La victoire de Mika Häkkinen au Grand Prix d'Autriche a été mise en suspens après que les commissaires techniques ont découvert l'absence d'un des trois scellés réglementaires (en réalité de simples autocollants) sur le boîtier électronique de sa MP4/15. Cette affaire est peu banale car on ne voit pas pour quelle raison ce sticker manque à l'appel. Aurait-il été oublié ? Se serait-il détaché durant la course sous l'effet de la chaleur, des vibrations, d'un contact avec un fluide quelconque ? Toujours est-il que sa disparition constitue une infraction. Mais alors que l'on attendait un verdict rapide, la FIA peine à organiser son audience, en raison notamment du manque de disponibilité des commissaires du GP d'Autriche. Ce n'est finalement que le mardi 25 juillet, à quelques jours du GP d'Allemagne, que Max Mosley tient réunion à l'hôtel Hilton d'Heathrow (Londres), en présence des représentants de McLaren. Martin Whitmarsh, bras droit de Ron Dennis, emmène cette délégation.
Comme l'absence du scellé est impossible à expliquer et que le contrôle des composants et des logiciels de la MP4/15 n°1 n'a révélé rien d'anormal, les débats sur le fond de l'affaire tournent court. Il est uniquement question de savoir quelle sanction infliger à McLaren. Norbert Haug estime cependant que puisque aucun acte répréhensible n'a été commis, la relaxe s'impose. Impossible selon Max Mosley: l'absence du scellé est une infraction en soi, il est impossible de passer l'éponge. En bon avocat, le président de la FIA propose un modus vivendi: Mika Häkkinen conserve sa victoire autrichienne, mais McLaren perd les 10 points de ce succès au championnat des constructeurs et devra s'acquitter d'une amende de 50 000 dollars. Cette solution évoque celle arrêtée pour le GP du Brésil 1995: après que le carburant Elf de leurs voitures eut été déclaré illégal, Michael Schumacher et David Coulthard avaient conservé les bénéfices de leurs première et deuxième places, mais leurs équipes respectives Benetton et Williams furent privées de points constructeurs.
À 17 heures, le verdict est annoncé à la presse. Ron Dennis, Martin Whitmarsh et Norbert Haug s'accordent alors une heure et demie pour décider s'ils feront ou non appel. Le temps presse: le tribunal de la FIA est mobilisé à Paris pour... le lendemain ! Certes, Dennis et Haug ont déjà requis des avocats dans cette éventualité. Mais ils acceptent finalement le verdict. Ils ont encore en mémoire le jugement du 3 avril qui a coûté la seconde place du GP du Brésil à David Coulthard, pour des motifs assez spécieux... « L'affaire est close ! » clame Whitmarsh ce mardi soir.
Le lendemain, la presse spécialisée interprète ce dénouement comme un sage compromis. Mais la controverse n'est pas tout à fait éteinte. Surgit bientôt une lettre de Ferrari, rédigée peu avant la réunion de Londres, demandant à la fédération des « précisions » sur la mise en délibéré de l'examen du bolide d'Häkkinen. De là à imaginer que le constructeur italien a voulu faire pression sur la FIA... À Hockenheim, Ron Dennis affirme que Ferrari a tenté d'obtenir les disqualifications pures et simples des deux McLaren ! « Les commissaires ont vérifié 17 fois notre programme électronique sans rien trouver d'anormal, assène-t-il. La politique de Ferrari ne me plaît pas. Après cette lettre inquisitrice, je n'ai plus aucun respect pour ces gens-là ! » Jean Todt se défend: « C'est ridicule. Nous avions tout simplement besoin d'informations complémentaires. Dennis se fait des films. » Le patron de McLaren prétend alors posséder une photocopie de la fameuse missive et être prêt à la montrer à qui voudra... Mais personne ne la verra. Toutes ces arguties passent aussi-dessus de la tête de Mika Häkkinen, heureux de conserver son succès autrichien qui le replace au cœur de la bataille pour le titre mondial. Bien qu'il feigne l'indifférence, le Finlandais s'est fait beaucoup de mouron pendant dix jours. « Il y pensait beaucoup plus qu'il ne voulait bien le dire », confie son épouse Erja...
Sources :
- Renaud de Laborderie, Le Livre d'or de la Formule 1 2000, Paris, Solar, 2000.
Tony