Mine de rien, Luca, comme son ancien chef de file chez Ferrari, Michael Schumacher, accumule les records. Malheureusement, aucun ne concerne les Grand Prix de F1. Enfin si, un, mais pas le plus glorieux, celui du plus grand nombre de Grand Prix disputés sans le moindre point...
L'autre ? Celui du plus grand nombre de kilomètres couverts... en essais privés. Pilote de seconde zone dans les années 1990, il connaît à 38 ans la joie de piloter enfin une Ferrari en course, mais cette expérience est si mauvaise qu'elle précipite la fin de sa carrière.
Luca débute par le karting et il obtient trois titres de champion d'Italie entre 1986 et 1988. Il passe alors en F3 et devient champion national en 1990 et 1991. En 1992, Luca part en F3000 au sein de l'équipe Crypton Engineering et s'impose tout de suite comme l'un des cadors de la discipline. Il s'impose à Enna-Pergusa, à Hockenheim, au Nürburgring et à Nogaro, éclipse son équipier Michael Bartels. Finalement, il remporte le titre devant son compatriote Andrea Montermini. Il apparaît alors comme un futur grand et c'est tout naturellement qu'il vise l'étage supérieur: la F1.
C'est ainsi qu'il fait ses grands débuts dans la catégorie reine en 1993 au volant d'une Lola à moteur Ferrari de l'écurie Scuderia Italia. Il fait équipe avec l'expérimenté Michele Alboreto, qu'il dominera d'ailleurs souvent dans la saison. Mais la voiture est désespérément lente et poussive. Luca doit se contenter le plus souvent des derniers rangs sur la grille. Il arrivera malgré tout à arracher une superbe septième place à Imola, pour son troisième GP seulement. Après le Grand Prix du Portugal, l'équipe met la clef sous la porte et Luca se retrouve au chômage. Il est cependant convoité par quelques équipes.
Ainsi, Benetton souhaite l'engager pour 1994 aux côtés de Michael Schumacher et lui propose un test au cours de l'hiver. Hélas, le jeune Italien va démolir sa monoplace au cours de cette séance et c'est JJ Lehto qui sera choisi. l doit se contenter pour cette saison là d'un poste d'essayeur chez Minardi, qui a fusionné avec son ancienne équipe la Scuderia Italia.
En 1995, il obtient le volant de titulaire chez Minardi, aux côtés de l'expérimenté Pierluigi Martini. Hélas, au volant d'une monoplace très lente quoique relativement fiable, Luca va être dominé par ce dernier pendant une bonne partie de l'année. A la fin de la saison, il se voit adjoindre le jeune Portugais Pedro Lamy, qui aura le suprême honneur de marquer le seul point du team de cette saison. Luca est quant à lui prié de plier bagages après la dernière course...Il n'a pu faire mieux que deux huitièmes places, à Montréal et à Budapest.
Beaucoup d'observateurs considèrent alors que le chant du cygne a sonné pour lui, mais il persiste et signe pour 1996 avec la peu florissante écurie Forti, au bord du gouffre financier dès le début de la saison. Il va évidemment connaître un championnat pénible, ponctué des non-qualifications et d'abandons. Il ne voit l'arrivée qu'à une seule reprise, au Grand Prix de Saint Marin. Au Grand Prix d'Argentine, il connaît une grosse frayeur en étant envoyé en tonneaux par Diniz, sans gravité pour lui heureusement. Luca est contraint de mettre un terme à sa saison lorsque son écurie désargentée mettra la clef sous la porte après le Grand Prix de Grande-Bretagne.
Sans volant pour 1997, il s'essaie un temps aux voitures de tourismes et participe à quelques épreuves en FIA GT, sur une Lotus Elise du team GBF, sans grand succès puisqu'il n'inscrira pas un point. Minardi le convie également à quelques tests, mais il n'obtiendra pas de volant, devant s'incliner face à des pilotes payants comme Nakano ou Tuero.
C'est à ce moment là que Luca décide de devenir pilote essayeur à plein temps chez Ferrari plutôt que de collectionner les revers. Une place de choix, car Luca n'est pas étranger à la belle progression de Ferrari à partir de 1998.
Pourtant, il fera une réapparition en 1999 pour le compte de Minardi, mais l'équipe de Faenza n'a guère progressé en quatre ans, et Luca se retrouve à nouveau en fond de grille à lutter contre les Arrows. Il se montre cependant solide et ramène souvent la voiture à l'arrivée.
Lorsque Michael Schumacher est contraint d'écourter sa saison après son accident de Silverstone, Luca espère pouvoir hériter du baquet laissé vide par l'Allemand. Mais la Scuderia préfère faire appel à Mika Salo. Luca encaisse la décision sans broncher, finissant la saison avec la « petite Scuderia ». Au Nürburgring, il tient le "coup" de sa carrière: une quatrième place en course à quelques tours de la fin d'un Grand Prix qui a tourné au carnage... Hélas, la transmission se brise et il perd toute chance de marquer un jour des points. L'image du malheureux Italien pleurant de déception sur sa voiture arrêtée sur le bas-côté est sans doute la plus touchante de cette saison 1999.
A la fin de l'année, il retrouve son poste d'essayeur chez Ferrari. Depuis, les chiffres parlent d'eux-mêmes: plus de 400 jours d'essais et 100 000 km parcourus en une dizaine d'années ! Lors des titres acquis par Ferrari entre 2000 et 2004, Luca a toujours été convié à la fête, toujours chaudement félicité par Todt, Schumacher ou Barrichello. Luca Badoer est l'homme qui permit à Schumi de « se concentrer à 100% sur son pilotage ».
En 2007, Kimi Räikkönen et Felipe Massa sont les titulaires chez Ferrari, et Luca, à l'approche de la quarantaine, est toujours à son poste d'essayeur et semble indéboulonnable.
En 2009, la suppression des essais privés en cours de saison réduit considérablement son rôle. Mais le destin va le tirer de son inaction. Au Grand Prix de Hongrie Felipe Massa est victime d'un terrible accident qui le contraint à déclarer forfait pour plusieurs courses. Ferrari annonce dans un premier temps son remplacement par Michael Schumacher, sorti de sa retraite, mais le septuple champion du monde doit renoncer à faire son retour à cause de douleurs à la nuque. Du coup, c'est finalement lui qui est choisi pour disputer le Grand Prix d'Europe à Valence. Il effectue ainsi son retour en Grand Prix dix ans après sa dernière course, obtenant une revanche tardive sur le camouflet de 1999.
Hélas, le retour de Luca va tourner à la catastrophe. A Valence, sur un circuit et avec une voiture qu'il ne connaît pas (du fait de la suppression des essais privés) l'Italien se traîne lamentablement en fond de peloton. Il se qualifie bon dernier, à trois secondes de son équipier Räikkönen, à une seconde et demie de l'avant-dernier Alguersuari ! Il parvient à finir tant bien que mal à la dernière place et à un tour du vainqueur, après deux tête-à-queue. Déjà la Scuderia s'active en coulisse pour lui trouver un remplaçant, mais en attendant Luca dispute le Grand Prix de Belgique à Spa. Il tente de mieux se qualifier mais ne réussit qu'à taper le mur et part de nouveau dernier. Après une course anonyme qu'il finit encore une fois à la dernière place, il est remercié et remplacé par Giancarlo Fisichella (qui ne parviendra pas non plus a marquer de point).
Ainsi Luca Badoer a réalisé tardivement son rêve, piloter une Ferrari en Grand Prix, mais a aussi et surtout perdu dans cette aventure toute crédibilité. Fisichella devient en 2010 troisième pilote de Ferrari, ce qui est le début d'une mise au placard pour Luca. Fin 2010, à bientôt 40 ans et après 130 000 km parcourus en quatorze ans d'essais, il quitte Ferrari.
Tony et Axlex