Transferts: Senna et Prost rempilent
Jeudi 23 août, Ferrari annonce la prolongation du contrat d'Alain Prost pour 1991. C'est un soulagement pour le Français qui était victime des élucubrations journalistiques à ce sujet. Selon lui, l'affaire a été rondement menée avec Cesare Fiorio, sans la moindre anicroche. Néanmoins tout le monde sait que Prost n'a donné son accord qu'en ayant la certitude qu'Ayrton Senna ne le rejoindrait pas à Maranello. « Sur ce point, tout le monde sait ce que je pense », dit-il avec malice.
Dans le même temps, Ayrton Senna et McLaren confirment la poursuite de leur collaboration pour 1991. Le champion brésilien a obtenu tout ce qu'il souhaitait: un salaire annuel de douze millions de dollars (la première offre de Ron Dennis était de huit millions), un an de contrat assorti d'une option pour 1992, activable par le pilote et non l'employeur etc. Du reste, les progrès de McLaren et de Honda enregistrés depuis le GP d'Allemagne l'ont rassuré sur l'avenir. Néanmoins, fin juillet Senna fut tout près de signer avec Frank Williams. Celui-ci lui a en effet offert un pont d'or. L'affaire aurait capoté à cause de la banque Nacional, le sponsor personnel de Senna qui affiche son nom sur sa combinaison. Williams souhaitait disposer de cet espace, ce que le Pauliste a fermement refusé. Nacional lui garantit en effet 2,5 millions de dollars annuels, un pécule non négligeable.
Le marché des transferts se clarifie. Le volant de la seconde Ferrari excite bien des convoitises. Jean Alesi est toujours favori pour l'obtenir s'il se sort de ses démêlés judiciaires avec Ken Tyrrell. S'il n'y parvient pas, l'équipe italienne hésite entre Ivan Capelli et Riccardo Patrese. L'incertitude règne aussi chez Williams. Thierry Boutsen n'apprécie pas la froideur de son employeur. Il estime ne pas avoir démérité et ne comprend pas pourquoi on ne compte pas sur lui pour le futur. Il discute avec d'autres écuries, notamment Arrows qui aimerait bénéficier de son expérience pour développer le V12 Porsche. Le team anglais ne serait pas satisfait du rendement de Michele Alboreto qui peine à prendre la mesure son cadet Alex Caffi. Le Milanais, qui boucle sa dixième saison en Formule 1, semble démotivé et certaines rumeurs évoquent son départ vers l'Endurance. Porsche aimerait pour sa part placer Teo Fabi qui est son pilote attitré en IndyCar. Allégations formellement démenties par Alan Rees qui confirme la paire Alboreto - Caffi pour 91.
Bref, beaucoup de questions demeurent en suspens... Et pour embrouiller les choses, Nigel Mansell envisage maintenant de revenir sur sa décision d'arrêter la compétition... pour peu qu'on le paie bien !
Bras de fer entre Ferrari et Goodyear
Depuis plusieurs mois, les relations entre Ferrari et Goodyear se distendent à cause des exigences de plus en plus pressantes de la Scuderia qui aimerait bénéficier de pneumatiques entièrement adaptés à ses voitures. Informé de ces tensions, Pirelli fait une cour assidue aux dirigeants de Maranello. Le manufacturier italien a reçu début juillet un coup de pouce du Groupe Fiat qui lui a proposé d'équiper tout son secteur compétition: Ferrari en F1, Lancia en rallye et Alfa Romeo en Protos. Goodyear s'inquiète lorsque le 18 août, une Ferrari 641/2 tourne en secret à Fiorano avec à son volant un pilote au casque blanc (Alain Prost). Un fourgon Avis loué par Pirelli, capable de transporter une trentaine de pneus, est aperçu sur le parking du circuit...
Cette démonstration permet à Ferrari et à Prost (lié par un contrat personnel à Goodyear) de mettre la pression sur leur partenaire américain. Le champion français veut utiliser à Spa-Francorchamps les pneus qui étaient d'usage jusqu'à Silverstone. « Goodyear a changé de structures et j'ai l'impression que McLaren exploite mieux que nous cette nouvelle construction », explique-t-il. Mais il se heurte au refus de Lee Gaug. La crise sourd entre les deux parties. En effet, Goodyear et Ferrari n'ont toujours pas renouvelé leur contrat pour 1991. Or cet accord est une des justifications majeures de la présence de la firme d'Akron en Formule 1. En cette saison 1990, Goodyear délivre un « traitement privilégié » (en fait une fourniture gratuite) aux quatre grandes équipes: McLaren, Williams, Ferrari et Benetton. Tous ses autres clients (Ligier, Lotus, Footwork-Arrows, Espo-Larrousse, AGS, Leyton House et Life) sont tenus de s'acquitter rubis sur l'ongle de lourdes factures: 1700 dollars le train de quatre pneus ! De son côté, Pirelli ne fournit que six écuries (Tyrrell, Scuderia Italia, Brabham, Minardi, Osella et Eurobrun). Seule Tyrrell reçoit des gommes gratuites. Dario Calzavara, le responsable de la compétition de Pirelli, rêve bien sûr de prendre un des « quatre grands » à Goodyear...
Dans les Ardennes belges, la tension entre Ferrari et Goodyear est à son comble. Lee Gaug explique à Cesare Fiorio qu'il ne peut pas avantager la Scuderia sans froisser les trois autres top-teams. « Nous avons besoin de pneus personnalisés. Il en va des chances de Prost au championnat ! » réplique le directeur sportif de la Scuderia. Nerveux, Gaug ne cesse de tirer sur son éternelle pipe. Comment satisfaire Ferrari sans mécontenter les teams britanniques ? Il sait que Calzavara fait le pied de grue devant le motorhome rouge... Enfin, après avoir téléphoné à son supérieur Leo Mehl, il accepte de donner à Prost les pneus de Silverstone, pour les qualifications dans un premier temps. Il rompt ainsi l'accord tacite selon lequel les usagers de Goodyear doivent se contenter des enveloppes apportées sur chaque Grand Prix. Comme prévu, Frank Williams et Ron Dennis se plaignent auprès de Gaug qui se défend en arguant que le règlement de la FISA est muet à ce sujet.
Présentation de l'épreuve
Fort de sa victoire en Hongrie, Thierry Boutsen aborde son épreuve nationale avec l'appui enthousiaste de dizaines de milliers de compatriotes. Dans la semaine qui précède, il fait la couverture d'à peu près tous les quotidiens belges et dédicace moult exemplaires de son autobiographie, rédigée avec l'aide de Pierre Van Vliet. Mais Thierry convient qu'il ne pourra pas gagner à la régulière à Spa-Francorchamps car sa Williams-Renault n'apprécie pas les grandes courbes rapides de cet éprouvant « toboggan ».
Présent à Francorchamps, Jean-Marie Balestre tonne contre le spectacle de « cour de récréation » donné par les pilotes en Hongrie. Les multiples frictions entre Senna et Nannini ou entre Mansell et Berger, ont irrité le président de la FIA qui annonce qu'il ne tolérera plus de telles incartades. Il préside d'ailleurs dimanche matin le briefing des pilotes qu'il gratifie d'un pompeux sermon. Tous les coureurs sont présents au rendez-vous, excepté Gerhard Berger et Ayrton Senna qui arrivent en retard. Penauds, les deux compères cherchent avec peine une place assise. Voyant que Senna se résout à demeurer debout, Balestre, magnanime, lui désigne un siège au premier rang. Mais lorsque le Brésilien saisit la chaise et s'y assoit, celle-ci s'effondre en mille morceaux ! Éclats de rire dans l'assistance. « Ne croyez pas, M. Senna, que je vous avais spécialement choisi cette chaise ! » dit Balestre. Senna se relève et sourit de bon cœur.
Le programme 1991 de Lamborghini paraît nébuleux et suscite des spéculations dans la presse spécialisée. On se souvient que Mauro Forghieri a conçu un châssis destiné à accueillir son V12, et qui devait être engagé par l'équipe mexicaine GLAS, morte-née suite à la fuite de son patron Fernando González Luna. Son travail ne sera pas vain: cette Formule 1 sera bien engagée par une équipe Lamborghini « semi-officielle ». Mais quels seront les clients de la firme au taureau ? Du fait d'une saison jusqu'ici satisfaisante (six points inscrits), Gérard Larrousse aurait de bonnes raisons de renouveler son contrat. Mais il tique devant les sept millions de dollars demandés par Lamborghini, dont une bonne part sous forme de caution bancaire. A Spa, on apprend que le motoriste italien a établi des contacts avec Ligier, le grand rival de Larrousse, qui désespère de trouver un bon moteur après les refus successifs de Renault.
On ne reverra plus les Monteverdi. Après le départ de ses associés Foitek père et fils au soir du GP de Hongrie, l'extravagant collectionneur suisse s'est retrouvé seul pour éponger ses dettes, notamment une ardoise de 400 000 dollars due à Goodyear. Lors des essais privés de Monza, à la mi-août, JJ Lehto parcourt deux tours, pas un de plus, au volant de la Monteverdi. Quelques jours plus tard, l'équipe déclare forfait pour le GP de Belgique. Goodyear refuse de lui fournir le moindre pneu... Ainsi s'achève dans la dérision la pourtant sérieuse aventure Onyx. L'entreprise patiemment montée par Mike Earle, Jo Chamberlain et Alan Jenkins était prometteuse et aurait pu déboucher sur d'excellents résultats si elle n'avait pas été sabotée par des mécènes incompétents et/ou malhonnêtes.
Coup de balai chez Osella: Gabriele Rumi, président des jantes Fondmetal et principal sponsor de la scuderia d'Atella, prend le contrôle de la majeure partie du capital et éjecte Enzo Osella de la direction. Rumi souhaite sortir Osella-Fondmetal du stade de l'artisanat et va pour cela accroître son implication financière. Il envisage ainsi d'engager deux monoplaces en 1991. Pour le moment, le team manager Gianfranco Palazzoli reçoit les pleins pouvoirs sur le terrain jusqu'à la fin de la saison.
Malgré les performances ridicules de la Life-Rocchi, Ernesto Vita ne semble pas douter de la viabilité de son entreprise. Il effectue ainsi fin août une tournée promotionnelle en URSS ! A Moscou puis à Leningrad, il présente sa voiture aux dirigeants de son partenaire Pilowski I.C. Avec succès semble-t-il puisque ceux-ci promettent d'injecter vingt millions de dollars dans le team. Visiblement, coller un petit drapeau soviétique sur la Life était une bonne idée...
Honda apporte ici la cinquième version de son V10 RA100E. « Il comporte une admission modifiée qui apporte quelques chevaux supplémentaires à haut régime » explique Osamu Goto. Faute d'essais poussés, ce moteur se révèle toutefois brutal à l'accélération. Les ingénieurs japonais tapotent longtemps leurs ordinateurs avant d'obtenir une configuration électronique satisfaisante. Nouveau bloc aussi chez Renault, disponible en un seul exemplaire pour Boutsen et seulement pour les essais. Les modifications touchent l'embiellage et l'arbre à cames. Arrows inaugure un système de refroidissement modifié, destiné à accueillir le V12 Porsche.
La Coloni-Ford-Cosworth est profondément remaniée par Christian Vanderpleyn: prise d'air agrandie, carrosserie affinée, nouvel aileron arrière, empattement rallongé de six centimètres et surtout suspension avant inédite avec un unique combiné ressort-amortisseur. Bertrand Gachot prie que cette nouvelle monture lui permette de se qualifier pour son Grand Prix national.
Essais et qualifications
La disparition des Onyx-Monteverdi permet aux Ligier-Gitanes d'échapper aux pré-qualifications du vendredi matin. Enfin une bonne nouvelle pour les Bleus ! Grouillard réalise le meilleur chrono de cette séance. Les AGS de Dalmas et Tarquini font aussi partie des qualifiées. Pour la première fois de la saison, Gachot et sa Coloni passent ce barrage, et avec la manière puisque le pilote franco-belge signe le troisième chrono, devant Tarquini ! Les Eurobrun ne sont plus développées. Ni Moreno ni Langes ne peuvent espérer se sauver. Giacomelli ne parcourt que quelques tours avec sa Life. Son meilleur chrono ? 2'19''...
Vendredi, les McLaren souffrent de sous-virage et ne brillent pas. Mais le samedi, Senna exploite à merveille ses pneus ultra-tendres pour conquérir sa quarante-huitième pole position (1'50''365'''). Meilleur chrono vendredi, Berger a moins de réussite le lendemain. Il rend cinq dixièmes à son équipier, mais arrache tout de même la seconde place sur la grille. Les Ferrari sont rapides mais pas assez pour menacer les McLaren. Prost (3ème) ne concède que 67 centièmes à Senna. Mansell (5ème) est beaucoup moins serein, sur-conduit et exécute de nombreux travers. Chez Williams, Boutsen (5ème) est content de son nouveau moteur, mais le châssis manque cruellement de stabilité. Patrese (7ème) est victime d'un impressionnant bris de suspension samedi matin et n'est jamais dans le coup. Nannini glisse sa Benetton au sixième rang et précède une fois encore Piquet (8ème) qui tape le rail délimitant l'entrée des stands.
Les Tyrrell sont très stables mais leur V8 Cosworth manque de puissance. Alesi (9ème) est pour une fois suivi de près par Nakajima (10ème). Suzuki (11ème) fait des étincelles avec la Larrousse-Lamborghini et domine Bernard (15ème), victime d'une panne de moteur. Les Leyton House (Capelli 12ème, Gugelmin 14ème) sont performantes sur cette piste lisse mais ne s'illustrent pas, la faute aux V8 Judd trop essoufflés et surtout trop fragiles. Brabham tâtonne dans les réglages. Modena (13ème) se montre pourtant rapide tandis que D. Brabham (24ème) parvient à se qualifier. Les Minardi (Martini 16ème, Barilla 25ème) souffrent de sous-virage chronique. Mauvaise configuration également pour les Dallara (Pirro 17ème, de Cesaris 20ème). Encore un week-end décevant chez Lotus: moteur poussif et train avant fainéant. Warwick est 18ème, Donnelly 22ème. Mêmes déboires chez Arrows (Caffi 19ème, Alboreto 26ème). Larini place sa Ligier sur le vingt-et-unième rang. Alliot est en revanche éliminé. Vendredi, il sort de la route, endommage sa coque, puis voit son temps annulé (porte-à-faux d'aileron non conforme). Le lendemain, son mulet ne lui permet pas de sauver sa tête. Grouillard (23ème) qualifie son Osella pour la première fois depuis le GP du Mexique !
Les AGS de Tarquini et de Dalmas manquent de vitesse et sont éliminées. Gachot et sa Coloni (moteur cassé) échouent à trois secondes d'Alboreto, dernier qualifié. On ne peut pas sourire tous les jours...
Le Grand Prix
Le ciel est brumeux en ce dimanche 26 août, mais hormis quelques gouttelettes à l'heure de la pré-grille, l'après-midi sera sec. Le rendez-vous spadois est toujours très populaire puisque les organisateurs recensent 30% de spectateurs en plus par rapport à 1989. Prost réalise le meilleur chrono du warm-up avec les pneus de Silverstone. Mais Lee Gaug juge que ceux-ci ne sont finalement pas adaptés au circuit ardennais, et contraint Ferrari à utiliser les nouveaux composants en course.
De Cesaris prend le départ avec le mulet Dallara, estimant sa voiture de course pas assez performante. Cependant, Pirro est victime d'une fuite d'eau sur la grille et doit récupérer le modèle de son équipier. Suzuki emprunte aussi son mulet.
Départ: Senna démarre bien, suivi par Berger et Prost. Le Français tente de se glisser à l'intérieur mais l'Autrichien lui coupe la trajectoire. Plus loin, Piquet touche Mansell et expédie la Ferrari contre le rail interne. Dans un second temps, Larini lève le pied, trahi par son différentiel, et sème la panique. Donnelly braque tout à gauche pour éviter la Ligier, frotte la glissière et emboutit son équipier Warwick par l'arrière ! Suzuki fausse une suspension dans une touchette.
1er tour: Alors que la Ferrari de Mansell obstrue la piste à l'Eau Rouge, Pirro est en tête-à-queue au pied du raidillon. Modena et Nakajima s'accrochent aux Combes. L'Italien est en travers de la route. Roland Bruynseraede brandit le drapeau rouge.
Le carnage a fait beaucoup de dégâts. Mansell, Donnelly, Warwick, Larini, Piquet, Nakajima, Modena et Suzuki sont arrêtés à un endroit ou un autre du circuit. Suzuki ne repartira pas puisqu'il roulait déjà sur sa voiture de réserve. Chez Lotus, Warwick prend le mulet et Donnelly reste au garage. Les autres parviennent à réparer ou prennent les bolides de secours. De méchante humeur, Mansell grimpe dans la troisième 641, entièrement réglée pour Prost et dotée d'un moteur 036. « Je suis pas à l'aise » grogne-t-il à son ingénieur Maurizio Nardon. Pirro doit se rabattre sur sa Dallara habituelle, celle qu'il avait abandonnée avant le départ. Il partira depuis les stands. Le second coup d'envoi est donné vingt-cinq minutes plus tard.
Second départ: Senna s'envole très bien tandis que Berger braque à droite sans ménagement afin de bloquer Prost, lequel monte sur ses freins pour ne pas heurter la McLaren. Boutsen profite de cette manœuvre pour se faufiler à l'extérieur. Il est second à La Source devant Berger, Nannini et Prost.
1er tour: Berger attaque Boutsen aux Combes, en vain. Senna mène devant Boutsen, Berger, Nannini, Prost, Mansell, Piquet, Patrese et Alesi.
2e: Barilla perd le contrôle de sa Minardi à l'Eau Rouge et s'écrase contre le rail de sécurité, par l'arrière puis par l'avant. Martini part en tête-à-queue au bout de la ligne droite de Kemmel et se fait percuter par de Cesaris. Bruynseraede interrompt de nouveau l'épreuve.
Barilla sort sans peine de sa voiture qui a tapé rudement. Mais la cellule de survie a bien résisté car seules les roues sont parties. Il faut aussi évacuer la Dallara de de Cesaris, garée très loin dans l'échappatoire de Malmédy. Cette nouvelle pause dure une demi-heure. Barilla est orienté vers le centre médical pour des examens de routine. De Cesaris et Martini peuvent reprendre leurs voitures qui sont peu touchées. Donnelly fait sa réapparition: ses mécaniciens ont pu rafistoler son train avant. Il démarrera cependant depuis l'allée des stands. Vingt-trois voitures s'installent donc sur cette troisième grille.
Troisième départ: Berger démarre un peu mieux que Senna et se porte à sa hauteur à La Source. Cependant l'Autrichien reste sagement derrière son équipier. Suivent Prost, Boutsen et Nannini.
1er tour: Patrese dépasse Nannini dans Kemmel. Piquet double Mansell. Senna mène devant Berger, Prost, Boutsen, Patrese, Nannini, Piquet, Mansell, Alesi et Capelli.
2e: Senna prend un avantage sensible sur Berger. Boutsen suit Prost de près. Alesi dépasse Mansell dont la voiture sous-vire beaucoup. Nakajima rentre dans son garage car son moteur surchauffe. Il reste immobilisé plus de cinq minutes.
3e: Senna compte une seconde et demie d'avance sur son équipier.
4e: Senna précède Berger (1.5s.), Prost (2s.), Boutsen (3s.), Patrese (5s.), Nannini (6.5s.), Piquet (8.5s.), Alesi (11s.) et Mansell (14s.).
5e: Prost commence à prendre Berger en chasse mais Boutsen s'accroche encore à la Ferrari. Plus loin, Nannini poursuit Patrese.
6e: Pirro renonce suite à une nouvelle rupture de conduite d'eau.
7e: Avec un chrono d'1'58''712''', Senna est le plus rapide du plateau et creuse petit à petit l'écart avec Berger. Nakajima ressort des stands.
8e: Senna devance Berger (1.8s.), Prost (2.5s.), Boutsen (3.6s.), Patrese (4.8s.), Nannini (6s.) et Piquet (8.4s.).
9e: Berger contient Prost, lui-même suivi par les deux Williams. Nannini est un peu distancé. Larini se plaint de fortes vibrations dans son châssis et s'arrête changer ses pneus.
10e: Senna est premier devant Berger (2.8s.), Prost (3.9s.), Boutsen (4.4s.), Patrese (5.6s.), Nannini (8.2s.), Piquet (11s.) et Alesi (30s.). Capelli prend la neuvième place à Mansell. Nakajima revient à son box, cette fois pour de bon, moteur hors d'usage.
11e: Senna repousse Berger à trois secondes. L'Autrichien est maintenant pressé par Prost.
12e: Mansell déplore une affreuse tenue de route et s'arrête chez Ferrari pour changer ses pneus. Il repart en seizième position.
13e: Senna jouit désormais de quatre secondes d'avance sur son compagnon d'écurie. Prost est dans la roue de Berger.
14e: Prost dépasse Berger à la chicane de l'Arrêt de Bus. Boutsen attaque maintenant le Tyrolien. Patrese commence à rencontrer des soucis avec sa boîte et devient une proie facile pour Nannini.
15e: Boutsen tente de déborder Berger par l'intérieur aux Combes mais se heurte à la farouche résistance de son adversaire. Nannini se défait de Patrese.
16e: Cinq secondes entre Senna et Prost. De Cesaris remplace ses pneus.
17e: Prost reprend plusieurs dixièmes à Senna lors de chaque passage. Second changement de gommes pour Larini.
18e: Berger choisit de remplacer ses pneus (6.5s.). Il repart en sixième position derrière Piquet. Gugelmin dépasse son équipier Capelli. Les deux Leyton House poursuivent la Tyrrell d'Alesi. Elles le doubleront deux tours plus tard. Patrese rejoint le stand Williams avec une boîte bloquée.
19e: Senna rencontre du trafic. Patrese retire casque et gants. Warwick observe un changement d'enveloppes.
20e: Senna précède Prost (2.8s.), Boutsen (9s.), Nannini (12.3s.), Piquet (24.3s.), Berger (24.7s.), Gugelmin (49.7s.), Capelli (50.7s.), Alesi (52.4s.) et Bernard (55.1s.). Mansell en a assez de conduire une voiture trop instable. Il rentre à son garage et met pied à terre... sans avoir averti son équipe par radio !
21e: Alesi et Donnelly font changer leurs gommes.
22e: Prost concède quatre secondes à Senna. Boutsen se gare dans l'herbe face aux stands. Un joint d'étanchéité s'est détaché d'un roulement de roue, d'où une fuite de graisse et le grippage du cardan. Berger rattrape Piquet.
23e: Senna arrive aux stands pour chausser des pneus neufs, suivi par Prost. Leurs arrêts durent environ sept secondes. Senna ressort sous le nez de Nannini et conserve ainsi le commandement. Prost se contente de la troisième place. Nannini tente de déborder Senna dans Kemmel mais il n'a pas les chevaux nécessaires. Berger prend la quatrième place à Piquet.
24e: Senna précède Nannini (2s.), Prost (4.5s.), Berger (13.1s.), Piquet (14.3s.), Gugelmin (37.2s.) et Capelli (39s.). Changement de gommes pour Grouillard.
26e: Senna s'énerve et roule en 1'56''104'''. Prost est dans la roue de Nannini. Il doit absolument le doubler car l'Italien ne prévoit pas d'arrêt ! Piquet est au garage Benetton pour prendre des Goodyear neufs. Il perd une dizaine de secondes à cause d'un écrou récalcitrant et redémarre entre Gugelmin et Capelli. Ceux-ci feront la course « non-stop ».
27e: Senna passe sous la barre d'1'56''. Prost prend l'aspiration de Nannini dans Blanchimont et s'impose à l'Arrêt de Bus.
28e: Prost rend huit secondes à Senna. Arrêt de Martini.
29e: Prost répond à Senna et lui reprend trois dixièmes. Piquet repasse devant Gugelmin. De Cesaris s'immobilise à la chicane de l'Arrêt de Bus, moteur fumant.
30e: Senna est premier devant Prost (8s.), Nannini (13s.), Berger (20s.), Piquet (58s.), Gugelmin (1m.), Capelli (1m. 08s.), Bernard (1m. 30s.) et Alesi (1m. 31s.). Modena chausse de nouveaux Pirelli.
31e: Prost tourne en 1'55''909'''. Peut-il rattraper Senna ? Sans doute pas car sa voiture sous-vire depuis son arrêt. Alesi dépasse Bernard.
32e: Prost rejoint Alboreto pour lui prendre un tour. L'Italien, actuellement onzième, bloque ostensiblement le Français, aux Combes, à Rivage, à Pouhon etc. Il attend Blanchimont pour ouvrir la route à son ancien rival ! Ce comportement stupide fait perdre trois secondes à Prost.
34e: Onze secondes séparent Senna et Prost. Berger revient à deux secondes de Nannini.
35e: Grâce à ses pneus plus frais que ceux du Siennois, Berger pense pouvoir aisément se défaire de Nannini. Bernard s'arrête chez Larrousse pour changer ses pneus, mais l'opération se prolonge à cause du dysfonctionnement d'un pistolet pneumatique. Le jeune Français demeure neuvième mais repart bloqué en sixième vitesse !
36e: Senna achève sa boucle la plus rapide la journée (1'55''132'''). Berger attaque Nannini après l'Eau Rouge, alors que tous deux reviennent sur Caffi. Gerhard déboîte Sandro par l'intérieur puis, croyant être passé, veut se rabattre entre l'Arrows et la Benetton. Mais Nannini, plus perspicace, braque à droite, et aborde les Combes à l'intérieur ! Bloqué par Caffi, Berger ne peut a priori pas réagir mais il pousse son challenger contre le vibreur ! Nannini ne se démonte pas: pied au plancher, il garde la corde et aborde Malmédy devant la McLaren !
38e: Prost conclut le meilleur tour de la course (1'55''087'''). Onze secondes le séparent du leader. Brabham renonce après un court-circuit sur son V8 Judd. Il se gare à la sortie de La Source, une position assez périlleuse.
39e: Le moteur d'Alboreto cafouille. L'Italien laisse passer Modena, puis les Lotus, et va finir la course à faible allure.
40e: Senna mène devant Prost (10s.), Nannini (32.3s.), Berger (33.6s.), Piquet (1m. 20s.), Gugelmin (1m. 35s.), Capelli (1m. 47s.), Alesi (1m. 51s.), Bernard (-1t.) et Caffi (-1t.).
41e: Berger reprend son offensive anti-Nannini. Le moteur de Modena explose à Rivage. L'Italien échoue dans l'herbe.
42e: Nannini effectue un travers à l'Eau Rouge et escalade le trottoir. Il parvient à garder la maîtrise de sa Benetton, mais Berger n'a du coup aucun mal à le doubler dans la pleine charge de Kemmel.
43e: Senna roule vers la victoire avec sept secondes de marge sur Prost.
44ème et dernier tour: Ayrton Senna remporte son vingt-cinquième Grand Prix de Formule 1. Prost se contente de la seconde place. Berger finit troisième. Nannini termine quatrième devant son équipier Piquet. Gugelmin est sixième et inscrit son premier point en 1990. Viennent ensuite Capelli, Alesi, Bernard, Caffi, Warwick, Donnelly, Alboreto, Larini, Martini et Grouillard.
Après la course
Les voitures se rangent au pied du podium. A peine sorti de son cockpit, Ayrton Senna se précipite vers Gerhard Berger pour lui faire l'accolade et lui tapoter la joue. Équipier-modèle, le « grand escogriffe » a parfaitement joué son rôle de garde du corps en gênant Alain Prost lors des trois départs et en début d'épreuve. Quitte à adopter un comportement à la limite de la correction... Alain Prost s'essuie le visage sans rien dire. La cérémonie protocolaire est lugubre, le Français se tenant manifestement à l'écart des deux pilotes McLaren. En conférence de presse, il se dit réjoui d'avoir limité les dégâts: « Après mon changement de pneus, ma voiture avait perdu son assiette, je n'ai pas pu attaquer. Il fallait vraiment être en première ligne pour menacer Senna. Avec Berger qui jouait un certain jeu d'équipe, j'étais mal placé. » Mais il fait le triste constat que la paire McLaren-Honda a repris l'avantage sur Ferrari depuis le GP d'Allemagne. Il déplore désormais treize points de retard sur Senna au championnat. La lutte sera rude.
Ayrton Senna estime quant à lui que sa victoire est le fruit de son changement de gommes très prompt. « A une seconde près, je sortais derrière Nannini, et compte tenu de l'excellente vitesse de pointe de la Benetton, j'aurais été incapable de le dépasser par la suite. » Mais il se satisfait pleinement des progrès enregistrés: « Ce circuit n'était pas notre favori côté châssis du fait de ses courbes rapides. Ce succès est donc un présage très favorable, surtout avant Monza. » En outre, Ron Dennis ne manque pas de souligner qu'avec cette vingt-cinquième victoire, Senna dépasse Juan Manuel Fangio au palmarès et rejoint Jim Clark et Niki Lauda.
Après son retrait volontaire, Nigel Mansell est très fraîchement accueilli par le staff de Ferrari. « La voiture était inconduisible. Je ne suis pas du genre à prendre des risques inutiles ! » explique-t-il courroucé. S'il prend le temps de remercier ses mécaniciens, il s'éclipse sans dire un mot à Cesare Fiorio ou Pierguido Castelli. Cette indélicatesse indispose les responsables de Ferrari. « Un abandon délibéré n'est pas acceptable ! » maugrée Fiorio. « On devrait le mettre à pied pour la prochaine course ! » suggère quelqu'un. « Oui, mais c'est Monza... » rappelle un autre. « Je sais bien... » soupire Fiorio qui sait Mansell encore très populaire chez les tifosi. Conciliant, le président Piero Fusaro convoque Mansell avant le Grand Prix d'Italie pour mettre les choses à plat et achever sereinement cette saison. En privé, Alain Prost critique le « je-m'en-foutisme » de son équipier et sa propension à semer la zizanie autour de lui.
John Barnard sort de son habituelle réserve pour saluer chaleureusement la performance d'Alessandro Nannini et sa résistance opiniâtre face à Gerhard Berger. Depuis quelques courses, l'Italien prend une nouvelle dimension. Il n'est plus le « frère de la rockeuse ». Rapide, volontaire et sûr de lui, il fait jeu égal avec Nelson Piquet et s'affirme enfin comme un champion en devenir, capable de tenir tête aux plus grands, comme on l'a vu face à Senna à Hockenheim et à Budapest. Sandro serait-il le successeur tant attendu d'Alberto Ascari ? Il est trop tôt pour le dire, mais il est désormais sans conteste le leader de la jeune génération transalpine.
Tony