Embrouilles à la pompe
A l'issue d'une réunion tenue le 25 juillet dernier, la FISA adresse aux écuries un courrier révélant que, d'après l'examen de plusieurs échantillons, un certain nombre de monoplaces ont disputé le GP de France avec un carburant « non conforme », sans préciser quels sont les constructeurs et les pétroliers incriminés. Max Mosley reproche à ces derniers d'utiliser depuis plusieurs saisons des « produits spéciaux », dérivés de la chimie pure et non des hydrocarbures, afin d'accroître la puissance des moteurs. Ces procédés ont cours depuis l'introduction des blocs atmosphériques en 1989: ils consistent à augmenter « intérieurement » la quantité d'oxygène afin de parfaire la combustion et donc donner des chevaux supplémentaires. Dans son souci d'interdire ce doping, Mosley ordonne de revenir au règlement de... 1978 ! Il précise par ailleurs que si les pétroliers n'utilisent pas une essence « de commerce » au GP de Hongrie, il donnera suite aux irrégularités relevées à Magny-Cours. Le président de la FISA agit main dans la main avec Bernie Ecclestone qui soupçonne Elf de fournir une essence « spéciale » à Williams-Renault. Ce faisant, les deux compères foulent au pied le principe d'unanimité entre les acteurs stipulé dans les Accords Concorde. Ecclestone a notamment roulé dans la farine Guy Ligier: profitant de l'absence du Vichyssois aux séances de la FOCA, il a prétendu disposer de son pouvoir pour ajouter une voix supplémentaire en faveur de ses idées !
Ces manœuvres politiciennes produisent un véritable chaos. Réunie jeudi à Budapest, l'association des pétroliers constate que le règlement 78 ne permet pas d'utiliser une essence « pompe » conforme aux normes Eurosuper actuelles. Ce texte préconise en effet une teneur maximale en oxygène de 2% alors que pour Eurosuper celle-ci doit atteindre 2,5%. C'est d'ailleurs cette dernière norme qui figure dans le règlement technique de 1992. Par ailleurs, le règlement 78 autorise l'utilisation du plomb, ce qui entre en contradiction avec le discours « écologiste » de Mosley. Aussi, si la plupart des voitures roulent en Hongrie avec un carburant pompe version 92, certaines (on parle des McLaren et des Ferrari) utilisent une essence de 78, donc illégale à plusieurs égards. Ecclestone convoque alors la FOCA pour faire signer un document entérinant un retour immédiat aux produits « pompe » 92. Mais les constructeurs, emmenés par Williams, ne se laissent pas flouer une fois de plus, et rejettent cette proposition. Ecclestone n'a pas plus de succès au sein de la FOFAP, où seule BP relaie les thèses fédéralistes. Dominique Savary (Elf) crie son indignation: « Nous n'avons jamais fait d'essence illégale et nous défions Mosley de le prouver devant les tribunaux ! » Si l'affaire pourrait en effet se terminer en justice, personne n'a intérêt à aller aussi loin. Williams et Renault sont en passe de remporter les titres mondiaux et ne peuvent en diluer l'impact par un feuilleton judiciaire. Ecclestone compte là-dessus pour introduire promptement le carburant commercial, en espérant que les cartes seront rebattues, le spectacle plus intéressant et que les audiences télévisées se relèveront...
Ferrari: retour de J. Barnard et 500ème Grand Prix
Ferrari officialise le retour de John Barnard, moins de trois ans après son départ de Maranello. L'ingénieur anglais s'installera dans un centre de recherche en Angleterre où il dessinera les futures Ferrari. Il ne s'immiscera pas dans la direction de l'équipe qui revient à Harvey Postlethwaite. Claudio Lombardi est muté à la tête du bureau d'études, précédemment confié à Paolo Massai qui devient son adjoint. Jean-Claude Migeot garde la responsabilité du département aérodynamisme. Lors de son premier passage chez les Rouges, Barnard avait été critiqué par la presse italienne pour sa lenteur à concevoir une nouvelle monoplace. Cette fois, il reconnaît que la F92 doit impérativement être remplacée par un modèle intermédiaire pour 1993, en attendant sa première « vraie » création, prévue pour 1994. Reste à savoir s'il parviendra à s'entendre avec Postlethwaite. Les rapports entre les deux ingénieurs avaient été tendus lors de leur précédente cohabitation.
L'arrivée de Barnard coïncide avec le 500ème Grand Prix de la Scuderia Ferrari, célébré en deux temps. Vendredi 14 août (quatrième anniversaire de la disparition d'Enzo Ferrari), un dîner de gala se tient à l'hôtel Kempinski de Budapest autour de Luca di Montezemolo et Aleardo G. Buzzi, ancien président de Philip Morris Europe. Invité de marque, Katzumi Ichida, le directeur technique de la compétition chez Honda, offre à Montezemolo un casque de samouraï du XVIIème siècle, « symbole de notre respect du combattant », dit le dirigeant japonais. Le lendemain, Paddy McNally organise sur l'Hungaroring une grande exhibition de Ferrari historiques, prêtées par Albert Obrist, le plus grand collectionneur mondial de voitures flanquées du cheval cabré. Les « grands anciens » de la Scuderia sont fidèles au rendez-vous. Gigi Villoresi, 83 ans, conduit sa fameuse 375 4l. Maurice Trintignant pilote une 625, Tony Brooks une Dino, Giancarlo Baghetti une 156 et Patrick Tambay une 126 turbo. Ce dernier n'hésite pas à plaisanter sur les performances actuelles de son ancienne écurie: « On nous demande de ne pas forcer la cadence. Sans doute pour ne pas humilier les Ferrari d'aujourd'hui... »
Présentation de l'épreuve
Nigel Mansell aborde le Grand Prix le plus important de sa longue carrière. Il peut en effet s'assurer dès ce week-end du titre mondial, à condition d'inscrire quatre points de plus que son équipier Riccardo Patrese, son lointain dauphin au classement général (86 pts contre 40). Il peut aussi devenir le champion le plus rapidement consacré dans une saison, à 68,75% du parcours total (contre 70% à Jim Clark en 1963 et 1965). Flanqué de son inséparable épouse Rosanne, Mansell refuse toujours de s'étendre sur cet enjeu capital. « S'il vous-plaît, ne me parlez pas de tout ça ! » lance-t-il aux journalistes. On peut comprendre qu'un pilote qui court depuis si longtemps après le Graal et l'a déjà laissé échapper trois fois, se montre prudent, voire superstitieux, même s'il faudrait cette fois un cataclysme pour que sa quête échoue. « J'ai pensé à Adélaïde 86 », reconnaît-il, « mais je me suis aussitôt rassuré. Ma marge ici est bien plus large ! »
L'échiquier 1993 se met peu à peu en place. Ayrton Senna a négocié avec Niki Lauda pour obtenir un contrat de deux ans chez Ferrari en échange de 25 millions de dollars. Mais l'affaire ne se fera pas: Luca di Montezemolo sait que 93 sera une « année de transition » pour la Scuderia et craint que le Brésilien ne rue rapidement dans les brancards. C'est donc vraisemblablement son équipier Gerhard Berger qui fera équipe avec Jean Alesi chez les Rouges l'an prochain. Du côté de Williams-Renault, on attend la confirmation d'Alain Prost. Nigel Mansell semble se résigner à cohabiter de nouveau avec le Français. Riccardo Patrese pourrait lui migrer vers Benetton. Reste donc à caser Senna ! Déçu par Ferrari, « Magic » se tourne plus que jamais vers Frank Williams et assure qu'il est prêt « à conduire pour lui gratuitement ! » Mais la route de Didcot lui semble bouchée. Ayrton n'a donc plus le choix qu'entre poursuivre avec McLaren ou prendre une année sabbatique, hypothèse qu'il ne rejette pas.
Jean-Marie Balestre avait demandé à la fédération hongroise une refonte complète du tracé de Budapest afin de faciliter les dépassements. Cela lui a valu de perdre la voix de la Hongrie lors de l'élection présidentielle de 1991. Max Mosley enterre cette exigence mais demande néanmoins un resurfaçage du circuit. Les vibreurs, jugés trop agressifs, sont supprimés ou abaissés. Hélas, les pilotes vont désormais emprunter allègrement les bordures, ce qui ramène beaucoup de poussière sur le bitume et occasionne des tête-à-queue. Du reste, la qualité du nouveau revêtement n'est pas excellente: l'ancien circuit était trop lisse, le nouveau est trop bosselé !
Goodyear a fini par capituler et accepte le passage aux pneus de 15 pouces pour 1993. Bernie Ecclestone aurait convaincu la firme d'Akron en lui promettant le monopole pour de longues années ainsi qu'une plus grande exposition publicitaire. Les techniciens américains se mettent donc au travail, ainsi que leurs confrères d'OZ, le sous-traitant italien qui produit la quasi-totalité des jantes utilisées en F1.
La Scuderia Italia n'étant pas satisfaite du châssis fourni cette saison par Dallara, elle rompt cette collaboration pour s'associer à Lola. C'est ce qu'annonce son directeur Paolo Stanzani dans une conférence de presse. Les BMS de 1993 seront donc des Lola-Ferrari. Eric Broadley, le patron du constructeur britannique, révèle qu'il s'agit d'une vraie alliance: il sera partenaire à part entière et non simple fournisseur. Lola planche depuis environ un an sur ce programme. « La Formule 1 est à la pointe de la technologie de la voiture de course et, en tant que principal constructeur de voitures de course au monde, nous devons nous y impliquer », souligne Broadley.
Eddie Jordan ne fait pas mystère de son désarroi face aux performances désastreuses du V12 Yamaha. Il signifie à Herbie Blash et Takaaki Kimura, représentants de la firme nippone, que leur contrat sera rompu à la fin de la saison. L'Irlandais aimerait récupérer un moteur Ford, mais son écurie est en procès avec le constructeur de Détroit, suite à la rupture brutale de leur partenariat fin 91. Quant à Yamaha, elle pourrait poursuivre l'aventure en F1 avec Minardi, Footwork ou Tyrrell.
Frank Dernie va quitter Ligier à la fin de la saison. Gérard Ducarouge devrait dorénavant avoir la haute main sur le staff technique de Magny-Cours. Guy Ligier a également débauché John Davies, l'ingénieur en charge de la recherche chez Lotus, et qui chapeautera la conception des aides électroniques au pilotage (boîte semi-automatique, suspension active, antipatinage) désormais indispensables pour prétendre aux premiers rôles.
Fondmetal se sépare d'Andrea Chiesa, qui n'a pas tenu ses engagements financiers, pour le remplacer par Éric van de Poele qui espère avoir ainsi davantage de chances de participer à des courses qu'au volant de la Brabham. Toutefois, Gabriele Rumi est las d'injecter de l'argent à perte et songe de nouveau à fermer la boutique. Brabham est dans une situation encore plus dramatique et accumule les ardoises. La plus lourde est celle de Judd qui, comme à Imola, fait saisir ses moteurs samedi matin. Le team manager Ray Boulter parvient finalement à trouver un accord et Damon Hill pourra tourner l'après-midi. Van de Poele devait être remplacé par Julian Bailey, mais l'accord n'a pu être finalisé à temps. Seul Hill roule donc ce week-end. Bien qu'elle contrevienne ainsi au règlement, Brabham ne reçoit aucune sanction de la FISA qui admet le « cas de force majeure ».
Si Olivier Grouillard est parvenu à sauver sa place chez Tyrrell (merci Eurosport), Paul Belmondo n'a plus de budget et cédera au prochain Grand Prix son baquet à l'Italien Emanuele Naspetti. Le fils du célèbre acteur n'a pas démérité malgré un bagage limité, réduisant au fur et à mesure de la saison l'écart de performance avec Karl Wendlinger. Il espère retrouver un volant en 93. « Je sais que désormais les gens de la F1 me considèrent comme un pilote à part entière. C'est là l'essentiel », affirme-t-il avec satisfaction.
L'adoption de l'essence du commerce a un impact sur les performances des moteurs, mais évidemment les ingénieurs se taisent sur ce sujet, et aucun enseignement sérieux ne pourra être tiré de ce Grand Prix. Williams utilisera pour la première fois le V10 Renault RS4 en course. Du coup, Ligier reçoit à son tour le RS3C jusqu'ici réservé au team de Didcot. McLaren apporte de grandes modifications à sa MP4/7: nouvel aileron arrière, fond plat retouché etc. Les gars de Woking inaugurent surtout leur système anti-patinage, inspiré de celui concocté par Williams, dont Senna se dit très satisfait sur ce difficile tracé du Hungaroring.
Essais et qualifications
Depuis Silverstone, un nouveau point du règlement précise qu'en cas de sortie de route, un pilote qui aurait besoin des commissaires pour remettre son moteur en marche serait automatiquement disqualifié, aux essais comme en course. Samedi après-midi, cette mésaventure survient à Zanardi qui perd ainsi ses chronos du jour et manque sa qualification.
Du fait de la présence d'une seule Brabham, Gachot et sa Venturi sont exemptés de la séance de pré-qualification. Celle-ci ne présente aucun intérêt puisque l'unique position éliminatoire revient de fait au pauvre McCarthy. Les mécaniciens d'Andrea Moda ne s'occupent que de la voiture de Moreno, et le pilote anglais n'est autorisé à prendre la piste que 45 secondes avant le drapeau à damiers ! Le représentant de la FISA, Peter Warr, réagit enfin en sommant l'écurie italienne de faire au prochain rendez-vous de sérieux efforts pour qualifier ses deux monoplaces. Sinon, elle risque l'exclusion pure et simple du championnat du monde.
Patrese s'élancera en pole position pour la première fois de la saison. L'Italien ne rencontre en effet aucun souci technique et réalise sans peine le chrono de référence (1'15''476'''). Auteur d'un tête-à-queue samedi en roulant sur la poussière, Mansell (2ème) s'estime heureux de partir en première ligne. Divers soucis chez McLaren: Senna (3ème) rencontre beaucoup de trafic et trouve que son moteur poussif. Berger (5ème) exécute samedi une magistrale pirouette en suivant son équipier. Les Benetton-Ford (Schumacher 4ème, Brundle 6ème) sont instables et sur-virent beaucoup. Alboreto place sa Footwortk-Mugen au septième rang. Le Milanais est un des rares pilotes à bénéficier d'un tour clair le samedi et surtout a la bonne idée de retirer de l'appui. Son collègue Suzuki (14ème) l'imite et... part en tête-à-queue. Les pilotes Ligier (Boutsen 8ème, Comas 11ème) se disent enchantés par la souplesse du V10 Renault RS3C. Les Ferrari (Alesi 9ème, Capelli 10ème) sont trop lentes et instables pour briller.
La Fondmetal se révèle très efficace sur ce tracé. Tarquini signe un excellent douzième temps, et van de Poele, qui découvrait cette machine, se classe dix-huitième. Herbert (13ème) et Häkkinen (16ème) peinent de nouveau à régler leurs Lotus-Ford. Gachot (15ème) ne peut guère exploiter sa Venturi à cause du trafic. Katayama (20ème) découvre cette piste poussiéreuse et effectue deux tête-à-queue. Pour la première fois de la saison, Belmondo (17ème) qualifie sa March devant celle de Wendlinger (23ème). Les Tyrrell ne sont pas à la fête. De Cesaris (19ème) se plaint de sous-virage et Grouillard (22ème) s'accroche avec Morbidelli. Les pilotes Jordan, Gugelmin (21ème) et Modena (24ème), se traînent lamentablement et sortent plusieurs fois. Hill profite de la bonne tenue de son châssis pour obtenir sa seconde qualification de la saison, au 25ème rang. Les Dallara-Ferrari sont proprement inconduisibles. Martini (26ème) sauve sa tête, mais pas Lehto (28ème). La Minardi manque de développement et le résultat est lamentable: ni Morbidelli ni Zanardi n'obtiennent leur ticket d'entrée ! Enfin, sans surprise, Moreno manque sa qualification, mais pour un peu plus d'une seconde seulement.
Le Grand Prix
Il fait beau et chaud sur Mogyoród en ce 16 août. L'affluence, médiocre, se chiffre à seulement 25 000 spectateurs. Goodyear propose les pneus « C », tendres, et les « D » très tendres. Les Williams et les Benetton partent en C. Chez McLaren, Senna sélectionne les D tandis que Berger panache: tendres à gauche, super-tendres à droite. La plupart des concurrents imitent l'Autrichien.
Tour de formation: Berger cale au démarrage, avant de relancer son moteur au bout de quelques secondes. Il se retrouve noyé dans le peloton mais dépasse ses concurrents et retrouve sa quatrième position. Il y est autorisé par une nouvelle précision réglementaire.
Départ: Patrese démarre bien et vire en tête au premier freinage tandis que Mansell se fait déborder par l'extérieur par Senna et Berger. Suivent les deux Benetton de Schumacher et Brundle. A la sortie du premier virage, Comas harponne son équipier Boutsen et arrache sa roue arrière-gauche. Le Bruxellois atterrit dans l'herbe tandis que le Français, en perdition, heurte également Tarquini. Herbert se met en tête-à-queue pour éviter la pagaille et cale son moteur.
1er tour: Patrese mène devant Senna, Berger, Mansell, Schumacher, Brundle, Alboreto, Alesi, Capelli et Gachot. Boutsen, Comas, Herbert et Tarquini sont hors course.
2e: Patrese repousse les McLaren à quatre secondes. Mansell est encore plus loin. Häkkinen prend la onzième place à Suzuki. Les commissaires sont à pied d'œuvre pour évacuer les quatre voitures accidentées.
3e: Van de Poele perd le contrôle de sa Fondmetal au bout de la ligne droite principale et s'évanouit dans le bac à graviers.
4e: Patrese compte cinq secondes de marge sur Senna et Berger. Mansell se rapproche de l'Autrichien et emmène avec lui les Benetton.
5e: Patrese devance Senna (7s.), Berger (7.7s.), Mansell (8.5s.), Schumacher (9.5s.), Brundle (10.6s.), Alboreto (12s.), Alesi (14s.) et Capelli (15s.). Häkkinen passe devant Gachot. Comas et Boutsen regagnent à pied le stand Ligier pour s'expliquer vivement...
6e: Mansell noue le contact avec Berger. Schumacher et Brundle suivent de près le Britannique. Le premier chrono de référence est l'œuvre d'Häkkinen (1'22''379''') qui poursuit les Ferrari.
7e: Brundle attaque Schumacher à un endroit impossible: par l'extérieur du coude qui mène à l'avant-dernier virage ! L'Allemand se rabat devant son équipier qui met deux roues dans la poussière pour éviter un accrochage stupide.
8e: Onze secondes entre Patrese et Senna. Mansell déborde Berger au premier virage et se retrouve troisième. Alboreto exécute un tête-à-queue à la chicane. Il repart après avoir laissé passer Alesi, Capelli et Häkkinen.
9e: Mansell rejoint Senna. Häkkinen prend l'ascendant sur Capelli.
10e: Mansell est dans les échappements de Senna tandis que Berger contient Schumacher et Brundle. L'étonnant Häkkinen met maintenant la pression sur Alesi dont la Ferrari est dépourvue d'adhérence.
11e: Patrese tourne en 1'22''085''' et porte son avance sur Senna à quinze secondes.
12e: Senna contre une attaque de Mansell avant le premier freinage. Le trio Berger - Schumacher - Brundle colle au train de la Williams n°5.
13e: Patrese précède Senna (18.4s.), Mansell (19.1s.), Berger (20.1s.), Schumacher (20.6s.), Brundle (21s.), Alesi (31s.), Häkkinen (32s.), Capelli (35s.) et Alboreto (39s.).
14e: Suzuki percute Gachot dans la descente vers le virage n°2. Roues emmêlées, les deux pilotes s'immobilisent sur les bas-côtés. Plus loin, dans un droit serré, Grouillard entre en contact avec Wendlinger qui se met à l'équerre et harponne Modena. L'Autrichien et l'Italien se retrouvent stoppés en pleine piste, tandis que le Français rejoint les stands pour abandonner.
15e: Harcelé par Häkkinen, Alesi ne peut éviter une embardée au virage n°1. Il parvient à demeurer sur le bitume, mais casse sa transmission dans ses efforts pour repartir. Les commissaires interviennent pour pousser la Ferrari vers le gazon. Pendant ce temps-là, leurs collègues retirent les monoplaces de Wendlinger et Modena. Il y a des bolides abandonnés partout sur le circuit.
16e: Roland Bruynseraede brandit le drapeau jaune et annonce l'entrée en scène d'une « pace car ». Mais les commissaires sont intervenus si rapidement que le véhicule de sécurité restera finalement au garage.
17e: Patrese évolue parmi le trafic et se faufile difficilement entre Martini et Belmondo. Mansell pourchasse toujours Senna tandis que derrière eux le peloton s'étire. Brundle perd le contact avec Schumacher.
19e: Mansell prend l'aspiration de Senna devant les stands et tente de se décaler à l'intérieur, mais le Pauliste verrouille toutes les issues. Häkkinen est décidément très rapide puisqu'il rattrape Brundle.
20e: Patrese est premier devant Senna (17.1s.), Mansell (17.4s.), Berger (18.3s.), Schumacher (18.8s.), Brundle (19.4s.), Häkkinen (19.9s.), Capelli (23.4s.), Alboreto (34s.), Gugelmin (1m. 18s.) et de Cesaris (1m. 19s.).
21e: Le groupe Senna arrive sur l'attardé Martini. Celui-ci laisse passer le Brésilien, mais bloque ensuite Mansell qui lui brandit le poing. Häkkinen s'empare de la sixième place aux dépens de Brundle.
22e: Mansell se défait de Martini au passage devant les stands. Le Romagnol va ensuite gêner Berger et Schumacher.
23e: Mansell et Berger recollent à Senna qui concède vingt-deux secondes à Patrese. Martini écope de dix secondes de pénalité pour avoir ignoré les drapeaux bleus.
25e: Patrese devance Senna (24s.), Mansell (24.6s.), Berger (25.4s.), Schumacher (26.3s.), Häkkinen (30.3s.), Brundle (31.5s.), Capelli (34s.), Alboreto (43s.), Gugelmin (-1t.), de Cesaris (-1t.) et Katayama (-1t.).
26e: Schumacher rejoint le trio Senna - Mansell - Berger. Brundle menace Häkkinen.
28e: Mansell tourne en 1'21'' et met encore la pression sur Senna. Capelli fait une excursion dans la pelouse, sans conséquence. Martini rejoint son stand pour remplacer ses pneus et subir son « stop-and-go » .
30e: Patrese jouit de vingt-six secondes de marge sur Senna. A chaque passage devant les stands, Mansell prend l'aspiration du Brésilien, mais le Pauliste se déporte invariablement vers la droite pour couper son élan.
31e: Mansell commet un écart dans l'avant-dernier virage. Berger en profite pour lui subtiliser la troisième place.
32e: Brundle reprend l'ascendant sur Häkkinen à la chicane.
33e: Patrese possède trente secondes d'avance sur Senna. Mansell est à l'attaque derrière Berger. Brundle est dans une phase offensive. Après Häkkinen au tour précédent, il dépasse son équipier Schumacher.
34e: Mansell déborde Berger sur la ligne de chronométrage et retrouve le troisième rang. Mais il n'est toujours pas en mesure de s'assurer du titre mondial... En fin de tour, de Cesaris roule dans la pelouse pour laisser passer le train emmené par Mansell.
35e: Mansell doit regagner le terrain perdu (cinq secondes) sur Senna. Il réalise des chronos en 1'20''.
36e: Patrese devance Senna (25.8s.), Mansell (28.3s.), Berger (33.3s.), Brundle (34.5s.), Schumacher (35.1s.), Häkkinen (40s.), Capelli (48s.) et Alboreto (1m. 02s.).
37e : Mansell franchit la barre d'1'20'' et fond sur Senna. Abandon de Katayama, moteur serré.
38e: Patrese glisse sur de la poussière au virage n°2 et atterrit à contre-sens, les deux roues arrière dans le sable. Il ne cale pas, mais ne peut repartir seul du fait de la déclivité. Les commissaires interviennent pour le dégager, en tout légalité puisque le moteur n'est pas coupé. Mais l'Italien ne redémarre qu'au bout de cinquante secondes, en septième position !
39e: Senna est leader devant Mansell (1.7s.), Berger (6.9s.), Brundle (8.2s.), Schumacher (8.8s.), Häkkinen (15s.), Patrese (25s.) et Capelli (27s.).
40e: Lancé à la poursuite de Gugelmin, de Cesaris sort de la route dans la grande courbe n°4. Il parvient néanmoins à reprendre la piste.
41e: Mansell concède une seconde et demie à Senna. Il modère son enthousiasme car cette seconde place lui suffit pour obtenir le titre.
42e: Martini met pied à terre suite à une panne de boîte de vitesses.
43e: Patrese remonte facilement sur les six premiers, mais rend encore neuf secondes à Häkkinen. Brundle n'a plus l'usage de son sixième rapport. Schumacher lui prend la quatrième place. De Cesaris dépasse enfin Gugelmin qui rencontre une chute de pression d'essence.
44e: Senna porte son avantage sur Mansell à trois secondes.
46e: Mansell signale à Senna qu'il ne s'est pas endormi en signant un chrono d'1'19''711'''.
47e: Gugelmin fait halte chez Jordan pour remplacer ses pneus et pallier à son problème de pression d'essence.
49e: Senna réagit et repousse Mansell à quatre secondes, tout en prenant un tour à Alboreto. Schumacher prend Berger en chasse.
50e: Senna précède Mansell (6.2s.), Berger (13.5s.), Schumacher (13.9s.), Brundle (16s.), Häkkinen (25.6s.), Patrese (30.5s.), Capelli (59.5s.), Alboreto (-1t.) et de Cesaris (-1t.). Changement de gommes pour Belmondo.
51e: Patrese s'empare du record du tour (1'19''151''').
53e: Senna boucle son meilleur chrono de la journée (1'19''588'''). Mansell lui rend neuf secondes. Berger a désormais sur le dos les deux Benetton, celle de Schumacher et celle de Brundle.
55e: Dix secondes entre Senna et Mansell. Patrese a Häkkinen en point de mire.
56e: Patrese regagne les stands avec un moteur fumant. C'est la première rupture d'un V10 Renault en course cette saison. Mansell peut maintenant se contenter d'une troisième place pour remporter le titre mondial.
58e: L'intervalle entre Senna et Mansell monte à quinze secondes. Berger parvient à garder Schumacher à distance.
59e: Mansell rend trois secondes au tour à Senna. La prudence de l'Anglais semble trop grande pour être naturelle. Craint-il également pour son moteur ?
60e: Senna est premier devant Mansell (23.7s.), Berger (36.1s.), Schumacher (36.4s.), Brundle (37.2s.), Häkkinen (41.4s.), Capelli (-1t.), Alboreto (-1t.), de Cesaris (-2t.), Gugelmin (-2t.), Belmondo (-3t.) et Hill (-3t.)
62e: Mansell entre aux stands sur ordre de Patrick Head qui redoute une crevaison lente. Les mécaniciens de Williams changent ses pneus en neuf secondes, et Nigel retrouve le circuit en sixième position. A cet instant, il n'est plus champion du monde !
63e: Senna mène avec quarante-deux secondes de marge sur Berger. Mansell repart le couteau entre les dents et boucle le meilleur tour de la journée (1'18''308'''). Schumacher est surpris par un freinage intempestif de Berger dans un droit serré. Il ralentit à son tour et se fait tamponner par Brundle... sans conséquence apparente.
64e: Schumacher poursuit Berger dans la ligne droite principale, lorsque son aileron arrière s'envole sans crier gare ! La Benetton dévale la pente, tournoie sur elle-même et vient s'échouer dans les graviers. Plus de peur que de mal pour le jeune Allemand, mais sa course est évidemment terminée.
65e: Brundle et Häkkinen sont sur les talons de Berger. Tous trois sont pris en chasse par Mansell. Belmondo prend la dixième place à Gugelmin qui rencontre encore des chutes de pression d'essence.
66e: Bien que solidement installé au commandement, Senna souffre car ses gommes usées engendrent de fortes vibrations. Mansell se débarrasse d'Häkkinen au bout de la ligne droite principale.
67e: Mansell fait l'intérieur à Brundle sur la ligne et récupère le troisième place. Le voici de nouveau sacré ! Au même instant, Senna entre aux stands pour changer ses gommes à dix tours du but. Le Brésilien repart au bout de six secondes avec des pneus neufs, sans avoir perdu le commandement.
68e: Berger tente de résister à Mansell bien que ses pneus avant soient très dégradés. Brundle et Häkkinen demeurent dans le sillage de la Williams.
69e: Mansell prend l'aspiration de Berger devant les stands, se déporte à l'intérieur et récupère la seconde position. Brundle se colle à l'arrière de la McLaren. Un peu trop, car il doit rattraper un début d'embardée dans une courbe serrée.
70e: A la poursuite de Berger, Brundle bloque ses roues à la chicane et heurte légèrement l'arrière de l'Autrichien.
71e: Senna précède Mansell (43.3s.), Berger (49.4s.), Brundle (49.7s.), Häkkinen (50s.), Capelli (-1t.), Alboreto (-1t.) et de Cesaris (-2t.).
72e: Häkkinen fait l'intérieur à Brundle dans la descente vers la première courbe. Le Britannique ferme la porte au Scandinave.
73e: Häkkinen déborde Brundle par l'extérieur dans la ligne droite de départ/arrivée. Le pilote Benetton lève le pied car ses gommes sont détruites.
74e: Quarante secondes entre Senna et Mansell. Häkkinen guigne la troisième position toujours détenue par Berger.
76e: Si les deux premières places sont acquises à Senna et Mansell, Berger, Häkkinen et Brundle sont toujours roues dans roues.
77ème et dernier tour: Häkkinen et Brundle se battent jusqu'au bout. Le moteur du Finlandais coupe par intermittence dans les virages. L'Anglais tente d'en profiter mais manque son dépassement et tire tout droit dans la pelouse à un kilomètre de la ligne. Il devra se contenter de la cinquième place.
Ayrton Senna empoche sa trente-cinquième victoire. Mansell termine second et devient champion du monde de Formule 1. Berger complète le podium. Häkkinen décroche une très belle quatrième place et précède un fougueux Brundle. Capelli empoche le point de la sixième place. Alboreto finit (encore !) septième. De Cesaris, Belmondo, Gugelmin et Hill terminent aussi ce Grand Prix.
Après la course: Le jour de gloire de Mansell
Enfin, il l'a fait ! A 39 ans, et après avoir pris le départ de 176 Grands Prix, Nigel Mansell décroche sa première couronne mondiale. Certes, les fines bouches diront que la Williams-Renault FW14B est cette saison absolument imbattable et que Mansell n'a eu aucun adversaire à sa mesure. Reste qu'il a su adapter son pilotage heurté à ce bijou technologique, canaliser sa fouge naturelle et conduire à l'occasion avec sa tête pour récolter une impressionnante moisson de lauriers. Ce dont s'est révélé incapable son collègue Riccardo Patrese, totalement déstabilisé par la suspension active.
Épuisé par l'effort, Mansell sort de son habitacle en boitillant avant de grimper avec peine sur le podium. Ayrton Senna saisit et lève son bras pour le faire applaudir du public, puis lui donne l'accolade. Énième réconciliation entre les deux rivaux ! Après une joyeuse douche au champagne, Mansell embrasse ses amis de Williams, Patrick Head, Peter Windsor, son ingénieur attitré David Brown... ainsi que les gars de Renault: Bernard Dudot, Christian Contzen, Denis Chevrier et consorts. Puis, il s'entretient chaleureusement avec Frank Williams, verticalisé pour l'occasion. « Je dédis ce succès à ma fille Chloé, pour ses dix ans ! » lâche le nouveau champion, toujours très attentionné envers sa famille. Puis, casquette rouge Canon vissé sur le crâne, il répond de manière décousue aux questions des journalistes: « Cette fois c'est pour de bon... Il me suffit de trouver les mots pour le dire. Je n'arrive pas encore à y croire ! Vous savez, quand vous êtes passés trois fois à côté de l'objectif, vous vous dites que vous n'y arriverez jamais. Mais non, plus de doute là-dessus... Remporter le championnat du monde est l'une des plus belles choses que la vie m'ait donné ! »
Mansell restera toujours Mansell. Le jour où ce vieux baroudeur atteint le sommet de sa carrière, où cet éternel perdant s'assied enfin sur le trône de la Formule 1, il commet une gaffe fatale pour son avenir... L'air de rien, il explique à son patron que ce triomphe mérite bien une revalorisation salariale pour 1993. Williams lui demande son chiffre. Mansell répond: 23 millions de dollars ! Williams pâlit. La conversation tourne court. « Il me demande la lune », commente peu après le maître de Didcot devant Bernie Ecclestone. « C'est de la folie, de la folie pure ! » acquiesce le président de la FOCA.
Sur le plan sportif, ce Grand Prix n'est pas une réussite pour Williams-Renault. Ricciardo Patrese a cassé un V10 RS4 qui évoluait en course pour la première fois de la saison. Bernard Dudot jure néanmoins que ce problème n'est pas lié à l'utilisation d'une essence « de commerce ». Comme l'an dernier, la victoire revient sur ce tracé tortueux à Ayrton Senna et sa McLaren-Honda. « Je suis parti en pneus tendres, ce que personne d'autre n'a fait », raconte le Brésilien. « J'ai été prudent en début de course, mais mes pneus ont ramassé un paquet de gommes. A la fin, il y avait tellement de vibrations que je ne voyais plus la piste ! J'ai donc bien fait d'en changer, et puis je savais que Mansell, deuxième, ne prendrait aucun risque pour gagner. Je crois avoir piloté aujourd'hui comme jamais au cours de ma carrière. Ce succès est le fruit d'une bonne expérience. »
Enfin, après avoir remporté cinq couronnes mondiales des pilotes consécutives, Honda passe le relais à Renault. Akimasa Yasuoka se rend personnellement au garage Williams-Renault, en compagnie de Gerhard Berger, pour féliciter les vainqueurs au nom de son entreprise. Un beau geste digne de la fameuse courtoisie asiatique.
Tony