Ayrton SENNA
 A.SENNA
Lotus Renault
Nigel MANSELL
 N.MANSELL
Williams Honda
Keke ROSBERG
 K.ROSBERG
Williams Honda

418o Gran Premio

XXXVII Grand Prix of Europe
Copertura
Brands Hatch
domenica 6 ottobre 1985
75 giri x 4.207 km - 315.525 km
Affiche
F1

Lo sapevate?

Pilota
Alain PROST è Campione del Mondo
Costruttore
Motore

Dernière ligne droite pour Alain Prost

Le Grand Prix d'Europe se déroule pour la seconde fois à Brands-Hatch qui sera donc la deuxième étape anglaise de ce championnat du monde. La lutte pour le titre mondial arrive à son terme. A trois manches de la fin, Alain Prost compte seize longueurs d'avance sur Michele Alboreto et a donc besoin d'inscrire deux points plus que l'Italien pour être sacré à l'issue du Grand Prix. Alboreto doit quant à lui absolument gagner pour conserver ses chances. Mais il reste sur deux abandons d'affilée et la Scuderia Ferrari ne semble guère en mesure de lui offrir une voiture capable de soutenir ses ambitions. « C'est sûr: demain, Alain sera champion du monde... » soupire l'Italien samedi.

 

On aimerait voir Alboreto plus combatif. Mais il est tout simplement réaliste. Prost est sur une série de sept podiums consécutifs. Lorsque sa McLaren ne lui permet pas de rivaliser avec les Williams ou les Lotus, il se contente « d'assurer » et, parfois cela lui vaut même la victoire, comme à Monza. Bien qu'il s'en défende, Prost a pris modèle sur la stratégie appliquée par Niki Lauda en 1977: l'important n'est pas de gagner, mais d'inscrire des points, toujours, à chaque course, même le plus petit nombre. Si la concurrence est divisée ou affaiblie, c'est le jackpot garanti. Contre une Scuderia en pleine débandade, Prost a maintenant la partie facile. Toutefois cet éternel anxieux ne crie pas victoire: « J'ai 90 % de chances d'être champion du monde... mais ce n'est pas encore gagné. Je suis un peu saturé de tenir le rôle de leader depuis plusieurs saisons. J'aimerais que tout soit terminé très vite... »

 

Transferts: Lauda chez Brabham, Berger vers Toleman ?

Bernie Ecclestone espère toujours convaincre Niki Lauda de ne pas prendre sa retraite et lui aurait proposé un salaire de sept millions de dollars pour la saison 86 ! C'est le double de ce que toucheront les pilotes les mieux côtés du marché, Alain Prost, Keke Rosberg et Nelson Piquet. Mais Lauda demeure sourd à ces appels. Plus sérieusement, Ecclestone suggère un contrat beaucoup plus raisonnable à Elio de Angelis qui est décidé à fuir Lotus... et Senna: « Ayrton veut tout pour lui... C'est invivable ! » gémit le Romain. Son remplaçant à Ketteringham Hall devrait être Derek Warwick, bien que Senna aimerait imposer son ami Maurício Gugelmin qui vient de remporter le championnat britannique de Formule 3. Dans le même temps, Patrick Tambay ratifie un contrat d'un an avec l'écurie de Carl Haas, personnage qu'il connaît bien pour avoir conduit jadis ses bolides en CanAm. Il fera donc équipe l'année prochaine avec Alan Jones.

 

Gerhard Berger se présente également sur le marché des transferts. Protégé par l'ancien pilote Helmut Marko, le jeune Autrichien n'a pas inscrit de point cette saison chez Arrows, mais il est parvenu à faire jeu égal avec l'expérimenté Thierry Boutsen. Toleman envisage de le recruter. Par ailleurs, Alex Hawkridge confirme son souhait de se séparer de Hart et mène des pourparlers avec BMW pour la fourniture d'un moteur en 1986. A noter que BMW est aussi un soutien de Berger...

 

A l'instar de Renault, Ligier a accédé aux désirs du gouvernement français qui ne souhaite pas voir de concurrent tricolore au départ du prochain Grand Prix d'Afrique du Sud. Ken Tyrrell saute sur l'occasion pour proposer à Philippe Streiff le volant de la seconde 014 à Kyalami. En outre, Tyrrell a pris contact avec Pierre Blanchet, le mentor de Streiff, afin de lui proposer une collaboration sur toute la saison 86. Ligier aimerait retenir le jeune Grenoblois, mais pour le moment il ne sait même pas quel moteur équipera ses machines bleues l'année suivante...

 

Présentation de l'épreuve

Niki Lauda n'est pas remis de sa blessure au poignet contractée à Spa. Ron Dennis le remplace par John Watson. Le sympathique Nord-Irlandais court toujours en Endurance et en IROC, mais n'a pas touché à une Formule 1 depuis deux ans. Son engagement avec Toleman en début d'année a en effet tourné court. Il espère néanmoins se faire remarquer pour dénicher un baquet en 1986, mais il apparaît bien vite dépassé par les événements. Ses chronos en essais privés sont si mauvais que Dennis tente discrètement d'« emprunter » Derek Warwick à Renault, sans succès.

 

Ken Tyrrell a nommé l'Italien Ivan Capelli, 22 ans, en remplacement de feu Stefan Bellof. Capelli est un grand espoir du sport automobile transalpin puisqu'il a remporté le dernier championnat d'Europe en Formule 3 en 1984 et a réalisé une première saison satisfaisante de F3000, ponctuée par une victoire. Chez Zakspeed, Christian Danner officie toujours en remplacement de Jonathan Palmer. Le jeune Allemand vient de remporter à Donington le premier championnat de Formule 3000.

 

Ce Grand Prix sera le dernier de l'année pour les équipes RAM et Zakspeed qui s'épargneront les coûteux déplacements en Afrique du Sud et en Australie. Si l'équipe allemande prépare activement sa saison 1986, il n'est pas certain que l'on reverra celle de John Macdonald...

 

L'ingénieur de la FISA Gabriele Cadringher a demandé aux écuries de retoucher leurs écopes de freins (ou prises d'air dynamiques) qui depuis quelques courses prenaient des allures d'éléments aérodynamiques mobiles destinés à dévier les remous d'air provoqués par la rotation des roues avant. La FOCA a obtenu un sursis jusqu'à Kyalami mais la plupart des écuries arrivent à Brands-Hatch avec des écopes légales. Seules McLaren, Toleman, Tyrrell et RAM ne sont pas encore aux normes.

 

Williams lance deux FW10/B munies d'une nouvelle suspension postérieure. Celle-ci n'est plus à basculeur mais à double triangle et triant. Cet ensemble est ancré très haut afin de dégager l'extracteur. Le capot moteur est abaissé de dix centimètres et les moustaches sont inédites. Patrick Head espère que cet ensemble saura apporter une autre victoire à Williams d'ici la fin de la saison.

Ferrari retient la leçon de sa déroute de Spa et arrive en Angleterre avec trois châssis de type 156/85B. Ceux-ci sont pourvus d'ailerons arrière triplans. Chez Brabham, Nelson Piquet reçoit un châssis tout neuf et cède son ancien modèle à Marc Surer. Haas-Beatrice fait son retour après avoir mené d'importants essais privés à Donington et à Brands-Hatch afin de mettre au point le moteur Hart et de gommer l'affreux sous-virage dont se plaignait Alan Jones à Monza. Enfin, Patrick Tambay jouera à l'« homme-cinéma », puisqu'à l'instar de François Hesnault au Nürburgring il roulera avec une caméra Thomson, fixée cette fois sur l'arceau.

 

Les qualifications

Senna se montre une nouvelle fois impressionnant sur ce tracé ultra-sélectif. Avec un chrono d'1'07''169, il pulvérise la pole de Rosberg en 1982 (1'09''540'''), réalisée au volant d'une voiture à effet de sol, et que l'on pensait imbattable. Son adversaire le plus sérieux paraît être Piquet qui ne lui concède que trois dixièmes. Les Williams-Honda de Mansell et Rosberg occupent la seconde ligne. Rosberg se plaint d'avoir été gêné par le néophyte Capelli et, en guise de représailles, il effectue un freinage très anticipé devant le jeune Italien qui y laisse son aileron avant... L'énorme surprise provient de Streiff, vainqueur ici l'an passé en F2, qui place sa Ligier-Renault au cinquième rang, et ce en dépit d'une effrayante sortie de route dans la courbe Hawthorn. N'aimant pas l'exercice des qualifications, Laffite se contente de la dixième place. Mais les performances des Ligier confirment la bonne tenue des pneus Pirelli sur ce tracé. Surer s'octroie ainsi le septième rang avec la seconde Brabham.

 

Prost se contente du sixième temps au volant d'une McLaren dont le comportement le laisse dubitatif. A court d'entraînement, Watson est relégué à la 21ème place. Mais ceci n'est rien comparé aux malheurs qui frappent encore Ferrari. Les voitures rouges manquent de motricité et leurs moteurs sont toujours aussi fragiles. Le bilan est cruel: Johansson se classe 13ème, Alboreto 15ème... Les Renault sont toujours aussi mauvaises, et si Warwick porte la sienne sur son dos pour accrocher la huitième position, Tambay sombre à la dix-septième place. De Angelis (9ème) sort de la route à Westfield et dans le choc se fait mal au cou. Le Romain est d'humeur massacrante: il concède trois secondes à Senna ! Les Alfa Romeo continuent de casser des turbos à la pelle. Patrese (11ème) est brillant sur ce circuit qu'il apprécie, au contraire de Cheever (18ème). Les Arrows-BMW (Boutsen 12ème, Berger 16ème) sont peu performantes, tout comme les Toleman (Ghinzani 14ème, Fabi 20ème après deux accidents).

Le classement de Brundle (16ème) souligne les progrès de la Tyrrell-Renault. Tout au contraire, le pauvre Capelli (24ème) est complètement dépassé par sa tâche et ne cesse de tondre la pelouse. Jones (22ème) peste contre le manque d'équilibre de sa Beatrice. Alliot n'est que 23ème pour la dernière course de la RAM-Hart. L'ultime rangée est occupée par Danner et Martini. Rothengatter n'est pas sélectionné.

 

Le Grand Prix

Ce dimanche 6 octobre 1985, le temps est couvert et venteux sur le Kent. Aucune averse n'est heureusement attendue. Senna et la majorité des concurrents choisissent de monter trois pneus Goodyear C et un B. Prost prend deux B médiums à gauche. Chez Pirelli, tout le monde opte pour les pneus tendres. Dans le stand Lotus, on préchauffe les enveloppes à l'aide de couvertures alimentées par un groupe électrogène portatif. On retrouve des dispositifs analogues chez Williams, Tyrrell, Toleman et Ferrari. Martini casse un turbo durant son tour de chauffe et doit monter sur son mulet à la tenue de route catastrophique. De son côté Warwick rencontre des soucis d'allumage et ne s'attend pas à aller bien loin.

 

Départ: Senna prend un excellent départ, tout comme Mansell. Rosberg manque de caler, ce qui oblige Prost à faire un écart et à mettre deux roues dans l'herbe. Mansell tente de déborder Senna par l'extérieur à Paddock Bend, mais le Brésilien garde sa ligne jusqu'au bout, le contraignant à mordre sur le bas-côté. Suivent Rosberg, Piquet, de Angelis et Surer. Prost est noyé dans le peloton.

 

1er tour: Rosberg fait l'intérieur à Mansell avant Druids. L'Anglais part alors en sous-virage, place deux roues dans la poussière et se fait doubler par Piquet. Senna mène ce premier tour devant Rosberg, Piquet, Mansell, de Angelis, Surer, Warwick, Johansson, Alboreto et Streiff. Prost est seulement quatorzième.

 

2e: Rosberg est à l'attaque derrière Senna. Prost double Boutsen et Streiff. Warwick revient aux stands à cause d'un problème d'alimentation. Les mécaniciens de Renault démontent son capot.

 

3e: Rosberg poursuit Senna qui continue de résister. Le Finlandais est sous la pression de Piquet qui paraît redoutable. Prost dépasse Brundle et est désormais dixième.

 

4e: Mansell revient sur le trio de tête. Rosberg résiste aux attaques de Piquet dans la descente vers Hawthorn Bend. Martini part en tête-à-queue dans la Clark Curve et atterrit par l'arrière dans les protections.

 

5e: Rosberg est plus rapide que Senna dans les grandes courbes mais ne déniche pas d'ouverture. Piquet les suit de près. Prost prend la neuvième place à Laffite.

 

6e: Senna louvoie devant Rosberg pour l'empêcher de passer, ce qui fait enrager le Scandinave.

 

7e: Senna aborde le virage Surtees sur une trajectoire très élargie. Rosberg tente de s'infiltrer à l'intérieur mais le Brésilien reprend sa ligne... Rosberg part en tête-à-queue, nez vers le talus. Piquet survient, freine mais ne peut éviter un choc avec la Williams. Il casse son aileron et sa suspension avant gauche. C'est terminé pour le Carioca mais il reste un temps dans sa machine, bloquée juste à l'extérieur de la trajectoire. Il fait bien, car Watson effectue un gros écart pour l'éviter. Rosberg repart mais son pneu arrière gauche a souffert. Johansson dépasse Surer.

 

8e: Senna mène désormais devant Mansell. Rosberg revient à son stand avec le pneu arrière gauche déchapé. Son arrêt dure vingt secondes et il repart dernier... juste devant les deux leaders ! Prost attaque Alboreto pour la sixième place.

 

9e: Rosberg se venge de l'accrochage en bloquant Senna à Bottom Bend, ce qui permet à Mansell de s'infiltrer à l'intérieur... et de doubler la Lotus ! Voici l'Anglais en tête. Selon certains il a réalisé son dépassement alors que les drapeaux jaunes étaient agités pour permettre l'évacuation de la Brabham de Piquet. Les officiels n'y trouveront rien à redire. Puis, Rosberg laisse passer son équipier... et ralentit de nouveau devant Senna. Plus loin, Prost dépose Alboreto: le championnat du monde est en train de se dénouer.

 

10e: Senna est incapable de doubler Rosberg et ce dernier s'échappe. Johansson se bagarre avec Surer pour le gain de la quatrième place. Dans la descente vers Bottom Bend, Johansson pousse sans vergogne le Suisse vers l'extérieur, l'obligeant à mettre les roues dans l'herbe. Laffite dépasse Alboreto. Reparti pour quelques tours, Warwick met pied à terre pour de bon.

 

12e: Mansell devance Senna (4.1s.), de Angelis (5s.), Johansson (9.6s.), Surer (10.2s.), Prost (11.2s.) et Laffite (12s.). Alboreto entre dans les stands. Il change ses pneus et repart 17ème, mais au même instant un turbo rompt sur son V6. L'arrière de la Ferrari prend feu. Alboreto ne s'en rend pas compte immédiatement et parcourt encore toute une boucle dans cette situation.

 

13e: Surer dépasse Johansson. Prost et Laffite remontent sur le Suédois. Alboreto regagne les stands en traînant derrière lui une effrayante boule de feu. Fort heureusement, ses mécaniciens éteignent rapidement l'incendie. Michele quitte son habitacle et perd ainsi toutes ses chances d'être sacré champion du monde. Prost n'a plus qu'à terminer dans les cinq premiers pour être titré.

 

14e: Prost poursuit Johansson qui ne bronche pas. Jones renonce à cause d'un radiateur percé. Il occupait alors une treizième place encourageante pour la Lola-Beatrice.

 

15e: La lutte pour la cinquième place se poursuit: Johansson, Prost et Laffite se tiennent en une seconde et demie.

 

17e: Prost se repent d'avoir fait un mauvais choix de pneus et se trouve sous la menace de Laffite dont les Pirelli fonctionnent au contraire à merveille.

 

18e: Mansell devance Senna (10.7s.), de Angelis (13.7s.), Surer (14s.), Johansson (19s.), Prost (20s.), Laffite (21s.), Brundle (33s.), Streiff (48.6s.), Cheever (52s.), Boutsen (53s.), Patrese (54s.) et Fabi (55s.). Ghinzani abandonne suite à une chute de pression d'huile.

 

19e: Laffite dépasse Prost qui sort ainsi de la zone des points. Le pilote Ligier est nettement plus rapide que la McLaren de Prost et la Ferrari de Johansson.

 

20e: Dix secondes séparent Mansell et Senna. Laffite double Johansson à Paddock Hill. Le voici cinquième. Devant lui, Surer menace de Angelis.

 

21e: Surer dépasse de Angelis à Hawthorn Bend. Laffite remonte à son tour sur le pilote Lotus.

 

23e: Mansell a douze secondes d'avance sur Senna. Laffite est l'homme le plus rapide en piste. Il attaque de Angelis et le dépasse.

 

25e: Mansell précède Senna (11.8s.), Surer (15.4s.), Laffite (16.5s.), de Angelis (19.2s.), Johansson (22.7s.), Prost (23.3s.) et Brundle (36.8s.).

 

26e: Désormais troisième, Surer remonte sur Senna. Prost est toujours bloqué derrière Johansson.

 

27e: Laffite rejoint Surer dans la poursuite de Senna.

 

28e: Surer attaque Senna à Hawthorn Bend mais le Brésilien tient bon.

 

29e: Rosberg grimpe dans la hiérarchie et double les Alfa Romeo de Cheever et de Patrese. Le voici onzième.

 

30e: Mansell compte quatorze secondes d'avance sur Senna qui contient difficilement Surer et Laffite. De Angelis est relégué à plus de vingt secondes. Prost menace toujours Johansson. Rosberg s'empare de la dixième place aux dépens de Boutsen.

 

32e: Alliot abandonne suite à une surchauffe de son moteur Hart.

 

33e: Derrière Mansell, deux trios sont en bagarre: Senna - Surer - Laffite d'une part, de Angelis - Johansson - Prost d'autre part.

 

35e: A Hawthorn Bend, Surer vient enfin à bout de Senna et s'empare de la deuxième place. Fabi quitte la course à cause d'une nouvelle panne de moteur.

 

36e: Toujours à Hawthorn Bend, Laffite prend la troisième place à Senna.

 

37e: Mansell devance Surer (13.9s.), Laffite (14.9s.), Senna (16.6s.), de Angelis (27.4s.), Johansson (27.8s.) et Prost (29s.).

 

38e: Prost s'arrête à son stand pour changer de gommes. Il choisit des Goodyear C tendres. L'arrêt dure dix-sept secondes et le Français repart huitième, laissant la septième place à Brundle.

 

40e: Mansell est premier devant Surer (13.6s.), Laffite (15.3s.), Senna (18.4s.), de Angelis (31.5s.), Johansson (32s.), Brundle (50.7s.), Prost (1m. 02s.), Streiff (1m. 07s.) et Rosberg (1m. 08s.). Changement de pneus pour Cheever.

 

41e: Grâce à ses nouveaux pneus, Prost est maintenant l'homme le plus rapide en course. Rosberg prend la neuvième place à Streiff. Johansson attaque de Angelis.

 

42e: Mansell compte seize secondes d'avance sur Surer et vingt secondes sur Laffite. Johansson prend la cinquième place à de Angelis. Brundle s'arrête à son stand, et va y rester à cause d'une canalisation d'eau cassée. Le jeune Anglais n'inscrira pas ses premiers points de la saison.

 

44e: Les pneus Pirelli de Laffite s'effritent et Senna remonte sur le Français. Prost enchaîne les meilleurs tours et remonte petit à petit sur de Angelis.

 

45e: Grâce aux communications radios, Mansell et Rosberg annoncent à leur équipe que leurs pneus ne nécessitent pas de changement.

 

46e: Capelli manque un changement de vitesses, bloque ses freins et atterrit dans les grillages de protection. Le jeune Italien n'aura vraiment pas fait bonne impression pour son premier Grand Prix. Son moteur prend feu, ce qui nécessite l'intervention des commissaires de piste.

 

48e: Laffite se retrouve sous la menace de Senna. Prost poursuit sa remontée: il n'est plus qu'à douze secondes de de Angelis. Derrière lui, Rosberg est également très rapide.

 

50e: Mansell est en tête devant Surer (17s.), Laffite (26s.), Senna (26.8s.), Johansson (37.5s.), de Angelis (42.8s.) et Prost (48.8s.).

 

51e: Senna repasse devant Laffite. Les pneus du Français sont à l'agonie. Il entre dans les stands à la fin de ce tour.

 

52e: Laffite chausse un nouveau train de pneus. Il repart après vingt secondes, en septième position, soit derrière Prost et juste devant Rosberg.

 

53e: Prost n'a plus que trois secondes de retard sur de Angelis. Rosberg double Laffite.

 

55e: Laffite signe le meilleur tour de la course: 1'11'526'''. A la fin de ce tour, Johansson entre dans les stands. Prost se retrouve cinquième et donc virtuellement champion du monde. Il est dans les roues de de Angelis.

 

56e: Prost déborde de Angelis à Druids. Johansson fait vérifier son moteur et changer ses gommes, puis reprend la piste.

 

57e: Mansell domine devant Surer (14.7s.), Senna (23s.), Prost (45.6s.), de Angelis (46.5s.) et Rosberg (1m. 01s.).

 

58e: Tambay erre au quatorzième rang au volant d'une Renault calamiteuse. Il passe par son stand pour changer de pneus.

 

59e: Laffite est trahi par son moteur Renault. Il revient à son garage et abandonne après un superbe Grand Prix. Senna regagne du terrain sur Surer. Rosberg remonte sur de Angelis et Prost.

 

60e: Mansell est en tête devant Surer (16.8s.), Senna (22.7s.), Prost (50.8s.), de Angelis (52.5s.), Rosberg (1m.), Streiff (-1t.), Boutsen (-1t.), Patrese (-1t.) et Watson (-1t.). Danner renonce suite à une panne de turbo.

 

61e: Prost perd énormément de temps derrière Patrese qu'il ne parvient pas à doubler. Rosberg est désormais près de de Angelis. Johansson renonce, alternateur hors d'usage.

 

63e: Un des turbos de Surer explose et l'arrière de la Brabham prend feu. Le Suisse doit s'arrêter. C'est une grosse déception car il était en passe d'obtenir le meilleur résultat de sa carrière. Rosberg double de Angelis.

 

64e: Si Mansell et Senna n'ont plus grand chose à craindre, Prost, désormais troisième, voit Rosberg fondre sur lui. Il est en effet gêné par Patrese et Boutsen qui chassent Streiff pour le gain de la sixième place.

 

65e: A Druids, Rosberg prend la troisième place à Prost. Le Français n'a pris aucun risque. Désormais la principale bataille oppose Streiff, Boutsen, Patrese et Watson pour la sixième place.

 

66e: Mansell est premier devant Senna (19.9s.), Rosberg (59.3s.), Prost (1m.), de Angelis (1m. 03s.), Streiff (-1t.), Boutsen (-1t.), Patrese (-1t.) et Watson (-1t.).

 

68e: Le public britannique encourage Mansell qui roule vers son premier succès. Watson dépasse Patrese.

 

69e: Boutsen prend la sixième place à Streiff qui ne peut pas résister car son moteur manque de souffle.

 

70e: Watson double Streiff et semble peut-être en mesure d'obtenir le dernier point.

 

71e: A quatre tours du but, Mansell précède Senna (15.1s.), Rosberg (51.1s.), Prost (1m. 05s.), de Angelis (1m. 12s.), Boutsen (-1t.), Watson (-1t.), Streiff (-1t.) et Patrese (-1t.).

 

73e: Watson est trop loin de Boutsen pour le menacer. Mansell prend un tour au pilote belge.

 

75ème et dernier tour: Nigel Mansell remporte (enfin !) sa première victoire en F1 devant son public de Brands-Hatch. Senna termine deuxième et monte ainsi sur son cinquième podium d'affilée. Après une superbe remontée, Rosberg finit troisième. Prost franchit la ligne d'arrivée en quatrième position et remporte le titre de champion du monde 1985. De Angelis termine cinquième, Boutsen sixième. Pour son bref retour Watson décroche une honorable septième place. Viennent ensuite Streiff, Patrese, Berger, Cheever et Tambay.

 

Après la course: Cocorico pour Prost, Mansell the hero

A l'âge de 30 ans, Alain Prost devient le premier Français champion du monde des conducteurs. Nous sommes le 6 octobre, douze ans jour pour jour après la mort de François Cevert. Assailli par les journalistes, Prost peine à réaliser qu'il vient enfin de décrocher cette couronne qu'il convoitait en vain depuis quatre ans. « Ce titre ne m'est pas tombé sur la tête, je l'attendais depuis pas mal de temps. Je m'y suis fait au fil des mois et des courses, peut-être inconsciemment. Mais, croyez moi, ça soulage quand même ! » Entouré de son épouse Anne-Marie, de Ron Dennis et de Mansour Ojjeh, Alain tente de souffler un moment. Son après-midi fut beaucoup plus difficile que prévu. Ce Grand Prix n'est sûrement pas le meilleur de sa carrière, mais comme toujours il a su faire preuve de prudence et de sagacité.

 

Au même instant, un silence funèbre pèse sur le garage Ferrari. Michele Alboreto ne s'attendait pas à vaincre Prost, mais ne pensait pas non plus abandonner de nouveau si tôt dans la course. Le Milanais félicite son adversaire puis s'enferme dans le mutisme. Marco Piccinini promène son désarroi dans le paddock. Au début de l'été, la Scuderia roulait sur une voie royale et Alboreto était l'héritier d'Il Campionissimo. C'était il y a trois mois... Il y a un siècle...

 

Pendant ce temps-là, le public britannique offre une ovation à Nigel Mansell, premier Anglais à remporter un Grand Prix depuis James Hunt en 1977. « England is back ! » lance le sympathique moustachu sur le podium. Son épouse Rosanne l'embrasse avec tendresse, sous les vivats de la foule. Belle revanche pour Mansell, longtemps considéré comme un balourd, certes rapide, mais trop gaffeur pour s'imposer. Abandonné par Lotus après cinq années de collaboration, il reçut une seconde chance de la part de Frank Williams qui admire son ardeur et sa ténacité. Déjouant les pronostics, Mansell a su rivaliser avec son coéquipier Keke Rosberg, un autre « casse-cou ». A 32 ans, une nouvelle carrière s'ouvre devant lui, et Nelson Piquet aurait grand tort de sous-estimer son futur coéquipier.

 

Exceptionnellement, le podium a lieu avec quatre pilotes. Prost a été admis à rejoindre ses camarades. Frank Williams est également là pour recevoir la coupe du constructeur vainqueur. Après le God save the Queen, Mansell, Senna et Prost s'aspergent de champagne. Rosberg demeure en retrait. Il reproche à Senna leur touchette du septième tour et déclare que ses manœuvres d'obstruction sont « dignes d'un coureur de Formule 3 ». Senna ne se laisse pas faire et réplique très vertement à son aîné. Il faudra veiller à les séparer à la descente de la tribune.

 

Puis, le nouveau champion du monde s'adresse au public par micro : « Je m'excuse d'avoir cherché à assurer le titre et de ne pas vous avoir montré que je pouvais gagner. » Les Britanniques lui adressent une standing ovation. Ils admirent en connaisseurs autant les valeureux guerriers à la Hunt ou à la Mansell que les subtils tacticiens comme Prost, ou naguère Clark, Stewart ou Lauda. La popularité de Prost outre-Atlantique contraste avec la tiédeur par laquelle la France accueillie son avènement. Dans l'Hexagone, on le trouve froid, prétentieux, sans panache. Nul n'est prophète en son pays, dira-t-on, et en effet le Forézien est d'un caractère difficile. Cela n'empêche pas qu'il soit le grand pilote de cette décennie 1980, et si on peut regretter quelque chose quant à sa consécration, c'est qu'elle ne soit pas survenue plus tôt.

 

Le repos du guerrier

Alain Prost regagne Paris le soir même et, après un saut par les studios de TF1, termine la soirée par un grand dîner au fameux restaurant L'Entrecôte, boulevard Pereire. Mansour Ojjeh a tout organisé avec faste. Aux côtés du champion, Ron Dennis savoure son succès. McLaren est la première écurie depuis Brabham en 1967 à remporter deux années de suite le titre des pilotes. Le vin aidant, Ojjeh fait une grande révélation: « Quand je pense que j'ai proposé en 1982 mon moteur TAG-Porsche à Frank Williams et qu'il n'en a pas voulu... » Norbert Saada poursuit sa distribution de badges « Touche pas à mon Prost ». Même Michele Alboreto arborait le sien en Angleterre ! La soirée se poursuit en boîte de nuit. Jean-Louis Schlesser, récent champion de France de Production, débarque avec quelques amis pour féliciter Alain, lequel est surpris... en train de fumer une cigarette ! Vers trois heures du matin, Saada apporte la une de L'Équipe du 7 octobre : « Il passe à la Prost-érité... »

 

La nuit est courte pour le champion du monde. Le lendemain, il visite les caves du Bordelais en compagnie de Jacques Laffite et de Jean-Pierre Jabouille. « Mon pauvre Alain, avec ton nez dévié, tu ne pourras jamais sentir les vins... » plaisante Laffite. Prost sourit. En aparté, il confie à Jabouille son nouvel objectif: battre le record de vingt-sept victoires en carrière détenu par Jackie Stewart...

Tony