Comme cela arrivait souvent aux États-Unis, la Scopa tient son nom de son propriétaire, Joseph (dit "Joe") Scopa. Né le 14 janvier 1908 dans l'état du New Jersey, Joe profite du fait que la course automobile dans son état natal ne soit pas affectée par la crise économique pour devenir possesseur de Sprint Cars dès les années 30. S'il en est le propriétaire, il est également le mécanicien attitré de ses propres machines. Il connaît succès et notoriété au début de la décennie suivante en remportant des victoires sur une ancienne voiture de "Lucky" Teter (un ancien célèbre cascadeur et pilote américain) qu'il avait préparé pour des pilotes comme Hank Rogers ou Tommy Hinnershitz (tous deux de futurs vainqueurs de courses dans le championnat AAA).
A l'été 49, il fait la connaissance de Jimmy Chai, un mécanicien également, qui a conçu une voiture conforme à la réglementation AAA mais n'a pas les moyens de la faire courir. Intéressé pour devenir propriétaire et constructeur, Joe Scopa rachète la voiture du mécanicien de l'Illinois et la baptise de son propre nom, la Scopa. Fin août, la nouvelle automobile est engagée sur la course des 100 Miles de Springfield (dans l'Illinois justement) où, qualifiée 15è sur 26, elle sera classée 10è avec Hank Rogers à son volant, inscrivant par la même ses premiers 10 points au championnat. Elle refera trois autres apparitions durant cette saison à Syracuse (12è), lors de la seconde épreuve de Springfield (cette fois aux mains de Billy DeVore, non-qualifiée) et enfin à Langhorne où Duke Dinsmore la fera terminer à la 13è position.
Si la voiture n'est pas un foudre de guerre, elle permet à ses pilotes de se qualifier assez souvent. C'est donc tout logiquement que l'on retrouve la Scopa, et Billy DeVore, aux 500 Miles d'Indianapolis 1950. Si la célèbre course est la première épreuve du championnat AAA elle est aussi la seconde manche du championnat du monde de Formule 1, par la volonté des autorités automobiles d'avoir une course aux États-Unis pour donner une vocation international à un championnat qui se disait "du Monde". Las, au milieu de 84 postulants pour 33 places sur la grille, la Scopa ne franchit pas le cap des qualifications. Le reste de la saison sera tout aussi décevant avec 5 autres éliminations en qualifications et une seule course disputée, au Williams Grove Speedway (12è) mais hors-championnat.
En 1951, Joe Scopa présente de nouveau sa voiture aux 500 Miles d'Indianapolis, cette fois avec Frank Armi au volant. Mais sans évolution la voiture ne sera pas plus chanceuse que la saison précédente et ne se qualifiera pas pour la course. Dès lors, Joe revend sa voiture à Ralph Malamud qui inscrira la Scopa à Williams Grove où ni George Connor, ni Ottis Stine ne parviendront à la placer sur la grille.
Loin d'être découragé, Ralph Malamud engage la Scopa (désormais sans son propriétaire) aux 500 Miles 1952. Si Malamud a connu le succès dans les disciplines inférieures, il ne fera pas de miracle et son pilote, Ottis Stine, sera à son tour, non-qualifié pour l'épreuve-reine. La voiture refera une apparition dans le championnat AAA trois mois plus tard à Springfield où Tommy Hinnershitz parviendra à la qualifier et même à terminer 9è (sur 13 pilotes qui rallieront l'arrivée) offrant à la Scopa la meilleure performance de son histoire. Revigoré par cette performance, la voiture ira ensuite à Bob Scott qui courra à Milwaukee (11è), Détroit (non-qualifié), DuQuoin (13è), Syracuse (17è).
Pour 1953, la Scopa fait l'impasse sur l'Indy 500 mais participe à quelques courses du championnat AAA. Si Jimmy Reece ne fait pas d'étincelles, Bill Holland place la voiture à la 5è place à l'arrivée des 100 Miles de Syracuse, nouvelle meilleure performance d'une Scopa en course.
En 1954, la voiture commence à sérieusement accuser le poids des ans et la famille Malamud décide de revendre la voiture à Lee Glessner, un ancien pilote devenu propriétaire. Le nouveau duo fait ses débuts à Langhorne où Eddie Sachs tire le meilleur de sa monture pour terminer 5è ! Malheureusement les deux courses suivantes furent décevantes et Jiggs Peters fut désigné pour en prendre le volant lors de l'épreuve de Springfield. Parmi les premiers à s'élancer pour les qualifications Peters signe le meilleur temps avant que la piste ne se dégrade et qu'aucun autre concurrent n'arrive à améliorer la marque de la Scopa. Le samedi après-midi de la course, une Scopa vieille de 5 ans allait donc partir en pole ! Si Peters ne put conserver cet avantage, il placera tout de même la Scopa à la 5è place finale de la course, terminant en beauté le plus beau weekend de cette voiture, performance réalisée qui plus est, sur sa terre natale de l'Illinois. Peters effectuera d'autres belles performances en fin de saison aux Golden State 100 (9è) et au Bobby Ball Memorial (10è), terminant ainsi à une inespérée 27è place au championnat.
Pour 1955, Lee Glessner et Jiggs Peters continuent de faire équipe mais, malheureusement, les 500 Miles se refusent toujours à la Scopa et Peters ne se qualifie pas pour la course. La suite de la saison sera toute aussi compliquée, les pilotes se succédant pour accumuler non-qualifications et résultats très loin du Top 10. Seule la dernière course de la saison viendra offrir une pointe de positivisme avec la 10è place de Shorty Templeman à Phoenix. Déçu par ses résultats et conscient de l'âge avancé de la voiture, Glessner se décide à ranger la Scopa au garage... pour de bon ?
Il tente à l'aube de la saison 1956 de lui donner un petit coup de jeune en rajoutant quelques pièces de-ci de-là et la rebaptise Hillegass (voir la page à ce sujet).
En 1957, la voiture est de nouveau rachetée par la structure Malamud qui la fera courir sans résultats notable par Don Edmunds, Charles Musselman ou Chuck Arnold. Ce coup, le bilan est compliqué : la voiture a 8 ans, ne se qualifie que rarement et lorsqu'elle le fait, elle abandonne ou finit dans les tréfonds du classement. La décision est prise, la voiture est rangée au garage... pour de bon ?
Et bien non ! Toujours pas ! Et non, ça ne sera ni pour 1958, ni pour 1959 mais en 1960 qu'un certain Tony Romit (multirécidiviste de la non-qualification) tentera d'aligner la Scopa aux 100 Miles de Trenton. Mais aux mains d'un pilote au palmarès assez léger, la voiture désormais âgée de 11 ans ne pourra bien sûr pas de qualifier. De cet instant elle sera rangée au garage... oui, oui, pour ce bon cette fois !
Tant qu'à Joe Scopa, ce n'est pas parce qu'il a vendu sa voiture en 1951 qu'il va se retirer des circuits, bien au contraire. Il retrouvera son poste initial de chef-mécanicien pour lequel il excellait. Il sera ainsi en charge, notamment, de la voiture d'Eddie Johnson en 1958 (9è) et 1959 (8è) à Indy 500. Le plus beau est qu'il sera aussi le chef-mécanicien de la voiture d'Eddie Sachs lors des 100 Miles d'Atlanta 1956, une course que Sachs gagnera au volant d'une Hillegass qui, un an plus tôt, s'appelait... Scopa !!! En 1959, il aura également le titre très honorifique de "First on track", à savoir être le premier pilote à prendre la piste lors du long mois de préparation aux 500 Miles d'Indianapolis, lorsqu'il fit le shakedown de la Dean Van Lines-Kuzma avant que le célèbre AJ Foyt n'en prenne le volant.
Joe Scopa s'éteindra le 17 décembre 1980 à Marlon, dans un état de l'Indiana où il aurait tant aimé faire briller sa propre voiture.
Alex Mondin