Le chameau et le cow-boy
Camel renouvelle entièrement son engagement en Formule 1. A Budapest, Duncan Lee, le directeur commercial de Reynolds Tobacco, dévoile la conclusion de deux partenariats avec Benetton-Ford et Williams-Renault pour les années à venir. Le plus gros du budget ira à Benetton avec une enveloppe d'environ dix millions de dollars. Flavio Briatore annonce aussi l'arrivée d'Autopolis (le nouvel autodrome nippon) à hauteur de douze millions. Voilà qui permet à Benetton d'entrer véritablement dans la cour des grands... et de réduire la participation financière de la maison mère, le Benetton Group. Par ailleurs, Camel offre à Williams cinq millions de dollars annuels et prend la place de son concurrent Barclay. Une subvention qui devrait permettre à l'équipe franco-britannique d'attirer dans ses filets un « gros poisson »... comme Ayrton Senna.
En définitive, Camel fournira un effort plus important avec Williams et Benetton qu'avec Lotus seule. En s'alliant avec deux des quatre « top teams », elle s'oppose frontalement à Marlboro qui soutient McLaren et Ferrari. La rivalité entre le chameau et le cow-boy prend une envergure nouvelle. Cette série d'annonce à Budapest n'est pas fortuite: avec 26 milliards de cigarettes vendues en 1989, la Hongrie est un des cinq plus gros marchés mondiaux !
Présentation de l'épreuve
A l'heure où s'effondre le Bloc de l'Est, Bernie Ecclestone perçoit dans les pays ex-socialistes de nouveaux marchés pour son business. Il rêve toujours d'un Grand Prix à Leningrad ou à Moscou, mais la dislocation de l'empire soviétique éloigne les dirigeants russes de ces préoccupations. Faute de mieux, le président de la FOCA annonce donc à Budapest la prolongation du contrat du Grand Prix de Hongrie jusqu'en 1995. Bien sûr, cet événement suscite toujours, au mieux les moqueries, au pire l'agacement des puristes. Que vient faire la Formule 1 dans un pays dont le parc automobile est extrêmement réduit (un million de véhicules pour dix millions d'habitants) et constitué de Lada, Skoda, Trabant et autres Wartburg dont la moyenne de vie n'excède pas dix ans ? Quant à la compétition, elle se limite à l'Eastern Formula qui couvre tous les pays de l'Est. En attendant de pénétrer dans l'ère du capitalisme, la Hongrie tient à conserver son Grand Prix même si, faute de sponsors nationaux, il ne lui rapporte rien. Le gouvernement subventionne l'épreuve à moyen terme en espérant qu'elle sera bientôt capable d'attirer des commanditaires.
Un homme brun, sec, aux lunettes écaillées, apparaît dans le paddock Marlboro-McLaren. Milton da Silva, le père d'Ayrton Senna, rejoint la cohorte familiale qui suit le champion de circuit en circuit. Son appui n'est pas seulement psychologique. Businessman avisé, Milton est chargé de conseiller son fils dans ses délicates tractations avec Ron Dennis... et Frank Williams. « Je resterai avec lui tant qu'il n'aura pas signé », glisse-t-il dans un sourire.
Le team Monteverdi (ex-Onyx) est à l'agonie: les ingénieurs britanniques ont refusé le déménagement à Bâle et ont quitté le navire, laissant le staff technique désert ! Peter Monteverdi supervise lui-même (!) la mise au point de la monoplace de Gregor Foitek, tandis que JJ Lehto, qui s'entend très mal avec son patron, demande à titre privé à son ancien ingénieur de Ken Anderson de venir l'épauler sur ce Grand Prix ! Surtout, les pièces usagées ne sont plus remplacées, faute de moyens. Samedi après-midi, Foitek sort rudement suite à un bris de suspension arrière. Le Suisse et son père annoncent le soir même leur retrait de l'équipe.
Rififi chez Leyton House: depuis sa méningite contractée à Phoenix, Ian Philipps, le team manager, n'était plus réapparu sur les circuits. Officiellement en convalescence, il était en fait tenu à l'écart par Akira Akagi. Son bras droit et suppléant Simon Keeble ne voulait pas lâcher la barre, mais Ivan Capelli et Maurício Gugelmin ont exigé d'Akagi le retour de Philipps. Celui-ci est donc de nouveau à pied d'œuvre à Budapest. Le chef mécanicien, Harvey Spencer, est lui partit chez Brabham. Son remplaçant est Dave Luckett qui officiait naguère chez Arrows.
Avant la Hongrie, quelques équipes se donnent rendez-vous à Monza pour une séance d'essais privés. McLaren envoie Ayrton Senna, Gerhard Berger et pas moins de quatorze techniciens pour tester un nouveau museau inspiré de la Tyrrell 019, lequel ne procure aucune satisfaction et est donc remisé sur le champ. De son côté, Gianni Morbidelli, l'essayeur de Ferrari, parcourt la distance d'un Grand Prix avec le V12 037. Selon Paolo Massai, le motoriste en chef, ce bloc conviendrait parfaitement au Hungaroring qui réclame un moteur élastique, avec beaucoup de couple à bas régime. Mais il ne peut garantir sa fiabilité absolue, malgré le succès de Morbidelli. Cesare Fiorio et Steve Nichols tranchent donc en faveur du 036, moins efficace pour un circuit lent, mais réputé plus sûr.
La Williams bénéficie d'un nouvel extracteur dessiné par Adrian Newey. Surtout, le V10 Renault reçoit un carburant enrichi apporté par Elf, auquel certains indiscrets prêtent des propriétés douteuses, mais qui en fait n'est que la vingt-cinquième évolution de l'essence française depuis 1989.
Afin de répondre à Pirelli, toujours très performante sur les pistes tortueuses, Goodyear amène ici pas moins de trois nouveaux types de gommes très tendres, réservées à ses meilleurs clients, McLaren, Ferrari, Williams et Benetton. Hélas, certaines de ces enveloppes, notamment les antérieures, s'avèrent inadaptées. « Goodyear ne nous donne pas des pneus homogènes », déplore Cesare Fiorio. « Tout peut changer d'un train à l'autre. C'est incompréhensible. »
Essais et qualifications
Les Ligier et les AGS s'extirpent aisément des pré-qualifications. Grouillard ne parvient pas à sauver son Osella qui a pourtant reçu quelques évolutions. Gachot et sa Coloni progressent en obtenant le sixième temps. Les Eurobrun de Moreno et de Langes sont éliminées, tout comme la Life de Giacomelli (qui tourne en 1'41'''...).
La séance qualificative du vendredi est dominée par Berger devant Mansell et Alesi. Mais le lendemain, la hiérarchie est entièrement bouleversée par les Williams-Renault. Grâce à un moteur très efficace, transfiguré par le nouveau carburant Elf, Boutsen s'adjuge la première pole position de sa déjà longue carrière (1'17''919''') juste devant son équipier Patrese (1'17''955'''). Les McLaren-Honda (Berger 3ème, Senna 4ème) sont très rapides mais manquent le coche à cause des nouveaux pneus Goodyear qui entraînent plusieurs blocages de roues. Chez Ferrari, Mansell (5ème) fait mieux que Prost (8ème, mais à trois dixièmes seulement) au prix de quelques figures. Alesi attaque selon ses dires « comme un fou », mais, malgré ses Pirelli, rétrograde au sixième rang. Nakajima est quinzième. Les Benetton (Nannini 7ème, Piquet 9ème) peinent aussi à exploiter les Goodyear.
Les Dallara ressuscitent sur cette piste grâce à Pirelli et à de bons réglages: de Cesaris se classe dixième, Pirro treizième. Les Lotus (Warwick 11ème, Donnelly 18ème) sont assez performantes mais « fusillent » rapidement leurs pneus. Les Larrousse (Bernard 12ème, Suzuki 19ème) subissent beaucoup de pannes et manquent d'adhérence, la faute aux Goodyear. Les Minardi (Martini 14ème, Barilla 23ème) promènent un gros sous-virage tout le week-end. Les Leyton House-Judd (Capelli 16ème, Gugelmin 17ème) sont sans surprise inefficaces sur ce tracé lent et bosselé. Brabham remise sa boîte transversale à la demande de Modena (20ème). Son équipier D. Brabham ne se qualifie pas (moteur cassé). Toujours pas de boîte transversale chez Ligier. Les machines bleues perdent toute adhérence en pneus tendres. Alliot est 21ème, Larini 25ème. Les Arrows (Alboreto 22ème, Caffi 26ème) exploitent aussi très mal leurs gommes de qualification. Belle performance de Tarquini (24ème) qui qualifie l'AGS. Hélas Dalmas (27ème) échoue à un dixième de Caffi... A court de maintenance, les Monteverdi de Lehto et Foitek sont logiquement éliminées.
Le Grand Prix
Le soleil règne sur Budapest en ce beau dimanche d'août. Après beaucoup d'hésitations, tous les coureurs chaussés par Goodyear s'équipent de pneus « C » tendres. Seuls Gugelmin et Donnelly osent choisir les « D » « super-tendres ». Suite à une fuite d'eau à son radiateur droit, Senna saute dans le mulet McLaren qui lui est dévolu ce week-end.
Départ: Boutsen conserve le commandement en serrant Patrese sur sa droite. Berger tente de faire l'extérieur aux deux Williams et ne réussit qu'à passer Patrese. Mansell et Alesi doublent Senna. Prost démarre prudemment et se retrouve dixième au premier virage. Alliot se frotte à Suzuki et endommage sa calandre.
1er tour: Boutsen mène devant Berger, Patrese, Mansell, Alesi, Senna, de Cesaris, Nannini, Piquet et Prost. Alliot s'arrête chez Ligier pour remplacer son museau.
2e: Boutsen a une seconde d'avance sur Berger. Mansell menace Patrese. Nannini dépasse de Cesaris.
3e: Boutsen creuse un peu l'écart sur Berger. Patrese se tient à distance de Mansell.
4e: Alesi est sous la menace de Senna et de Nannini. Plus loin, de Cesaris contient Piquet et Prost.
5e: Boutsen devance Berger (1.3s.), Patrese (2.4s.), Mansell (3.9s.), Alesi (6s.), Senna (6.6s.), Nannini (7s.), de Cesaris (9s.), Piquet (9.5s.), Prost (11s.) et Warwick (12s.).
7e: Berger reprend quelques mètres à Boutsen. Senna laisse filer Alesi et surveille un Nannini pressant. Piquet prend l'avantage sur de Cesaris.
8e: L'avance de Boutsen sur Berger ne dépasse pas la seconde. Patrese reste dans le sillage de l'Autrichien. Mansell paraît semé. Prost et Warwick se défont de de Cesaris dont les pneus Pirelli s'épuisent rapidement.
9e: Mansell réagit et abaisse le meilleur tour en course: 1'24''351'''.
10e: Abandonné par ses freins, Nakajima quitte la route au virage n°12 et s'enlise dans le bac à sable. C'est l'abandon.
11e: Boutsen précède Berger (1.2s.), Patrese (2.5s.), Mansell (4s.), Alesi (10.8s.), Senna (11.7s.) et Nannini (13s.).
13e: Mansell améliore régulièrement le record du tour et se rapproche de Patrese. Senna bute de nouveau sur Alesi qui rencontre pourtant des soucis de freins, comme son équipier. Nannini perd le contact avec le Brésilien.
14e: Mansell est de loin le plus incisif en piste et roule en 1'23''740'''.
15e: Boutsen mène devant Berger (1.3s.), Patrese (2.9s.), Mansell (3.2s.), Alesi (10.6s.), Senna (12.3s.), Nannini (17s.), Piquet (19s.), Prost (20s.) et Warwick (24s.).
17e: Boutsen conserve une seconde de marge sur Berger. Mansell est sous l'aileron de Patrese mais ne passe pas. Prost file le train de Piquet sans plus de succès. Tête-à-queue de Modena qui passe du dix-neuvième au vingt-deuxième rang.
18e: Boutsen déboule derrière Alliot qui ne s'écarte pas. Berger en profite pour recoller au Belge.
19e: Alliot laisse passer Boutsen et Berger devant les stands. Mansell attaque Patrese en vain. Il va bientôt perdre du temps derrière l'attardé Barilla.
20e: Senna fait l'intérieur à Alesi à la petite chicane. L'Avignonnais lui coupe dangereusement la trajectoire. Boutsen est premier devant Berger (1s.), Patrese (3s.), Mansell (6.6s.), Alesi (11.6s.), Senna (11.7s.), Nannini (12.3s.), Piquet (14.6s.), Prost (15s.), Warwick (26.3s.), de Cesaris (39s.) et Bernard (40s.).
21e: Senna parvient à dépasser Alesi au premier virage. Martini est chez Minardi pour chausser des pneus frais. Tous les concurrents équipés par Pirelli souffrent d'une dégradation rapide de leurs enveloppes.
22e: Boutsen est bouchonné par Tarquini, ce qui permet à Berger de se glisser dans ses échappements. Senna subit une crevaison lente et regagne son stand pour remplacer ses roues en dix secondes. Il chute au dixième rang.
23e: Tarquini s'est effacé devant les leaders. Alliot part en tête-à-queue au virage de la grande montée. Il reprend la piste après une excursion dans le gazon. De Cesaris s'immobilise au niveau du dernier virage, moteur cassé.
24e: Boutsen, Berger, Patrese et Mansell se tiennent en trois secondes. Nannini prend le meilleur sur Alesi.
25e: Boutsen est en tête devant Berger (1s.), Patrese (2s.), Mansell (3s.) et Nannini (14s.). Piquet double Alesi à son tour.
26e: Mansell guette toujours Patrese pendant que son équipier Prost prend en chasse Alesi.
28e: Huit dixièmes de seconde séparent Boutsen et Berger. Senna est à la poursuite de Warwick.
30e: Boutsen et Berger tombent sur un groupe d'attardés comprenant Donnelly, Suzuki, Caffi, Alboreto, Larini et Modena.
32e: Boutsen se défait admirablement des retardataires et creuse l'écart sur Berger. Dans sa hargne à se défaire de Patrese, Mansell exécute un travers magistral au virage n°3. Il reste en piste mais laisse échapper plusieurs dixièmes.
33e: Mansell est maintenant menacé par Nannini. Piquet lâche prise derrière son coéquipier car son système électronique cafouille. Senna prend la neuvième position à Warwick.
34e: Berger a refait son retard sur Boutsen. Prost déborde Alesi.
35e: Boutsen bute sur Caffi. Berger, Patrese, Mansell et Nannini se regroupent derrière le leader.
36e: Caffi s'écarte devant Boutsen et Berger. Ceux-ci arrivent ensuite sur le duo Pirro - Suzuki. Modena se gare dans l'allée des stands, moteur éteint.
37e: Les deux premiers se débarrassent de Suzuki et de Pirro. Patrese, Mansell et Nannini sont un peu distancés. Mansell attaque Patrese dans la grande côte, en vain. Trahi par sa transmission, Prost part en toupie dans une courbe à droite et finit sa route dans l'herbe. Il doit renoncer. Alesi tente de prendre un tour à Martini dans un freinage appuyé, au gauche qui conduit vers l'entrée des stands. L'Italien lui claque la porte au nez et c'est l'accrochage: la Minardi et la Tyrrell gisent dans la pelouse, encastrées l'une dans l'autre. Senna dépasse Piquet et remonte ainsi au sixième rang.
38e: Alesi et Martini s'expliquent vivement (en italien ! ) en bord de piste. Pirro fait changer ses pneus.
39e: Suzuki regagne son garage avec un moteur en feu.
40e: Boutsen précède Berger (0.7s.), Patrese (2.5s.), Mansell (5s.), Nannini (6.5s.), Senna (26s.), Piquet (31.6s.), Warwick (53.3s.), Bernard (41.2s.) et Capelli (58.7s.).
42e: Boutsen trace sa route parmi les attardés, toujours suivi comme son ombre par Berger qui désespère de trouver l'ouverture. Plus loin, Mansell est maintenant à portée de tire de Nannini.
43e: Mansell remonte sur Patrese mais a Nannini collé à ses basques. Senna poursuit ce trio. Arrêt pneus pour Barilla.
44e: Mansell se décale derrière Patrese dans la grande côte mais sans troubler celui-ci.
45e: Boutsen mène devant Berger (1.1s.), Patrese (2.6s.), Mansell (2.8s.), Nannini (4.3s.), Senna (16.3s.), Piquet (28s.) et Warwick (58s.). Alboreto observe un changement de gommes.
47e: Berger se cogne toujours à un Boutsen inébranlable, comme Mansell contre Patrese. Senna se rapproche inexorablement du quintet de tête. Il reprend deux secondes au tour à Nannini !
48e: Désespérant de doubler Boutsen, Berger arrive aux stands pour changer de pneus (8.7s.). L'Autrichien repart en sixième position, entre Senna et Piquet.
49e: Patrese peine de plus en plus à contenir Mansell car ses pneus sont à la corde. Au contraire, les chausses de Boutsen tiennent encore bien la route.
50e: Boutsen précède Patrese (1.8s.), Mansell (2.1s.), Nannini (2.8s.), Senna (6.4s.) et Berger (21s.). Tarquini change de gommes.
51e: Senna apparaît dans les rétroviseurs de Nannini. Celui-ci estime que Mansell est incapable de doubler Patrese et décide de prendre les choses en main !
52e: Boutsen prend de l'avance grâce aux dépassements des attardés. Berger est très rapide avec ses gommes neuves (1'22''122''') et paraît capable de rattraper les leaders. Arrêt pneus de Larini, imité un tour plus tard par Donnelly.
53e: Mansell tente en vain de faire l'extérieur à Patrese au dernier virage. Gêné par les turbulences de la Williams, il effectue un léger travers qui profite à Nannini. Le Siennois prend l'aspiration et double l'Anglais au premier virage. Senna se glisse à son tour dans le sillage de Mansell. Il tente de se décaler entre les virages n°1 et 2. Il essaie à droite, où Mansell le bloque, puis plonge à gauche et, au prix d'un freinage très osé, s'impose à son meilleur ennemi.
54e: Boutsen possède quatre secondes d'avance sur Patrese. Senna se lance à la poursuite de Nannini. Alliot chausse un troisième train de pneus.
55e: Patrese repousse maintenant les assauts de Nannini et de Senna. Berger recolle au train de Mansell.
56e: Nannini attaque Patrese et le dépasse au premier freinage. Puis Senna déborde le Padouan au virage n°2. Mansell tente à son tour d'en profiter au sommet du circuit mais Patrese lui coupe la trajectoire. L'Italien part finalement en tête-à-queue à mi-parcours. Il se résout à un changement de gommes trop tardif (7.7s.). Il repart sous le nez de Warwick qui ne va pas tarder à le doubler.
58e: Boutsen a trois secondes d'avance sur Nannini. Les McLaren mènent le « rush » final: Senna menace Nannini et Berger attaque Mansell. Capelli est éliminé par une panne de boîte de vitesses.
59e: Boutsen boucle son meilleur tour de la journée (1'23''934''').
60e: Boutsen mène devant Nannini (1.3s.), Senna (3.3s.), Mansell (4.2s.), Berger (4.7s.), Piquet (16.5s.), Warwick (39.9s.), Patrese (40s.), Bernard (56s.) et Gugelmin (-1.).
61e: Patrese s'empare de la septième place aux dépens de Warwick.
62e: Boutsen a un « coup de mou ». Ses pneus perdent de l'adhérence et la Williams sous-vire. Le quatuor Nannini - Senna - Mansell - Berger se regroupe dans son sillage.
63e: Berger tente de faire l'intérieur à Mansell dans la ligne droite, mais l'Anglais le pousse sans ménagement vers la partie sale de l'asphalte. Patrese s'adjuge le meilleur chrono de la course (1'22''058''').
64e: De nouveau, Berger déboîte Mansell par la droite devant les stands. Le pilote anglais ne lui laisse guère d'espace, mais l'Autrichien insiste et s'impose au freinage. Mansell ne s'avoue pas vaincu: il demeure derrière la McLaren et lui fait l'extérieur au virage n°2 ! Un peu plus loin devant, Senna assaille Nannini et s'infiltre à l'intérieur de la petite chicane. Une attaque digne d'un kamikaze: sa roue avant-gauche heurte la roue arrière-droite de la Benetton qui décolle puis atterrit rudement en pleine piste ! Senna passe, sans dommage pour lui, tandis que Nannini rejoint son stand.
65e: Senna prend Boutsen en chasse. Nannini arrive à son garage. Il abandonne, suspensions brisées.
66e: Senna est dans la boîte de Boutsen. Berger bute toujours sur Mansell.
67e: Boutsen devance Senna (0.8s.), Mansell (2.8s.), Berger (4s.), Piquet (14.4s.), Patrese (33s.), Warwick (38s.) et Bernard (1m. 10s.).
68e: La soudure s'effectue entre les deux groupes de tête. Boutsen, Senna, Mansell et Berger se suivent de très près.
70e: Senna se rapproche de Boutsen dans les virages lents, mais le V10 Renault du Belge a l'ascendant à la réaccélération. Donnelly prend la neuvième place à Gugelmin.
71e: Berger s'impatiente derrière Mansell qui pense pouvoir encore doubler Senna et ignore ses rétroviseurs. Il y a de l'électricité dans l'air...
72e: Toujours à la chicane, Berger pointe hardiment son museau à l'intérieur alors que Mansell braque comme si de rien n'était. L'Autrichien escalade le trottoir et harponne la Ferrari qui part en tête-à-queue dans les graviers. C'est terminé pour le Britannique, qui sort de son habitacle en se tenant le poignet droit, frappé par un retour de volant.
73e: Berger rejoint son box avec une direction faussée et renonce. Piquet récupère la troisième place.
74e: Senna met une forte pression sur Boutsen mais sans espoir de le doubler à la régulière.
75e: Boutsen mène devant Senna (0.5s.), Piquet (26.5s.), Patrese (33s.), Warwick (1m.) et Bernard (1m. 13s.).
76e: Senna prend l'aspiration de Boutsen devant les stands. Il se décale à droite puis à gauche, mais il lui manque quelques chevaux pour se porter à la hauteur de la Williams.
77ème et dernier tour: Thierry Boutsen remporte son troisième Grand Prix de Formule 1 devant Senna et Piquet. Patrese finit quatrième avec la seconde Williams. Warwick se classe cinquième au volant de la Lotus-Lamborghini. Bernard ramène un point supplémentaire à Larrousse. Donnelly, Gugelmin, Caffi, Pirro, Larini, Alboreto, Tarquini, Alliot et Barilla sont également salués par le drapeau à damiers.
Après la course: Boutsen, une victoire pour rien ?
Le Moët Chandon coule à flots chez Williams-Renault après cette seconde victoire en 1990. Thierry Boutsen est très heureux de cette première victoire sur piste sèche: « Ce ne fut pas une course tranquille, loin de là. Mes adversaires se sont succédé dans mon dos et la pression ne m'a jamais manqué ! Berger fut le plus assidu. Ayrton ne m'a réellement menacé qu'une seule fois. Mais il était temps que ça finisse. Mes pneus étaient à la limite. Je n'avais pas voulu en changer de peur de perdre tout l'avantage acquis. Mais jusqu'à la fin, avec des pneus éprouvés et une course de pédale de frein de plus en plus longue, j'ai maintenu l'équilibre de la voiture. » Boutsen discute aussi avec Bernard Dudot, étonné que son V10 ait tenu le coup malgré quelques surrégimes. « C'est le meilleur moteur que j'ai jamais eu ! » s'exclame le pilote belge.
Malgré sa joie, Boutsen constate que Frank Williams et Patrick Head n'accordent pas un grand crédit à ce merveilleux week-end hongrois. Pour eux, s'il a gagné, c'est parce que la voiture était excellente. Point à la ligne. Fébrile, le « grand blond » s'entretient avec son manager Ortwin Podlech qui attend toujours une offre ferme de Williams pour la saison 1991. « Patrese et moi sommes vraiment considérés comme des ouvriers », soupire Thierry. « Voilà deux mois que Frank nous met sous pression sans nous informer de ses intentions pour l'avenir. Travailler sereinement dans ces conditions n'est pas évident... »
Disputes sous le soleil
Alors que Riccardo Patrese, déçu, range ses affaires avec le maigre satisfecit d'être affublé du titre d'« équipier modèle » par Frank Williams, qu'Éric Bernard et Gérard Larrousse célèbrent un nouveau point, le paddock s'embrase de polémiques. Tout d'abord, Sandro Nannini s'emporte contre Ayrton Senna et sa manœuvre de dépassement pour le moins expéditive. « Il n'a pas voulu me doubler, mais m'éliminer, purement et simplement », fulmine le Siennois. « Contrairement à ce qu'il croyait, Senna n'était pas plus rapide que moi. Quand il s'en est aperçu, il n'a cherché qu'à m'écarter de sa route ! » « Nannini ne m'a pas vu arriver, il m'a fermé la porte », réplique le champion brésilien avec une mauvaise foi évidente. Danilo Nannini, le père de Sandro, propose à Flavio Briatore de déposer une plainte contre Magic. Finalement, ils n'en feront rien.
Le ton monte aussi entre McLaren et Ferrari, Gerhard Berger et Nigel Mansell. Pour la Scuderia, l'Autrichien a proprement « sorti » le Britannique. Mais Cesare Fiorio refuse aussi de porter une réclamation puisque, selon lui, la fédération s'en lavera les mains. « C'est Luna Park ! McLaren n'a pas le droit de laisser Berger se comporter ainsi ! » s'exclame l'ingénieur Pierguido Castelli. Ron Dennis considère au contraire que Mansell a fait de l'obstruction et n'a récolté que son dû. Dans le même temps, le Dr. Ben Bartoletti, le médecin de Ferrari, examine Mansell qui souffre du poignet droit. Ce dernier s'envole aussitôt pour Majorque afin de se reposer. Les prochains essais de Ferrari à Monza concerneront Gianni Morbidelli... et Alain Prost, qui se croyait parti en vacances !
Enfin, Jean Alesi et Pierluigi Martini poursuivent leur explication devant les micros, chacun rejetant sur l'autre la responsabilité de leur collision. « Martini n'a pas cessé de me fermer la porte ! Il est de ceux qui ne laissent passer que les Ferrari ! » s'emporte l'Avignonnais. « Alesi est une tête chaude. S'il veut continuer en Formule 1, il devra apprendre à se calmer », réplique l'Italien.
Même s'il a échoué à la seconde place, Senna fait une bonne opération ce week-end puisqu'il consolide son leadership mondial, avec 54 points contre 44 à Prost. Chez les constructeurs, McLaren-Honda (83 pts) creuse l'écart sur Ferrari (57 pts), pendant que Williams-Renault (42 pts) repasse devant Benetton-Ford (35 pts).
Tony