Ecclestone: entrée en bourse manquée et Accords Concorde 1998
Flavio Briatore, VRP de Renault Sport
Flavio Briatore a trouvé sa voie de reconversion: à compter de 1999, il sera l'agent commercial des V10 Renault-Mecachrome. L'Italien s'est entendu avec Patrick Faure pour créer une société qui se chargera de vendre les moteurs conçus à Viry-Châtillon, et ceci afin de maintenir la présence de Renault en Formule 1, en prévision d'un hypothétique retour officiel. Comme toujours ou presque, Briatore a agi de concert avec Bernie Ecclestone. Le Grand Argentier s'inquiétait en effet des piètres performances du V10 RS9B rebadgé Mecachrome en cette saison 1998 et redoutait que Renault ne finisse par disparaître de la F1, puisque Williams s'est d'ores et déjà alliée avec BMW pour 2000 et que Benetton lorgne vers Ford. Ecclestone a besoin de grands noms du sport automobile pour entretenir la valeur de son juteux business, aussi a-t-il monté avec son compère Briatore cette petite « combinazione » à laquelle Renault se prête de bonne grâce. Le 21 mai, Flavio Briatore, Bernie Ecclestone, Patrick Faure et Christian Contzen se retrouvent à Aubigny-sur-Nère, siège de Mecachrome, pour entériner la création de « Supertec », la société qui commercialisera les V10 Renault en 1999. La dénomination Mecachrome passera donc à la trappe. On imagine la déconvenue du sous-traitant berrichon...
Ce montage est loin d'enchanter Frank Williams qui n'a jamais pu souffrir Flavio Briatore et n'a aucune envie de traiter avec lui, ne fût-ce que pour une toute petite saison. L'Anglais fait savoir qu'il n'a signé qu'avec Mecachrome pour 1999. Mais de toute évidence, il ne mènera aucun combat d'arrière-garde, puisque son destin sera lié à BMW en l'an 2000. Du côté de Benetton, David Richards ne fait aucun commentaire puisque ses négociations avec Ford avancent bon train. Briatore ne l'ignore pas et, outre Williams, discute avec deux autres écuries intéressées par le V10 Renault-Mecachrome-Supertec, à savoir BAR-Tyrrell et Sauber.
Présentation de l'épreuve
À défaut de pilotes nationaux, la Principauté de Monaco compte beaucoup de résidents au départ de son Grand Prix: dix des vingt-deux concurrents vivent en effet sur le Rocher ! Que l'on n'imagine pas cependant ces illustres voisins se retrouver tous les samedis soir devant un barbecue ! « En fin de compte, nous passons très peu de temps ici », révèle Mika Häkkinen, régional de l'étape. « Entre les essais, les courses et les opérations promotionnelles, il y a peu de jours pour nous retrouver chez nous. Alors on reste chacun de son côté. Nous ne nous rencontrons pas. » Qu'est devenue la camaraderie qui régnait jadis entre les pilotes ?...
Sur le plan sportif, les observateurs annoncent un Grand Prix très serré car a priori les McLaren-Mercedes ne devraient pas disposer sur le « tourniquet » monégasque du même ascendant que dans les grandes courbes d'Interlagos, Imola ou Barcelone. Les bookmakers placent de préférence leurs billes sur Michael Schumacher, déjà vainqueur ici à trois reprises (1994, 1995 et 1997). Mais le double champion du monde demeure prudent. Il le dit et le répète: la qualité de sa prestation dépendra moins de sa Ferrari que des pneus fournis par Goodyear... De son côté, Mika Häkkinen, leader du championnat, rêve de triompher sur ce circuit qu'il adore, mais où il n'a jamais connu la moindre réussite. « Tout ce que j'ai à faire cette année, c'est une course claire », énonce-t-il. « Je dois éviter tous les incidents qui peuvent arriver sur ce tracé, de la pluie à l'huile répandue par un moteur, réussir de bons ravitaillements... Autant de détails qui font de Monaco un Grand Prix exigeant. » Häkkinen s'exprime avec une telle assurance qu'on le sent prêt à manger du lion, même (voire surtout) si ce dernier se nomme Schumacher...
Giancarlo Fisichella a passé quelques jours de détente avec son ami le motard Max Biaggi qui vit comme lui à Monte-Carlo. Le jeune Romain avait besoin de décompresser après l'incident qui l'a opposé à Eddie Irvine à Barcelone. Les commissaires sportifs l'ont en effet jugé seul responsable de cet incident et lui ont infligé en conséquence une « prune » de 7500 dollars. Rocco Benetton et David Richards ont jugé cette amende si excessive que l'écurie Benetton s'en est acquittée sur ses propres deniers. Fisichella se trouve ainsi de facto exonéré. Cette procédure n'est pas légale, mais Max Mosley préfère ne pas donner suite à cette pitoyable affaire.
À défaut de retrouver le paddock, Jos Verstappen anime la rubrique des faits divers. Début mai, à l'occasion d'une course de karting en Belgique, « Jos the Boss » a eu une violente altercation avec le père d'un jeune concurrent. Une bagarre générale s'en est suivie, à l'issue de laquelle Verstappen s'est évanoui dans la nature en laissant trois types groggy ! Cueilli par la police belge, il a goûté du violon pendant 48 heures avant d'être libéré. Nul ne sait si la justice donnera suite à cette lamentable affaire qui pourrait bien compromettre son retour en Formule 1...
Ricardo Rosset vit un week-end des plus pénibles. Jusqu'ici, le pilote pauliste s'était plus fait remarquer par ses tête-à-queue à répétition que par ses performances, mais il se surpasse sur le Rocher. Ainsi, jeudi après-midi, il oublie de regarder ses rétroviseurs en abordant les S de la Piscine et éperonne Jacques Villeneuve qui tentait de le dépasser ! Les deux hommes finissent dans le mur des pneus, et le Québécois ne se prive pas d'engueuler le Brésilien... Samedi, Rosset monte en puissance: parti en glissade au freinage de Mirabeau, il tire tout droit avant d'entreprendre une longue marche arrière. Il cale au moment de mettre la première, mais parvient tout de même à redémarrer en profitant de la pente. Las, quelques instants plus tard, il exécute un tête-à-queue à la Piscine. Tentent de redresser sa Tyrrell d'un grand coup de gaz, il se loupe et se retrouve coincé entre deux glissières ! De nouveau non-qualifié, le pauvre Rosset n'a pas fini d'essuyer les quolibets...
Après plusieurs semaines de tractations, Alain Prost a conclu un partenariat avec B3 Technologies, la société de R&D fondée par John Barnard (l'ancienne Ferrari Design and Development). Les deux hommes espèrent renouer avec leur glorieux passé: Barnard était en effet le concepteur des McLaren-TAG-Porsche avec lesquelles Prost a gagné ses deux premiers titres mondiaux en 1985 et 1986. Bien entendu, cette connexion déplaît souverainement à Tom Walkinshaw qui s'estime trahi par Barnard et, du reste, peste contre les performances très décevantes des Arrows A19. Les rapports entre les deux hommes (aux caractères bien trempés) se tendent. Pour l'heure, B3 se penche sur les (nombreux) problèmes qui affectent la Prost AP01 et lance une étude pour revoir les éléments en carbone de la suspension arrière.
Les monoplaces reçoivent comme chaque année à Monaco une configuration aérodynamique très chargée. Certaines monoplaces sont plus « appuyées » que d'autres, telle la Williams qui souffre d'un grave déficit d'adhérence. McLaren présente un tout nouvel aileron avant doté d'un profil principal très incurvé dans sa partie centrale et muni d'un rebord très appuyé. La géométrie de la suspension arrière est aussi retouchée. Les Williams ne reçoivent que des modifications de détail notamment au niveau des points d'ancrage des bras de suspensions. Il faudra attendre Montréal pour voir apparaître la FW20 à empattement long. Fortement gréée, la Jordan 198 présente un élément inédit: un point d'appui incurvé sur le côté extérieur de chaque dérive de l'aileron arrière. Alan Jenkins continue de remodeler la Stewart-Ford qui se pare de déflecteurs façon McLaren, d'un nouvel aileron avant et d'une géométrie de suspension révisée. Minardi reçoit une nouvelle géométrie des suspensions arrière. Les Arrows sont équipées de nouveaux étriers de frein AP en métal adonisé, plus lourds mais plus résistants que leurs prédécesseurs en carbone. Enfin, comme prévu, Goodyear apporte ici une nouvelle structure pour ses gommes arrière qui donne satisfaction à Michael Schumacher. Quant aux autres pilotes équipés par le manufacturier américain, leur avis importe peu, puisque l'avenir de Goodyear dans la discipline est de fait suspendu au bon vouloir du « Baron Rouge »...
Essais et qualifications
Les pilotes roulent beaucoup durant les essais du jeudi, d'où une impressionnante série d'incidents. M. Schumacher tape fort à la sortie du Casino, puis Trulli heurte le rail au Bureau de Tabac. Les McLaren-Mercedes dominent une fois encore et Häkkinen réalise le meilleur chrono devant Coulthard. Samedi matin, tous les ténors sont immobilisés. M. Schumacher casse un demi-arbre en début de séance et ne repartira pas. Häkkinen heurte le mur à la Rascasse, Coulthard part à la faute à la Piscine et Villeneuve exécute un tête-à-queue à Sainte-Dévote. Du coup, c'est l'étonnant Fisichella qui s'empare du meilleur temps avec sa Benetton-Playlife.
Les qualifications se déroulent sous un chaud soleil. Les pilotes McLaren sont intouchables durant la première demi-heure, jusqu'à ce que Fisichella leur dérobe la première place (1'20''664'''). Coulthard lui répond (1'20''137'''), mais c'est finalement Häkkinen qui s'empare de la pole position (1'19''798'''). Les deux McLaren-Mercedes occuperont ainsi la première ligne. Fisichella (3ème, 1'20''368''') apparaît comme leur seul adversaire. Son équipier Wurz (6ème) est moins satisfait des réglages de sa Benetton. Chez Ferrari, M. Schumacher (4ème) vit un week-end noir et se qualifie avec son mulet. Il mise sur une course d'attente puisqu'il a sélectionné des Goodyear durs. Irvine heurte le rail à la Rascasse et accède au septième rang avec la T-Car. Grande disparité chez Williams: muni de pneus tendres, Frentzen obtient une satisfaisante cinquième place tandis que Villeneuve, en gommes dures, sombre au 13ème rang. Il est vrai que le Canadien abhorre ce circuit...
Si le châssis Arrows est mauvais, la souplesse de son V10 Hart fait ici des merveilles. Salo décroche le huitième rang, mais aurait pu faire encore mieux sans un problème de boîte qui l'a contraint à se replier sur son mulet. Diniz se qualifie en douzième position. Les Sauber-Petronas sont lentes quoique munies de pneus tendres. Herbert (9ème) subit d'incessants problèmes de freins et Alesi (11ème) rencontre du sous-virage. Bel exploit de Trulli, bon dixième au volant d'une Prost-Peugeot toujours rétive. Ralenti par des problèmes électriques, Panis (18ème) doit en sus se qualifier avec la T-Car suite à une panne d'alternateur. Les Stewart-Ford font bonne figure, mais Barrichello (14ème) se crashe à la Rascasse samedi après-midi pendant que Magnussen (17ème) s'égare dans son set-up. Les Jordan-Mugen-Honda (Hill 15ème, R. Schumacher 16ème) manquent complétement d'adhérence et, qui pis est, sont munies d'enveloppes rigides. Les Minardi-Ford se comportent bien aux essais, mais en qualifications Nakano (19ème) subit des problèmes de freins et Tuero (21ème) sort de la route. Enfin, Takagi (20ème) parvient à qualifier sa Tyrrell-Ford, contrairement à Rosset dont les exploits ont été narrés plus haut.
Le Grand Prix de Monaco est désormais couplé à une épreuve du championnat international de F3000. Celle-ci est remportée samedi après-midi par l'Allemand Nick Heidfeld devant l'Uruguayen Gonzalo Rodríguez et le Britannique Jamie Davies.
Le Grand Prix
Häkkinen domine une fois encore lors du warm-up et signe le meilleur temps devant M. Schumacher (qui essaie ses deux monoplaces) et Coulthard. Irvine, Fisichella et Trulli tâtent les glissières, ce qui finit par entraîner une interruption.
Le Grand Prix se dispute sous un ciel voilé, mais le mercure dépasse les 25°C. Les voitures équipées par Bridgestone, et donc en particulier les McLaren et les Benetton, s'élancent en pneus durs tandis que les pilotes Goodyear ont fait le choix des gommes tendres, à l'exception de Frentzen et des deux Sauber. M. Schumacher se fait une petite frayeur lorsqu'il cale son moteur en se faufilant entre les machines pour atteindre sa place sur la grille. L'Allemand est sauvé par les mécaniciens de... Sauber qui le poussent et lui permettent de retrouver la première avant l'arrivée de leurs confrères de Ferrari...
Départ: Häkkinen prend un envol idéal et franchit Sainte-Dévote en tête devant Coulthard, Fisichella et M. Schumacher.
1er tour: Tuero dérape puis heurte le rail dans la courbe de Massenet. Sa Minardi est très promptement ôtée au moyen d'une grue. Häkkinen mène devant Coulthard, Fisichella, M. Schumacher, Wurz, Frentzen, Irvine, Salo, Alesi et Trulli.
2e: Coulthard rate son freinage à la sortie du tunnel et coupe la chicane. Schumacher est aux trousses de Fisichella.
3e: Häkkinen compte déjà plus de trois secondes et demie d'avance sur son équipier.
4e: Häkkinen devance Coulthard (3.2s.), Fisichella (5.8s.), M. Schumacher (6.3s.), Wurz (8.1s.), Frentzen (11.8s.), Irvine (12.9s.), Salo (14.6s.), Alesi (15.6s.) et Trulli (18.3s.).
6e: Coulthard a repris quelques dixièmes à Häkkinen. Wurz manque son freinage à la chicane du port et tire tout droit.
8e: Irvine menace Frentzen pour le gain de la sixième place. Salo et Alesi s'accrochent à ce duo.
9e: Häkkinen mène devant Coulthard (3.1s.), Fisichella (10.2s.), M. Schumacher (11.1s.), Wurz (16s.), Frentzen (24.3s.), Irvine (25s.), Salo (26.3s.), Alesi (27.2s.), Trulli (34.7s.), Herbert (37.5s.) et Diniz (38.6s.).
10e: Irvine tente de surprendre Frentzen par l'intérieur à l'épingle du Loews. L'Allemand est en effet pris de court: les deux voitures se tamponnent et la Williams heurte le rail avec sa roue avant-droite. « HHF » s'arrête là, furibard contre Irvine qui pour sa part poursuit sans peine.
11e: Coulthard tourne en 1'23''858''' et recolle à deux secondes de Häkkinen. Fisichella contient toujours Schumacher aîné.
12e: Barrichello rejoint le stand Stewart et met pied à terre suite à un bris de suspension arrière. Le Pauliste était douzième.
13e: Panis vit un calvaire: dix-septième au volant d'une Prost inconduisible, il doit faire face aux assauts de la Minardi de Nakano...
15e: Les McLaren dépassent les premiers retardataires, Panis et Nakano. Coulthard perd une seconde derrière le Japonais.
16e: Häkkinen précède Coulthard (3.5s.), Fisichella (14s.), M. Schumacher (14.8s.), Wurz (23.6s.) et Irvine (38s.). Panis effectue un premier pit-stop.
18e: Le moteur Mercedes de Coulthard cède à la sortie du tunnel. L'Écossais se gare dans l'échappatoire et abandonne pour la première fois de la saison.
19e: Häkkinen mène devant Fisichella (19.4s.), M. Schumacher (20.6s.), Wurz (33.5s.), Irvine (47.3s.), Salo (51.8s.), Alesi (53.3s.), Trulli (1m. 12s.), Herbert (1m. 13s.), Diniz (1m. 14s.), Villeneuve (1m. 16s.) et Magnussen (1m. 19s.).
21e: Häkkinen est pris dans le trafic. Il dépasse successivement les deux Jordan puis la Stewart rescapée de Magnussen. Premier arrêt de Takagi.
23e: L'avance de Häkkinen sur le duo Fisichella - Schumacher tombe à dix-sept secondes à cause des dépassements d'attardés.
24e: Häkkinen tombe sur un groupe composé de Trulli, Herbert, Diniz et Villeneuve.
25e: Villeneuve s'écarte sportivement devant Häkkinen. Ce dernier se défait ensuite de Diniz.
26e: Häkkinen a beaucoup de peine à doubler Herbert puis Trulli, et son avance a fondu à dix secondes. Toutefois Fisichella et Schumacher rencontrent maintenant les Jordan.
27e: Häkkinen est en tête devant Fisichella (8.5s.), M. Schumacher (9.3s.), Wurz (29s.), Irvine (43.8s.), Salo (48s.), Alesi (52s.), Trulli (-1t.), Herbert (-1t.) et Diniz (-1t.). Après avoir ouvert la voie à son frère, R. Schumacher tente de surprendre Hill à la chicane, mais il glisse vers l'échappatoire et doit laisser filer son équipier.
28e: Häkkinen perd l'adhérence en sortant de la Rascasse et effleure le rail avec sa roue arrière-gauche. Une touchette sans conséquence: les suspensions de la McLaren ont été solidifiées !
29e: Häkkinen réalise le meilleur chrono de l'après-midi (1'22''948'''). Fisichella et Schumacher rejoignent à leur tour les retardataires.
30e: Englué dans le trafic, M. Schumacher effectue à la fin de ce tour (7.4s.) le premier de ses deux pit-stops, puis redémarre derrière Wurz. Alesi effectue le premier de ses deux pit-stops et demeure septième.
31e: Fisichella opère ce qui doit être son seul arrêt (10.2s.). Le Romain quitte les stands derrière Wurz et M. Schumacher. Ce dernier a donc fait une excellente opération en stoppant le premier.
32e: Schumacher est lancé aux trousses de Wurz. Il doit s'en défaire rapidement car le pilote Benetton est sur une stratégie à un seul arrêt. Magnussen abandonne, victime d'un bris de suspension arrière, comme son coéquipier Barrichello.
34e: Häkkinen précède Wurz (35s.), M. Schumacher (35.5s.), Fisichella (45.5s.), Irvine (58s.), Salo (1m. 02s.), Alesi (-1t.), Trulli (-1t.), Herbert (-1t.) et Diniz (-1t.).
36e: Le soleil disparaît derrière les nuages et l'atmosphère se rafraîchit. Wurz et Schumacher débordent les Jordan attardées. L'Autrichien ne parvient pas à décramponner l'Allemand. Panis manque son freinage à la chicane du port et tire tout droit.
37e: Häkkinen arrive chez McLaren pour son unique arrêt-ravitaillement (10s.). Il conserve vingt-trois secondes d'avance sur Wurz. Poursuivi par Schumacher, ce dernier perd du temps derrière le trio de Trulli - Herbert - Diniz.
38e: Wurz est gêné par Diniz dans la descente de Mirabeau. Schumacher saisit cette opportunité à l'épingle du Loews: il se jette à l'intérieur pour dépasser la Benetton. La manœuvre réussit mais l'Autrichien reste à droite, s'appuie sur la Ferrari et reprend l'ascendant au premier droit du Portier. Schumacher ne s'en laisse pas conter et déborde son adversaire au tournant suivant, non sans l'envoyer vers l'extérieur. Wurz lève le pied pour éviter l'accident. Quelques secondes plus tard, Schumacher rattrape un début d'embardée à la sortie du premier S de la Piscine. Sa suspension arrière-gauche paraît touchée et il rejoint les stands dans la foulée.
39e: Schumacher s'extrait de son cockpit pour renoncer. Mais Ross Brawn lui ordonne de se remettre au volant: les mécaniciens s'affairent sur sa suspension arrière-gauche, dans l'espoir de lui permettre de repartir. Pendant ce temps-là, Trulli effectue son ravitaillement.
40e: Häkkinen est premier devant Wurz (23.3s.), Fisichella (31.7s.), Irvine (36.6s.), Salo (40.4s.), Alesi (-1t.), Diniz (-1t.), Villeneuve (-1t.), Hill (-1t.) et R. Schumacher (-1t.). Herbert fait escale chez Sauber et redémarre devant Trulli.
41e: M. Schumacher repart bon dernier, avec trois tours de retard, après avoir fait changer son triangle de suspension arrière-gauche. Arrêt de Nakano.
42e: Wurz opère son unique arrêt (9.7s.) et repart quatrième derrière Fisichella et Irvine. Salo passe aussi aux stands et retrouve le circuit derrière Alesi, mais ce dernier doit stopper encore une fois. Second arrêt de Takagi.
43e: Sans doute piégé par ses pneus froids, Wurz glisse sous le tunnel et tape le rail à très vive allure. Privée de ses roues avant, la Benetton glisse jusqu'à la chicane où elle échoue de face, mais à faible allure, dans les protections. L'Autrichien sort sans mal de son habitacle. Les drapeaux jaunes sont déployés dans le secteur du port.
44e: Diniz effectue son arrêt de ravitaillement (11.6s.) et redémarre derrière Villeneuve. Hill passe aussi aux stands.
45e: Irvine subit son unique arrêt-ravitaillement (9s.) et demeure en troisième position. R. Schumacher reste immobilisé près de vingt secondes chez Jordan pour ravitailler et effectuer quelques réglages.
46e: Häkkinen domine devant Fisichella (22s.), Irvine (57s.), Alesi (1m. 05s.), Salo (1m. 08s.), Villeneuve (-1t.), Diniz (-1t.), Herbert (-1t.), Hill (-1t.) et Trulli (-1t.). M. Schumacher est quinzième avec trois tours de retard.
47e: R. Schumacher abandonne avec un bris de suspension arrière-droite, conséquence d'une touchette à Sainte-Dévote.
49e: Salo pourchasse Alesi pour le gain de la quatrième place, sans forcer son talent puisque l'Avignonnais doit repasser aux stands. Plus loin, Villeneuve est sur le point d'achever un interminable premier relais avec des pneus très usés qui lui vaut quelques travers.
51e: Vingt-et-une secondes séparent Häkkinen et Fisichella. Après un week-end cauchemardesque, Panis regagne son garage pour abandonner. L'écurie Prost prétextera une roue mal serrée pour justifier ce retrait.
54e: Häkkinen mène tranquillement devant Fisichella (21s.), Irvine (50s.), Alesi (54s.), Salo (1m. 03s.), Villeneuve (-1t.), Diniz (-1t.), Herbert (-1t.), Hill (-1t.) et Trulli (-1t.).
55e: Villeneuve effectue enfin son ravitaillement (7.6s.) et parvient à demeurer en sixième position devant Diniz.
56e: Alesi subit son second pit-stop (7.8s.) et cède la cinquième place à Salo.
58e: Häkkinen conserve dix-sept secondes d'avantage sur Fisichella après avoir doublé quelques attardés. À la chicane du Port, Schumacher reprend au forceps son tour de retard à Hill. Trulli ne peut plus sélectionner ses rapports et rejoint le stand Prost pour renoncer.
59e: Fisichella lèche le rail avec sa roue arrière-droite en quittant la Rascasse et part en tête-à-queue. L'Italien se retrouve à contre-sens, mais il parvient à reparti sans dommages.
61e: Le vent a chassé les nuages. Häkkinen précède Fisichella (31s.), Irvine (1m.), Salo (1m. 16s.), Alesi (-1t.), Villeneuve (-1t.), Diniz (-1t.), Herbert (-1t.), Hill (-2t.), Nakano (-2t.), Takagi (-2t.) et M. Schumacher (-2t.).
63e: La dernière bagarre en piste oppose Villeneuve à Diniz pour la sixième place: trois secondes les séparent.
65e: Häkkinen conduit à sa main pour préserver sa mécanique et roule en 1'25''. Fisichella lui reprend ainsi quelques secondes. Douzième et dernier, M. Schumacher réalise son meilleur chrono de la journée (1'23''189''').
67e: Häkkinen compte vingt-cinq secondes d'avance sur Fisichella. Irvine évolue à cinquante-huit secondes du leader.
69e: La boîte de vitesses d'Alesi laisse échapper d'inquiétantes volutes blanches. Le pilote Sauber poursuit sa route puisqu'il compte encore trente-sept secondes de marge sur Villeneuve.
70e: Häkkinen devance Fisichella (26s.), Irvine (54s.), Salo (1m. 10s.), Alesi (-1t.), Villeneuve (-1t.), Diniz (-1t.) et Herbert (-1t.).
71e: Schumacher prend l'ascendant sur Takagi et lui cède ainsi la lanterne rouge.
72e: L'intervalle entre Häkkinen et Fisichella tombe à vingt-et-une secondes. Alesi poursuit sa route en espérant ralliant l'arrivée. Sa Sauber ne fume plus.
74e: Alesi est finalement trahi par sa boîte de vitesses tandis qu'il aborde le second S de la Piscine. Le Français parvient à se garer à l'extérieur de la piste. Les drapeaux jaunes sont brandis le temps que les commissaires exfiltrent la Sauber abandonnée.
76e: Häkkinen précède Fisichella (15s.), Irvine (45s.), Salo (1m. 02s.), Villeneuve (-1t.) et Diniz (-1t.).
78ème et dernier tour: Schumacher souhaite repasser devant Diniz et se jette dans un trou de souris à la chicane alors que le Brésilien a depuis longtemps pris la corde. L'Allemand se met à l'équerre pour l'éviter et tutoie le rail avec l'avant de sa Ferrari. Diniz n'est heureusement pas touché et Schumacher se redresse pour couper la ligne d'arrivée privé de son museau...
Mika Häkkinen remporte sa quatrième victoire en 1998. Fisichella décroche une très belle deuxième place devant Irvine qui sauve les meubles pour Ferrari. Salo finit quatrième et permet à Arrows d'ouvrir son compteur. Villeneuve accroche la cinquième place après une vraie course d'endurance. Diniz empoche un point avec la seconde Arrows. Suivent Herbert, Hill, Nakano, M. Schumacher et Takagi.
Après la course: Häkkinen, prince d'un jour
Jusqu'à ce jour, Mika Häkkinen pouvait se croire maudit à Monaco: en six participations, il n'avait jamais vu le drapeau à damiers ! Une anomalie comblée par cette éclatante victoire qui lui permet de s'asseoir en patron de ce championnat 1998. Le Finnois a survolé les débats d'un bout à l'autre du week-end, démontrant une fois encore la supériorité de la McLaren-Mercedes, aussi à l'aise dans les grands espaces de Montmeló que parmi les ruelles étroites de Monte-Carlo. Sur ce juge de paix, Häkkinen a aussi définitivement acquis ses galons de grand pilote, en faisant preuve d'une agilité, d'une constance et d'un sang-froid dignes de ses glorieux prédécesseurs: Ayrton Senna bien sûr, son ancien équipier, et Michael Schumacher, désormais son grand rival. À sa descente de voiture, au terme d'un interminable tour d'honneur, il reçoit les chaudes félicitations de son mentor Keke Rosberg, premier Finlandais à s'être imposé ici, en 1983. « Keke m'a souvent dit qu'une victoire à Monaco en valait plusieurs acquises ailleurs, je le crois volontiers ! » s'exclame Häkkinen. « Une fois que Coulthard a abandonné, il n'y avait plus de danger. Mais le plus difficile ici est de rester vigilant, surtout lorsqu'on est en tête. Il faut avoir l'œil partout. Même sur les bandes blanches: dix tours avant mon ravitaillement, j'ai perdu l'adhérence sur l'une d'elles, à la Rascasse, et j'ai frotté le rail. Je m'en suis bien tiré ! Je remercie les gars de l'usine qui ont construit des suspensions arrière renforcées spécialement pour Monaco. C'est bête de rouler à 110 % mais le danger ici est de se déconcentrer: je me souviens de ce qui est arrivé à Senna en 1988. Ainsi, en fin de course, j'ai calqué mon rythme sur celui de Fisichella, même si je ne risquais rien. Je voulais garder une attention maximale. »
Mika Häkkinen a vraiment touché le jackpot au casino monégasque puisque ses deux poursuivants au championnat du monde David Coulthard et Michael Schumacher repartent avec un score vierge. L'Écossais semble avoir déjà renoncé au titre mondial. « Je le sais, le championnat est joué », soupire-t-il dimanche soir. Mais Schumacher est beaucoup plus remonté car il visait ouvertement la victoire dans son « jardin » de Monte-Carlo. Les nouveaux pneus apportés par Goodyear lui permettaient de nourrir de sérieux espoirs de victoire. Las, son week-end ne fut qu'un long chemin de croix, scandé de pannes et d'accidents en tout genre. Le coup de grâce fut apporté par Alexander Wurz qui a touché la Ferrari lors de leur passe d'armes du 38ème tour. « Après l'incident avec Wurz, ma voiture était endommagée », narre Schumacher. « Quelque chose n'allait pas à l'arrière... Je ne comprends pas qu'une suspension puisse casser net sous l'effet d'un choc aussi léger ! J'ai cru que ma course était terminée, mais les mécaniciens ont jugé bon de remplacer un triangle de suspension. Nous attentions un miracle... La pluie, une cascade d'abandons... Mais avec trois tours de retard, je n'avais rien espérer. Notre situation au championnat n'est vraiment pas très bonne puisque c'est la mauvaise McLaren qui a abandonné. J'espère que les évolutions que nous apporterons au Canada nous permettront de redresser la situation. »
Giancarlo Fisichella a connu un début de saison fort difficile, ponctué de nombreux incidents. Après cinq épreuves, le sympathique Romain n'avait inscrit qu'un petit point contre neuf pour son équipier Alexander Wurz. Mais à Monaco, c'est l'Autrichien qui est parti à la faute tandis que « Fisico » a conquis une superbe seconde place. « C'est un grand résultat pour moi », confie-t-il. « Les derniers essais ont été décisifs. Nous avons une nouvelle suspension arrière qui me permet d'enfin comprendre comment la voiture fonctionne. Elle glisse beaucoup moins qu'avant. Ici, mon but était de finir sur le podium, mais cette deuxième place est incroyable. La course a été très difficile au début parce que Schumacher attaquait fort et que je rencontrais un peu de survirage. Cela s'est arrangé ensuite. Plus tard, j'ai tapé le rail à la Rascasse et j'ai fait un tête-à-queue. Heureusement, Irvine était loin... » Fisichella n'est cependant pas pleinement satisfait: « Cette erreur montre que je dois faire mieux. Maintenant, il faut que je gagne un Grand Prix ! » Quant à Wurz, il s'estime heureux d'être indemne après sa terrifiante embardée sous le tunnel. Un accident qui rappelle celle qui a failli coûter la vie à son compatriote Karl Wendlinger en 1994... Pour David Richards, cet incident est la conséquence de la touchette survenue entre Schumacher et Wurz, mais il est bien plus probable que celui-ci se soit fait piéger par ses pneus froids dans une courbe où l'adhérence est toujours précaire. Une rude leçon.
Dimanche soir, la famille princière offre comme chaque année un dîner de gala au Sporting d'été. Vers 21 heures, Heinz-Harald Frentzen se retrouve sur le seuil de l'établissement en compagnie d'Eddie Irvine, celui-là même qui l'a « balancé » dans le rail quelques heures plus tôt. Vêtu d'un costume sombre, l'Allemand est accueilli avec courtoisie par les vigiles, mais Irvine, en baskets, jeans et blouson noir, est promptement refoulé. « Je suis attendu ! Vous ne savez pas qui je suis ! » hurle-t-il. « Ce type me suit depuis des heures, ne pourriez-vous pas m'en débarrasser ? » lance alors Frentzen, rigolard. Petite vengeance... Que l'on se rassure: après avoir bien ri, le blagueur HHF ne laissera pas son rival sur le trottoir !... Quelques instants plus tard, Mika Häkkinen, le héros du jour, est accueilli à la table de Rainier III en compagnie de Ron Dennis, Mansour Ojjeh et de leurs compagnes respectives. Les deux copropriétaires de McLaren sont ravis: jamais encore le prince ne leur avait fait pareil honneur, même aux temps glorieux d'Alain Prost et d'Ayrton Senna. Lorsque Häkkinen grimpe sur la scène pour recevoir sa standing ovation, le prince se penche à l'oreille d'Ojjeh: « À mon avis, Mika n'est qu'au début de son ascension... », susurre ce fin connaisseur de la compétition automobile.
Tony