Nouveau règlement technique: taille de guêpe et pneus rayés
Pour 1998, la fédération internationale a imposé une véritable révolution technique destinée à ralentir les Formules 1 et, partant, à améliorer la sécurité. Les principales modifications portent sur la structure des monoplaces et les pneumatiques. Les voitures adoptent ainsi une véritable « taille de guêpe , avec une largeur hors-tout passant de 2 mètres à 1,8 mètre, et seront dorénavant munies de pneus rainurés sur piste sèche (trois stries à l'avant, quatre à l'arrière, de 10 mm de large pour 4 mm de profondeur). Les « slicks » utilisés depuis le début des années 1970 sont bannis. Les sillons devront en outre conserver une profondeur minimale de 2,5 millimètres à la fin de la course, ce qui contraint évidemment Goodyear et Bridgestone à travailler sur la solidité de leurs enveloppes. L'introduction de ces nouveaux pneumatiques a pour objectif de diminuer la motricité des bolides et donc les impressionnantes vitesses de pointe en courbe atteintes ces dernières saisons. Le même raisonnement présidait à l'interdiction des « jupes » et de l'effet de sol voilà de cela quinze ans. Par ailleurs, l'épaisseur des disques de frein est limitée à 28 mm et leur diamètre ne doit plus dépasser 278 mm. Quant aux étriers en aluminium, ils compteront six pistons au lieu de huit, avec deux plaquettes par piston. Ceci est destiné à rallonger les distances de freinage. La dimension des écopes de refroidissement est par ailleurs limitée.
D'autre part, la FIA impose d'autres modifications visant à renforcer la sûreté des Formules 1. Ainsi, si la largeur totale de la monoplace est réduite, celle de la monocoque (comprendre de la cellule de survie) est accrue, d'où l'ajout d'imposantes structures déformables sur les flancs. La coque est aussi rehaussée et élargie à la hauteur des roues avant, afin de mieux protéger les jambes du pilote. L'ouverture du cockpit est d'autre part légèrement agrandie et aplatie afin de permettre au conducteur une extraction plus aisée. Toujours pour des raisons de sécurité, un clapet à ressort recouvre dorénavant les embouts des réservoirs. Sur la plupart des bolides, cette trappe s'ouvre et se referme automatiquement lorsque le pilote enclenche le second rapport.
Toutes ces nouvelles normes ont donné bien du souci aux ingénieurs car, entre le rétrécissement des voies et l'élargissement de la coque en passant par les pneus rainurés, la perte d'appuis aérodynamiques est estimée à près de 20 %. Les monoplaces sont donc plus délicates à conduire et plus lentes que par le passé. Mais déjà les équipes techniques ont élaboré des concepts afin de retrouver l'adhérence perdue: qui déforme les flancs de la coque, qui prépare d'étonnants ailerons, qui travaille sur le train arrière pour réduire la traînée etc. Bien entendu les « top teams » qui bénéficient d'une soufflerie (McLaren, Williams, Ferrari, Jordan) ont une longueur d'avance sur leurs adversaires moins fortunés. Le rétrécissement des châssis conduit également la plupart des écuries à adopter des boîtes de vitesses longitudinales, plus faciles à loger dans une structure étroite. Seule Williams a conservé sa boîte transversale, car celle-ci était déjà très compacte.
Présentation des écuries
Williams entame une période de transition de deux années avant son alliance avec BMW qui doit commencer en l'an 2000. Néanmoins l'écurie désormais basée à Grove envisage 1998 comme la continuité de 1997. Ainsi, la nouvelle FW20 est une évolution douce de la FW19: l'ingénieur en chef Geoff Willis et le designer Gavin Fisher ne se démarquent pas des travaux d'Adrian Newey. De même, Williams utilisera toujours le V10 Renault RS9, « rebadgé » Mecachrome, du nom de l'entreprise berrichonne qui assure déjà l'assemblage de ces mêmes moteurs depuis 1995. Les ingénieurs de Renault Sport seront toujours présents dans le garage, mais sous la houlette de Jean-Yves Houé, représentant de Mecachrome. En fait, seule la livrée tranche avec le passé: les Williams sont désormais peintes en rouge, couleur de Winfield, marque australienne de cigarettes que Rothmans International souhaite mettre en avant. Jacques Villeneuve espère bien entendu conserver sa couronne mondiale mais il sait que Schumacher, Coulthard et Häkkinen seront des rivaux redoutables. Du reste, le jeune Québécois a déjà prévu de ne pas s'éterniser chez Williams. Ses relations avec Patrick Head ne sont pas au beau fixe, et il brûle de rejoindre son manager Craig Pollock chez BAR en 1999. Quant à Heinz-Harald Frentzen, battu à plate couture par Villeneuve l'an passé, il doit impérativement se reprendre afin de sauvegarder sa réputation.
Après avoir frôlé les deux titres mondiaux en 1997, la Scuderia Ferrari remise sa feinte modestie des saisons passées et prétend cette fois ouvertement à la couronne mondiale. La F300 est la première Ferrari conçue par le trio Ross Brawn - Rory Byrne - Willem Toet. C'est une monoplace totalement inédite, avec des radiateurs rétrécis permettant un meilleur maître couple et facilitant ainsi la pénétration dans l'air, un V10 à angle plus ouvert (de 75 à 80°), donc abaissé, plus compact avec une vitesse de rotation accrue grâce à un échangeur thermique amélioré, et enfin une boîte longitudinale allégée à sept rapports. « Nous avons tout ce qu'il faut pour devenir champions du monde » proclame Luca di Montezemolo. Tel est bien l'avis de Michael Schumacher qui a une revanche à prendre. L'Allemand sait que sa réputation a été entachée par le vilain geste qu'il a commis à l'encontre de Jacques Villeneuve l'an passé à Jerez. Mais il s'en moque: son talent et son mental d'acier font de « Schumi » le leader incontesté et incontestable de Ferrari. Glaner un troisième titre en 1998 serait la meilleure réponse qu'il pourrait apporter à ses détracteurs. À ses côtés, Eddie Irvine sera comme à l'ordinaire un lieutenant fidèle, mais ce dernier devra aussi se montrer plus régulier que l'an passé s'il veut aider son équipe à remporter le championnat des constructeurs. Du reste, à l'aube de cette saison 1998, il est difficile de situer la Ferrari dans la hiérarchie car celle-ci n'a tourné qu'à Fiorano et au Mugello lors des essais hivernaux. Un loup a d'ailleurs été détecté: les sorties d'échappements placées au-dessus des pontons ont tendance à surchauffer tout l'arrière de la voiture. Rory Byrne planche déjà sur une correction...
Benetton a tourné la page Briatore. L'excentricité et la nonchalance italiennes cèdent le pas à la rigueur et la sobriété britannique avec l'arrivée de David Richards à la tête de l'écurie d'Enstone. Ce dernier a remis de l'ordre dans une écurie quelque peu livrée à elle-même à la fin du règne de son prédécesseur. La B198, œuvre du jeune ingénieur Nick Wirth, monoplace très basique, arbore une livrée très sobre bleue et blanche, en rupture avec les décorations façon « arbre de Noël » des précédentes voitures. Cette machine est propulsée par le V10 Mecachrome ex-Renault, rebaptisé Playlife, du nom d'une firme de prêt-à-porter que possède la famille Benetton. En outre, Richards a conclu à la dernière minute un accord de fourniture avec Bridgestone qui, avec McLaren, équipera donc deux écuries de pointe. Enfin, Benetton s'est séparé des vétérans Gerhard Berger et Jean Alesi pour tabler sur la jeunesse en alignant Giancarlo Fisichella (25 ans et 25 Grands Prix) et Alexander Wurz (24 ans, 3 GP). « Fisico », arraché à Jordan au prix d'un procès, fut l'une des révélations de la saison 1997 et porte les espoirs des tifosi qui attendent un champion du monde italien depuis 1953. Quant à Wurz, jeune vainqueur des 24 heures du Mans et brillant suppléant de Berger l'an passé, il sera sans nul doute un dangereux rival pour son ambitieux équipier.
McLaren est revenue dans la cour des grands en 1997 en remportant trois victoires, et aurait sans doute pu se mêler à la lutte pour le titre mondial si le moteur Mercedes avait été plus fiable. Pour 1998, le staff de Mario Illien et Paul Morgan a donc mis les bouchées doubles afin de concevoir un V10 à la fois surpuissant (800 chevaux), fiable et plus compact grâce à abaissement du vilebrequin. De son côté, Adrian Newey élabore une magnifique MP4/13 qui s'inspire à la fois de la tradition Williams (à l'arrière) et des dernières McLaren (pour l'avant). Afin de remédier à la perte d'adhérence et de motricité générée par les nouvelles normes, Newey a choisi de donner à sa création un empattement long qui offre une grande stabilité. McLaren a en outre opté pour les pneus Bridgestone qui donnent toute satisfaction. Les MP4/13 ont affolé le chronomètre lors des essais hivernaux et se posent ainsi en favorites. Rasséréné par sa première victoire obtenue à Jerez, fin 1997, Mika Häkkinen devrait prétendre cette saison à la couronne mondiale. Le Finlandais possède la force de caractère, l'expérience et le talent pour relever un tel défi. Son équipier David Coulthard sera cependant un adversaire redoutable, pour peu qu'il fasse preuve d'un peu plus de constance que par le passé. Les deux coéquipiers ont les faveurs des bookmakers à l'aube du GP d'Australie.
Jordan tourne sans remords le chapitre de sa collaboration infructueuse avec Peugeot et entame un nouveau partenariat prometteur avec Mugen-Honda. Le très convoité V10 nippon, évolution de celui qui équipait les Prost en 1997, se loge dans la 198 dessinée par Gary Anderson et éprouvée dans la soufflerie construite par le team à Brackley. C'est une monoplace de facture classique, qui arbore sur son museau un bourdon noir, en lieu et place du serpent qui ornait la 197 de l'an passé. L'usine de Silverstone a par ailleurs été agrandie afin de permettre aux ingénieurs de Mugen de travailler sur place avec leurs collègues britanniques. L'écurie irlandaise, « rock and glamour », accueille en son sein le guitariste champion du monde Damon Hill. Celui-ci relève son dernier défi, conduire Jordan vers la victoire, avant une retraite programmée fin 1999. À ses côtés, Ralf Schumacher entame une seconde saison de F1 cruciale: si son talent n'est pas en doute, sa désinvolture et son arrogance, en dehors et sur les circuits, en hérissent plus d'un et lui ont valu de nombreuses critiques l'an passé. « Monsieur Frère » est doué, mais doit encore apprendre l'humilité.
1998 marque les vrais débuts de Prost Grand Prix qui se défait peu à peu des oripeaux de Ligier: déménagement de l'usine de Magny-Cours vers Guyancourt, effectifs doublés, nomination de Bernard Dudot et de Jacky Eeckelaert aux postes de directeur technique et d'ingénieur en chef. Prost GP a en outre obtenu un partenariat exclusif de trois ans avec Peugeot Sport. Néanmoins, cette alliance ne commence pas sous les meilleurs auspices. Lorsqu'elle fut négociée début 1997 par Alain Prost et Jacques Calvet, le président de PSA, il était entendu que la fourniture du V10 Peugeot à l'écurie française serait gratuite. Mais depuis, le successeur de Calvet, Jean-Martin Folz, pas du tout intéressé par la F1, a présenté une facture de 25 millions de francs annuels ! Estomaqué, Prost a tout de même conclu le deal par crainte de ne pas trouver un autre motoriste. Mais la méfiance entre les deux parties est palpable... Côté technique, l'AP (initiales d'Alain Prost) 01 dessinée par Loïc Bigois arbore des lignes fluides et élégantes. Elle est propulsée par le V10 Peugeot A16, défini par Jean-Pierre Boudy comme une évolution allégée de l'A14 qui équipait l'an passé les Jordan. En outre, l'AP01 est munie d'une boîte de vitesses longitudinale inédite conçue par George Ryton qui se révèle très fragile lors des essais d'avant-saison. La belle machine bleue a ainsi peu roulé avant le premier Grand Prix. Les pilotes seront Olivier Panis, qui espère reprendre son ascension brutalement stoppée par son accident en juin dernier, au GP du Canada, et celui qui fut son intérimaire, le jeune Jarno Trulli, aussi rapide qu'inexpérimenté.
Peter Sauber déborde d'ambitions pour cette saison 1998. Il dispose en effet avec Jean Alesi et Johnny Herbert d'une paire de pilotes digne d'un « top team » et qui est aussi la plus expérimentée du peloton. Après deux années pénibles chez Benetton, Alesi aura à cœur de montrer qu'il est loin d'être fini en tirant vers le haut l'écurie helvétique. Le solide et sympathique Herbert est quant à lui un gage de régularité. Tous deux piloteront la fine C17 conçue par Leo Ress. Celle-ci se singularise notamment par un large aileron avant et par un échappement doté de sorties de tubulure disjointes, les unes soufflant vers le haut, les autres vers le bas. La C17 sera propulsée par le V10 Petronas, un dérivé du 046 produit l'an dernier par Ferrari, allégé et rabaissé par Osamu Goto. Avec cet ensemble a priori très compétitif, Alesi et Herbert espèrent grimper sur quelques podiums. À noter que Max Welti a cédé son poste de directeur sportif à Tim Preston (ex-Williams). Selon certaines rumeurs, l'ancien bras droit de Peter Sauber avait l'heure de déplaire au puissant directeur financier Fritz Kaiser et à Dietrich Mateschitz, président de Red Bull, un des principaux sponsors de l'écurie suisse.
La saison 1997 d'Arrows (8ème place du championnat des constructeurs et 9 points inscrits) fut très loin des attentes de Tom Walkinshaw et de Damon Hill, lequel s'est enfui chez Jordan. Pour 1998, Walkinshaw peut néanmoins compter sur l'ingénieur le plus renommé du paddock, John Barnard. Celui-ci conçoit une Arrows A19 qui ne se distingue pas seulement par sa robe noire. Cette monoplace ressemble en effet beaucoup à la Ferrari F310B, également dessinée par Barnard. On y remarque un capot-moteur très plongeant, afin de dégager l'aileron arrière, et des pontons très déportés dotés de larges entrées d'air vers les radiateurs ainsi que d'une petite ouverture à l'arrière. En ce qui concerne la motorisation, Tom Walkinshaw a racheté l'entreprise de Brian Hart et l'a chargée de concevoir un V10 destiné à remplacer le fragile et exsangue V10 Yamaha. Les ponts n'ont néanmoins pas été entièrement coupés avec la firme japonaise, puisque Walkinshaw lui a proposé d'apposer son nom sur les culasses du nouveau bloc. Devant le refus hautain de Hamamatsu, le nouveau moteur maison s'appellera tout simplement Arrows. Au volant, on retrouvera le Finlandais Mika Salo, qui après vivoté trop longtemps chez Tyrrell espère enfin bénéficier d'une machine compétitive, et le Brésilien Pedro Diniz, lequel s'aguerrit année après année et fait peu à peu oublier son statut de pilote payant.
Stewart GP a vécu une première saison de F1 mitigée. La SF-01 était performante mais très fragile, si bien que l'exceptionnelle seconde place conquise par Rubens Barrichello à Monaco rapporta aussi les seuls points de l'écurie en 1997... Élaborée dans la nouvelle usine ultra-moderne de Milton Keynes, la SF-02 dessinée par Alan Jenkins est une monoplace d'allure soignée qui a bénéficié de l'expertise d'ingénieurs spécialement dépêchés par Ford. On y distingue notamment des suspensions arrière « multilink » à simple triangulation qui génèrent moins de perturbations, ainsi qu'une toute nouvelle boîte de vitesses à la fois plus rigide et plus légère grâce à un carter en fibre de carbone. Face à la déplorable fiabilité du précédent V10 Cosworth, Ford a battu le rappel d'ingénieurs travaillant aussi bien à Dearborn qu'à Cologne (siège de Ford Allemagne) pour faciliter la conception d'un nouveau bloc. Tous les accessoires ont été réaménagés, et on peut donc imaginer que les Stewart-Ford verront plus souvent l'arrivée en 1997. Rubens Barrichello, leader incontesté du team, espère engranger régulièrement des points et, pourquoi pas ? grimper sur un podium. Son coéquipier, le jeune Jan Magnussen, doit pour sa part faire oublier une première saison très décevante, sinon sa prometteuse carrière pourrait bien subir un coup d'arrêt fatal...
1998 sera une année de transition pour l'écurie Tyrrell, rachetée en novembre 1998 par British American Tobacco, et qui deviendra British American Racing (BAR) l'année suivante. Craig Pollock s'est déjà débarrassé de ses prédécesseurs Ken et Bob Tyrrell. Ceux-ci voulaient en effet conserver Jos Verstappen comme pilote alors que le manager canadien souhaitait recruter un pilote payant. Ne pouvant imposer leurs vues, le vieux Tyrrell et son fils ont quitté le navire en février 1998. Tyrrell aligne ainsi deux coureurs ayant acheté leur baquet. Le premier est le Japonais Toranosuke Takagi, déjà essayeur en 1997, soutenu par PIAA, le principal sponsor de l'écurie. Protégé de Satoru Nakajima, Takagi (24 ans) a obtenu de bons résultats en Formula Nippon et apparaît comme un pilote d'avenir. Il n'en va pas de même de son collègue Ricardo Rosset dont la précédente apparition en F1, chez Arrows en 1996, n'a pas laissé de souvenirs impérissables. Mais le Brésilien est aussi riche de 5 millions de dollars... Sur le plan technique, Harvey Postlethwaite et Mike Gascoyne ont dessiné une 026 qui produit sensiblement plus d'appui que sa devancière, notamment grâce aux fameux « candélabres » qui devraient être utilisés sur les pistes sinueuses. Surtout, la Tyrrell sera dorénavant propulsée par le V10 Ford-Cosworth Zetec-R, bien plus puissant que l'antique V8 utilisé l'an passé. Mais Takagi et Rosset sauront-ils inscrire quelques points ?...
Petite révolution chez Minardi: Gabriele Rumi s'empare de la présidence de l'entreprise, dont il devient l'homme fort tandis que Giancarlo Minardi se concentrera désormais sur la gestion quotidienne. Flavio Briatore a quitté le navire car Rumi et Minardi n'ont pas apprécié ses manœuvres en faveur de BAT qui, avant Tyrrell, lorgnait sur l'écurie italienne. Dans l'espoir de sortir celle-ci de l'ornière, Rumi a recruté l'ingénieur autrichien Gustav Brunner, transfuge de Ferrari. La firme de Maranello prend très mal ce débauchage, au point de bannir Minardi de son circuit d'essais du Mugello puis de s'opposer (en vain) à l'octroi de la super-licence au jeune Esteban Tuero. Brunner sera chargé de dessiner la monoplace de 1999. En attendant, Gabriele Tredozi a produit une M198 comprenant quelques options aérodynamiques intéressantes, notamment au niveau de l'aileron avant ou des échappements. Par ailleurs, Minardi bénéficiera cette année du V10 Ford Zetec-R, utilisé l'an passé par Stewart, moteur qui offre un gain de puissance appréciable par rapport au V8 Hart. Les pilotes laissent en revanche dubitatif. Shinji Nakano apporte quelques sponsors nippons, mais n'a pas montré grand-chose en 1997 chez Prost. Son équipier paraît encore plus « léger » : le jeune Argentin Esteban Tuero n'a même pas 20 ans et son parcours se réduit à des passages rapides et peu concluants en F3, F3000 et Formula Nippon. Il apporte cependant un budget solide et Giancarlo Minardi se dit convaincu de son talent. À noter enfin que l'essayeur sera le pilote français Laurent Redon.
Guerre des pneus: Goodyear sur le départ - Bridgestone armée pour gagner
L'introduction des pneumatiques striés avive bien entendu la rivalité entre les deux manufacturiers Goodyear et Bridgestone. Mais celle-ci prendra fin cette saison: en novembre 1997, Goodyear a annoncé son retrait de la Formule 1 à l'issue de la saison 1998, après trente-quatre années de présence continue. La firme américaine justifie son départ par cette nouvelle réglementation qui contredirait sa « philosophie », qui est de toujours proposer à ses clients des pneus plus efficaces. « Nous avons toujours considéré notre présence en Formule 1 comme un investissement dans la recherche et le développement pour fournir à nos clients des produits de haute technologie », déclare Bill Sharp, directeur des opérations de support. « Avec ce changement de règles, il ne s'agit plus de la même chose. Il faut nous conformer à de nouvelles spécifications coûteuses au lieu d'améliorer notre gamme. Nous ne nous y retrouvons plus. » Cet argument n'a pas beaucoup de portée auprès du client lambda qui s'est aperçu depuis longtemps que les pneus de son véhicule personnel étaient pourvus de rainures...
En réalité, à l'heure de la globalisation, Goodyear préfère sacrifier son budget sportif afin de renforcer sa position sur le marché mondial du pneumatique. Akron ne veut pas se lancer dans une guerre technologique dispendieuse pour conserver son leadership en F1 face à Bridgestone. Le passage aux pneus rainurés implique en effet des dépenses faramineuses, car les deux manufacturiers doivent utiliser de nouveaux composés, matériaux et moules. « Les pneus rainurés sont bien plus complexes qu'on le pense », déclare Stu Grant, le directeur de la compétition de Goodyear. « Ils diffèrent de tout ce que nous produisons. Il y a beaucoup de technologie qui entre dans la conception d'un moule, puis dans l'élaboration du pneu, le tout pour limiter l'usure au maximum. » À tout prendre, Goodyear aurait préféré se retirer fin 1997 afin de ne pas avoir à concevoir ces nouvelles enveloppes. Mais cela aurait impliqué une rupture de contrat avec ses clients et un conflit probable avec la FIA. Le départ se fera donc fin 1998. Cependant la marque américaine a déjà perdu deux de ses principaux partenaires, McLaren et Benetton, qui ont choisi de rallier immédiatement Bridgestone afin de préparer l'avenir.
Du côté des Japonais, on ne souhaite pas attendre le retrait du rival yankee pour triompher. Hirohide Hamashima, directeur technique de Bridgestone, déclare viser le titre mondial en 1998 avec McLaren-Mercedes. Avant même le début de la saison, ce partenariat avec l'équipe de Ron Dennis ravit l'ingénieur japonais: « En une journée de roulage avec McLaren, nous en savons autant qu'avec trois en 1997. Cela nous ouvre d'autres voies de développement. Si nous disposions l'an passé des balles, cette année nous avons les armes ! » Voilà Goodyear prévenu. Selon certains spécialistes, les nouveaux pneus Bridgestone détiendraient un léger avantage grâce à une structure à la fois légère et très rigide en kevlar. Une supposition que M. Hamashima refuse de confirmer et que son alter ego de Goodyear, John Taube, minimise: « Ce ne serait ni nouveau ni magique ! Et cela ne leur ferait gagner au maximum qu'un à deux dixièmes par tour. »
Toujours est-il que tout en est en place pour cette guerre des pneus striés qui opposera le camp Goodyear (Williams, Ferrari, Jordan, Sauber, Tyrrell) au camp Bridgestone (McLaren, Benetton, Prost, Arrows, Stewart, Minardi). Pour l'avenir, en 1999 Bridgestone devrait hériter du monopole de la fourniture des pneus en F1, mais cette hégémonie pourrait n'être que transitoire: à Clermont-Ferrand, Pierre Dupasquier planche sur le retour de Michelin à l'horizon 2000-2001...
Sources:
- Auto Hebdo, Guide de la saison 1998
- Sport Auto, mars 1998,
- https://www.grandprix.com/features/joe-saward/news-feature-bridgestone-goes-head-to-head-with-goodyear.html
Tony