Début octobre 1997, Max Mosley est réélu sans adversaire à la présidence de la Fédération Internationale de l'Automobile (FIA), pour un second mandat de quatre ans. L'avocat britannique n'a pas fait campagne et n'a ainsi pas abandonné les dossiers en cours, notamment celui très important des lois anti-tabac édictées dans l'Union européenne qui inquiètent les principaux acteurs des sports mécaniques. Le 25 octobre, à la veille du GP d'Europe, Mosley donne une conférence de presse à ce sujet et tient des propos volontiers alarmistes. Il estime en effet que puisque le Vieux Continent s'est engagé sur la voie de l'interdiction complète de toute réclame pour le tabac, la Formule 1, largement financée par cette industrie, n'y mettrait presque plus les pieds ! « Nos plans sont assez simples », déclare le président de la FIA. « Nous aurons toujours des Grands Prix en Europe, mais leur nombre se réduira à trois... En ce moment, nous visitons trois pays qui interdisent la publicité pour les cigarettes: la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Les GP de France, d'Allemagne et de Grande-Bretagne compteraient ainsi alternativement pour le championnat du monde. Les courses qui se tiennent en Europe dans des pays qui n'appartiennent pas à l'UE, c'est-à-dire Monaco et la Hongrie, continueraient à faire partie du calendrier annuel. » Quant à la Belgique, l'Espagne, l'Autriche et l'Italie, à elles de décider si elles appliquent ou non les prescriptions communautaires...

 

Par cette provocation, Mosley cherche bien sûr à obtenir des dérogations de la part des gouvernements européens. Il jette aussi un pavé dans la mare en dénonçant l'hypocrisie de ces normes anti-tabac: « Nous agissons ainsi pour deux raisons. La première est qu'en F1 l'argent qui provient de l'industrie du tabac s'élève à un montant compris entre 200 et 300 millions de dollars. Personne ne connaît le montant exact, car les écuries sont discrètes sur la question, mais nous savons que c'est approximativement cette somme... Est-ce que cela signifie qu'il n'y a pas de mal à fumer, que fumer doit être encouragé ? Non. Mais nous avons enquêté avec soin sur les liens entre la publicité pour le tabac et la consommation. Dans la communauté européenne, la conséquence de l'interdiction de la réclame n'est pas une diminution mais un accroissement de la consommation ! [...] Si les personnes, et en particulier les jeunes, fument, ce n'est pas à cause de la publicité et encore moins du sponsoring... Nous avons dit aux gouvernements européens que s'ils détenaient les preuves de l'efficacité de leurs mesures anti-tabac, alors nous bannirions la publicité. Mais en réalité, ceux-ci savent bien qu'il n'y a pas de lien établi. En fait, le tabac est pour eux une source substantielle de revenus par le biais des taxes ! Mais ils veulent être politiquement corrects... »

 

Avec ces propos, Mosley proclame son intention de défendre coûte que coûte la compétition automobile face aux nouvelles normes prétendument sanitaires préconisées par l'Union européenne. Il obtient un premier succès début novembre lorsque le gouvernement britannique renonce à proscrire la publicité pour le tabac dans le cadre des courses automobiles. Un revirement que certains relient à l'étonnant soutien pécuniaire apporté par le pourtant très « réac » Bernie Ecclestone à la récente campagne électorale du Premier ministre travailliste Tony Blair... Hasard ? Néanmoins, il ne s'agit que de dérogations à court terme, et donc de succès provisoires. Sur le fond, l'UE et les États membres ne paraissent pas décidés à faire machine arrière pour complaire à la FIA et au lobby du tabac. Aussi la Formule 1 et ses acteurs pourraient bel et bien se retrouver, d'ici quelques années, privés du soutien financier des cigarettiers. Ils devront alors trouver d'autres modes de financement. Une révolution dans le sponsoring point à l'horizon du troisième millénaire.

 

Sources:

- Jean-Louis Moncet, « F1, tabac et publicité, Max Mosley menace », Sport Auto, décembre 1997

Tony