Jean Behra était sans doute l'un des meilleurs pilotes français de l'Histoire. Malheureusement, il se tua prématurément sur un circuit totalement obsolète, celui de l'AVUS.
Jean commence sa carrière en 1937, mais sur deux roues. Il obtient beaucoup de succès après-guerre, puisqu'il est champion de France de 1948 à 1951, face aux grands noms de l'époque comme Houel, Monneret ou Loyer.
"Jeannot" passe au sport automobile en 1949 en disputant des courses de côte. Pour sa première sortie au Mont-Ventoux, sur une Maserati empruntée, il gagne à la surprise générale. Jean est alors repéré par l'équipe d'Amédée Gordini, et le sorcier du Boulevard Victor fait appel à lui pour la saison 1951. Mais il doit encore faire ses preuves. Gordini lui donne le volant d'une quatre-cylindres pour le Grand Prix des Sables d'Olonne. Jean termine troisième, une superbe performance, et décroche un volant d'usine.
Il débute en F1 pour la dernière course de la saison 1951 en Italie en remplaçant au pied levé Maurice Trintignant. Parti douzième, le français est contraint à l'abandon.
Pour 1952, Jean rempile avec Gordini pour la saison complète. Ses débuts sont remarquables, car dès la première course, le Grand Prix de Suisse, il finit à une belle troisième place, derrière les intouchables Ferrari. Hélas, la suite de la saison n'est pas du même acabit, et il n'entre à nouveau dans les points qu'une seule fois, au Nürburgring. Il gagne tout de même le Grand Prix de Reims, hélas hors-championnat, mais d'une manière exceptionnelle, puisqu'il bat les redoutables Ferrari d'usine, celle d'Ascari en tête.
La saison 1953 est véritablement catastrophique. La Gordini T16 connait de nombreux problèmes de fiabilité, et Jean ne fait jamais mieux que sixième, en Argentine. 1954 n'est pas meilleure. La T16 ne s'est absolument pas améliorée, et il ne marque que 0,14 points (le point du meilleur tour étant partagé par sept pilotes !) lors du Grand Prix de Grande Bretagne, disputé sous la pluie.
Jean décide de passer chez Maserati pour 1955, en espérant bien décrocher des victoires avec la légendaire 250F. Il gagne effectivement des courses à Pau et Bordeaux, mais avec des voitures de sport. Il réalise un podium au Grand Prix de Monaco de F1 mais, même s'il finit régulièrement dans les six premiers, il ne peut jamais concurrencer sérieusement les Mercedes et les Ferrari.
L'année suivante, 1956, est sa meilleure année. Deuxième lors du premier Grand Prix en Argentine, il termine le Grand Prix de Monaco à la troisième place, ce qui lui permet de pointer en tête du championnat du monde après deux courses ! Il monte encore trois fois sur le podium pour autant de troisièmes places, à Reims, Silverstone et au Nürburgring. Il arrive ainsi à Monza, dernière manche de la saison, avec une infime chance de décrocher le titre mondial face aux pilotes Ferrari, Fangio et Collins. Hélas, il est contraint à l'abandon, son seul de l'année en F1. Il finit tout de même quatrième du championnat du monde. Le Français conclut son année en beauté, en remportant le Grand Prix du Maroc hors championnat.
Cette belle saison est aussi malheureusement marquée pour Jean par la perte d'une oreille, dans un accident au Tourist Trophy, ce qui allait évidemment l'handicaper par la suite.
1957 est une bien mauvaise année en Formule 1. Certes, Jean commence le championnat du monde exactement comme en 1956 : par une belle deuxième place en Argentine. Mais par la suite, il ne peut guère briller avec sa 250F et ne ramène que deux sixièmes places. Il connait une grosse déception à Silverstone, où il mène plus de la moitié de la course avant de devoir abandonner sur problème d'embrayage, à vingt tours du but. Ce jour-là, Jean a frôlé son premier succès en F1. Malgré tout, il se console en remportant le BRDC International Trophy sur une BRM, et surtout les prestigieuses 12 heures de Sebring, aux côtés de Juan-Manuel Fangio.
En 1958, Jean décide de quitter la marque au Trident pour BRM. Il ne trouve pas vraiment son bonheur avec la marque anglaise, puisqu'il ne finit aucune des manches du championnat du monde de Formule 1, sauf deux : le Grand Prix des Pays-Bas, avec une belle troisième place, et le Grand Prix du Portugal où il amène la P25 au quatrième rang.
La saison 1959 doit être une grande année pour Jean, puisqu'il est engagé par la Scuderia Ferrari. En effet, Enzo appréciait beaucoup le style de conduite généreux et combatif du Français. Mais la saison commence mal : abandon à Monaco sur casse moteur, puis une piètre cinquième place à Zandvoort. Les relations se tendent alors sérieusement entre Jean et son directeur sportif Romolo Tavoni. Après un nouvel abandon au Grand Prix de France, le ton monte tellement entre les deux hommes que le bouillant Français va jusqu'à gifler Tavoni. La sanction ne se fait pas attendre, Ferrari lui montre la porte de sortie.
Malgré cela, Jean retrouve un volant, celui d'une Porsche, quelques semaines plus tard pour le Grand Prix d'Allemagne, sur le très dangereux circuit de l'AVUS. Le samedi, il participe à la course des voitures de Sport une Porsche RSK 718. Sur une piste humide, le Français, perd le contrôle de sa voiture, qui s'écrase contre le support en béton d'une vieille batterie de DCA allemande. Il n'y survit pas.
Un petit circuit près de Nevers est baptisé en son honneur en 1961. Lorsque cet endroit devient en 1991 le soporifique hôte du Grand Prix de France, il est renommé Nevers-Magny Cours, malheureusement pour la mémoire de Jean Behra.
Tony