Voilà un pilote qui s'est véritablement révélé en F3000. Champion du Brésil de Formule Ford à l'âge de 23 ans, Ricardo Rosset traverse l'Atlantique en 1992. L'année suivante, il est sacré champion d'Angleterre de Formule Vauxhall, puis tente l'aventure en F3. Et là, Ricardo fait machine arrière (une vitesse qu'il aime beaucoup, comme on le verra par la suite). Malgré une victoire à Snetterton, il se fait le plus souvent remarquer par ses sorties de route, ses têtes-à-queue ou ses accrochages.
Résultat : malgré de bonnes places sur la grille de départ, il ne termine que rarement les courses, et quand il y parvient, c'est souvent à plusieurs tours de retard, correspondant au temps passé à réparer la carrosserie endommagée. Fin 1994, lorsqu'il frappe à la porte de la F3000, les employeurs ne se précipitent pas pour l'engager. Heureusement pour lui, Ricardo a un autre atout dans sa manche : il a de riches sponsors qui vont l'aider à décrocher un baquet en F3000.
C'est Super Nova qui se lance et qui est très agréablement surpris. Pour la première manche de l'année, à Silverstone, Ricardo signe le doublé pôle et victoire pour sa première expérience en F3000. Le jeune inconnu se taille ainsi une réputation de favori pour la saison 1995. Deuxième à Barcelone, puis de nouveau vainqueur au Grand Prix de la Méditerranée, il est en lice pour le titre, mais la suite de sa saison est laborieuse et il laisse échapper le titre à son coéquipier, Vincenzo Sospiri.
Malgré un accident lors de la dernière manche du championnat de F3000, Ricardo suscite l'intérêt des patrons de la F1, et ce à double titre. D'une part, c'est un pilote rapide, et d'autre part, il est accompagné d'une jolie mallette bien remplie. C'est ainsi qu'Arrows mise sur lui pour la saison 1996. Si le premier Grand Prix de l'année se passe bien (huitième place), le reste de la saison est douloureux pour le pilote. Il se retrouve régulièrement en fond de grille, multiplie les accidents et, pire encore, est totalement dominé par son coéquipier, le véloce Jos Verstappen. A la fin de la saison, Tom Walkinshaw va bizarrement lui préférer Damon Hill !
Ricardo pense alors rebondir dans la nouvelle Lola qu'Eric Broadley a conçue et fabriquée en un temps record. Malheureusement, la rapidité avec laquelle la monoplace a été construite ne se retrouvera pas sur la piste. Pour le premier Grand Prix de l'année, à Melbourne, les belles Lola terminent à plus de dix secondes de la pole position et sont donc non qualifiées. La saison 1997 s'arrête là pour Ricardo, car Mastercard, le principal sponsor de Lola, fait volte-face peu avant le Grand Prix du Brésil, obligeant l'écurie à déclarer forfait.
Ce n'est que partie remise pour Ricardo. Si sa réputation est entachée par ces deux saisons, sa situation financière reste solide. Tyrrell, qui vient d'être rachetée par BAT, a besoin d'argent pour boucler sa dernière saison et choisit le portefeuille de Ricardo plutôt que ceux de Jean-Christophe Boullion et d'Emmanuelle Collard. C'est la dernière chance pour Ricardo, mais il ne la saisit pas. Régulièrement dominé par son coéquipier, le débutant Tora Takagi, il atteint le summum de sa carrière de Formule 1 lors du Grand Prix de Monaco. Cette épreuve mérite d'ailleurs d'être racontée. Mercredi, lors de la première séance d'essais libres, Ricardo change subitement de trajectoire dans le tunnel, envoyant Jacques Villeneuve contre le rail. Samedi, lors de la séance d'essais qualificatifs, il effectue quatre tentatives :
- La première se termine à Sainte-Dévote, où il s'échoue après avoir surveillé de trop près ses rétroviseurs.
- La deuxième le voit faire un freinage d'anthologie au bout de Mirabeau ; Après avoir fait un magnifique double plat sur ses pneus, il enclenche la marche arrière pour sortir de là, mais au lieu de reculer de dix mètres pour reprendre la piste, il recule de plus de cent mètres, provoquant l'hilarité générale dans les stands.
- La troisième s'arrête dans le S de la Piscine. Arrivé trop vite, il bloque ses roues et part en tête-à-queue, ce qui est classique à Monaco. Ce qui est moins classique, c'est qu'il se retrouve face au rail de sécurité. Il enclenche alors la première, fait fumer ses pneus, lâche les gaz et vient encastrer sa Tyrrell dans les rails.
- Lors de sa dernière tentative, il ne parvient pas à réaliser un temps dans les 107 % du meilleur temps et se voit refuser le recours par les stewards de Monaco.
Le reste de la saison de Ricardo fut du même acabit, entre non-qualifications et sorties de route.
Après avoir quitté la Formule 1 à l'issue de la saison 1998, il met un terme à sa carrière et se retire du sport automobile. Il se consacre alors à ses affaires personnelles, notamment dans le secteur du vêtement de sport au Brésil, où il fonde sa propre marque.
Dix ans après sa dernière course en F1, il effectue un retour en compétition en 2008 dans le championnat brésilien de GT3. Lors de sa première saison, il termine vice-champion. L'année suivante, il réduit son programme à deux courses, mais reste actif dans la discipline. En 2010, il participe à la coupe brésilienne Porsche GT3 qu'il remporte dès sa première participation. Il renouvelle l'expérience en 2011, puis s'impose à nouveau en 2013, confirmant ainsi sa régularité dans cette catégorie.
Il participe également à deux saisons du championnat brésilien de Stock Car, sans résultats marquants, mais avec une présence constante sur la grille. Malgré une réputation ternie par ses performances en Formule 1, il parvient à se forger une solide carrière nationale, ponctuée de plusieurs titres en GT3 et en Porsche Cup.
Alex Mondin