McLaren: brouille entre Ron Dennis et Alain Prost
On se souvient qu'avant le Grand Prix du Japon, Ayrton Senna accusait à mots couverts Honda de le désavantager au profit d'Alain Prost, ce qui a entraîné une intervention maladroite de Jean-Marie Balestre. Quelques jours avant ce rendez-vous australien, c'est Alain Prost qui déclare sur Europe 1 qu'Honda a favorisé cette année son coéquipier ! Pour appuyer ses dires, il affirme qu'à la fin de la course japonaise Senna avait beaucoup plus d'essence que lui dans son réservoir, preuve que leurs V6 ne fonctionnent pas de la même manière.
La conférence de presse que donne McLaren le jeudi 10 novembre est donc très attendue. Les journalistes se heurtent à un Ron Dennis encore plus cassant que d'habitude. « Y a-t-il quelqu'un ici qui soit persuadé qu'un de nos deux pilotes n'a pas disposé d'un aussi bon matériel que l'autre ? » leur lance-t-il. Personne ne bronche. Dennis se plaint ensuite qu'après le GP du Japon, Charlie Whiting, le délégué technique de la FISA, ait demandé à examiner la boîte de vitesses de Prost qui avait mal fonctionné. Il ne supporte pas cette atmosphère de soupçon permanent. « C'est un dangereux précédent [...] Il est techniquement impossible de fournir un matériel égal à 100 % aux deux pilotes avec une technologie aussi compliquée. Les différences, qui sont très légères, sont dues au challenge technique auquel nous sommes confrontés. Nous avons été accusés par M. Balestre. J'estime que la FISA nous doit des excuses. » Dennis croit ainsi rabattre le caquet aux critiques mais, à sa grande surprise, Prost intervient pour lui reprocher de ne pas communiquer assez d'informations à la presse. Là-dessus, un journaliste demande aux pilotes s'ils estiment avoir été lésés cette saison et s'ils envisagent d'abréger leurs contrats. Senna répond: « Avant même d'entrer chez McLaren, de ce que j'avais vu, je savais que je serais traité sur un pied d'égalité et j'ai de moi-même demandé à signer un contrat de trois ans. » Visiblement très irrité, Prost tapote son pupitre avec ses doigts et lâche: « J'ai signé pour l'année prochaine... C'est tout ce que j'ai à dire ! »
Après la conférence, Dennis prend Prost à part pour une vive explication. Le Français quitte son patron furieux et refusera d'apparaître au barbecue offert le soir par Marlboro. Il s'épanche néanmoins auprès de reporters français: « Senna a été avantagé mais je ne peux pas le dire tout haut, car je veux encore conduire pour McLaren l'année prochaine ! »
Présentation de l'épreuve
Niki Lauda effectue un retour remarqué dans le paddock. Il arrive en Australie aux commandes d'un Boeing 747 de sa compagnie. Il se promène du stand McLaren au stand Ferrari, et retrouve ses amis Alain Prost et Gerhard Berger. « Je ne suis pas là pour chercher un volant pour 1989 ! » précise-t-il. « Mais si d'aventure vous m'en trouvez un... » Lauda plaisante. La Formule 1 ne lui manque pas le moins du monde. En tout cas, le paddock d'Adélaïde est des plus prestigieux puisqu'on peut y apercevoir pas moins de dix champions du monde ! Côté piste, Alain Prost, Nelson Piquet et le nouveau roi Ayrton Senna sont bien sûr présents. Mais on peut aussi rencontrer Sir Jack Brabham, Denny Hulme, John Surtees, Jackie Stewart, James Hunt, Alan Jones et donc Niki Lauda.
Cette brochette de champions se rend à Victoria Park pour suivre le convoi funèbre du turbo. Ce Grand Prix sera en effet le dernier tolérant les moteurs suralimentés. C'est la fin d'une ère inaugurée le 16 juillet 1977 à Silverstone par la Renault-Elf de Jean-Pierre Jabouille. Gérard Larrousse, l'ancien patron de Renault Sport, balaie cependant toute nostalgie: « Le passé ne m'intéresse pas. Mais la grande victoire de Renault est d'avoir, par la F1, imposé le turbo à la construction automobile courante. »
La fin des turbos coïncide avec le départ à la retraite de François Guiter, le directeur de la compétition d'Elf, l'aiguillon et le promoteur de l'aventure Renault depuis plus de quinze ans. Il fut l'un des premiers à croire en la suralimentation et à appuyer le projet de Renault. Le Team Lotus donne à cette occasion une fête en l'honneur de cet homme d'exception qui a permis à la Formule 1 de voir le jour et de s'épanouir en France.
Ce dernier Grand Prix a de l'importance pour les plus petites équipes car il permettra de déterminer lesquelles participeront l'an prochain aux séances de pré-qualifications. Ligier est par exemple menacée et doit impérativement obtenir au moins une septième place pour échapper à cette épreuve. En outre, un seul petit point rapporterait à l'heureuse bénéficiaire deux millions de dollars des droits TV redistribués par la FOCA, un cadeau non négligeable.
Nigel Mansell quittera Frank Williams à l'issue de ce Grand Prix, et pas en bons termes. Le géant des assurances Lloyd's a en effet refusé de prendre en charge la « varicelle » qui l'a tenu à l'écart des circuits à la fin de l'été. Du coup, pour se rembourser, Williams a ponctionné le salaire annuel de son pilote ! Ce que ce dernier n'a pas du tout apprécié... Les deux hommes ne s'adressent plus la parole. Dans le même temps, l'équipe de Patrick Head concentre ses efforts sur la voiture de Riccardo Patrese, promu premier pilote puisqu'il fera lui encore partie du team l'an prochain. A noter que l'Italien de 34 ans va prendre en Australie le départ de son 176ème Grand Prix et égalera ainsi le record de participations jusqu'ici détenu par Jacques Laffite.
Yannick Dalmas est toujours malade et souffre désormais de la maladie du légionnaire. Gérard Larrousse voulait de nouveau faire appel à Aguri Suzuki pour le remplacer, mais celui-ci doit disputer une course de voitures de sport avec Nissan. Du coup, il engage le jeune Héraultais Pierre-Henri Raphanel, le dernier protégé d'Hugues de Chaunac. Celui-ci sort d'une saison plutôt difficile en Formule 3000. Il n'a inscrit que huit points contre onze à son équipier Jean Alesi. Nombreux sont ceux qui pensent que Raphanel n'a pas encore le niveau pour conduire en F1. « Si tu réussis à te qualifier, je me les coupe ! » lui lance ainsi Heini Mader en guise de boutade.
Début novembre, le maire de Détroit Coleman Young annonce que le Grand Prix de Détroit se déroulera toujours sur le tracé bosselé du centre-ville et non à Belle-Isle comme cela fut suggéré cet été. Du coup, Jean-Marie Balestre et Bernie Ecclestone décident de mettre fin au contrat de la cité du Michigan. Il n'y aura donc peut-être pas de Grand Prix des États-Unis en 1989. Quant au conseil municipal de Détroit, il se tourne vers l'ACCUS qui l'accueille volontiers dans son championnat CART !
Peter Windsor confirme la résurrection de l'écurie Brabham dont il sera le futur directeur sportif. Il vient en effet de donner sa démission à Frank Williams. Il confirme que les capitaux seront suisses et apportés par Joachim Lüthi et Walter Brun... avec peut-être l'appui de Bernie Ecclestone. Sergio Rinland sera le concepteur de la future BT58 qui sera propulsée par un V8 Judd.
Essais et qualifications
L'an dernier, les freins étaient très sollicités sur cette piste d'Adélaïde et de nombreux pilotes étaient sortis de la route. Cette année, la SEP a semble-t-il fait des progrès et fournit des disques en carbone plus résistants tandis que les voitures assurent un meilleur refroidissement.
Les essais se déroulent sous une chaleur torride. La pole position fait l'objet d'une âpre bagarre entre Senna et Prost. Bien qu'il souffre quelque peu d'un poignet, le Brésilien souffle la pole position au Français dans les dernières minutes de la séance du samedi. Les Williams-Judd sont ici en forme. Mansell se classe troisième, Patrese sixième, mais ils rendent plus d'une seconde et demie aux McLaren. Chez Ferrari, Berger obtient une satisfaisante quatrième tandis qu'Alboreto, victime de soucis de freins, n'est que douzième. Piquet place sa Lotus-Honda au cinquième rang, nettement devant Nakajima, seulement treizième. Les Arrows connaissent à nouveau de nombreuses pannes de moteur, et comme souvent Warwick (7ème) s'en sort nettement mieux que Cheever (18ème). Les Benetton-Ford de Nannini (8ème) et de Boutsen (10ème) souffrent d'une tenue de route médiocre. Le jeune Italien sort d'ailleurs deux fois de la route.
Les March-Judd de Capelli (9ème) et de Gugelmin (19ème) ont une très mauvaise adhérence sur cette piste tortueuse et sale. En revanche, Caffi réalise un excellent onzième chrono avec sa Dallara. Du côté de Minardi, si Martini (14ème) connaît des essais sans histoire, Pérez-Sala (21ème) est impliqué dans deux collisions avec Johansson et Larrauri. De Cesaris est déçu de sa quinzième place car sa Rial dispose d'un bon potentiel sur cette piste. Streiff (16ème) enregistre des progrès grâce à un nouveau train arrière monté sur son AGS. Palmer (17ème) se qualifie malgré une touchette survenue samedi après-midi. Pour une fois, les deux Eurobrun (Modena 20ème, Larrauri 25ème) parviennent à se qualifier, tout comme les deux Ligier (Johansson 22ème, Arnoux 23ème). Alliot (24ème) arrache in extremis son ticket d'entrée malgré de nombreux problèmes de fiabilité. Ghinzani (26ème) ferme la marche.
Tarquini, Schneider et Bailey sont éliminés, tout comme le jeune Raphanel qui ne concède pourtant qu'une demi-seconde à Alliot. Mader sauve sa virilité... Lâché par les moteurs de ses deux Osella, Larini est éliminé dès le vendredi matin.
Le Grand Prix
Le ciel se couvre pour le warm-up, dominé par Prost malgré quelques soucis de boîte de vitesses. Palmer plie sa Tyrrell contre un mur et devra partir avec le mulet. Cheever prend aussi sa voiture de réserve après une panne de moteur. L'après-midi, de gros nuages noirs bouchent le ciel d'Adélaïde, mais sans risque de pluie annoncent les météorologues.
Tour de formation: Modena cale et demeure scotché sur la grille. Il démarre à la poussette et s'élancera en dernière position.
Départ: Placé sur la ligne poussiéreuse de la piste, Senna prend un envol médiocre. Prost s'empare du commandement. Berger prend la troisième place à Mansell. L'Autrichien escalade allègrement le trottoir en sortant de la première chicane. La Ferrari louvoie mais reste devant la Williams de Mansell et la Lotus de Piquet.
1er tour: Piquet double Mansell dans Brabham Straight. Sur Wakefield Road, Alboreto est touché par Caffi et atterrit contre une glissière. Le Milanais achève ainsi sa carrière chez Ferrari. Prost précède Senna, Berger, Piquet, Mansell, Patrese, Nannini, Capelli, Warwick et Boutsen.
2e: Prost compte deux secondes d'avance sur Senna, très menacé par Berger. Patrese dépasse Mansell et Caffi double Boutsen.
3e: Berger ignore les indications déjà pessimistes de son ordinateur et fait l'intérieur Senna au bout de Brabham Straight. Le Brésilien tente de lui couper la route. Les roues se touchent. Gerhard monte sur le vibreur et est projeté vers l'extérieur de la piste, ce qui contraint à Senna à freiner fort pour le laisser passer. Capelli déborde Nannini.
4e: Berger déplore cinq secondes de retard sur Prost et se lance à sa poursuite. Senna est lui aussi victime de surconsommation mais refuse sagement de suivre le rythme de l'Autrichien. Il n'a plus rien à perdre ni à gagner.
5e: Prost devance Berger (4.1s.), Senna (7.6s.), Piquet (10.1s.), Patrese (11.3s.), Mansell (12.4s.), Capelli (13s.), Nannini (14.1s.), Warwick (15s.), Caffi (16s.) et Boutsen (16.3s.).
6e: Berger réalise le meilleur chrono depuis le départ (1'23''048''') et reprend une demi-seconde à Prost.
8e: Berger est toujours plus rapide (1'22''012''') et revient à deux secondes de Prost. Patrese se rapproche de Piquet. Capelli menace Mansell pour le gain de la sixième place.
10e: Prost est premier devant Berger (1.8s.), Senna (9.2s.), Piquet (13.1s.), Patrese (14.4s.), Mansell (16.7s.), Capelli (18s.), Nannini (19s.), Warwick (22s.), Caffi (24s.), Boutsen (26s.), Streiff (29s.), Nakajima (29.4s.) et de Cesaris (29.7s.).
12e: Berger fait la jonction avec un Prost très combatif. Une seconde et deux dixièmes les séparent. Senna s'en rapproche à sept secondes. Modena part en tête-à-queue avant Brabham Straight. Il parvient à contrôler son embardée, évite les glissières et reprend la piste.
13e: Berger est maintenant dans la roue de Prost, prêt à l'attaquer. Modena effectue un second tête-à-queue. Son collègue Larrauri renonce suite à un bris de demi-arbre de roue.
14e: Berger déborde Prost dans Brabham Straight. Le Français ne cherche absolument pas à résister car il sait que la Ferrari n'ira pas loin du fait de sa consommation excessive.
15e: Berger devance Prost (1.3s.), Senna (7.7s.), Piquet (15.5s.), Patrese (16.4s.), Mansell (20.5s.), Capelli (22s.) et Nannini (24s.). Boutsen escalade le vibreur à l'entrée de Brabham Straight et exécute une figure au milieu de la piste. Il ne tape rien et redémarre entre de Cesaris et Nakajima.
16e: Prost demeure dans le sillage de Berger, mais Senna s'en rapproche. Palmer abandonne suite à une rupture de couple conique.
17e: Comme son équipier, Nannini glisse sur le vibreur à l'entrée de la longue ligne droite et part en travers. Arrêté sur la droite, il laisse passer cinq voitures et se retrouve derrière... Boutsen.
19e: Berger précède Prost de deux secondes. Piquet offre une belle résistance aux très rapides Williams de Patrese et de Mansell. De Cesaris prend la dixième place à Streiff.
20e: Berger devance Prost (2.9s.), Senna (7.5s.), Piquet (19s.), Patrese (19.6s.), Mansell (20.8s.), Capelli (27s.) et Warwick (31s.).
21e: De Cesaris dépasse Caffi, son futur coéquipier.
22e: De Cesaris double Warwick tandis que Boutsen efface Caffi. Ghinzani exécute un tête-à-queue au virage n°13 mais parvient à repartir.
23e: Berger devance Prost de trois secondes. Piquet résiste toujours aux deux Williams. Boutsen déborde Warwick.
24e: Berger est leader devant Prost (3s.), Senna (10.1s.), Piquet (26.7s.), Patrese (27.7s.) et Mansell (28.7s.). Nannini stoppe chez Benetton pour changer ses gommes après sa sortie de route. Il chute au dix-huitième rang.
26e: Berger arrive sur les attardés Modena et Arnoux au bout de Brabham Straight. L'Italien se décale pour laisser passer l'Autrichien qui décide de faire l'intérieur au Français au freinage. Mais celui-ci ne le voit pas arriver et lui coupe la trajectoire. La Ferrari percute la roue arrière-droite de la Ligier puis décolle. Les deux voitures se retrouvent en tête-à-queue. Prost récupère la première place.
27e: Prost compte six secondes d'avance sur Senna. Berger et Arnoux regagnent les stands à pied. L'Autrichien affirme ne pas en vouloir au Grenoblois car il n'avait plus de freins et ne pouvait donc pas l'éviter lorsque celui-ci s'est rabattu. Au micro de la BBC, le toujours très francophobe James Hunt n'a pas son tact et dénonce la « stupidité d'Arnoux ».
28e: Prost devance Senna (4.6s.), Piquet (23.2s.), Patrese (25s.), Mansell (25.4s.) et Capelli (36.8s.).
29e: Ghinzani gêne Nakajima au niveau de Flinders Street. Tous deux partent en toupie et se retrouvent face au mur de béton. Les commissaires interviennent pour les pousser et les aider à redémarrer. Les drapeaux jaunes sont agités.
30e: Prost est premier devant Senna (5s.), Piquet (25.7s.), Patrese (26.8s.), Mansell (28.5s.), Capelli (41s.), de Cesaris (51s.), Boutsen (53s.), Warwick (59s.), Caffi (1m.) et Streiff (1m. 01s.).
32e: Senna peine à sélectionner ses rapports et concède dorénavant six secondes à Prost. Mansell se fait de plus en plus pressant derrière Patrese qui bute sur Piquet.
33e: Caffi renonce suite après avoir cassé son câble d'embrayage.
35e: L'intervalle est stable entre les McLaren. Mansell est collé derrière l'aileron de Patrese qui, bien entendu, n'a aucune intention de lui ouvrir la voie.
37e: Mansell poursuit toujours Patrese mais il perd une à deux secondes en dépassant Alliot qui, à l'instar d'Arnoux, n'est pas réputé pour regarder souvent dans ses rétroviseurs... Streiff prend la neuvième place à Warwick qui rencontre de graves problèmes d'injection.
38e: Prost abaisse le meilleur tour en course (1'21''767''').
39e: Senna prouve qu'il en a encore sous le pied et signe un chrono d'1'21''668'''. Prost connaît en effet à son tour quelques soucis pour changer ses vitesses.
40e: Prost devance Senna (6.9s.), Piquet (37.5s.), Patrese (38.7s.), Mansell (41s.), Capelli (56.7s.), de Cesaris (1m.) et Boutsen (1m. 04s.).
42e: L'écart entre Prost et Senna grimpe à huit secondes.
43e: Privé de freins, Pérez-Sala a abusé de son moteur pour se ralentir et finit par casser celui-ci.
45e: Prost compte neuf secondes de marge sur Senna. Piquet contient toujours les deux Williams. De Cesaris dépasse Capelli sur Wakefield Street et grimpe ainsi au sixième rang.
46e: Nakajima fait halte chez Lotus pour chausser des pneus neufs. Il repart derrière Gugelmin, avec un tour de retard.
47e: Prost roule en 1'21''559''' et repousse désormais son équipier à onze secondes.
48e: Johansson touche Martini à la sortie de la chicane. L'Italien part en tête-à-queue sous le nez de Gugelmin et de Nakajima qui se suivent de près. Le Brésilien freine fort pour éviter la Minardi. Le Japonais l'emboutit par l'arrière. Gugelmin se retrouve en marche arrière et Nakajima s'arrête avec le train avant ouvert. Tous deux renoncent tandis que Martini peut repartir.
50e: Prost est premier devant Senna (10.5s.), Piquet (48.5s.), Patrese (49.8s.), Mansell (50.3s.), de Cesaris (1m. 04s.), Capelli (1m. 09s.), Boutsen (1m. 21s.), Streiff (-1t.) et Johansson (-1t.).
51e: Le trio Piquet - Patrese - Mansell bute un temps sur Nannini et Cheever, en bagarre pour la treizième place. Warwick s'arrête chez Arrows pour faire examiner son moteur qui ratatouille.
52e: Mansell attaque Patrese au bout de Brabham Straight, mais celui-ci lui claque la porte au nez. Toutefois l'Italien part en tête-à-queue dans le virage suivant et atterrit dans les graviers. Par bonheur, son moteur ne cale pas. Il repart très vite, mais entretemps son coéquipier est passé.
53e: Onze secondes séparent Prost et Senna. Warwick abandonne car ses problèmes d'alimentation ont fini par endommager son moteur.
54e: Cheever se retire après avoir cassé un énième quatre cylindres Megatron, ex-BMW, dont c'était la dernière apparition.
56e: Prost distance maintenant Senna de treize secondes. Débarrassé de Patrese, Mansell est aux trousses de Piquet mais il ne parvient pas à s'en rapprocher de manière significative. Le Brésilien utilise à merveille la puissance de son V6 Honda.
58e: Prost améliore régulièrement le record du tour mais cette fois tombe sur Capelli qui met du temps à le laisser passer. Senna lui reprend ainsi quelques dixièmes.
59e: Prost fixe définitivement le meilleur tour en course: 1'21''216'''. Senna perd l'usage de son second rapport, et comme son computer lui indique qu'il consomme trop d'essence, il va désormais se contenter de finir second. Mansell est maintenant tout près de Piquet.
60e: Prost devance Senna (13.7s.), Piquet (54.2s.), Mansell (55.5s.), Patrese (1m. 08s.), de Cesaris (1m. 15s.), Capelli (-1t.), Boutsen (-1t.), Streiff (-1t.) et Johansson (-1t.).
61e: Piquet repousse une attaque de Mansell qui est bientôt contraint de ralentir car ses freins crient grâce.
63e: Senna concède dix-huit secondes à Prost. Capelli est victime d'une crevaison et revient à son stand pour changer de roues. Il repart en dixième position.
64e: Mansell n'a plus de freins et est repoussé à trois secondes de Piquet. Alliot monte sur le trottoir de Rundle Road et évite de justesse le dérapage.
65e: Senna surveille sa jauge d'essence et roule en 1'26'' tandis que Prost signe des chronos d'1'21''. Nannini effectue un nouveau tête-à-queue au virage n°9. Cette fois il cale et doit abandonner.
66e: Mansell part en tête-à-queue dans le virage n°13 et atterrit en marche arrière dans le mur de vieux pneus. Il sort en boitillant de sa monoplace. Il souffre de quelques contusions sans gravité.
68e: Prost jouit de trente-quatre secondes d'avance sur Senna. Piquet est à cinquante-trois secondes. Modena abandonne après avoir cassé un demi-arbre.
70e: Prost est premier devant Senna (33s.), Piquet (51s.), Patrese (1m. 13s.), de Cesaris (-1t.), Boutsen (-1t.), Streiff (-1t.), Johansson (-1t.), Capelli (-1t.), Martini (-1t.), Alliot (-2t.) et Ghinzani (-4t.).
72e: Senna retrouve quelque énergie malgré sa boîte capricieuse. Il tourne de nouveau en 1'22'' et stabilise son retard sur son équipier. Boutsen se rapproche de de Cesaris qui n'a presque plus d'essence dans son réservoir.
74e: Trente secondes entre Prost et Senna. Celui-ci tourne désormais plus vite que Piquet qui a un temps espéré le rattraper.
75e: Boutsen attaque de Cesaris bien que son moteur émette un bruit strident à cause d'un échappement cassé. Streiff abandonne suite à une panne d'allumage. Johansson récupère une septième place qui pourrait permettre à Ligier d'échapper aux pré-qualifications en 89.
76e: Ghinzani s'immobilise au pied des tribunes avec une pompe à essence hors d'usage.
78e: Prost creuse à nouveau l'écart sur Senna et le repousse à trente-trois secondes. De Cesaris et Boutsen sont roues dans roues. Alliot tombe en panne d'essence. Il n'y aura pas de point non plus pour Larrousse & Calmels cette saison.
79e: De Cesaris est à court de carburant et s'arrête au niveau de Flinders Street. Johansson va-t-il récupérer la sixième place et inscrire un point ? Hélas non ! Le Suédois est lui aussi arrêté, en panne sèche ! Devant son téléviseur, Guy Ligier s'arrache ses derniers cheveux...
80e: Prost précède Senna (36s.), Piquet (54s.), Patrese (1m. 16s.), Boutsen (-1t.), Capelli (-1t.) et Martini (-2t.). Il n'y a plus que sept voitures sur la piste.
82ème dernier tour: Glenn Dix, le virtuose du drapeau à damiers, salue la trente-cinquième victoire d'Alain Prost. Senna finit second et Piquet troisième. Honda réalise donc un triplé pour la dernière course de son exceptionnel V6 turbo. Patrese termine quatrième et inscrit trois points supplémentaires. Boutsen est cinquième, Capelli sixième. Martini rallie l'arrivée au septième rang, sans embrayage et avec un moteur expirant !
Boutsen prend de Cesaris en stop pour le reconduire aux stands. Capelli tente d'en faire de même avec Streiff, mais ce dernier est trop grand pour la petite March et les commissaires le dissuadent de monter dessus !
Après la course
Alain Prost et Ayrton Senna se font l'accolade sur le podium pendant que Nelson Piquet arrose de champagne le premier ministre australien Bob Hawke. C'est donc dans une joyeuse ambiance que s'achève cette saison 1988.
Après la cérémonie, Jackie Stewart retrouve les trois premiers pour la traditionnelle interview d'après-course. Alors que l'ancien champion écossais s'apprête à prendre l'antenne, Piquet engloutit une bouteille de Coca Cola et laisse échapper une éructation bien sonore... Stewart tente de garder son sérieux et interroge Prost, comme l'accoutumée mi-figue mi-raisin: « La mécanique fonctionnait plutôt bien, mais quelques petits soucis ne m'ont pas épargné. La boîte par exemple. Comme Senna et plusieurs fois cette saison. J'ai également heurté un débris sur la piste, ce qui a endommagé quelque peu mon aileron avant. Tout cela a compliqué ma tâche, mais dans l'ensemble tout s'est bien passé. » En revanche, le Français n'a pas cru un seul instant à la menace Berger: « Je savais dès le matin que les Ferrari ne passeraient pas en essence et que, connaissant leur problème, elles allaient faire le spectacle durant quelques tours. J'ai donc laissé passer Berger sans crainte. »
Senna semble avoir déjà la tête tournée vers les vacances: « Deuxième rapport cassé, troisième proche de l'être. Dure course ! Mais à quoi bon en reparler ? Cela fait partie du passé ! » Et le taciturne Brésilien repart retrouver ses amis au Brésil... Enfin, Nelson Piquet fait contre mauvaise fortune bon cœur. Cette banale troisième place lui semble un exploit après cette saison calamiteuse. Il explique que le surcroît de puissance apporté par Honda à Suzuka lui a permis de maintenir les Williams à distance.
Bilan: 1988, l'année McLaren-Honda
Creighton Brown, Jo Ramirez, Tim Wright, l'ingénieur de Prost, Richard West, le directeur marketing et tous les mécaniciens de Marlboro-McLaren préparent une grande fête pour célébrer cette saison absolument exceptionnelle. En seize Grands Prix, l'association McLaren-Honda a remporté quinze victoires, inscrit cent quatre-vingt-dix-neuf points, signé quinze pole positions, dix meilleurs tours, vingt-cinq podiums et dix doublés. Tous les records sont pulvérisés ! A noter qu'Alain Prost termine l'année avec 105 points au compteur, contre seulement 94 pour Senna. Mais le barème retranche trois secondes places à son total, ce qui lui coûte le titre mondial...
McLaren finit l'année avec une avance abyssale de 134 points sur une Scuderia Ferrari orpheline de son fondateur. Benetton décroche une flatteuse troisième place malgré son moteur Ford atmosphérique. Cette performance doit beaucoup à la grande régularité de Thierry Boutsen. Lotus-Honda partage la quatrième place avec Arrows-Megatron qui réalise le meilleur résultat de son histoire. March-Judd devance Williams à moteur égal, en grande partie grâce aux exploits du jeune Ivan Capelli, la révélation de l'année 88. Seules Tyrrell, Rial et Minardi ont également réussi à glaner quelques points cette saison. Voilà qui n'est pas de bon augure pour les équipes de fond de grille, financièrement affaiblies, et qui devront de surcroît obligatoirement engager deux voitures en 1989, sur l'injonction de Bernie Ecclestone. Le « Grand Argentier » souhaite ainsi décourager les entreprises les plus hasardeuses, sans grand succès pour le moment puisqu'on attend pour le mois de mars au moins trois équipes supplémentaires: Brabham, Onyx et First Racing.
Ainsi s'achève la première ère des moteurs turbocompressés. En 1989, les Formules 1 seront toutes propulsées par des moteurs atmosphériques de 3,5 litres. McLaren et Honda vont-elles poursuivre leur domination ou les cartes seront-elles totalement rebattues ? Comment évoluera la rivalité de plus en plus brûlante entre Alain Prost et Ayrton Senna ? Réponse après la trêve hivernale.
Tony