Pour la première fois de son histoire, le championnat du monde de Formule 1 fait escale en Suède. L'organisation de cette course découle de la popularité grandissante du champion national Ronnie Peterson. L'épreuve se déroule à Anderstorp, sur un tracé pompeusement baptisé Circuit de Scandinavie. Il a été construit en 1968 et sa ligne droite principale sert aussi de piste d'atterrissage pour le petit aéroport d'Anderstorp. Le circuit est assez isolé puisque Göteborg se situe à cent kilomètres et Stockholm à plus de 400 km. Son tracé est lent et assez peu intéressant, formé d'une succession de courbes et d'une seule ligne droite.
Le plateau est plus réduit qu'à l'accoutumée, certaines équipes n'ayant pas eu le temps de réparer les dégâts subis à Monaco, d'autres trouvant le déplacement trop onéreux.
Ainsi Ferrari n'engage de nouveau qu'une seule voiture pour Jacky Ickx. Manquent à l'appel la Tecno de Chris Amon, la Brabham privée d'Andrea de Adamich et les deux March privées de James Hunt et David Purley. Fatigué par ses mauvais résultats, Nanni Galli a quitté l'écurie de Frank Williams et a annoncé sa retraite immédiate. Du coup Williams fait appel pour le remplacer à un pilote danois payant, Tom Belsø. Sans volant depuis fin 1972, le Suédois Reine Wisell fait son retour sur une March engagée par l'écurie française de Pierre Robert et peinte en jaune, couleur nationale de la Suède.
Les qualifications
Tous les supporteurs suédois attendent la victoire de leur héros « Super Swede » Ronnie Peterson. Celui-ci ne les déçoit pas en réalisant la pole position, certes de justesse puisqu'il devance Cevert par moins d'un dixième de seconde. Les deux concurrents pour le titre mondial Stewart et Fittipaldi se partagent la deuxième ligne. Reutemann prouve les progrès de la Brabham BT42 en obtenant la cinquième place. Il précède les McLaren de Hulme et de Revson. Suivent Ickx, Beltoise et Hailwood. Wisell obtient une belle quatorzième place avec sa March jaune. Enfin les essais voient un gros accident de Pace, qui s'en tire indemne mais se qualifie à une piètre seizième place. On note la piètre performance des Shadow : Oliver est 17ème et Follmer 19ème.
Qualifié 22ème et dernier, Belsø ne prend pas le départ car sa voiture est donnée à Ganley. En fait, son sponsor n'a pas réglé la note à Frank Williams, et par conséquent le Danois n'a pas de raison de disputer la course.
Le Grand Prix
Le dimanche en début d'après-midi, un incident oppose les photographes et les cameramen de presse aux pilotes et aux officiels. Les premiers sont mécontents de se voir repoussés derrière les barrières de sécurité, soit loin de la piste car les dégagements sont assez larges. Les pilotes soutiennent que cet éloignement est nécessaire pour ne pas mettre en danger la vie des photographes. C'est finalement Denny Hulme qui, envoyé par l'association des pilotes, parvient à un compromis.
Le soleil brille en ce 17 juin et les tribunes sont pleines de supporteurs venus encourager Ronnie Peterson.
Tour de formation : Wisell subit une panne de suspension. Il ne pourra donc pas disputer sa course nationale.
Départ : Peterson conserve sa première place tandis que Fittipaldi s'installe entre les deux Tyrrell. Le Brésilien se place dans le sillage de son équipier et se retrouve deuxième au premier freinage devant Cevert, Stewart, Reutemann, Ickx et Hulme. Hill s'arrête dans le premier virage à cause d'un problème de pompe électrique.
1er tour, Peterson mène devant E. Fittipaldi, Cevert, Stewart, Reutemann, Hulme, Ickx, Revson, Hailwood et Beltoise. Hill est toujours dans sa voiture et finira par repartir pour regagner les stands.
2e : Wilson Fittipaldi perd le contrôle de sa Brabham dans la courbe Opel et heurte le rail.
3e : Les Lotus s'échappent et possèdent cinq secondes d'avance sur Cevert et Stewart. Reutemann doit céder la cinquième place à Hulme. Hill a repris la piste.
5e : Les positions sont figées en tête de l'épreuve. Peterson et Fittipaldi sont roues dans roues et précèdent de quelques centaines de mètres Cevert, Stewart et Hulme.
7e : Hulme réalise le meilleur tour de la course avec un temps de 1'26''146'''. En fond de peloton Jarier se bat avec les Shadow d'Oliver et de Follmer.
8e : Regazzoni se traîne en queue de peloton, victime d'un moteur BRM très poussif et d'une tenue de route catastrophique.
10e : Peterson compte une seconde et demie d'avance sur Fittipaldi. Cevert est troisième à quatre secondes et précède Stewart et Hulme. Reutemann est sixième à quinze secondes et devance Ickx, Revson, Hailwood et Beltoise.
12e : Cevert se rapproche des deux JPS Lotus.
14e : Peterson et Fittipaldi sont rattrapés par Cevert, lequel a pris un peu de marge sur Stewart.
16e : Beltoise stoppe chez BRM afin de colmater une fuite d'huile. Il laisse la dixième place à Pace.
18e : Beltoise reprend la piste en queue de classement.
19e : Hill abandonne suite à un problème d'allumage. Sa Shadow privée n'est décidément pas du tout au point.
20e : Peterson mène devant Fittipaldi (0.5s.), Cevert (1s.), Stewart (3s.), Hulme (4s.) et Reutemann (14s.). Viennent ensuite Ickx, Revson, Hailwood et Pace.
22e : Peterson, Fittipaldi et Cevert se suivent sur quelques mètres, tandis que Stewart et Hulme demeurent en embuscade. La victoire se disputera entre ces cinq pilotes.
25e : Statu quo en tête de l'épreuve. Pour l'heure Peterson n'est pas vraiment inquiété par son équipier qui doit surveiller Cevert.
27e : Stewart commence à se rapprocher sensiblement du trio de tête.
30e : Follmer s'arrête au stand Shadow pour faire vérifier sa voiture dont la tenue de route est mauvaise.
32e : Stewart est revenu derrière Cevert.
33e : Stewart déborde Cevert et s'empare ainsi de la troisième place.
35e : Tandis que la mi-course approche, Peterson, Fittipaldi, Stewart, Cevert et Hulme se tiennent en moins de cinq secondes. Reutemann évolue au sixième rang, à vingt secondes des leaders. Ickx se maintient au septième rang une Ferrari instable.
37e : Jarier met pied à terre, accélérateur bloqué.
38e : Les Lotus prennent un peu de marge sur leurs trois poursuivants.
40e : Peterson est premier devant E. Fittipaldi (0.5s.), Stewart (4.5s.), Cevert (5s.), Hulme (5.5s.) et Reutemann (21s.).
42e : Hailwood abandonne car les vibrations engendrées par les pneus Firestone sur sa Surtees la rendent trop instable.
45e : Le quintet poursuit son ballet, pour le plus grand plaisir du public suédois, mais on attend un dépassement.
48e : Peterson mène devant Fittipaldi (1.2s.), Stewart (3s.), Cevert (4.5s.) et Hulme (5.5s.). Reutemann a toujours une vingtaine de secondes de retard sur le leader. Ickx et Revson sont en revanche très distancés, à plus de cinquante secondes de Peterson.
50e : Peterson possède quelques dixièmes de seconde d'avance sur Fittipaldi, lequel surveille les Tyrrell dans ses rétroviseurs. Il semble que rien ne bougera tant que l'un de ces coureurs n'aura pas cassé quelque chose.
51e : Oliver est victime d'un affaissement de sa suspension avant-droite et doit stopper dans l'herbe.
53e : Pour l'heure, les deux Lotus semblent à l'abri d'une attaque des Tyrrell. Hulme se déporte dans les grandes courbes pour surprendre Cevert mais il n'y parvient pas.
55e : Hulme est de plus en plus pressant derrière Stewart et Cevert.
58e : Le moteur de Beltoise explose et le Français, ne pouvant contrôler sa BRM, sort de la piste et heurte les protections. Il s'en tire sans dommage mais cet accident a répandu de l'huile sur la piste et les drapeaux rayés de jaune et de rouge sont agités.
60e : Peterson a maintenant une seconde et demie d'avance sur Fittipaldi. Il a mieux négocié que le Brésilien le dépassement de certains retardataires.
61e : Cevert est gêné par Revson en lui prenant un tour et Hulme en profite pour le dépasser. Tactique d'équipe de la part de McLaren ?
63e : Victime de gros soucis de tenue de route, Pace est doublé par Ganley et par Lauda.
65e : Fittipaldi rencontre des difficultés lors du passage des vitesses. Cela fait les affaires de Stewart qui se met à harceler le Brésilien.
66e : Peterson, Fittipaldi et Stewart sont roues dans roues, en lutte pour la victoire. Hulme est à trois secondes de ce trio, mais il remonte rapidement. Cevert est semé. Sa voiture n'est pas très fringante et perd beaucoup de temps sur les quatre premiers.
68e : Hulme n'est plus qu'à une seconde et demie du trio de tête.
70e : Fittipaldi est désormais bloqué en quatrième vitesse et doit laisser passer Stewart puis Hulme. Le champion du monde poursuit sa route malgré tout mais voit Cevert revenir sur lui très rapidement. Lauda s'arrête à son stand pour changer ses pneus trop usés.
71e : Peterson, Stewart et Hulme se tiennent en deux secondes. Le vainqueur est parmi ces trois hommes.
72e : Cevert prend la quatrième place à Fittipaldi dont la boîte de vitesses agonise. Son injection étant complètement déréglée, Ganley doit ravitailler en essence.
73e : Stewart ne trouve pas l'ouverture sur Peterson, tandis que Hulme observe la situation. Fittipaldi est sous la menace de Reutemann.
74e : Reutemann dépasse Fittipaldi. Ickx rattrape le pilote brésilien qui roule désormais au ralenti.
76e : Stewart lève le pied et laisse passer Hulme. L'Écossais perd aussitôt le contact avec les deux leaders. Un disque de freins de la Tyrrell est en surchauffe et son pilote doit impérativement baisser le rythme s'il veut terminer la course.
77e : Hulme est désormais le seul adversaire de Peterson et se trouve dans ses échappements. Fittipaldi doit stopper dans l'herbe après avoir perdu l'usage de toutes ses vitesses. C'est son premier abandon en 1973.
78e : Cela va mal pour Peterson dont la Lotus semble instable. Hulme est en passe de le dépasser. Stewart est au ralenti : il se fait doubler par Cevert.
79e : Peterson est victime d'une crevaison lente à l'arrière. Il n'a plus les moyens de résister à Hulme qui s'empare du commandement. La mort dans l'âme, le Suédois se résigne à la prudence pour sauver la deuxième place. Stewart n'est pas mieux loti puisqu'il doit laisser passer Reutemann.
80ème et dernier tour : Denny Hulme remporte la septième victoire de sa carrière en F1, la première de la saison pour McLaren et la première de la M23. Peterson termine deuxième et évidemment ne peut être que déçu par ce dénouement. Cevert est troisième et précède Reutemann qui inscrit ses premiers points de l'année. Stewart a joué de malchance mais peut tout de même être satisfait de se classer au cinquième rang. Sixième, Ickx inscrit le premier point de la Ferrari 312B3. Revson termine septième et précède au classement Beuttler, Regazzoni, Pace, Ganley, E. Fittipaldi, Lauda et Follmer.
Après la course
Ce Grand Prix très long (il a duré 1h 56 minutes) et très éprouvant à cause de la chaleur a mis à mal les mécaniques, en particulier celles des Lotus et des Tyrrell qui ont toutes rencontré un souci quelconque. A ce jeu d'endurance, c'est ce « vieux renard » de Hulme qui a tiré les marrons du feu. S'il n'est pas le pilote le plus doué du plateau, le Kiwi est sans aucun doute l'un des plus endurants et des plus opiniâtres. Doté d'une grande force physique, il est souvent capable de donner encore le meilleur de lui-même en fin de course, et ceci a de nouveau payé. Cette victoire fait évidemment très plaisir à Teddy Mayer et à Gordon Coppuck puisque la McLaren M23 a parfaitement suivi le rythme de la Tyrrell et de la Lotus, et s'affirme désormais comme la troisième force du plateau.
Sur le podium, Hulme et Cevert essaient de consoler Peterson, désappointé par son échec. La malchance s'acharne sur le Suédois qui court toujours après sa première victoire. Quant au vainqueur, il reçoit comme trophée un cheval de Dalécarlie, la célèbre figurine traditionnelle suédoise.
Malgré ses déboires Stewart n'a pas fait une mauvaise opération puisqu'il revient à deux points de Fittipaldi au classement général. Cevert est toujours un solide troisième et n'a que seize points de retard sur le pilote brésilien. Au niveau de la coupe des constructeurs, Lotus revient à deux points de Tyrrell. Avec 26 points, McLaren est solidement installée au troisième rang et précède Ferrari et Brabham
Tony