Le Grand Prix d'Afrique du Sud a bien failli ne pas avoir lieu à cause du désistement de son commanditaire Southern Sun. Finalement le groupe National Panasonic a accepté de patronner l'épreuve au dernier moment. En outre, les Sud-Africains ont été sommés par la FISA d'améliorer les infrastructures du circuit de Kyalami. Une dérogation a été obtenue concernant la zone des stands qui devra être refaite complètement pour 1985 pour obtenir l'homologation.
Contrairement à ce qu'on a vu à Rio, la consommation d'essence n'est pas ici le souci premier des ingénieurs. En effet, il importe surtout d'exploiter la situation géographique particulière de ce circuit niché à 1800 mètres d'altitude afin de développer au maximum la puissance des turbos. La plupart des firmes ont ainsi amené des « turbos de qualification ». « Ici, la course aux mille chevaux commence vraiment... » suggère Gérard Larrousse. Autre souci : la gestion des pneumatiques qui peut décider, on l'a vu au Brésil, du résultat de l'épreuve. Michelin a une marge d'avance sur Goodyear dont les pneus radiaux sont encore en phase de rodage. Lee Gaug annonce cependant des évolutions substantielles pour le Grand Prix de Belgique.
Goodyear fait cependant face à d'autres soucis. Au cours de ce week-end, on apprend en effet que le tribunal de la ville américaine de Providence, située dans l'État du Rhode Island, a condamné la firme d'Akron à verser vingt millions de dollars à la veuve de Mark Donohue. Rappelons les faits. Donohue, pilote américain, est mort en 1975 lors des essais du GP d'Autriche au volant d'une Penske, suite à une sortie de route qui aurait été provoquée par l'éclatement d'un pneu Goodyear. Le jury du tribunal a conclu que Penske et Goodyear était responsables de ce décès et les a condamnés à payer cette somme astronomique. La justice américaine crée là un dangereux précédent. Depuis toujours il est entendu que les accidents causés par des défaillances mécaniques font partie des risques inhérents au métier de pilote. Si cette décision faisait jurisprudence, quelle entreprise se risquerait encore à participer à des compétitions automobiles ? Dans l'immédiat, Goodyear annonce son intention de faire appel.
Kyalami rappelle forcément de mauvais souvenirs à Alain Prost qui a perdu la bataille pour le titre mondial ici même six mois plus tôt. Néanmoins le Français, vainqueur de la première course de l'année à Rio, a le sourire car les McLaren-TAG-Porsche ont démontré un très gros potentiel lors de l'épreuve brésilienne. Il doit toutefois se méfier de son équipier Niki Lauda, fort déçu d'avoir renoncé au Brésil tandis qu'il occupait la tête.
Ferrari présente un nouvel aileron arrière muni de joues latérales descendant très bas. A noter que cette fois-ci Arnoux comme Alboreto utilisent l'injection électronique Marelli-Weber. Brembo a aussi corrigé ses étriers de freins. Renault apporte une grande quantité de turbos, des petits, des gros, des KKK et des Garrett. Piercarlo Ghinzani s'est plaint à Rio de la tenue de route catastrophique de son Osella. Celle-ci réapparaît donc gréée de forts ailerons à l'arrière.
Les qualifications
Rosberg obtient le meilleur temps de la séance de qualification du vendredi. Toutefois le samedi c'est Piquet qui signe la pole, bien aidé par une monoplace spéciale allégée « de qualification ». Son chrono est de deux secondes plus rapide que celui du précédent poleman sur cette piste, Patrick Tambay. Autorisé à emprunter cette « monoplace miracle », Fabi en profite pour obtenir la sixième place. Rosberg est finalement deuxième après avoir tout tenté pour battre Piquet. Son équipier Laffite n'est en revanche qu'onzième à cause d'une panne électrique. Chez Lotus-Renault, on s'aperçoit que les turbos Garrett sont plus efficaces que les KKK. Équipé de Garrett dès le jeudi, Mansell se classe troisième. De Angelis n'en a hérité que le vendredi et se contente du septième rang. Fortunes diverses chez Renault : Tambay (quatrième) est content de sa voiture, contrairement à Warwick (neuvième) qui a connu des soucis de pression de suralimentation.
Les McLaren connaissent des problèmes avec leurs boîtiers Motronic, d'où des moteurs qui cafouillent et des qualifications médiocres: Prost est cinquième et Lauda huitième. Néanmoins Prost trouve une solution en montant des turbos plus petits. Il est imité par Lauda, et tous deux peuvent donc encore nourrir des espoirs de succès. Les Ferrari souffrent d'un cruel manque d'adhérence: Alboreto est dixième, Arnoux quinzième ! Classé douzième, Winkelhock est le plus rapide du « clan Pirelli ». Chez Toleman, Senna (13ème) se montre brillant tandis que Cecotto (19ème) a connu une sortie de route. Du côté de Ligier, de Cesaris se classe quatorzième tandis que Hesnault (17ème) ne concède qu'une demi-seconde à son collègue. Les Alfa Romeo (Cheever 16ème, Patrese 18ème) sont totalement hors du coup sur ce circuit à cause de turbos de taille désuète selon les normes de 84. Ghinzani se classe vingtième avec l'Osella-Alfa Romeo. Il précède Baldi dont la Spirit a subi un grand nombre d'inexplicables ruptures d'axe du rotor. Suivent les RAM-Hart de Palmer et d'Alliot. Toutes les voitures propulsées par des Ford-Cosworth sont au bas de la feuille des temps, et à ce jeu c'est Boutsen, bon dernier, qui est éliminé. Les deux Tyrrell sont en dernière ligne.
L'accident de Piercarlo Ghinzani
Le warm-up du dimanche matin est marqué par un terrible accident dont est victime Piercarlo Ghinzani. L'Italien perd la maîtrise de son Osella dans le terrible S de Jukskei. Parti en tête-à-queue à 260 km/h, il détruit les rangées de grillages et s'écrase contre le talus avant d'effectuer plusieurs tonneaux. La voiture se coupe en deux, découvrant le réservoir rempli d'essence. Quelques flammes font leur apparition. Heureusement l'habitacle demeure intact et un courageux commissaire parvient à extraire rapidement Ghinzani. Quelques secondes plus tard, le réservoir s'embrase et l'épave se transforme en une horrible boule de feu.
Ghinzani a échappé à une mort atroce. Très sonné, il est transporté vers l'hôpital de Johannesburg. Il souffre de brûlures au troisième degré au cou et à la main gauche, mais peut s'estimer heureux de ne pas être plus gravement blessé. Bien sûr il ne peut pas participer à la course.
Le Grand Prix
Du fait du forfait de Ghinzani, Boutsen est admis au départ après que tous les directeurs d'équipe ont accepté sa présence. Côté pneus, la question est de savoir qui fera une course « non stop » chez les turbos. Warwick et Mansell relèvent le défi, de même que Laffite et Alboreto qui s'équipent de pneus durs. La plupart des pilotes choisissent des mélanges de pneus durs et tendres. Rosberg s'élance lui avec des Goodyear tendres.
Grille de départ et premier tour de formation: Prost rencontre un problème de pompe à essence et doit être poussé vers le bas-côté. Le Français court vers les stands où il saute dans le mulet de McLaren, réglé pour Lauda, puis s'installe à l'arrière de la grille. Les commissaires autorisent cette opération peu réglementaire, mais la disqualification menace. Par chance, Patrese et Alliot font signe qu'ils ont calé. Derek Ongaro annule alors la procédure de départ et lance un second tour de formation. Prost regagne les stands d'où il partira pour respecter la loi. La durée de la course est de fait réduite de 76 à 75 tours. Hasard ? Le matin même, les chefs d'équipe avaient fait le siège d'Ongaro pour demander de raccourcir le Grand Prix, afin d'éviter les si redoutées panne sèches. En vain...
Départ: Mauvais envol de Piquet qui a du mal à enclencher la seconde vitesse et se fait doubler par Rosberg. Mansell se place un temps en seconde position mais son moteur marque une hésitation et il se retrouve perdu dans le peloton. Rosberg franchit Crowthorne en tête devant Piquet, ainsi que Lauda, Fabi et Warwick qui ont très bien démarré.
1er tour: Piquet est revenu derrière Rosberg, victime d'un important sous-virage. Tambay double de Angelis. En fin de boucle, Rosberg mène devant Piquet, Lauda, Fabi, Warwick, Tambay, de Angelis, Laffite, Alboreto et Patrese. Prost est 19ème.
2e: Piquet prend l'aspiration derrière Rosberg et le double sur la ligne de chronométrage, pendant que Fabi réussit la même manœuvre sur Lauda. Alboreto double Laffite.
3e: Fabi déborde Rosberg avant Crowthorne. Voici les deux Brabham-BMW en tête. Senna contrôle sur son tableau de bord sa pression de suralimentation lorsqu'il heurte un objet situé derrière la bosse de la longue ligne droite. Il perd ainsi le cône reliant ses deux ailerons avant. Le jeune Brésilien poursuit sa route mais sa direction s'en trouve endommagée.
4e: Lauda double Rosberg dans la ligne droite principale. Prost est désormais seizième.
5e: Piquet, Fabi et Lauda s'échappent en tête tandis que Rosberg retient Warwick et Tambay. Cheever est de retour aux stands où il doit abandonner à cause d'un radiateur percé par un plomb d'équilibrage.
6e: Lauda se rapproche des Brabham. Le trio de tête compte déjà cinq secondes d'avance sur un groupe comprenant Rosberg, Warwick, Tambay, de Angelis, Alboreto et Laffite.
8e: Piquet possède deux secondes d'avance sur Fabi qui a Lauda sur ses talons.
9e: Piquet est premier devant Fabi (3.3s.), Lauda (3.6s.), Rosberg (12.2s.), Warwick (13.3s.), Tambay (14.2s.), de Angelis (14.8s.), Alboreto (15.8s.) et Laffite (17.4s.). Arnoux apparaît à la dixième place après avoir passé Winkelhock.
10e: Lauda menace Fabi et le contraint à user ses pneus arrière en contrôlant une voiture survireuse. Il finit par le dépasser sans mal à Leeukop. Prost est treizième et attaque Mansell.
11e: Lauda se lance à la poursuite de Piquet. Trois secondes les séparent. Fabi entre aux stands en fin de tour pour changer ses pneus, déjà abîmés par l'effort fourni contre Lauda.
12e: Prost se classe dixième après avoir doublé Mansell et Winkelhock. Fabi a repris la piste en quinzième position.
14e: Lauda revient peu à peu sur Piquet. Troisième à quinze secondes des leaders, Rosberg maîtrise l'imposant peloton qui le suit. Warwick mène l'assaut contre le Finlandais, mais dans la longue ligne droite le turbo Renault ne peut rien contre le V6 Honda.
16e: Une seconde d'écart entre Piquet et Lauda. Prost prend la neuvième place à Arnoux. Ces deux hommes se rapprochent de Laffite.
17e: Piquet et Lauda sont gênés par les retardataires. Ils possèdent une vingtaine de secondes d'avance sur Rosberg.
19e: Prost dépasse Laffite puis attaque Alboreto.
20e: Lauda est revenu dans les roues de Piquet. Le Brésilien est en délicatesse avec ses gommes arrière rapidement usées. Prost s'empare de la septième place aux dépens d'Alboreto. Arnoux prend l'avantage sur Laffite. Fabi est contraint à l'abandon, lâché par son turbo.
21e: Piquet entre dans les stands en fin de boucle avec un pneu arrière-gauche détruit. Lauda est en tête.
22e: Piquet fait changer ses pneus et repart après dix secondes d'immobilisation. Il ressort sixième entre de Angelis et Prost. Il parvient ensuite à se défaire de de Angelis.
23e: Piquet déborde Tambay dans la ligne droite principale. Il est bien plus rapide que ses concurrents grâce à ses pneus neufs.
24e: Lauda mène la course avec vingt-et-une secondes d'avance sur Rosberg. Warwick est troisième mais voit Piquet remonter sur lui à vitesse grand V. Le Brésilien le double à Leeukop. Prost attaque de Angelis mais l'Italien lui oppose une sévère résistance. Palmer abandonne après avoir cassé sa boîte de vitesses.
25e: Piquet est dans les échappements de Rosberg. Grâce à la puissance de son moteur, il le dépasse à Crowthorne. Prost se défait de de Angelis.
26e: Piquet essaie désormais de rattraper Lauda qui compte vingt secondes d'avance. Warwick menace de nouveau Rosberg. Prost poursuit son inexorable remontée et prend la cinquième place à Tambay. Alliot renonce suite à une panne de pompe à eau sur sa RAM.
28e: Prost est maintenant juste derrière Warwick. A Crowthorne de Angelis dépasse Tambay. Un pneu arrière de Cecotto déchape au bout de la ligne droite. Le Vénézuélien maîtrise remarquablement sa Toleman et parvient à s'immobiliser sans mal dans la terre. Il occupait le seizième rang derrière son équipier Senna qui roule toujours avec un train avant ouvert.
29e: Piquet est revenu à quinze secondes de Lauda. Mais soudain son turbo ne fonctionne plus et le champion du monde n'a plus qu'à regagner son stand pour abandonner. La voie royale est ouverte pour Lauda qui n'a plus d'adversaire à sa mesure.
30e: Lauda mène avec trente-sept secondes d'avance sur Rosberg. Prost prend la troisième place à Warwick.
31e: Prost est juste derrière Rosberg. Mais le Français n'a pas ménagé ses pneus et en fin de tour il pénètre dans l'allée des stands. Tambay le suit peu après. Winkelhock s'arrête au stand ATS pour changer ses bougies.
32e: Prost et Tambay effectuent des changements de pneus. Ils repartent roues dans roues, respectivement neuvième et dixième. Lauda est juste derrière avec un tour d'avance.
33e: Lauda mène devant Rosberg (38s.), Warwick (39s.), de Angelis (41s.), Alboreto (45s.), Laffite (47s.), Arnoux (51s.) et Mansell (54s.).
34e: Lauda observe son changement de pneus. L'arrêt dure une dizaine de secondes et l'Autrichien reprend la piste toujours leader. En sortant des stands il manque de peu de partir en tête-à-queue, surpris par la faible température de ses pneus.
36e: Rosberg, Warwick et de Angelis demeurent en bagarre pour la deuxième place. Laffite prend la cinquième place à Alboreto. Jusqu'alors onzième, de Cesaris change ses Michelin.
37e: En fin de tour Rosberg entre aux stands pour effectuer son changement de pneus. L'arrêt dure quinze secondes et le Finlandais a beaucoup de mal à redémarrer. Il repart dixième derrière Prost et Tambay.
38e: Warwick est deuxième mais a renoncé à son espoir de finir la course sans s'arrêter. Il arrive chez Renault pour mettre de nouveaux pneus. Prost double Mansell.
39e: De Angelis occupe maintenant le deuxième rang. Warwick est reparti en neuvième position derrière Tambay. Prost prend la cinquième place à Arnoux. Changement de gommes pour Surer. Winkelhock repasse par les stands pour changer de pneus.
40e: Lauda compte près de quarante secondes d'avance sur de Angelis qui rejoint les stands. L'Italien fait changer ses pneus et ressort en neuvième position.
41e: Partis en pneus durs censés tenir jusqu'à l'arrivée, Laffite et Alboreto sont désormais deuxième et troisième mais Prost les menace. Arnoux abandonne à cause de l'avarie de sa centrale d'allumage.
42e: Prost prend la troisième place à Alboreto. De Angelis ralentit suite à la rupture de son câble d'accélérateur. Il revient à son garage pour essayer de réparer.
43e: Prost déborde Laffite à Leeukop. Le voici deuxième.
44e: Warwick prend la sixième place à Tambay.
45e: Lauda mène devant Prost (27s.), Laffite (35s.), Alboreto (42s.), Mansell (45s.), Warwick (47s.), Tambay (48s.) et Rosberg (57s.). Suivent Senna, Patrese, Bellof et Hesnault, relégués à un tour. De Angelis a repris la piste en dix-huitième position.
47e: Warwick double Mansell. Les pneus de Tambay sont atteints par le phénomène du « bullage ». Le Cannois passe par les stands pour chausser un troisième jeu de Michelin. Il repart neuvième derrière Rosberg et Senna.
48e : Grâce à ses pneus frais, de Cesaris rattrape son retard et efface son équipier Hesnault.
49e: Warwick est sur les talons d'Alboreto dont les pneus sont usés. En outre l'allumage de la Ferrari est défaillant. Senna est désormais devant Rosberg et menace Mansell. Le jeune Brésilien est étonnamment rapide malgré une Toleman privée de calandre.
50e : Lauda est premier devant Prost (25.7s.), Laffite (39.1s.), Alboreto (47.7s.), Warwick (47.8s.), Mansell (50.1s.), Senna (-1t.), Rosberg (-1t.), Tambay (-1t.), Patrese (-1t.), de Cesaris (-1t.) et Bellof (-1t.). Brundle attaque Hesnault par l'intérieur au freinage de Leeukop, mais il s'y prend mal et y laisse un morceau d'aileron avant. Hesnault effectue un tête-à-queue et repart avec un flanc de carrosserie abîmé.
51e: Warwick déborde Alboreto dans The Kink. Mais l'Italien ne cède pas et les deux pilotes parcourent la longue ligne droite côte à côte. A Crowthorne Alboreto fait mine de résister mais il se trouve à l'extérieur de la trajectoire et doit s'incliner. Rosberg est repassé devant Senna tandis que Mansell est au ralenti à cause d'un collecteur d'alimentation cassé
52e: Brundle est dans les stands pour chausser des pneus neufs et faire réparer son museau endommagé. Mansell met pied à terre. Rosberg n'en profite pas longtemps puisque la chaleur générée par ses freins en carbone provoque la rupture d'un joint de transmission. Le Finlandais s'immobilise dans l'herbe.
54e: Senna a récupéré la sixième place mais pas pour longtemps car il est dépassé par Tambay.
55e: Les McLaren poursuivent leur parade en tête. Lauda a une trentaine de secondes d'avance sur Prost. Laffite est troisième à près d'une minute du leader.
56e: Warwick est victime d'une crevaison mais, grâce à la liaison radio mise en place par Renault, il peut prévenir son stand de son problème. Lorsqu'il regagne les stands, son équipe est prête à changer la roue. L'opération ne dure qu'une poignée de secondes, et Warwick repart en sixième position.
58 : Winkelhock renonce car une soupape est tombée dans un cylindre de son moteur BMW.
59e: Senna se fait doubler par Patrese puis par de Cesaris et Bellof. Le jeune Brésilien souffre le martyr car sa direction est devenue extrêmement dure depuis qu'il a perdu le cône avant de sa carrosserie.
60e: Lauda contrôle parfaitement la course avec trente-et-une secondes d'avance sur Prost. Laffite tient toujours la troisième place malgré des pneus forts usés. Alboreto réalise le même exploit à la quatrième place mais subit la menace de Tambay. Warwick est sixième et précède Patrese, de Cesaris, Bellof et Senna.
61e: Laffite perd sa roue arrière droite dans le virage de Barbeque. Le pilote français n'a plus qu'à s'arrêter en bordure de piste. Alboreto récupère la troisième place mais Tambay est derrière lui.
62e: Tambay prend la troisième position à Alboreto.
63e: Privé de freins, Bellof tire tout droit à Crowthorne avant de faire un tête-à-queue. La Tyrrell atterrit dans la terre et le pilote allemand abandonne.
64e: Tambay réalise le meilleur tour en course: 1'08''877'''. Warwick double Alboreto à Barbeque.
65e : Prost a réduit sa pression de suralimentation et laisse filer Lauda. Plus de quarante secondes séparent maintenant les deux équipiers.
67e: Tambay est au ralenti. En effet à cause d'un souci d'alimentation, le réservoir de la Renault est vide. Tambay doit s'arrêter au niveau de Leeukop. Warwick récupère la troisième place tandis que de Cesaris entre dans les points.
70e: Lauda est premier devant Prost (58.5s.), Warwick (-1t.), Alboreto (-1t.), Patrese (-2t.) et de Cesaris (-2t.). Senna est septième et devançait Hesnault mais celui-ci se fait doubler par de Angelis et Baldi.
72e: Alboreto rencontre un problème d'injection d'essence et doit s'arrêter dans l'herbe. Du coup Patrese grimpe au quatrième rang et Senna entre dans les points.
74e : Lauda possède près d'une minute d'avance sur Prost.
75ème et dernier tour: Niki Lauda remporte sa vingtième victoire en Formule 1, la première depuis 1982. Il devance Prost de plus d'une minute. Les deux McLaren-TAG-Porsche sont les seules à terminer dans le même tour. Warwick finit troisième et monte sur le premier podium de sa carrière. Patrese obtient une belle quatrième place, mais d'extrême justesse car son réservoir est quasi vide à l'arrivée ! De Cesaris est cinquième et offre à Ligier ses premiers points depuis un an et demi. Enfin le jeune Senna arrache le dernier point. Cette performance lui a demandé tant d'efforts qu'il finit l'épreuve au bord de l'évanouissement. Il aura besoin d'une assistance médicale pour se remettre. De Angelis est septième et précède Baldi, Boutsen (qui par erreur d'informatique sera classé 12ème), Surer, Hesnault et Brundle.
Après la course: d'étranges petites boules...
Cette course se conclut par un triplé de Michelin. Les gommes françaises se sont révélées largement supérieures aux Goodyear durant tout le week-end.
Très éprouvé mais heureux, Lauda avale d'une traite une bouteille de Perrier avant d'embrasser un Prost non moins épuisé. Les deux équipiers ont écœuré la concurrence. Ils ne s'attardent pas sur le circuit. Ils ont déjà pris l'avion lorsque Ron Dennis est mis en demeure par Gabriele Cadringher, délégué technique de la FISA, de faire examiner ses MP4/2. Il obtempère aussitôt. Les représentants de la fédération découvrent quarante-six petites boules de plastique flottant dans les réservoirs. A quoi servent-elles ? John Barnard explique calmement qu'il s'est trompé en dessinant le réservoir de sa nouvelle voiture : sa contenance était trop faible. Il a donc choisi d'utiliser la cellule de 1983 dont il a réduit la capacité via ces boules en plastique. Il n'est pas le seul, plaide-t-il : Renault use de barrettes en caoutchouc... Certes, mais Cadringher formule une hypothèse : et si, sous l'effet d'un gaz, ces boules se contractaient, libérant ainsi suffisamment de place dans la matrice pour mettre beaucoup plus que les 220 litres autorisés ? Il ordonne un prélèvement qui révèle que les capsules ne contiennent que de l'air... McLaren est absoute, et honni soit qui mal y pense !
Prost domine le championnat des pilotes avec 15 points contre 9 à Lauda. Au classement des constructeurs, McLaren possède déjà 24 points contre six seulement pour Williams, Renault et... Alfa Romeo.
La McLaren MP4/2, le bijou de John Barnard
Cette course a démontré la supériorité de la McLaren MP4/2. Comment expliquer la vélocité de cette voiture qui apparaît somme toute assez quelconque ? Son secret est son homogénéité. La très rigide coque en fibre de carbone-composites, la suspension admirablement conçue, les besoins du V6 TAG-Porsche en matière de refroidissement ont été établis et ajustés par l'équipe de John Barnard en fonction des besoins aérodynamiques de la voiture dans son ensemble. Tout ceci a longuement été testé en soufflerie. Grâce à ses pontons longs et surélevés, la MP4/2 ne souffre d'aucun problème de refroidissement. Elle peut ainsi fonctionner avec une pression de suralimentation plus élevée que la concurrence. D'où une excellente vitesse de pointe. Le châssis est parfaitement équilibré, et les gros ailerons deviennent inutiles. Un aileron moyen accroît la vitesse et peut aussi ménager les pneumatiques. Les McLaren ont démontré à Kyalami qu'elles étaient très douces avec des gommes relativement tendres (Michelin 05).
En outre le turbo TAG-Porsche a été construit spécifiquement pour cette voiture. John Barnard a donné des instructions précises à Hans Mezger. Ron Dennis l'avoue « Après avoir guidé les motoristes dans leurs choix et leurs options techniques, nous avons pu concevoir une monoplace autour du V6. En aucun cas nous n'aurions pu utiliser un Honda ou un BMW pour cette seule raison. » En matière de consommation, les McLaren-TAG-Porsche sont aussi les meilleures. Elles ont ainsi couvert le Grand Prix d'Afrique du Sud en dépensant moins de 200 litres. Personne ne fait mieux à l'heure actuelle. Malgré les quelques problèmes rencontrés à Kyalami, l'électronique est bien la clef du secret : « Pour l'heure, nous sommes les mieux placés, affirme Alain Prost. [...] L'une de nos forces est de n'avoir à nous consacrer qu'à la bonne marche du châssis, au choix des pneumatiques, à déterminer la pression de suralimentation qui correspond le mieux à notre consommation. Le reste, l'électronique en particulier, c'est aux gens de chez Bosch de travailler. Ils programment leur ordinateur et ne nous demandent rien. » Grâce à McLaren, la Formule 1 vient véritablement d'entrer dans une nouvelle ère.
Classements (avant la disqualification des Tyrrell):
| Pilotes | |
| Constructeurs | |
1. | Prost | 15 pts | 1. | McLaren-TAG-Porsche | 24 pts |
2. | Lauda | 9 pts | 2. | Williams-Honda | 6 pts |
3. | Rosberg | 6 pts | 3. | Alfa Romeo | 6 pts |
4. | de Angelis | 4 pts | 4. | Renault | 5 pts |
5. | Warwick | 4 pts | 5. | Lotus-Renault | 4 pts |
6. | Cheever | 3 pts | 6. | Ligier-Renault | 2 pts |
7. | Patrese | 3 pts | 7. | Tyrrell-Ford-Cosworth | 2 pts |
8. | de Cesaris | 2 pts | 8. | Toleman-Hart | 1 pt |
9. | Brundle | 2 pts |
10. | Tambay | 1 pt |
11. | Senna | 1 pt |
Tony