Modifications réglementaires

En 2000, le groupe de travail missionné par la fédération avait préconisé une large réduction des appuis aérodynamiques afin de faciliter les dépassements. Le pouvoir sportif n'a pas suivi une voie aussi hardie et se contente d'imposer une faible diminution de l'appui, en augmentant de 50 millimètres la garde au sol de l'aileron avant. Celui-ci est donc rehaussé, ce qui amplifiera la vitesse en ligne droite, mais, a contrario, les bolides seront plus lents dans les virages, en raison d'une adhérence moindre à l'avant. Par ailleurs, faute de pouvoir traquer les différents antipatinages sans doute dissimulés dans les programmes de démarrage, la FIA a décidé de légaliser ce dispositif à compter du Grand Prix d'Espagne. Voilà donc un retour en arrière, sept ans après le bannissement de cette assistance électronique. Enfin, le règlement impose dorénavant formellement l'usage des moteurs V10 de 3 000 cm3, ce qui bannit les V12 et V8, de fait disparus depuis plusieurs années.


En outre, la FIA apporte de nouvelles mesures pour la sécurité des pilotes. Elle renforce notamment les tests auxquels sont soumis les arceaux de sécurité. L'ouverture du cockpit est élargie et déplacée vers l'arrière, tandis que son rembourrage s'étend désormais jusqu'aux jambes du pilote. Enfin, les câbles des roues sont doublés à l'intérieur des bras de suspension, afin d'éviter que des roues folles créent des drames, comme on a pu le voir lors du tragique carambolage à Monza l'année précédente.


Le retour de Michelin en F1


Présentation des écuries

Après avoir raflé les deux titres mondiaux en 2000, Ferrari entend évidemment poursuivre sur sa lancée cette année. Loin de s'endormir sur ses lauriers, Rory Byrne présente une F2001 originale avec un train arrière revu pour mieux exploiter les gommes tendres, un nez plongeant, inspiré des dernières McLaren, et un moteur, le V10 Tipo 50, allégé afin de placer plus de lest, ce qui permettra d'ajuster son centre de gravité selon les circuits. Ferrari peaufine aussi son système de démarrage avec le recrutement de deux électroniciens, Chris Dyer (ex-Arrows) et Anton Stipanovich (ex-McLaren), qui remplaceront Tad Czapski, parti chez Benetton. Enfin, l'équipe italienne peut se prévaloir d'un partenariat privilégié avec Bridgestone qui lui garantit les meilleurs produits japonais dans la perspective de la « guerre des pneus » contre Michelin. Michael Schumacher apparaît comme le grand favori de ce nouvel exercice et vise bien entendu un quatrième titre mondial qui lui permettrait de rejoindre Alain Prost au palmarès. Il pourrait du reste chiper cette année au Français le record de victoires en Grands Prix (51 à 44). Son lieutenant Rubens Barrichello se contentera de quelques victoires, si l'occasion se présente, et espère obtenir une prolongation de contrat au-delà de 2001.


Après sa double défaite aux deux championnats en 2000, McLaren-Mercedes entend prendre sa revanche. Pour cela, Adrian Newey a conçu une MP4/16 totalement nouvelle, qui est une réponse au nouveau règlement, avec notamment un museau haut, type Ferrari. Une sacrée ironie, à l'heure où la Scuderia adopte le nez courbé des précédentes MP4 ! McLaren dispose d'un moteur Mercedes-Ilmor flambant neuf, le FO 110K, développant près de 830 chevaux, soit 5 de plus que son rival de Ferrari. Ce V10 a parcouru plus de 10 000 km lors des essais hivernaux, mais n'a pas fait montre d'une grande fiabilité. Toutefois Ron Dennis affiche un bel optimisme en ce début d'année. L'objectif est simple: gagner les deux titres ! Mika Häkkinen espère reconquérir sa couronne mondiale et balayer les rumeurs de retraite ou de démotivation qui ont ressurgi à l'occasion de sa récente paternité. Il devra cependant compter avec David Coulthard qui n'entend plus rester dans l'ombre, comme il l'a démontré lors de sa belle saison 2000. L'Écossais vise lui aussi ouvertement le titre mondial. Enfin, Alexander Wurz remplace Olivier Panis comme pilote d'essais.


La première année de collaboration entre Williams et BMW fut très fructueuse, avec une inattendue troisième place au championnat des constructeurs. Aussi, pour 2001, le team britannique et son motoriste bavarois voient beaucoup plus grand. La FW23, conçue par Gavin Fisher et Geoff Willis, est une évolution douce de la FW22, mais elle est équipée d'un tout nouveau V10 BMW, plus petit, doté d'un angle élargi à 90°, et surtout très puissant puisqu'il développerait 850 chevaux. « Ce n'est pas une évolution mais une révolution, destinée à briguer la première place ! » clame Mario Theissen. En outre, Williams devient le client n°1 de Michelin qui fait son retour officiel en F1 et lui confiera en toute logique ses meilleurs pneumatiques. Voilà pourquoi Frank Williams guette de beaux succès en 2001. Côté pilotes, l'ambitieux Ralf Schumacher vise une première victoire, mais il devra compter avec un nouvel équipier détonnant: le Colombien Juan Pablo Montoya, champion CART en 1999, vainqueur des 500 Miles d'Indianapolis en 2000. Ce Sud-Américain, tout d'une pièce, débarque outre-Atlantique sans le moindre complexe, prêt à en découdre avec les as de la F1... et en premier lieu avec son ombrageux coéquipier.


Benetton entame sa dernière saison sous cette dénomination avant de devenir en 2002 l'équipe Renault officielle, sous la houlette de Flavio Briatore qui a entamé un vaste travail de restructuration. Le manager italien s'adjoint ainsi les services d'un nouveau directeur sportif, Steve Nielsen, en provenance d'Arrows. Le directeur technique Mike Gascoyne et l'aérodynamicien Mark Smith, tous deux recrutés chez Jordan, présentent une B201 somme toute assez classique, nonobstant un aileron avant en escalier pour compenser la perte d'appui générée par le relèvement de cet appendice. Surtout, Renault Sport lance un tout nouveau V10, le RS21, signé Jean-Jacques His, dont l'angle d'ouverture très élevé à 111° permet d'abaisser au maximum le centre de gravité. L'objectif est de présenter un ensemble châssis-moteur homogène, même si la puissance (780 ch) fera un peu défaut au début. La Benetton-Renault sera enfin munie de pneus Michelin. Pour ce qui concerne les pilotes, opéré des ligaments du genou cet hiver, Giancarlo Fisichella devra se montrer plus constant que par le passé, sous peine d'être écarté de l'aventure Renault. Son équipier sera Jenson Button, révélation de la saison 2000, « prêté » par Williams pour deux ans, et dont l'objectif sera de titiller Fisichella.


BAR a pris son envol en 2000 en conquérant la 5e place du championnat des constructeurs malgré des performances en dents de scie et une fiabilité très perfectible. Pour 2001, Craig Pollock se veut très ambitieux puisqu'il vise des victoires et la 3e place du championnat des constructeurs. Il compte pour cela sur la nouvelle 003, allégée de 30 kg, dotée d'une boîte réduite et propulsée par un V10 Honda remanié (avec un angle à 82° contre 72 auparavant). BAR doit cependant désormais partager ce moteur avec Jordan, au grand déplaisir de Pollock, d'où une inévitable « guéguerre » entre les deux clients de Honda. BAR compte en outre sur un duo de pilotes aguerris, avec l'inévitable Jacques Villeneuve et le revenant Olivier Panis qui espère à 35 ans pouvoir relancer sa carrière. En outre, l'équipe anglo-canadienne espère évoluer dans un climat interne plus apaisé. Soutenu par BAT, Pollock assoit son autorité grâce à l'éloignement d'Adrian Reynard, déchargé de ses fonctions de directeur technique au profit de Malcolm Oastler. Notons aussi l'arrivée d'un nouveau directeur des opérations, James Robinson, en provenance de Williams.


Après une brillante saison 1999, Jordana connu une chute brutale en l'an 2000, de la 3e à la 6e place du championnat des constructeurs, principalement à cause d'une EJ10 fragile comme du verre. L'équipe irlandaise a dû en outre faire face à une fuite des cerveaux, avec le départ vers Benetton de son directeur technique Mike Gascoyne. Ce dernier est remplacé par Tim Holloway, en attendant l'entrée en fonctions d'Eghbal Hamidy, recruté chez Arrows. Les deux hommes auront à charge de développer l'EJ11, très différente de sa devancière avec un nez aplati et rehaussé, et un aileron avant fixé sur des dérives inclinées à 30° pour faciliter l'écoulement de l'air. Elle dispose aussi d'une nouvelle boîte longitudinale Lubrax à sept rapports. Surtout, Jordan bénéficie désormais du V10 Honda officiel, le même que celui de BAR. L'EJ11 s'est néanmoins montrée discrète lors des essais hivernaux. Au volant, Heinz-Harald Frentzen espère tirer un trait sur une saison 2000 cauchemardesque, et ce bien qu'il doute de plus en plus du sérieux de son patron qui lui avait assuré qu'il garderait l'ingénieur Sam Michael, parti depuis chez Williams. Son équipier Jarno Trulli espère lui davantage convertir ses excellentes performances aux essais en bons résultats les dimanches.


Arrows a connu une intersaison mouvementée, avec d'abord le départ vers Jordan de son excellent aérodynamicien Eghbal Hamidy, puis celui de son directeur sportif Steve Nielsen. Ce dernier est remplacé par Michael Ainsley-Cowlinshaw. Surtout, l'écurie de Leafield change de moteur pour la septième fois en dix ans (!). Elle hérite cette fois du V10 ex-Peugeot, finalement rebaptisé Asiatech. La société japonaise emmenée par Enrique Scalabroni dispose a priori de 700 millions de francs afin de faire évoluer ce moteur. Le directeur technique Mike Coughlan a adapté celui-ci au nouveau châssis A22. L'opération s'est avérée plus compliquée que prévu, et le nouveau bolide ne sera fin prêt qu'à Melbourne. En ce qui concerne les pilotes, Tom Walkinshaw a conservé l'irrégulier Jos Verstappen, mais s'est séparé de Pedro de la Rosa lorsque Repsol a décidé de réduire son apport financier. Après avoir éprouvé Gastón Mazzacane et Antonio Pizzonia, le manager écossais a jeté son dévolu sur Enrique Bernoldi (22 ans), recalé par Sauber après deux saisons décevantes en F3000, mais bénéficiant du juteux soutien de Red Bull... Enfin, le jeune « retraité » Johnny Herbert a été engagé comme simple essayeur.


Sauber ne cesse d'enchaîner les exercices laborieux: 10 points en 1998, 5 en 1999, 6 en 2000... Pour enrayer cette spirale délétère, son patron a donné un coup de balai. Les techniciens Sergio Rinland et Leo Ress ont fait leurs bagages, tandis qu'arrivait de chez McLaren Stephen Taylor, nouvel adjoint du directeur technique Willy Rampf. La nouvelle C20 dérive de la C19, avec toutefois des pontons très bombés, garnis de dérives remontant devant les roues arrière. Le moteur est le V10 Ferrari de la saison passée, rebadgé Petronas. En outre, Peter Sauber fait souffler un vent de jeunesse avec son duo de pilotes. Nick Heidfeld (24 ans) aura à cœur de faire oublier une première année désastreuse chez Prost GP. Son équipier, le Finlandais Kimi Räikkönen (21 ans), suscite beaucoup d'interrogations. Champion britannique de Formule Renault 2000 après avoir moissonné les titres en karting, cet illustre inconnu ne bénéficie que d'une super-licence provisoire pour quatre Grands Prix, puisqu'il n'a disputé jusqu'ici que 17 courses en monoplace ! Beaucoup se demandent si Peter Sauber n'est pas tombé sur la tête en confiant le volant d'une F1 à un jeune homme aussi inexpérimenté...


La première saison de l'écurie Jaguar fut très décevante, avec un maigre score de 4 points et une 8e place au championnat des constructeurs. On est loin du « Ferrari anglais » promis début 2000 ! Pour redresser la situation, Ford éloigne le directeur général Neil Ressler et donne sa confiance à un curieux tandem composé du team manager Bobby Rahal et de Niki Lauda, nommé « directeur de la performance » par son ami Wolfgang Reitzle. Le directeur technique Gary Anderson a payé l'échec de la R1 de l'an passé. Son successeur est l'Américain Steve Nichols, glorieux ancien de McLaren, mais la R2 est l'œuvre du trio d'ingénieurs John Russell - Darren Davies - Mark Handford. L'aérodynamisme a été très remanié, cependant on remarque davantage une nouvelle boîte de vitesses à sept rapports et une suspension arrière retouchée, avec un retour des triangles superposés à la place des multi-link. Le V10 Ford-Cosworth a été simplifié après l'échec cuisant du trop complexe système de lubrification croisé moteur/boîte. Enfin, Jaguar rejoint le clan Michelin. Les pilotes seront Eddie Irvine, qui justifiera peut-être son mirobolant salaire, et le jeune Brésilien Luciano Burti, promu après deux années de bons services en tant qu'essayeur, et auteur d'une « pige » honorable l'an passé au GP d'Autriche. Pedro de la Rosa a en outre été chipé à Prost GP pour devenir réserviste.


Fin 2000, l'écurie Minardi apparaît dans une situation désespérée: son repreneur annoncé, le groupe de production télévisuelle PSN, se retire pour placer ses dollars chez Prost, laissant Gabriele Rumi, gravement malade, seul aux commandes d'une entreprise endettée à hauteur de 17 millions de $. Ce n'est finalement que fin février 2001 que la petite scuderia est sauvée, rachetée par le millionnaire australien Paul Stoddart, propriétaire de la compagnie d'aviation European. Ce féru de sport automobile a jadis soutenu Tyrrell, Jordan et Arrows, et possède déjà un team de F3000. Il rachète les parts de Rumi et conserve Giancarlo Minardi comme codirecteur. Si l'usine demeure à Faenza, la direction s'installe à Ledbury, siège d'European Aviation. Stoddart parvient à conserver le vieux V10 Ford Zetec (conçu en 1998...), qu'il rebaptise du nom de sa compagnie. Gustav Brunner doit intégrer ce moteur au nouveau châssis PS01, conçu à l'origine pour accueillir le V10 Supertec. En trois semaines, les courageux techniciens de Faenza parviennent à assembler deux châssis, envoyés in extremis en Australie. Ceux-ci seront munis de pneus Michelin. Côté pilotes, Minardi aligne l'espoir espagnol Fernando Alonso, 19 ans seulement, champion de Formule Nissan en 1999, un protégé de Flavio Briatore. Pour le second baquet, Stoddart a approché Pedro de la Rosa et Gianni Morbidelli, avant de jeter son dévolu sur un revenant: le Brésilien Tarso Marques, déjà aperçu dans l'équipe en 1996-97.


Prost GP repart d'une feuille blanche après une saison 2000 cauchemardesque. Elle a d'abord un nouvel actionnariat. Pedro Diniz a raccroché les gants et racheté 40 % de l'écurie, la sauvant ainsi de la faillite. Alain Prost a en outre trouvé un sponsor pour financer le coûteux V10 Ferrari client: le fabricant taïwanais d'ordinateurs Acer. Il obtient aussi le soutien de PSN, ce qui l'oblige à recruter le peu convaincant Gastón Mazzacane, nouvel équipier du fidèle Jean Alesi. Recruté comme directeur sportif, Joan Villadelprat était surtout chargé de dénicher un accord avec Repsol. Cela explique le passage-éclair de Pedro de la Rosa dans l'écurie en février 2001. Soutenu par le pétrolier, l'Espagnol quitte l'équipe après quelques séances d'essais pour filer chez Jaguar. Alain Prost dénonce une rupture de contrat alors que le Catalan clame n'avoir rien signé... Débauché chez McLaren, Henri Durand est nommé directeur technique, ce qui entraîne le départ de l'ingénieur maison Loïc Bigois. Durand devra développer une AP04 largement imaginée par son prédécesseur, et dont le principal atout est de loin le moteur Ferrari. Prost GP sera enfin chaussée par Michelin. Unique objectif pour les Bleus en 2001: décrocher quelques points, éviter le ridicule... et survivre.


Sources :

- Pierre Ménard, La Grande Encyclopédie de la Formule 1, Paris, Chronosports Éditions, 2004.

- Auto Hebdo, Guide de la saison 2001.

- Sport Auto, janvier - mars 2001.

Tony