Gel des moteurs: une F1 équilibrée ou équitable ?
Aussitôt après la fin du GP de Turquie, Helmut Marko s'est rendu à Tokyo pour négocier avec les dirigeants de Honda le rachat de la propriété intellectuelle du groupe propulseur nippon, afin que celui-ci puisse être entretenu par Red Bull dans le complexe de Milton Keynes jusqu'à l'introduction d'une nouvelle technologie de motorisation en 2025 ou 2026. En clair, le V6 Honda deviendrait un V6 Red Bull. Selon Marko, un accord financier a été conclu entre les deux parties pour permettre cette opération, mais celle-ci demeure conditionnée à l'instauration d'un gel du développement des moteurs pour la période susdite que réclame Red Bull à cor et à cris depuis plusieurs semaines. « Il ne faut pas que l'on puisse faire évoluer les moteurs pendant quelques années », explique l'Autrichien. « Sinon, nous n'aurons pas la capacité de faire fonctionner de manière compétitive, sur le long terme, des moteurs extrêmement complexes. Ce n'est pas du chantage, c'est un fait. » Ce projet de gel des moteurs a suscité jusqu'ici une vive opposition, notamment de Ferrari et de Renault qui ont évidemment tout intérêt à garder les mains libres dans l'espoir de concurrencer Mercedes. Néanmoins, leurs positions semblent évoluer. Ferrari aurait ainsi finalement accepté de mettre un frein à l'amélioration des groupes propulseurs, à condition que soit établi en parallèle un mécanisme de « convergence des performances ». En d'autres termes, le constructeur motoriste qui prendrait l'ascendant durant cette période de transition se verrait infliger des entraves afin d'équilibrer la hiérarchie !
Bien évidemment, Mercedes s'élève avec force contre cette idée. « Ce serait une insulte à la F1 », tonne Toto Wolff. « Rappelez-vous, il y a quelques années, nous avions un système de jetons lorsque les règles hybrides sont arrivées. Quand certains ont voulu l'abandonner afin de pouvoir nous rattraper, nous avons dit oui, parce que c'était dans l'esprit d'une saine concurrence. Mais maintenant certains voudraient un système de convergence... Ferrari avait le moteur le plus puissant en 2018 et 2019. Nous avons retroussé nos manches afin de revenir dans le match et nous y sommes parvenus. C'est à eux désormais de faire de même. Nous n'aurons pas d'équilibre des performances car ce n'est dans l'intérêt d'aucun constructeur automobile, ni de la Formule 1. Celle-ci est une méritocratie et doit le rester. » Renault s'oppose aussi à ce procédé car sa mise en œuvre serait très aléatoire. « Si on veut équilibrer les performances, ce sera à la FIA de mesurer la puissance d'un moteur, et selon quelles modalités ? » plaide Marcin Budkowski. « Ce sera très, très difficile. Et, honnêtement, voulons-nous discuter tous les dimanches après la course pour savoir si la FIA a procédé au bon rééquilibrage ? Ce ne sera pas une bonne chose pour le sport. » Cette proposition de Ferrari sur l'équilibre des performances ne suscitant pas l'enthousiasme, celle de Red Bull sur le gel des moteurs est rejetée par ricochet. Il appartient désormais à Jean Todt et à Chase Carey de faire bouger les lignes.
Présentation de l'épreuve
La Formule 1 clôt cette saison 2020 si particulière par une série de trois courses en trois semaines au Moyen-Orient: deux d'entre elles se dérouleront sur le circuit de Sakhir, à Bahreïn, le 29 novembre et le 6 décembre, avant une « finale » à Abou Dhabi le 13 décembre. Deux épreuves à Sakhir donc, mais sur deux versions différentes de ce circuit. La première se déroulera sur le tracé traditionnel, utilisé depuis 2004, la seconde sur l'« ovale », c'est-à-dire une version « externe », très courte et très rapide. Enfin, toujours en raison de l'épidémie de la Covid-19, ces trois Grands Prix se dérouleront à huis clos. La différence par rapport aux précédentes éditions ne sera pas très sensible, susurrent quelques mauvaises langues...
Les pilotes et le personnel des écuries ont hâte que prenne fin cette saison afin de pouvoir percer la « bulle sociale » dans laquelle ils sont enfermés depuis fin juin. Ils sont en effet tenus de limiter leurs déplacements et leur vie sociale au strict minimum, ce qui est bien sûr moralement fort contraignant. D'autre part, cette saison-marathon (dix-sept Grands Prix en un peu plus de cinq mois !) fut particulièrement exténuante. Tout le monde attend donc avec impatience la trêve hivernale, d'autant plus que la seconde épidémie européenne de Covid-19 touche à sa fin et que les gouvernements lèvent peu à peu les restrictions plus ou moins absurdes mises en place à cette occasion. Cependant, quelques cas de contaminations sont signalés dans le paddock: le représentant de Pirelli Mario Isola et le directeur sportif de Red Bull Jonathan Wheatley ont ainsi été récemment testés positifs et mis à l'isolement.
Voici un mois et demi, Red Bull annonçait qu'Alexander Albon n'avait plus que deux courses (les GP du Portugal et d'Émilie-Romagne) pour convaincre ses employeurs de le conserver en 2021. Bien que le Britanno-Thaïlandais ait échoué à ce véritable « examen », terminant hors des points lors de ces deux manches, son futur n'est toujours pas décidé alors qu'un autre Grand Prix, celui de Turquie, s'est déroulé entretemps. En fait, Christian Horner lui laisse finalement jusqu'à a fin de la saison pour « faire ses preuves ». Pour certains, cela signifie que les tractations entre Red Bull et Sergio Pérez, initiées en septembre, ont échoué. Le Mexicain a d'ailleurs prévu d'organiser une conférence de presse le lundi 30 novembre pour faire le point sur son avenir. Nico Hülkenberg resterait ainsi le seul prétendant au poste quelque peu ingrat d'équipier de Max Verstappen.
Haas n'a toujours pas dévoilé son « line-up » pour la saison 2021, même s'il ne fait guère de doute que celui-ci sera constitué de Mick Schumacher et Nikita Mazepin. Les deux pilotes actuels et évincés Romain Grosjean et Kevin Magnussen sont en quête d'une reconversion, probablement en IndyCar. Avec Takuma Sato, Sébastien Bourdais, Alexander Rossi, Max Chilton ou encore Marcus Ericsson, ils ne manqueront pas outre-Atlantique d'anciens collègues pour évoquer bon temps de la F1 !... À vrai dire, si Grosjean a épuisé son crédit depuis longtemps, Magnussen aurait pu tout à fait prétendre à une place dans une autre écurie, mais le nerf de la guerre lui fait défaut. « Je ne peux pas rester en F1 puisque je n'ai pas de gros sponsor derrière moi », admet-il en toute franchise.
Les séances libres permettent aux pilotes d'évaluer les pneumatiques proposés par Pirelli pour 2021, destinés à remplacer ceux actuellement utilisées, issus de la gamme 2019. Ce nouveau produit est la conséquence du report à 2022 de l'introduction des pneus de 18 pouces. Les gommes actuelles subissent en effet des charges pour lesquelles elles n'ont pas été conçues, d'où le besoin d'en élaborer de plus robustes. Afin de ne pas trop augmenter la pression, solution peu prisée par les pilotes, Pirelli a préféré renforcer la construction du pneu. Les Pirelli 2021 affichent ainsi trois kilogrammes de plus que leurs devanciers. Hélas, ils ne satisfont personne. « Mon Dieu, j'essaie de ne pas en dire trop de mal ! » soupire par exemple Lewis Hamilton. « Mon ressenti n'est pas bon et je préfère garder les anciens pneus, si c'est tout ce qu'ils ont en stock... » Son équipier Valtteri Bottas est à peine moins sévère: « La construction est plus rigide, ce qui devrait améliorer la fiabilité. C'est un bon point. Mais en ce qui concerne les performances, il n'y a pas une énorme différence. Le nouveau pneu semble un peu moins performant que celui utilisé cette année. » Ces commentaires ne troublent pas Mario Isola qui ne voit aucune raison de revoir sa copie: « Nous avons créé un pneu plus résistant, ce qui était l'objectif principal. Il y a toujours une sorte de réticence naturelle au changement en Formule 1. Je pense que cette nouvelle spécification représente une amélioration. Il n'y a aucune raison pour ne pas l'introduire l'année prochaine. Les pilotes roulent avec les mêmes enveloppes depuis deux saisons maintenant, ils ont appris à les apprivoiser et ne veulent pas les remplacer. Mais ces produits sont arrivés en fin de cycle. »
Côté technique, Renault éprouve à son tour un fond plat dessiné selon les normes qui entreront en vigueur en 2021, un test d'autant plus opportun qu'il pourra donc être effectué avec les nouveaux pneus Pirelli. Enfin, les pilotes d'essais reviennent pour la séance du vendredi après-midi: Robert Kubica saute dans l'Alfa Romeo de Kimi Räikkönen et Roy Nissany dans la Williams de George Russell.
Essais et qualifications
Après une série de courses disputées dans la fraîcheur de l'automne européen, les bolides retrouvent dans le Golfe persique des températures leur permettant de bien chauffer les gommes. Mais le circuit de Sakhir est, on le sait, situé en plein désert et donc balayé par les vents. Les pilotes redécouvrent donc une piste sale et très abrasive, et les gommes s'altèrent rapidement. Vendredi après-midi, les Mercedes dominent les débats en « collant » plus d'une demi-seconde à la concurrence, hégémonie qui se confirme lors de la deuxième session nocturne. Hamilton se montre à chaque fois plus rapide que Bottas. Deux drapeaux rouges interrompent la seconde séance: le premier est provoqué par Albon qui détruit sa Red Bull dans la dernière courbe, le second par... un chien qui court sur la piste. Effrayée par le bruit des monoplaces, la pauvre bête pourra néanmoins être récupérée avant de se faire écraser. Verstappen sort du bois samedi après-midi en réalisant le meilleur chrono de la dernière séance libre.
Néanmoins, les Mercedes sont intouchables lors des qualifications, et Hamilton réalise sans difficulté la 98ème pole position de sa longue carrière (1'27''264'''). Bottas (2ème) est repoussé à trois dixièmes sans jamais avoir menacé son équipier. Les Red Bull-Honda colonisent la seconde ligne, mais six dixièmes séparent une fois encore Verstappen (3ème) d'Albon (4ème). Pérez place sa Racing Point-BWT en cinquième position. Stroll (13ème) est en revanche éliminé en Q2 à cause d'un mauvais train de pneus médiums. Les Renault fonctionnent très bien à Sakhir et cette fois l'intervalle entre Ricciardo (6ème) et Ocon (7ème) est minime: deux millièmes ! Les AlphaTauri-Honda (Gasly 8ème, Kvyat 10ème) atteignent la Q3 et peuvent viser de gros points pour dimanche. Mauvais samedi pour McLaren: Norris (9ème) commet une erreur dans son ultime tour lancé et Sainz (15ème) provoque un drapeau rouge en Q2 en partant toupie suite à une rupture de freins. Les Ferrari (Vettel 11ème, Leclerc 12ème) souffrent de leur manque de puissance et sont éliminées dès la Q2. Leurs chronos sont d'ailleurs plus mauvais que ceux réalisés ici l'an passé: elles occupaient alors la première ligne... Encore une jolie performance de Russell (14ème) qui échoue à un dixième de la Q3 au volant d'une Williams plus rapide dans la fraîcheur nocturne. Latifi (20ème) concède près d'une seconde à son coéquipier qui aurait mis le doigt sur de meilleurs réglages. Chez Alfa Romeo, Giovinazzi (16ème) laisse Räikkönen (17ème) trois dixièmes derrière lui, un écart inusité entre ces deux pilotes. Enfin, Magnussen (18ème) et Grosjean (19ème) font de leur mieux au volant d'une Haas-Ferrari que le Genevois qualifie de « trapanelle »...
Le Grand Prix
La nuit est douce (25°C) sur Sakhir en ce dernier dimanche de novembre. L'usure des pneumatiques sera, on s'en doute, la clé de cette épreuve. La majorité des coureurs s'élance en pneus médiums (C3) dans le but d'effectuer un ou deux relais supplémentaires avec les pneus durs (C2) que personne n'a jusqu'ici testés. Seuls Leclerc, Grosjean et Latifi partent avec ces derniers tandis que Sainz aura les gommes tendres (C4).
Départ: Hamilton prend un excellent envol pendant que Bottas patine un peu et se fait dépasser par Verstappen, puis par Pérez. Au premier freinage, le Finlandais se fait également « avaler » par Albon et Ricciardo.
1er tour: Hamilton mène devant Verstappen et Pérez. Norris et Ocon entrent en contact en quittant l'enchaînement des virages n°2 et 3, ce qui crée la confusion dans le peloton à l'entame du bout droit qui conduit à l'épingle n°4. Vettel et Stroll se frottent également pendant que Räikkönen part au large. Arrive Grosjean qui est surpris par la faible allure de Magnussen, situé devant lui. Il braque à droite pour contourner son équipier sans apercevoir Kvyat, très mal parti et placé dans son angle mort. Le Russe harponne la roue arrière-gauche de Grosjean qui, déséquilibré, fonce vers le côté droit, là où le rail s'avance vers la piste pour délimiter une voie d'évacuation. La Haas heurte la glissière à plus de 200 km/h et se fend en deux sous la violence de l'impact: si la partie arrière demeure côté piste, la partie avant, avec la cellule de survie, transperce le rail et s'enflamme instantanément. Scène d'horreur.
La voiture médicale, qui suivait le peloton, s'immobilise instantanément sur les lieux du drame. Le Dr. Ian Roberts en sort alors qu'un pompier décharge le contenu de son extincteur sur la boule de flammes. Miraculeusement vivant, Grosjean se trouve dans son cockpit, coincé entre deux lattes de fer. Il parvient à s'extirper de la carcasse incandescente, enjambe le rail brûlant et en sort avec l'aide du Dr. Roberts. Le pilote de la voiture médicale, Alan Van der Merwe, l'arrose avec un extincteur, mais par bonheur le casque et la combinaison ignifugés ont rempli leur office et protégé le pilote français qui est demeuré vingt-huit secondes dans le brasier.
2e: Le drapeau rouge a évidemment immédiatement été brandi et les voitures regagnent la pit-lane. Pendant deux minutes interminables, les télévisions détournent le regard de la scène de l'accident, ce qui laisse augurer une tragédie. Puis soudain les téléspectateurs aperçoivent Grosjean assis dans la voiture médicale, blême de terreur mais bien vivant. Il est aussitôt pris en charge par l'équipe du Dr. Roberts. Le Français a les mains en sang et boitille du pied gauche. Il est délicatement placé sur une civière avant d'être héliporté vers l'hôpital militaire de Sakhir. Par bonheur, Guenther Steiner, le directeur du Haas F1 Team, annoncera bientôt que son pilote est tout à fait conscient et ne souffre que de brûlures superficielles.
Rassurés sur l'état de santé de leur camarade, les pilotes vont désormais patienter une heure et quart avant de repartir, car il faut bien sûr réparer les importants dégâts causés par cet accident. Une fois l'incendie circonscrit, les commissaires découvrent ce qui reste de la Haas n°8: la cellule de survie calcinée et fichée derrière le rail, à demi-couchée sur le flanc, ce qui a permis à Grosjean de s'en extraire. Le halo et l'arceau de sécurité ont par ailleurs ouvert un espace entre les lames de fer, sauvant ainsi le pilote de la décapitation. Un miracle.
Ce n'est donc qu'à 18 heures 45, une fois les glissières remises en état, que les pilotes ressortent des stands pour entamer un second tour de formation qui sera compté comme le deuxième du Grand Prix. Cette nouvelle grille se fonde sur la hiérarchie constatée au passage d'une ligne virtuelle de Safety Car (donc avant le drapeau rouge) et s'établit comme suit: Hamilton premier devant Verstappen, Pérez, Bottas, Albon, Ricciardo, Norris, Ocon, Gasly, Vettel, Stroll, Leclerc, Sainz, Giovinazzi, Kvyat, Räikkönen, Magnussen, Russell et Latifi. À signaler que Gasly, Vettel et Magnussen ont chaussé des pneus durs et Kvyat des pneus tendres.
Deuxième départ: Hamilton démarre de nouveau idéalement. Pérez se porte à la hauteur de Verstappen sans pouvoir le doubler au premier freinage. Bottas se défait d'Albon tandis que Leclerc prend un excellent départ et gagne trois places, quitte à bousculer son équipier Vettel.
3e: Bottas essaie en vain de dépasser Pérez au virage n°4. Plus loin, Kvyat tente de faire l'intérieur à Stroll dans le droit qui constitue le huitième virage. Le Russe se manque complétement et harponne la Racing Point qui décolle, pirouette et retombe sur le toit. Vettel donne un coup de frein pour éviter cet incident et se fait tamponner par Magnussen. La voiture de sécurité entre en piste pendant que Stroll s'extrait sans peine de sa monoplace plantée sur son arceau. Que d'émotions !
4e: Les pilotes se rangent derrière la Safety Car. Victime d'une crevaison lente, Bottas rejoint son stand pour prendre des pneus durs et dégringole au classement. Magnussen change aussi de roues après son contact avec Vettel. Quant à Kvyat, il poursuit malgré ses deux collisions avec Grosjean puis Stroll...
6e: Les commissaires retournent la Racing Point de Stroll qui sera ensuite évacuée par une grue. Hamilton mène devant Verstappen, Pérez, Albon, Norris, Ocon, Leclerc, Ricciardo, Gasly, Sainz, Kvyat, Räikkönen, Latifi, Russell, Vettel, Bottas, Giovinazzi et Magnussen.
8e: La piste est dégagée, la course va reprendre au passage de la ligne. Hamilton retient la meute en roulant au pas jusqu'au bout de la pénultième ligne droite. Il remet alors les gaz et sème facilement Verstappen.
9e: Le sport reprend enfin ses droits. Sainz double aussitôt Gasly. Leclerc tente en vain de faire l'intérieur à Ocon au premier virage. Ricciardo manque son freinage au virage n°11 et se fait dépasser par Sainz.
10e: Hamilton compte une seconde et demie d'avance sur Verstappen qui se plaint de vibrations sur son train avant. Bottas peine à se défaire de Vettel.
11e: L'usage du DRS est dorénavant autorisé. Hamilton devance Verstappen (1.5s.), Pérez (4.2s.), Albon (5.8s.), Norris (8.6s.), Ocon (9.8s.), Leclerc (11.1s.), Sainz (11.7s.) et Ricciardo (12.5s.).
12e: Sainz prend l'aspiration de Leclerc avant le virage Schumacher, se décale tardivement à l'intérieur et s'impose au freinage. Leclerc tente de répliquer avant le quatrième virage mais, en délicatesse avec ses gommes, il sous-vire et se fera bientôt doubler par Ricciardo. Vettel exécute un tête-à-queue et se retrouve bon dernier.
13e: Gasly prend la neuvième place à Leclerc qui tente ensuite de faire l'extérieur à son camarade, sans succès. Kvyat reçoit une pénalité de dix secondes pour avoir percuté Stroll au redémarrage.
14e: Hamilton mène devant Verstappen (2.4s.), Pérez (6.8s.), Albon (9.2s.), Norris (13.5s.), Ocon (15.3s.), Sainz (17.2s.), Ricciardo (19.2s.), Gasly (20.9s.), Leclerc (22.9s.), Kvyat (23.8s.) et Russell (26s.).
15e: L'avance de Hamilton sur Verstappen dépasse désormais les trois secondes. Räikkönen roule avec un aileron avant qui frotte le bitume par intermittence. Cela ne l'empêche pas de retenir Bottas qui le pourchasse pour le gain de la treizième position.
17e: Ricciardo stoppe en fin de tour chez Renault pour s'emparer de gommes dures et recule en queue de peloton.
18e: Ocon passe aux stands et, contrairement à son équipier, s'empare de pneus médiums. Kvyat fait halte chez AlphaTauri pour mettre des enveloppes blanches et subir sa punition. Räikkönen fait lui remplacer ses pneus et son aileron avant.
19e: Cinq secondes séparent Hamilton et Verstappen. Norris arrive chez McLaren pour prendre le composé médium. Il repart derrière Latifi dont il se défait aussitôt.
20e: Hamilton entre aux stands et s'empare de pneus jaunes (2.4s.). Albon exécute la même opération (2.1s.). Verstappen se retrouve premier, six secondes devant Pérez. Les Renault d'Ocon et Ricciardo se frayent un chemin dans le peloton. Elles ont doublé Vettel, Magnussen, Latifi et Giovinazzi.
21e: Verstappen s'arrête chez Red Bull et choisit de prendre les pneus durs, en espérant effectuer un second relais plus long que Hamilton. Pérez stoppe également et choisit ce même composé rigide. Arrêts pneus aussi pour Russell, Vettel et Giovinazzi.
22e: Hamilton a retrouvé les commandes de l'épreuve, cinq secondes devant Verstappen. Brièvement troisième, Sainz fait escale chez McLaren pour prendre des Pirelli blancs. Albon s'empare de la cinquième place aux dépens de Leclerc. Arrêt de Latifi.
23e: Verstappen attaque et reprend quelques dixièmes à Hamilton. Pérez chipe la troisième place à Gasly qui retarde son changement de pneus.
24e: Albon actionne son aileron arrière mobile pour dépasser Gasly avant le virage n°1. Leclerc passe chez Ferrari afin de prendre les gommes dures.
25e: Remonté au sixième rang, Bottas roule avec des pneus à la corde et doit ouvrir le passage à Norris. Derrière ce duo, les Renault sont menacées par l'autre McLaren, celle de Sainz.
26e: Verstappen évolue à quatre secondes de Hamilton. Pérez est troisième à dix-huit secondes. Sainz déborde Ricciardo par l'extérieur au virage n°4. Gasly et Bottas passent aux stands. Le premier prend les pneus durs, le second les médiums.
27e: Sainz dépasse Ocon au premier virage. Décidément, la McLaren traite mieux sa gomme que la Renault. Reparti en 13ème position, Bottas efface rapidement Russell puis Magnussen.
28e: Hamilton est premier devant Verstappen (4.4s.), Pérez (20s.), Albon (23.5s.), Norris (36s.), Sainz (41s.), Ocon (44s.), Ricciardo (45s.), Gasly (52s.), Leclerc (55s.) et Bottas (1m.). Deuxième arrêt pour Magnussen.
29e: Ocon s'efface devant son équipier Ricciardo, plus rapide. L'Australien peine cependant à garder le contact avec Sainz.
30e: Verstappen a beau se démener, il ne remonte plus sur Hamilton. Räikkönen bloque une roue au premier freinage et concède ainsi la 16ème place à... Vettel. Que sont les gloires d'antan devenues ?
32e: Les gommes arrière des monoplaces commencent à s'user: Hamilton se plaint ainsi de survirage. Bottas déborde Leclerc qui se débat avec une Ferrari aussi maniable qu'une savonnette.
33e: Hamilton devance Verstappen (5.8s.), Pérez (23s.), Albon (29s.), Norris (43s.), Sainz (46.4s.), Ricciardo (55s.), Ocon (59s.), Gasly (1m. 01s.), Bottas (1m. 03s.), Leclerc (1m. 06s.) et Russell (1m. 21s.).
35e: Verstappen s'arrête une seconde fois pour entamer un dernier relais en pneus durs. Hélas, un écrou de roue capricieux lui fait perdre un temps précieux et il ne remet les gaz qu'au bout de cinq secondes. Albon, Ocon et Kvyat passent aux stands pour remettre aussi les gommes dures.
36e: Hamilton apparaît chez Mercedes et prend les Pirelli blancs. Il ressort juste devant Pérez, et surtout trois secondes devant Verstappen... qui a ainsi peut-être perdu la victoire dans son arrêt raté !
37e: Pérez passe chez Racing Point pour changer ses enveloppes (2.7s.). Ricciardo fait escale chez Renault puis retrouve le circuit au niveau d'Ocon qui retarde au maximum sa décélération pour passer devant son équipier. Second pit-stop pour Latifi.
38e: Hamilton possède trois secondes et demie d'avance sur Verstappen. Reparti derrière Sainz, Pérez s'en débarrasse sans mal. Ricciardo trépigne en revanche derrière son compère Ocon. Après une première attaque manquée, il le dépasse avec autorité, par l'extérieur du quatrième virage.
39e: Norris et Bottas s'arrêtent aux stands pour prendre des pneus durs. Albon se défait de Sainz au virage Schumacher. L'Espagnol tente de contourner le Thaïlandais avant l'épingle, mais ce dernier le tasse sans ménagement vers l'extérieur. Sainz doit céder.
40e: Sainz s'empare à son tour des pneus durs et redémarre derrière Leclerc qu'il efface aussitôt. Changements de gommes aussi pour Russell et Vettel.
41e: Norris remonte sur Gasly qui n'a pas l'intention d'effectuer un second pit-stop. Leclerc chausse un nouveau train de gommes blanches et recule au douzième rang. Il doublera un tour plus tard Giovinazzi qui n'a stoppé qu'une fois. Arrêt aussi pour Räikkönen.
42e: Hamilton mène devant Verstappen (3.4s.), Pérez (29s.), Albon (32.3s.), Gasly (48.4s.), Norris (50.2s.), Sainz (1m.), Ricciardo (1m. 04s.), Ocon (1m. 07s.), Bottas (1m. 08s.), Leclerc (1m. 23s.) et Giovinazzi (1m. 25s.).
43e: Bottas dépasse Ocon au premier virage et recueille la neuvième place.
44e: Norris se défait sans peine de Gasly au virage n°4. Le Français entend aller au bout avec ses gommes dures usées.
46e: Hamilton jouit de cinq secondes de marge sur Verstappen. Ce dernier est rappelé à son stand en fin de tour pour effectuer un dernier relais en gommes médiums (2.3s.). Le Néerlandais reste second mais se retrouve dans le trafic.
48e: Verstappen s'adjuge le meilleur tour en course grâce à ses gommes neuves (1'32''014''').
49e: Hamilton précède Verstappen (26s.), Pérez (33s.), Albon (39s.), Norris (54s.), Gasly (1m.), Sainz (1m. 02s.), Ricciardo (1m. 07s.), Bottas (1m. 11s.), Ocon (1m. 18s.), Leclerc (1m. 28s.) et Kvyat (-1t.).
50e: Verstappen reprend une seconde par tour à Hamilton mais n'a aucun espoir de le rattraper. Sainz remonte peu à peu sur Gasly.
51e: Sainz déborde Gasly par l'extérieur en quittant l'enchaînement des virages n°2 et 3. Le voici sixième.
52e: À cinq tours du but, Hamilton devance Verstappen (21s.), Pérez (35s.), Albon (40s.), Norris (53s.), Sainz (1m. 02s.), Gasly (1m. 05s.), Ricciardo (1m. 07s.), Bottas (1m. 12s.), Ocon (1m. 21s.), Leclerc (-1t.) et Kvyat (-1t.).
53e: Gasly se débat avec des pneus à la corde. Ricciardo le rejoint assez aisément. Dans la même situation que le pilote AlphaTauri, Giovinazzi va lui se résoudre à changer de gommes.
54e: Une inquiétante fumée blanche s'échappe de la Racing Point de Pérez à l'entame de ce tour. Le Mexicain sent que son moteur est en train de lâcher, mais il poursuit malgré tout, jusqu'à l'explosion finale qui survient alors qu'il entame le bout droit de la mi-parcours. Pérez se range sur le bas-côté après avoir répandu de l'huile sur une bonne partie du tracé. Afin d'éteindre le début d'incendie, un commissaire imprudent traverse la piste quelques dizaines de mètres devant Norris qui, par chance, a le temps de freiner et de l'éviter. Un nouveau miracle...
55e: La voiture de sécurité intervient afin que la Racing Point de Pérez puisse être évacuée. Comme il ne reste que trois tours, la course va s'achever sous ce régime. Une chance pour Ricciardo dont le fond plat se désagrège: le tungstène racle le bitume et fait jaillir force étincelles.
57ème et dernier tour: La Safety Car regagne les stands et permet à Lewis Hamilton de couper en premier la ligne d'arrivée. C'est sa cinquième victoire de rang. Les Red Bull-Honda de Verstappen et d'Albon l'encadrent sur le podium. Norris, quatrième, et Sainz, cinquième, ramènent vingt-deux points très précieux à McLaren. Gasly décroche une belle sixième place après un second relais interminable. Ricciardo finit septième devant Bottas et Ocon. Leclerc empoche un petit point pour Ferrari. Viennent ensuite Kvyat, Russell, Vettel, Latifi, Räikkönen, Giovinazzi et Magnussen.
Après la course
Passée l'émotion du premier départ, Lewis Hamilton a connu une soirée assez tranquille, gérant au mieux la dégradation de ses pneumatiques pour maintenir Max Verstappen à distance et glaner une onzième victoire cette saison. « Je me suis bien élancé lors des deux lancements arrêtés, et après le second j'ai essayé de construire mon avance », explique-t-il. « Verstappen avait un bon rythme. Il a ensuite un peu flanché avec le deuxième train de gommes avant de revenir en fin de course. Je me suis alors contenté de préserver mes propres pneus pour maintenir une cadence soutenue. J'ai tout donné car je savais les Red Bull rapides, mais nous glissions beaucoup. En outre, Bahreïn est un circuit exigeant physiquement, même s'il fait plus doux qu'au printemps, période où l'on court généralement ici. » Mais, à l'instar de tous ses collègues, Hamilton fait part de son effroi et de son soulagement devant l'accident de Romain Grosjean. « Ce furent des images tellement choquantes... Il aurait pu se faire couper la tête... Je suis heureux que le halo ait fonctionné. Certes, on joue tous avec les limites, mais il ne faut jamais perdre de vue que nous pratiquons un sport dangereux. »
Red Bull a vécu un week-end satisfaisant puisqu'elle place ses deux voitures sur le podium, performance qu'elle n'avait pas réalisée à Bahreïn depuis 2013 ! Toutefois, Max Verstappen est mécontent de la stratégie adoptée par son équipe. « D'abord, nous aurions dû nous arrêter plus tôt lors du premier relais », grommelle-t-il. « Nous avons laissé Hamilton s'arrêter en premier, ce que je ne comprends pas, et il a gagné quelque chose comme deux secondes. Ensuite, il a fallu réduire l'écart avec ces pneus durs qui ont en fait plutôt bien fonctionné. J'ai réussi à reprendre une seconde et demie ou deux secondes, mais pas longtemps. Et puis il y a eu ce changement de pneus assez lent, suivi d'un autre dont je n'ai pas bien compris la finalité... Après un drapeau rouge et une voiture de sécurité, une stratégie à trois arrêts ne pouvait pas fonctionner. » Son collègue Alexander Albon est plus satisfait: grâce à ce second podium en 2020, il garde un petit espoir de conserver son baquet la saison prochaine.
Ce Grand Prix de Bahreïn a viré au cauchemar pour Racing Point: Lance Stroll a fini cul par-dessus tête et Sergio Pérez a été victime d'une panne de moteur alors qu'il détenait une solide troisième place et quinze points fort précieux pour le championnat des constructeurs. Otmar Szafnauer demeure longtemps prostré sur sa murette après une telle déception. Mais Pérez relativise sa déception au regard du drame qui a été évité de justesse ce soir-là: « Il serait indécent de me plaindre pour un souci électrique sur mon MGU-K après ce qu'a vécu Romain. L'important est qu'il soit encore parmi nous. ». Reste que McLaren, grâce à l'excellente course de Lando Norris et de Carlos Sainz Jr., est désormais solidement arrimée à la troisième place du championnat des constructeurs, avec 171 points contre 156 pour Racing Point-BWT. Renault (144 pts) demeure en embuscade au cinquième rang.
Grosjean le survivant
Transporté à l'hôpital militaire de Sakhir, Romain Grosjean donne de ses nouvelles dans la nuit du dimanche au lundi. Après s'être entretenu avec son épouse Marion et ses proches, il poste sur son compte Instagram une petite vidéo dans laquelle il rassure ses fans depuis son lit d'hôpital: il ne souffre que de quelques brûlures aux mains et d'une entorse au pied gauche. Ses poumons sont indemnes et, bien qu'il ait encaissé un choc de 53 G, il ne souffre d'aucune fracture. Le surlendemain, alors qu'il s'apprête à quitter l'hôpital, il se confie au journal de 13 heures de TF1: « Je n'ai pas perdu connaissance. Pour m'extraire du baquet, j'ai pu retirer ma ceinture, le volant n'était plus là, probablement envolé lors du choc. J'ai vu ma visière tout orange, les flammes autour de moi, et m'est venu à l'esprit l'accident de Niki Lauda. Je ne voulais pas finir comme ça. Je suis resté 28 secondes dans les flammes et cela m'a paru bien plus long. J'ai tenté trois fois de m'extraire du baquet... J'ai surtout eu peur pour mes proches, mes enfants en premier lieu, mais aussi mon père et ma mère, je n'avais pas vraiment peur pour moi. J'ai vu la mort arriver, je n'avais pas d'autre choix que de sortir de là. C'est le plus gros crash que j'ai vu de ma vie, avec la voiture qui prend feu, qui explose... Même à Hollywood, une telle chose n'existe pas. La batterie s'est enflammée, ce qui a rajouté énormément d'énergie dans l'impact. Bref je suis heureux d'être en vie ! » Et Grosjean trouve même le moyen de plaisanter en montrant ses mains bandées: « J'ai les gants de Mickey, mais ça va, ce n'est pas douloureux! »
Les images de son effroyable accident font le tour des télévisions et des réseaux sociaux, et glacent le sang de millions de curieux. En effet, sa survie tient du miracle: Grosjean aurait pu - au choix - périr décapité par le rail ou carbonisé. Comme il l'admet lui-même, le halo lui a sauvé la vie en absorbant le choc contre la glissière, protégeant ainsi sa tête d'un choc fatal. Mais encore fallait-il ensuite s'extirper du brasier, ce qu'il est parvenu à faire avec l'aide du médecin officiel Ian Roberts. « La puissance de l'extincteur amené par le pompier a pu repousser les flammes et ce n'est que quand Romain s'est dressé au-dessus de la barrière qu'on a réussi à l'extraire », raconte ce dernier. « On ne disposait pas de beaucoup de temps parce que les flammes revenaient rapidement. Je n'ai pas été blessé pendant le sauvetage, ma combinaison a seulement un peu fondu. » Le Dr. Roberts est trop modeste: il s'est quelque peu brûlé la face en aidant Grosjean à enjamber la glissière démantibulée. « Si les flammes étaient venues sur la piste, je n'aurais rien pu faire... Je n'ai jamais été confronté à un accident aussi grave depuis le début de ma carrière en F1 », frissonne-t-il
Romain Grosjean doit incontestablement la vie à la structure si particulière des Formules 1, bâties pour absorber des chocs insensés. La rupture en deux de la monoplace, si effrayante soit-elle, n'est pas le signe d'une quelconque défaillance de conception: l'important est que la cellule de survie, surmontée du halo, ait tenu le coup au point de traverser le rail sans se briser. Reste à comprendre pourquoi la monoplace a pris feu sous l'effet d'un choc: une première depuis le terrible crash de Gerhard Berger à Imola, en 1989, il y a plus de trente ans. Le réservoir d'essence a peut-être crevé, mais il semble que la coque entourant celui-ci a résisté. En tout cas, l'incendie a gagné la batterie, ce qui a généré cette effrayante boule de feu au milieu de laquelle Grosjean fut un temps prisonnier. La FIA diligente bien sûr une enquête pour éclaircir cette affaire.
Tony