Présentation des écuries

Pour Red Bull, le principal événement de l'hiver fut l'annonce de son alliance avec Ford à compter de 2026, année de l'entrée en vigueur de la future réglementation touchant les moteurs. D'ici là, l'équipe au taureau continuera à utiliser les groupes propulseurs ex-Honda. Toutefois, afin de souligner l'implication persistante du motoriste nippon, les blocs sont rebaptisés « Honda-Red Bull Powertrains ». Présentée à New York, la nouvelle RB19 reprend le concept de la RB18 conçue par Adrian Newey. Elle apparaît cependant plus affinée, avec une rainure longue et profonde se développement sur toute la longueur des pontons, une solution inédite. Les flancs apparaissent ainsi détachés du fond plat. Cette cannelure accroît le volume d'air renvoyé au-dessus du diffuseur, ce qui permet d'aspirer l'air émergeant de celui-ci. La RB19 possède en outre des radiateurs plus compacts et a perdu du poids. Cette machine ayant survolé les essais hivernaux à Bahreïn, Max Verstappen se présente déjà comme le grandissime favori à sa succession. Quant à Sergio Pérez, il se bornera à aider son équipier et son écurie à conquérir les deux couronnes mondiale. Daniel Ricciardo, recruté comme troisième pilote, sera chargé des exhibitions. Reste enfin à savoir dans quelle mesure Red Bull sera entravée dans son développement par la réduction du nombre d'heures en soufflerie qui lui a été infligée afin de sanctionner sa violation du plafond budgétaire en 2021.

 

Ferrari a vécu une saison 2022 fort douloureuse. Alors qu'après les premières manches la Scuderia semblait s'imposer comme la référence du peloton, une avalanche d'erreurs stratégiques et de problèmes de fiabilité ont brisé cet élan au profit de Red Bull. La seconde place finale au classement des constructeurs fut donc teintée d'amertume. Mattia Binotto a remis sa démission en novembre 2022 et Frédéric Vasseur, l'expérimenté patron d'Alfa Romeo-Sauber, ex-fondateur d'ART, a été invité à lui succéder. C'est une excellente nouvelle pour Charles Leclerc, éprouvé par une saison 2022 frustrante, qui retrouve ainsi son mentor. Vasseur a en effet guidé son ascension des formules de promotion jusqu'à la F1. Quant à Carlos Sainz, il devra commettre moins d'erreurs que l'an passé pour conserver son volant chez Ferrari. La nouvelle SF-23 ressemble beaucoup à la F1-75. Enrico Cardile et David Sanchez ont choisi d'optimiser le concept aérodynamique original de celle-ci, avec notamment les fameux pontons en forme de « baignoire », aux lignes toutefois plus adoucies. La SF-23 recèle néanmoins de nouveautés : un museau plus court muni d'un nouvel aileron, une suspension avant redessinée et quelques ouvertures supplémentaires. Lors des essais de Bahreïn, la Ferrari n'a pas rivalisé avec la Red Bull, mais l'objectif est bien de remporter au moins un des deux championnats. Notons que le stratège en chef Iñaki Rueda, très critiqué en 2022, a été relégué à l'usine et remplacé par son ex-adjoint Ravin Jain.

 

Après huit saisons d'hégémonie, Mercedes est lourdement tombée de son piédestal en 2022, avec une seule victoire tardive et une décevante troisième place au championnat des constructeurs. Le constructeur allemand surprend en reprenant la philosophie de la W13 de l'an passé. La Flèche d'Argent W14 (qui est repassée au noir pour gagner du poids) conserve les pontons étroits de sa devancière, même si ses ouvertures sont désormais rectangulaires et non plus triangulaires, et que l'on aperçoit un bulbe dans la portion médiane basse. Le directeur technique Mike Elliott justifie cette continuité en estimant qu'il aurait été trop coûteux en termes de performance de repartir d'une feuille blanche. Du reste, les fameux pontons sont appelés à évoluer en cours de saison. En tout cas, Mercedes vise à nouveau les deux titres mondiaux. La couronne est l'objectif de George Russell, sur sa lancée de sa superbe saison 2022, ponctuée d'une victoire au Brésil. Quant à Lewis Hamilton, sevré de succès depuis plus d'un an, il entend reprendre le dessus sur son jeune équipier et conquérir enfin ce huitième titre tant espéré. Enfin, Mick Schumacher a été recruté par Mercedes comme réserviste, renouant ainsi avec le glorieux passé familial.

 

En 2022, Alpine-Renault a conquis la quatrième place du championnat des constructeurs après une longue lutte contre McLaren. L'objectif pour 2023 est de faire aussi bien tout en se rapprochant des trois top teams. Luca de Meo, directeur général du Groupe Renault, se montre patient, mais il veut voir Alpine au sommet de la F1 d'ici quelques années. Cette saison les Bleus (et Roses) créent l'événement en alignant un duo 100 % français (une première depuis Ligier en 1994) composé d'Esteban Ocon et du nouveau venu Pierre Gasly. Les deux Normands jurent qu'ils ont enterré la hache de guerre. Mais il est certain que Gasly tentera de faire son trou dans une nouvelle équipe qui lui offre enfin les moyens de ses ambitions. Et Ocon n'est pas ravi de voir son vieux rival piétiner ses plates-bandes... Laurent Rossi et Otmar Szafnauer devront se montrer diplomates pour gérer ces deux jeunes gens. L'Alpine A523 est très différente de l'A522, avec notamment un nez relevé et raccourci, une nouvelle cinématique de suspension avant et des sillons de pontons encore plus profonds. « Il s'agit d'améliorer l'énergie du flux d'air vers l'arrière de la voiture, car c'est dans cette zone qu'est générée la plus grande partie de la charge aéro », explique le directeur technique adjoint Matt Harman. A l'arrière, Alpine choisit une suspension à poussoir. Enfin, les ingénieurs de Viry-Châtillon ont tâché de fiabiliser le moteur Renault, puissant mais trop fragile en 2022.

 

Si McLaren se maintient à un bon niveau depuis plusieurs saisons, elle ne parvient toujours pas à retrouver sa place parmi les top teams. A une saison 2022 décevante s'est ajouté le départ d'Andreas Seidl vers Sauber. Pour le remplacer, Zak Brown a nommé l'ingénieur italien Andrea Stella qui était jusque là directeur sportif. Par ailleurs, McLaren aligne le plus jeune duo des pilotes de son histoire. Si Lando Norris (24 ans) entame déjà sa cinquième saison de F1, Oscar Piastri (22 ans) est un pur néophyte. Le jeune Australien, champion de F2 en 2021, est attendu au tournant après l'épisode peu glorieux de son transfert d'Alpine à McLaren qui a alimenté les gazettes l'été passé. Le staff dirigé par James Key a produit un nouvelle MCL60, baptisée ainsi pour fêter les 60 ans de la marque. Elle fait furieusement penser à une Red Bull RB18 peinte en orange et se distingue surtout par ses pontons très creusés. Toujours comme Red Bull, McLaren opte à l'arrière pour une suspension à poussoir. Hélas, les essais hivernaux ont mis en évidence de graves carences aérodynamiques sur ce modèle et Stella avoue que des évolutions sont déjà prévues tôt dans la saison.

 

2023 sera une année de transition pour la structure Sauber qui porte pour la dernière fois les couleurs d'Alfa Romeo. Le constructeur milanais quittera en effet la F1 à l'issue de cette saison. Sauber courra sous son propre nom à partir de 2024 tout en préparant sa mue en écurie Audi à l'horizon 2026. Pour conduire cette longue marche, Andreas Seidl a été nommé président du Groupe Sauber. L'avocat italien Alessandro Alunni Bravi, jusqu'alors conseiller juridique, devient directeur général avec les attributions d'un team manager. L'objectif pour 2023 est de poursuivre sur la lancée d'une bonne saison 2022, terminée au 6e rang du championnat des constructeurs. L'Alfa Romeo C43 conçue sous la direction de Jan Monchaux se distingue surtout de sa devancière par son train arrière, réorganisé en vue d'améliorer le refroidissement, tandis que les potons forment désormais une rampe, façon Red Bull. Alfa Romeo-Sauber conserve son duo composé de l'expérimenté Valtteri Bottas, devenu un véritable « père tranquille » de la F1, et du jeune espoir Guanyu Zhou qui devra confirmer le joli potentiel entrevu l'an passé.

 

Après deux saisons en dents de scie, Aston Martin doit concrétiser en 2023 les grandes ambitions de son propriétaire Lawrence Stroll. L'AMR23 est la première Aston Martin conçue sous la direction de Dan Fallows, transfuge de Red Bull, avec l'aide de l'aérodynamicien Éric Bandin. Elle s'inspire d'Alpine avec des pontons évidés par une sorte de rigole pour dynamiser et diriger le flux d'air vers l'arrière, selon le principe de Coanda. Les flancs sont en revanche totalement plats pour faire barrage aux turbulences générées par les roues avant. Le nez est allongé à la mode Ferrari et le capot moteur comprend deux sections tubulaires évacuant l'air chaud, une solution popularisée par Red Bull. Aston Martin compte surtout cette saison sur sa nouvelle recrue Fernando Alonso qui aborde à 42 ans le dernier défi de sa longue carrière. L'Espagnol ne tarit pas d'éloges sur sa nouvelle équipe qu'il compare toujours avantageusement à Alpine... Quant à Lance Stroll, l'inamovible fils du patron, il tentera d'exister davantage face à Alonso que face à Sebastian Vettel ces deux dernières années.

 

Cette année pourrait marquer un nouvel envol pour Haas qui bénéficie enfin d'une trésorerie un peu conséquente grâce à son nouveau sponsor-titre MoneyGram. L'écurie américaine, qui disputera trois courses à domicile, peut en outre compte sur une paire de pilotes très expérimentés. Kevin Magnussen (31 ans) et Nico Hülkenberg (36 ans) auraient fait la paix après leurs démêlés de jadis et ont pour objectif d'inscrire des points régulièrement. La VF-23 ressemble sans surprise comme une sœur à la Ferrari, notamment avec ses pontons en forme de baignoire. La monoplace italo-américaine s'est montrée rapide lors des essais de Bahreïn et Guenther Steiner fait preuve d'un optimisme inédit au seuil de cette saison. La grande question est de savoir si Haas saura développer sa monoplace, ce dont elle s'est montrée incapable en 2022.

 

AlphaTauri a vécu une saison 2022 désastreuse, faute d'avoir su faire évoluer une monoplace mal née. L'équipe satellite de Red Bull, qui utilisera également le moteur Honda-RBPT, espère se redresser avec l'AT04. Hélas, cette nouvelle voiture, dotée de pontons type Red Bull, paraît une simple évolution de sa devancière et n'a pas brillé lors de l'entraînement de Bahreïn. Beaucoup voient AlphaTauri lutter avec Williams en fond de grille. L'équipe de Faenza doit aussi composer avec le départ de Pierre Gasly, son leader depuis trois ans. Nyck de Vries est chargé de lui succéder. Le Néerlandais de 28 ans, champion de F2 et de FE, auteur d'une superbe pige avec Williams l'an passé à Monza, sera la curiosité de l'année. Son incontestable talent s'épanouira-t-il en F1 ? A ses côtés, l'impulsif Yuki Tsunoda doit enfin faire preuve de maturité et de régularité, tout en s'impliquant davantage dans le développement technique qui reposait jusqu'ici sur Gasly. En outre, si AlphaTauri s'est attachée un nouveau sponsor-titre, le pétrolier polonais PKN Orlen qui soutenait jusqu'ici Sauber, de nombreuses rumeurs font état de la volonté des nouveaux dirigeants de Red Bull de vendre l'équipe, peut-être à Michael Andretti.

 

Williams sortira-t-elle enfin de l'ornière dans laquelle elle est engluée depuis de nombreuses années ? Rien n'est moins sûr puisque l'équipe britannique a encore changé de direction cet hiver. Les anciens de Volkswagen Jost Capito et François-Xavier Demaison ont été remerciés après seulement deux ans d'exercice. James Vowles, ancien stratège de Mercedes, est nommé team principal et d'aucuns y voient le signe d'un rapprochement avec la marque à l'Étoile. Dave Worner assure l'intérim à la tête du staff technique. La nouvelle FW45 adapte le concept de la FW44, très effilé façon Mercedes ou McLaren, à celui de la Red Bull RB18. On note aussi un nez prolongé vers l'avant inspiré par Ferrari. En ce qui concerne les pilotes, Alexander Albon s'est imposé l'an passé comme le leader incontesté de l'équipe. Il cohabite désormais avec le débutant Logan Sargeant, premier Américain dans la discipline depuis sept ans. Âgé de 22 ans, la Floridien n'a remporté aucun titre dans les séries de promotion et a tout à découvrir en F1. Enfin, Williams peut compter sur de nouveaux sponsors américains, le plus célèbre étant le pétrolier Gulf qui soutenait jusqu'ici McLaren.

 

Nouvelles normes techniques et sportives

Le règlement technique fait l'objet de peu de retouches après la « révolution » de 2022. Toutefois, la FIA a pris quelques mesures afin de réduire le phénomène de « marsouinage » qui affectait l'an passé la plupart des bolides. Les fonds plats sont rehaussés et des tests de flexibilité latérale du plancher sont introduits. Un capteur doit en outre permettre de surveiller l'oscillation aérodynamique des monoplaces. Selon l'analyste Giorgio Piola, ces normes sont dans l'esprit semblables à celles introduites sur les planchers en 2021. Elles réduisent les charges maximales imposées aux châssis. Le phénomène de « rebond » s'en trouvera atténué, même si les écuries essaieront sans doute d'abaisser davantage leurs voitures pour maximiser l'effet de sol. D'autre part, l'arceau de sécurité des F1 est modifié suite à l'effrayant accident subi par Guanyu Zhou à Silverstone en 2022. Le sommet de cet élément est arrondi pour éviter qu'il ne s'enfonce dans le sol et de nouveaux tests sont imposés pour obtenir l'homologation.

 

Pirelli introduit cette année un sixième pneumatique slick baptisé C0 qui est en fait l'ancien pneu dur C1. Il s'agira de la gomme la plus rigide, conçue pour résister à une chaleur maximale. Simone Berra, l'ingénieur en chef de Pirelli F1 clarifie ainsi la nouvelle nomenclature : « Il y aura deux pneus durs (C0 et C1), deux pneus médiums (C2 et C3) et deux pneus tendres (C4 et C5), avec la possibilité de sauter un échelon, en sélectionnant par exemple pour un week-end les C1 et les C3 ». Par ailleurs, Pirelli présentera à compter du GP d'Émilie-Romagne un nouveau pneu pluie qui ne nécessitera pas l'utilisation de couvertures chauffantes. Les pilotes espèrent ainsi bénéficier enfin d'une gomme rainurée solide, ce qui était l'une de leurs principales demandes auprès du manufacturier.

 

Sur le plan sportif, Liberty Media est parvenu à imposer à la FIA la tenue de six courses sprints (contre trois en 2021 et 2022). Ces mini-épreuves auront lieu à l'occasion des Grands Prix d'Azerbaïdjan, d'Autriche, de Belgique, du Qatar, des États-Unis et du Brésil. En outre, un nouveau format de qualifications sera testé lors du GP d'Émilie-Romagne à Imola. Les pilotes seront tenus d'utiliser les gommes dures en Q1, les médiums en Q2 et les tendres en Q3, et ce afin de réduire l'allocation de gommes par pilote et par week-end de treize à onze.

 

Sources:

- Sport Auto, Guide F1 2023, 70H.

- https://fr.motorsport.com/f1/news/comment-plancher-2023-aidera-limiter-marsouinage/10340440/

Tony