mais son tête-à-queue lui a coûté la tête de l'épreuve...
22e: Arrêts aux stands pour Laffite et Purley. L'arrête du Français est si rapide qu'il repart devant Scheckter. Jones est passé devant ces deux pilotes. En revanche, Purley est bloqué à cause d'un démarreur coincé. Il perd plus d'une minute dans cet incident et toute chance de briller.
23e: Brambilla est le dernier des leaders à mettre des slicks. Il repart en quatrième position. Lauda récupère la tête de l'épreuve et dispose d'une large avance sur Mass et sur Jones.
24e: Scheckter prend la cinquième place à Laffite. Un petit peu plus loin, Peterson et Nilsson sont en lutte pour la septième place tout en revenant sur Laffite.
25e: Peterson double Laffite. Nève et Merzario stoppent aux stands pour changer de gommes. Seul Hunt ne s'est pas passé par les stands, et pour cause: il s'était élancé en slicks. Il est pour l'heure douzième.
26e: Nilsson passe à son tour Laffite et se retrouve dans le sillage de Peterson.
27e: Lauda possède une vingtaine de secondes d'avance sur Mass. A la chicane, Peterson dérape légèrement et manque de se sortir. A la sortie de l'enchaînement, Nilsson se place dans le sillage de son compatriote et le déborde par l'extérieur en mettant deux roues dans le gazon humide.
29e: Jones est troisième mais rencontre des problèmes avec ses freins. Il est menacé par Brambilla, Scheckter, Nilsson et Peterson. Ces cinq pilotes se tiennent en quelques secondes.
30e: La trajectoire est désormais sèche. Scheckter dépasse Brambilla, avant de doubler Jones en fin de tour: voici le Sud-Africain revenu au troisième rang. Brambilla est en difficulté puisqu'il se fait aussi passer par Nilsson... qui vient aussi à bout de Jones. Regazzoni abandonne à cause d'une panne de moteur.
31e: La bagarre se poursuit pour la quatrième place: suite à une petite erreur, Nilsson se fait successivement doubler par Jones et par Brambilla.
32e: Lauda est confortablement installé en tête: il a 22 secondes d'avance sur Mass et 35 sur Scheckter. Brambilla prend la quatrième place à Jones.
33e: Nilsson prend la cinquième place à Jones. Le moteur Matra de Laffite tombe en panne. C'est un nouvel abandon pour le Français dont le compteur de points est toujours vierge.
35e: Une nouvelle petite averse tombe sur le circuit. Pensant anticiper une nouvelle vague d'arrêts, Scheckter stoppe à son stand pour remettre des pneus rainurés. Il repart en septième position. Nilsson se retrouve troisième.
37e: La pluie a déjà cessé. Peterson est désormais dans le sillage de Brambilla et de Jones.
38e: Dans la même boucle, Peterson dépasse successivement Jones et Brambilla. Le voici en quatrième position.
39e: Mass effectue un tête-à-queue à la chicane, juste devant Hunt, relégué à un tour. Il repart sans avoir perdu de place.
40e: Mass part de nouveau en tête-à-queue dans l'enchaînement Kanaal - Lucien Bianchi et cette fois percute le rail. Le pilote sort de sa voiture accidentée. Lauda mène devant Nilsson (22.3s.), Peterson (31s.) et Brambilla (35s.). Suivent Jones, Scheckter, Depailler, Hunt, Ertl et Jarier.
41e: Nilsson remonte comme une balle sur Lauda: il lui a repris cinq secondes en un seul tour !
42e: Brambilla rattrape Peterson. Jones est semé par ces pilotes car il doit ménager ses freins.
43e: Onze secondes seulement séparent Lauda et Nilsson. Brambilla est juste derrière Peterson.
44e: Nilsson est irrésistible: le voici à sept secondes de Lauda. Brambilla déborde Peterson et apparaît ainsi au troisième rang. Beaucoup plus loin, Hunt dépasse Depailler.
45e: Nilsson n'est plus qu'à trois secondes de Lauda. Scheckter est à la peine avec ses pneus rainurés, désormais très usés. Hunt et Depailler sont derrière lui.
46e: Voici Nilsson revenu derrière Lauda. Celui-ci peut-il lui résister longtemps ? Hunt prend la sixième place à Scheckter.
47e: Pour l'heure, Lauda parvient à contenir Nilsson. Scheckter s'arrête pour la troisième fois à son stand et chausse des slicks. Il repart neuvième, derrière Ertl.
49e: Nilsson se montre de plus en plus pressant derrière Lauda. A plus de vingt-cinq secondes, Peterson et Brambilla sont toujours en lutte.
50e: A l'abord de la chicane, Nilsson se place dans le sillage de Lauda puis le déborde brutalement par la gauche. Il se retrouve en tête d'un Grand Prix pour la première fois de sa carrière.
51e: Nilsson s'échappe rapidement et confirme la nette supériorité de la 78 sur ce tracé.
53e: Nilsson a déjà dix secondes d'avance sur Lauda qui se contente de sa deuxième place.
54e: Peterson surprend Brambilla et récupère à nouveau la troisième place.
55e: Nilsson a onze secondes d'avance sur Lauda. Peterson est troisième à vingt-cinq secondes, talonné par Brambilla. Jones est cinquième à plus de quarante secondes et précède Hunt, Depailler, Ertl, Scheckter et Stuck.
58e: Nilsson a maintenant plus de quinze secondes de marge sur Lauda. Peterson regagne du terrain sur l'Autrichien mais il doit toujours surveiller Brambilla dans ses rétroviseurs.
60e: A dix tours du but, rien ne semble pouvoir arrêter Nilsson dans sa route vers sa première victoire. Peterson commence peu à peu à semer Brambilla.
63e: Scheckter est victime d'un problème de pompe à huile. Il doit renoncer tandis qu'il était de toutes façons hors des points et disqualifié pour avoir bénéficié de l'aide des commissaires après son tête-à-queue.
65e: Nilsson lève quelque peu le pied. En cette fin d'épreuve, l'attention se porte sur le retour de Stuck, neuvième mais à quelques encablures d'un trio composé de Hunt, Ertl et Depailler.
67e: Nilsson a douze secondes d'avance sur Lauda. Peterson est à vingt secondes. Stuck est dans les roues d'Ertl.
68e: Stuck prend la huitième place à Ertl. Il attaque aussitôt Depailler.
69e: Stuck dépasse autoritairement Depailler. Le teigneux Allemand fonce pour rattraper Hunt qui pour l'heure occupe la sixième place.
70ème et dernier tour: Gunnar Nilsson remporte sa première victoire en Formule 1, un peu plus d'un an seulement après ses débuts. C'est déjà la troisième victoire de la saison pour Lotus. Lauda se satisfait de sa deuxième place après des essais calamiteux. Peterson finit troisième et monte sur son premier podium pour Tyrrell, ouvrant enfin son compteur de points. Toujours excellent lorsqu'il pleut, Brambilla offre à Surtees une très belle quatrième place. Jones finit cinquième après une course épique: il termine presque privé de freins et avec un tube d'échappement cassé ! Enfin, Stuck parvient à doubler Hunt dans les dernières encablures et inscrit son deuxième point de l'année. Le champion du monde échoue donc à la septième place et de nouveau ne marque pas. Depailler, Ertl, Jarier, Nève, Perkins, Purley, Merzario et Hayje rallient aussi l'arrivée.
Après la course
Sur le podium, la joie simple du jeune Gunnar Nilsson fait plaisir à voir. Il est congratulé par Colin Chapman, tandis qu'un officiel lui remet une immense gerbe de fleurs. Après Jo Bonnier et Ronnie Peterson, il est le troisième Suédois à remporter un Grand Prix de Formule 1.
Les championnats du monde sont relancés après cette épreuve. Grâce à sa deuxième place, Lauda revient à une longueur seulement de Scheckter, tandis que Reutemann et Andretti, qui n'ont pas terminé la course, sont distancés par l'Autrichien. Nilsson apparaît au cinquième rang de ce classement.
Chez les constructeurs, Ferrari consolide sa première place tandis que Lotus prend la deuxième place à Wolf pour un point.
Tony