Les angoisses d'Alain Prost
Mi-juillet, à l'occasion d'essais privés sur ce circuit d'Hockenheim, Alain Prost accorde un entretien au magazine allemand Auto Sport. Cette simple péripétie se transforme en polémique à cause du fameux jeu du « téléphone arabe ». Face au journaliste allemand, le champion français a en effet éludé la question d'une possible retraite à l'issue de son contrat avec Ferrari, fin 1991. Le texte est synthétisé par la rédaction du quotidien, par l'agence DPA à Munich puis enfin par l'antenne AFP de Bonn. Et le 26 juillet, sur la foi de ces retranscriptions, une radio française présente ce titre: « Alain Prost annonce sa retraite pour 1991 ! » Lorsqu'il apprend la nouvelle dans le paddock, l'intéressé sort de ses gonds. Il insulte tous les journalistes qui passent à sa portée. Ce n'est qu'en fin de soirée que l'AFP publie un démenti formel. Un peu calmé, Prost s'ouvre alors à Luc Augier de L'Action automobile: « Je crois qu'après Ferrari il n'y aura plus pour moi de défi à relever. » Une façon adroite d'admettre qu'une fois l'aventure en rouge menée à bien, il pourra envisager de se retirer.
Malgré ses trois victoires de rang, Prost traverse une période délicate. Son rival Ayrton Senna entretient savamment les rumeurs concernant son possible transfert chez Ferrari. Prost donne dans cette pure intox. Refusant évidemment toute nouvelle cohabitation avec le Brésilien, il multiplie les contacts avec Piero Fusaro, Cesare Fiorio et même Gianni Agnelli, pour se rassurer. Mais son esprit torturé ne trouve guère d'apaisement. Pour le rasséréner, Fiorio va jusqu'à lui soumettre une liste de trois coéquipiers envisageables pour 1991: Ivan Capelli, Jean Alesi et Riccardo Patrese. Prost donne son avis sur chacun d'eux. Tout en prévenant que si Senna débarquait à Maranello, il ferait ses bagages dans l'heure qui suivrait...
Le feuilleton Alesi
A force de tergiverser, Jean d'Avignon se retrouve dans une situation ubuesque. En ce mois de juillet 1990, le jeune espoir français est sous contrat avec trois écuries pour 1991: Tyrrell, Williams et Ferrari ! Pis, la Gazzetta dello Sport du 21 juillet dévoile sa lettre d'intention en faveur de la Scuderia. Ken Tyrrell est furieux. Jusqu'ici, il pensait ne devoir disputer son poulain qu'à Frank Williams. Mais l'annonce du retrait de Nigel Mansell a précipité les événements. Alesi et Cesare Fiorio ont scellé leur accord entre les Grands Prix de Grande-Bretagne et d'Allemagne. Dans le même temps, Eddie Jordan, le manager du Français, soumet le contrat Alesi-Tyrrell à la Haute Cour de Londres pour examen. En fait, il s'agit de connaître le montant des indemnités de rupture... Verdict attendu en septembre. Mais Tyrrell ne veut rien entendre: « Son contrat ne comporte aucune clause de sortie ! » éructe-t-il. Son fils et bras droit Bob est plus nuancé: « Alesi nous appartient. Nous ne nous intéressons pas à ce qui se raconte ici et là. Si l'hypothèse d'un arrangement financier existe, elle ne sera pas révélée au grand jour. » Bien sûr, Frank Williams est également furieux de cette volte-face mais il se tient coi.
De toute évidence, Jean Alesi, mal conseillé, s'est laissé griser par ce début de carrière météorique et a agi en écervelé, qu'il n'est pas. A Hockenheim, il paraît nerveux, renfermé, embarrassé. Ses rapports avec Ken Tyrrell se réduisent au strict minimum. Point sot, il sait que son employeur songe moins à le conserver qu'à faire monter les enchères. Mais il ne peut rien dire. Il passe donc sa bile... sur les journalistes. « C'est à moi seul de décider de mon avenir car c'est moi qui pilote et risque ma peau en piste ! » lâche-t-il, exaspéré.
Présentation de l'épreuve
En cet été 1990, l'Allemagne songe plus à sa future réunification qu'à la course automobile. Si le rendez-vous d'Hockenheim attire toujours une foule nombreuse, le pays n'a plus aucun représentant sur la grille, pilotes ou constructeurs. Zakspeed et Rial ont mis la clef sous la porte. Seules les grandes firmes pourraient remettre l'Allemagne au sommet de la Formule 1. Mais pour l'heure, Mercedes se concentre sur le Groupe C et BMW envisage seulement de bâtir un nouveau moteur de 3,5 litres. Elles ne viendront en F1 que si elles sont certaines de pouvoir y triompher. « Ces gens-là sont des marchands de voitures, pas des sportifs », constate tristement le journaliste Michael Schmidt. Certes, Porsche fournira un V12 à Arrows l'an prochain, mais sa popularité en Allemagne est assez limitée. En ce qui concerne les pilotes, Christian Danner s'est tourné vers la Formule 3000 japonaise. Les regards se portent maintenant vers Michael Schumacher, 21 ans, actuel leader du championnat d'Europe de Formule 3 et poulain de Mercedes en Endurance.
La vie est dure en fond de grille. Sur ce circuit d'Hockenheim, juge de paix des cavaleries, les petites équipes se débrouillent tant bien que mal avec leurs antiques V8 Ford-Cosworth DFR, ultimes évolutions du DFV apparu en... 1967 ! L'écart de puissance avec les V12 et V10 est énorme (600 chevaux contre 700, environ 25 km/h à pleine charge) mais c'est à l'accélération que la différence est la plus flagrante. « Sur chaque rapport, on leur concède des poignées de mètres », constate Yannick Dalmas. Bien sûr, tous les « petits » ne sont pas tous logés à la même enseigne. Ainsi, les DFR préparés par Brian Hart pour Arrows et Tyrrell sont de loin les meilleurs. Ceux qu'entretient Alan Peck pour Ligier ne sont pas mauvais. En revanche, la maintenance d'Heini Mader (Dallara, Minardi, Onyx et AGS) laisse franchement à désirer. Les V8 Judd, « usines » ou clients, ne sont guère plus performants. Aussi toutes les officines rêvent de conclure un partenariat avec un grand constructeur. En 1991, Arrows roulera avec un V12 Porsche, Minardi avec le V12 Ferrari, Tyrrell le V10 Honda et March le futur V10 Ilmor. Les autres devront se contenter de faire de la figuration.
Les lois anti-tabac limitent dans le temps les ambitions de Reynolds Tobacco dans la discipline. Afin de faire enfin triompher ses couleurs en un minimum de temps, Camel ne financera plus Lotus en 1991 et distribuera ses enveloppes entre plusieurs grandes équipes, notamment Benetton et Williams. Pour ne rien arranger, Lotus devrait perdre également le V12 Lamborghini. Mauro Forghieri est très déçu de voir son moteur mal exploité par une équipe au passé si glorieux. Les Lotus-Lamborghini n'ont inscrit qu'un point en huit courses, contre cinq aux Larrousse munies du même bloc ! Derek Warwick et le prometteur Martin Donnelly se démènent en vain. Clive Chapman, le fils de Colin qui prend peu à peu les rênes de l'entreprise, médite une énième réorganisation du team dont devraient faire les frais Tony Rudd, le vieux team manager, et Frank Dernie qui n'a pas su adapter le V12 Lamborghini à son châssis.
Une semaine avant le Grand Prix, les équipes se retrouvent à Hockenheim pour d'intenses séances d'essais privés. McLaren se présente notamment avec une suspension avant modifiée qui semble améliorer le comportement du châssis et des pneumatiques sur piste rapide. D'autres éléments sont revus: extracteurs, fond plat, ailerons, prise d'air etc. Par ailleurs Honda étrenne une nouvelle version de son V10 (RA100E), nettement plus puissante. Bref, les machines rouges et blanches devraient être en bonne forme. Par ailleurs, McLaren récupère le concours de Gordon Kimball, l'ancien bras droit de Gordon Murray, qui sera chargé d'épauler Neil Oatley et Tim Wright. Toujours durant ces essais, Ferrari tente de couvrir la distance d'un Grand Prix avec son bloc 037, en vain car les pistons lâchent. Ce groupe conserve néanmoins sa vocation de moteur de qualification.
Comme prévu, Peter Monteverdi a rebaptisé Onyx de son propre nom. Place donc à l'équipe Monteverdi Onyx Formula One. La voiture conserve néanmoins la même livrée bleue et blanche. Mais les finances de la structure sont dans le rouge. Elle ne survit plus que grâce à l'argent de Philip Morris et de M. Foitek père, lequel commence justement à se lasser des fantaisies de Monteverdi.
Coloni lance sa FC189C à moteur Ford-Cosworth, conçue précipitamment par Christian Vanderpleyn qui a accepté de reprendre du service à Passignano jusqu'à la fin de l'année. Il s'agit de la monoplace de 1989 gommée de ses principaux défauts. Bertrand Gachot n'attend pas de miracle de ce modèle hybride et espère seulement pouvoir sortir des pré-qualifications. Life a conclu un accord avec Judd pour monter un V8 EV sur sa machine, mais l'opération n'a pu s'effectuer, faute de moyens. C'est donc toujours le calamiteux W12 Rocchi qui « propulse » la L190 de Bruno Giacomelli.
AGS présente une boîte transversale maison imaginée par Jean-François Berg sous la direction de Michel Costa. Ce dispositif n'est cependant pas opérationnel en essais officiels. Ligier n'apporte pas ses boîtes transversales, alors que chez Brabham il y en a une sur chacun des modèles de course. Enfin, du côté d'Eurobrun, la voiture de Langes est munie de la suspension avant « mono-choc ».
Essais et qualifications
Dès cinq heures du matin, ce vendredi 27 juillet, l'écurie Ligier-Gitanes est à pied d'œuvre pour préparer la première séance de pré-qualification de son histoire. Gobelets de café à la main, Jean-Pierre Paoli, Dany Hindenoch, Michel Beaujon, Claude Galopin et Ricardo Divila évoquent la colère du patron qui ne digère pas pareille humiliation. Guy Ligier a prévenu son staff: « Nous sommes en état de guerre ! » Il réclame des résultats, c'est-à-dire quelques points afin que cette triste situation ne perdure pas en 1991. Sinon, comment attirer un grand motoriste ? « Maintenant que nous abordons des conditions anormales, nous allons montrer que nous avons des ressources ! » clame-t-il. Par bonheur, si l'on peut dire, les deux pilotes Philippe Alliot et Nicola Larini ont été habitués aux pré-qualifications, le premier chez Larrousse, le second avec Osella. Le Français, de bonne humeur (il fête ses 37 ans), motive les troupes tandis que Larini se penche consciencieusement sur ses réglages.
Finalement, les « Bleus » se tirent sans mal de cette épreuve, accompagnés par Grouillard (Osella) et Dalmas (AGS). Gachot, Tarquini, Moreno et Langes sont éliminés, de même que Giacomelli et sa Life. Miracle: le W12 Rocchi n'a pas cassé ! C'est l'électronique qui a trahi le « Panda »... « Vivement le Judd... Que faire avec 60 km/h de moins que les autres ? » se demande l'Italien.
Les essais se déroulent sous une lourde et pénible chaleur. Un V10 Honda surpuissant et un châssis bien équilibré permettent aux Marlboro-McLaren de surclasser la concurrence vendredi et samedi. Senna pulvérise le record du circuit (1'40''198''' contre 1'42''013''' pour Keke Rosberg en 1986) et réalise sa cinquième pole position de la saison. Berger l'accompagne en première ligne, à deux dixièmes. Les Ferrari (Prost 3ème, Mansell 4ème) rendent une seconde et demie aux McLaren. Elles peinent derechef à exploiter les Goodyear de qualifications et sont plus à l'aise avec une gomme souple de course. Après une première journée difficile, les Williams-Renault (Patrese 5ème, Boutsen 6ème) se reprennent le lendemain et titillent les Ferrari. L'aérodynamisme très affûté de la Benetton et la puissance du V8 Ford font merveille sur ce tracé. Piquet se classe septième, Nannini neuvième après avoir démoli son châssis vendredi. Nouvel exploit d'Alesi (et des Pirelli ultra-tendres): une huitième place malgré un V8 à bout de souffle. Nakajima (13ème) est toujours un cran en dessous.
Les Leyton House-Judd (Capelli 10ème, Gugelmin 14ème) sont rapides mais connaissent de très sérieux soucis d'alimentation: moteurs et pompes à essence cassés, fuites des réservoirs... Les essais sont plus calmes pour les performantes Larrousse-Lamborghini (Suzuki 11ème, Bernard 12ème). Martini arrache le quinzième temps avec sa Minardi. Son équipier Barilla manque sa qualification. Les Lotus (Warwick 16ème, Donnelly 20ème) sont instables et ne « performent » qu'avec une gomme ultra-tendre. Pas de soucis de fiabilité cette fois pour Arrows, mais Caffi (18ème) et Alboreto (19ème) n'ont pas le moteur pour se mettre en avant. Brabham est aux prises avec une transmission fragile, que ce soit avec la boîte transversale ou la classique. Modena (17ème) et D. Brabham (21ème) peinent à se qualifier. La Ligier est particulièrement sensible au changement de hauteur de caisse. Ni Larini (22ème) ni Alliot (24ème) n'escomptent briller. Le Français est même sorti deux fois de la piste. Les BMS-Dallara passent du sous-virage au survirage sans prévenir. Pirro se classe 23ème et de Cesaris, qui casse un moteur et ne déniche pas les bons réglages, passe à la trappe ! Les Monteverdi (Lehto 25ème, Foitek 26ème) arrachent les derniers billets d'entrée.
Grouillard espérait qualifier l'Osella mais il casse un moteur, et de toute façon manque dramatiquement de vitesse en ligne droite. Mêmes maux et même sanction pour Dalmas et son AGS.
Le Grand Prix
L'atmosphère est lourde et orageuse ce 29 juillet 1990. Le ciel est voilé et l'on craint quelques orages qui n'éclateront pas. Senna domine aisément le warm-up. Tous les pilotes du clan Goodyear choisissent de partir en pneus tendres, sauf ceux de Benetton et Leyton House qui prennent des « B ». Chez Pirelli, Alesi est le seul à sélectionner les pneus durs.
Départ: Senna s'envole à merveille devant Berger, Prost et Mansell. Modena reste immobile, embrayage bloqué. Pirro ne peut éviter la Brabham, perd une roue et heurte le muret par l'arrière. Alliot tente de zigzaguer entre les deux bolides mais il se met finalement en tête-à-queue face à la glissière. La Ligier n'est cependant pas endommagée.
1er tour: Senna mène devant Berger, Prost, Mansell, Patrese, Boutsen, Piquet, Nannini, Alesi et Capelli. Modena gare sa voiture. Alliot redémarre avec l'aide des commissaires, qu'il n'a pourtant pas sollicités. Dans le même temps, une ambulance se gare sur le côté droit de la piste pour venir en aide à Pirro qui souffre du cou. Bien que la situation soit dangereuse, la course n'est pas interrompue.
2e: Les McLaren creusent l'écart sur les Ferrari et les Williams. Le drapeau jaune est brandi dans le Stadium tandis que les médecins s'affairent autour de Pirro. Alliot passe par le stand Ligier pour faire resserrer son harnachement et repart. Mais il est sous le coup d'une disqualification logique. Donnelly abandonne, embrayage cassé.
3e: Boutsen fait un « tout droit » dans le Stadium à cause d'une boîte capricieuse. Il chute au dixième rang. Pirro est évacué sur une civière et part pour l'hôpital de Mannheim afin de subir des examens. Par bonheur, il est parfaitement indemne.
4e: Berger demeure dans le sillage immédiat de Senna. Prost est à deux secondes du leader et garde Mansell à distance.
5e: Senna précède Berger (0.8s.), Prost (1.6s.), Mansell (2.5s.), Patrese (5.5s.), Piquet (6s.) et Nannini (7s.). Boutsen se défait de Capelli et d'Alesi. L'Avignonnais cède aussi à l'Italien.
6e: Les McLaren et les Ferrari roulent de concert. Plus loin, Patrese paraît retenir les Benetton-Ford.
7e: Alliot gêne Senna dans le Stadium. Néanmoins le Pauliste garde une seconde d'avance sur son équipier.
9e: Senna et Berger commencent à creuser l'écart sur Prost et Mansell. Piquet et Nannini menacent toujours Patrese, sans pouvoir le doubler car le V10 Renault est plus puissant que le V8 Ford.
10e: Senna devance Berger (1.5s.), Prost (3.2s.), Mansell (4.1s.), Patrese (8.4s.), Piquet (9.1s.), Nannini (9.7s.), Boutsen (17.6s.), Capelli (22s.), Alesi (26s.), Warwick (31.6s.) et Suzuki (32.4s.).
11e: Piquet court-circuite la première chicane et cède le passage à Nannini. Alboreto quitte la course suite à une panne de moteur. Lehto est aux stands pour changer son boîtier d'allumage.
12e: Senna maîtrise les débats avec une seconde et demie d'avance sur Berger. Prost et Mansell perdent quelques dixièmes mais s'accrochent aux McLaren.
13e: Mansell est plus rapide que Prost mais ne le double pas. Gugelmin abandonne: son moteur a avalé du sable en début de course. Brabham met aussi pied à terre après avoir cassé un ressort de soupape. Alliot reçoit le drapeau noir pour avoir bénéficié d'une aide extérieure.
14e: Senna est premier devant Berger (1.5s.), Prost (3.9s.), Mansell (4.5s.), Patrese (12s.), Nannini (12.8s.), Piquet (18s.) et Boutsen (25s.).
15e: Mansell monte sur un vibreur en quittant l'Ostkurve, sort de la route et ratisse la pelouse. Il regagne la piste mais au ralenti parce que ses pneumatiques sont très endommagés.
16e: Berger et Prost changent leurs pneus en même temps. Si l'arrêt de l'Autrichien est rapide, celui du Français est trop long à cause d'une roue arrière-gauche récalcitrante. Boutsen s'intercale entre eux. Mansell rejoint directement son garage car son fond plat a été gravement abîmé par son escapade hors-circuit.
17e: Senna est maintenant tout seul au commandement. Nannini prend la seconde place à Patrese. Warwick chausse des gommes neuves.
18e: Senna observe son changement de pneus (6.2s.) sans incident et se retrouve second, pris en sandwich entre Nannini et Patrese. Le Siennois, muni de pneus durs, est premier et ne compte pas s'arrêter !
19e: Patrese chausse des Goodyear neufs (8.1s.) et recule au neuvième rang. Larini est chez Ligier pour changer son pneu arrière-gauche qui s'est dégonflé.
20e: Nannini devance Senna (1.4s.), Berger (4.4s.), Piquet (5.2s.), Boutsen (12.5s.), Prost (15.5s.), Capelli (24s.), Patrese (26s.), Suzuki (42s.) et Bernard (43s.). Alesi emprunte la voie des stands pour prendre des pneus frais, mais il manque son emplacement ! Il doit parcourir un tour de plus. Second arrêt de Larini qui se plaint de vibrations sur son nouveau train de pneus.
21e: Senna reste derrière Nannini tandis que Berger est sous l'aileron de Piquet. Patrese dépasse Capelli. Alesi change enfin d'enveloppes. Foitek part en tête-à-queue à la Sachkurve et achève son dimanche dans le bas à sable.
22e: Senna est dans la roue de Nannini mais est gêné par les turbulences dans les lignes droites. Lehto s'arrête chez Monteverdi pour réparer une biellette de suspension endommagée sur un trottoir. Martini se gare sur le bas-côté, moteur muet.
23e: Les Benetton contiennent chacune une McLaren. Plus loin, Prost attaque Boutsen pour le gain de la cinquième place. Arrêts pneus pour Nakajima et Caffi.
24e: Senna est à quatre dixièmes de Nannini. Le moteur de Piquet explose dans l'Ostkurve. C'est seulement le premier abandon de la saison pour le Carioca.
25e: Prost s'empare de la quatrième place aux dépens de Boutsen. La course est terminée pour Nakajima dont le moteur s'est éteint.
26e: Nannini possède une seconde de marge sur Senna dont le moteur Honda n'a plus sa pleine mesure, sans doute à cause de la chaleur. Mais ce serait mal connaître le Brésilien de penser qu'il va abandonner la victoire à l'Italien !
28e: L'intervalle est constant entre Nannini et Senna. Berger est à huit secondes de la Benetton de tête. Prost ne peut pas rattraper l'Autrichien car sa vitesse de pointe est réduite par le limiteur de régime. Sa septième vitesse n'est en effet pas assez « longue » pour que le moteur prenne tous ses tours.
29e: Boutsen s'arrête chez Williams pour chausser des pneus neufs. Hélas, ses mécanos peinent à fixer l'écrou de la roue arrière-gauche, et il ne repart qu'après vingt-huit secondes d'immobilisation.
30e: Nannini est leader devant Senna (1.1s.), Berger (7.1s.), Prost (23.6s.), Patrese (34.4s.), Capelli (54.9s.), Suzuki (1m. 08s.), Bernard (1m. 09s.), Boutsen (1m. 19s.) et Warwick (1m. 25s.).
31e: Senna se rapproche de Nannini. Boutsen s'adjuge le meilleur tour de la course (1'45''602''') et poursuit les Larrousse.
33e: Senna est prêt à porter l'estocade contre Nannini. Boutsen dépasse Bernard. Suzuki renonce à cause d'une panne d'embrayage. De toute façon, ses pneus étaient détruits.
34e: Senna prend l'aspiration de Nannini dans la ligne droite qui sépare l'Ostkurve de la troisième chicane. Sandro louvoie devant la McLaren, mais cela ne suffit pas: le Brésilien le déboîte par la gauche et reprend la première place du Grand Prix.
35e: Senna est premier devant Nannini (2s.), Berger (9.8s.), Prost (33s.), Patrese (41s.) et Capelli (1m. 20s.).
36e: Nannini réduit sa cadence car ses pneus sont usés et surtout sa température d'huile est dangereusement élevée. Berger le prend en chasse, mais son moteur a perdu quelques chevaux, comme celui de Senna.
37e: Capelli perd son quatrième rapport et voit Boutsen grossir dans ses rétroviseurs. C'est fini pour les Larrousse: Bernard met aussi pied à terre, pression d'essence à zéro.
38e: Quatre secondes entre Senna et Nannini. Patrese revient à cinq secondes de Prost. Boutsen déborde Capelli et revient ainsi dans les points.
40e: Senna précède Nannini (6.2s.), Berger (10.3s.), Prost (41s.), Patrese (45s.), Boutsen (1m. 21s.), Capelli (1m. 33s.), Warwick (-1t.), Alesi (-1t.) et Caffi (-1t.).
42e: Berger reprend quelques dixièmes à Nannini, insuffisants pour inquiéter ce dernier. Alesi abandonne suite à un bris de demi-arbre.
43e: Senna repousse Nannini à dix secondes. Berger n'est plus qu'à deux secondes et demie du Siennois. Le même écart sépare Prost de Patrese.
44e: Berger est coupé dans son effort par Larini qui ignore les drapeaux bleus. Celui-ci sauve ainsi peut-être la seconde place de son compatriote Nannini.
45ème et dernier tour: Ayrton Senna remporte le GP d'Allemagne pour la troisième année consécutive devant Nannini et Berger. Prost termine seulement quatrième. Patrese et Boutsen, cinquième et sixième, ramènent trois points à Williams. Capelli, Warwick, Caffi et Larini viennent ensuite. Lehto finit avec six tours de retard et n'est donc pas classé.
Après la course
L'intense travail de remise à niveau de la McLaren MP4/5B a porté ses fruits. Heureux de renouer avec la plus haute marche du podium après une insupportable disette de trois courses, Ayrton Senna salue la qualité retrouvée de son châssis et la fiabilité de son moteur à haut régime. De plus, Osamu Goto lui promet que la prochaine évolution du V10 Honda sera prête dès le GP de Belgique. Enfin et surtout, cette victoire permet au Brésilien de reprendre le commandement du championnat des mains d'Alain Prost (48 points à 44). Le Français estime pour sa part avoir sauvé l'essentiel, malgré un septième rapport trop court qui lui a coûté une seconde au tour en fin d'épreuve. Dorénavant, Ferrari se concentre sur la fiabilisation de son moteur 037. Gianni Morbidelli doit le tester en condition de course quelques jours plus tard à Monza.
On est plus optimiste chez Benetton où la seconde position d'Alessandro Nannini est saluée comme une victoire. « J'ai accompli la meilleure course de ma carrière ! A Spa et à Monza, je serai en mesure de triompher ! » clame le jeune Italien. « J'ai perdu beaucoup de temps en début de course derrière Patrese, une dizaine de secondes qui m'auraient été bien utiles pour contenir Senna », explique-t-il. « Nous avions fait le bon choix de pneus, les Goodyear « B ». Malheureusement, en fin de course, mon moteur a faibli et je n'avais plus beaucoup d'adhérence. Ma, je suis tout de même content ! » Sandro « chauffe » le public du Stadium qui dans un mois accueillera sa sœur Gianna, entre autres stars du rock'n'roll. Enfin, dans l'euphorie du moment, Alessandro Benetton révèle que Nelson Piquet et Sandro Nannini sont confirmés pour 1991.
Dimanche soir, Frank Williams, Patrick Head, Bernard Dudot et Bernard Casin tiennent une réunion de crise. Depuis la victoire de Riccardo Patrese à Imola, Williams-Renault n'a ramassé que quinze points et voit Benetton-Ford s'échapper à la troisième place du classement des constructeurs. Commencée sous les meilleurs auspices, cette saison 90 tourne à l'échec pour la paire anglo-française. Head convient que la priorité est l'amélioration du médiocre châssis de la FW13. Adrian Newey s'emploie à peaufiner l'aérodynamisme à l'usine de Didcot. Didot promet quant à lui une évolution du V10 Renault. L'essayeur maison Mark Blundell éprouvera une FW13 revigorée à Silverstone le 8 août, quatre jours avant le GP de Hongrie. Newey transmettra ensuite directement les données recueillies à Budapest pour permettre de corriger immédiatement les bolides de Boutsen et Patrese. Voilà qui ressemble à un plan d'urgence...
Tony