Mateschitz va à Canossa
Faute de trouver un accord avec Ferrari et Honda, Red Bull n'a pas d'autre choix que de supplier Renault de lui fournir à nouveau ses moteurs en 2016. Une démarche humiliante pour l'équipe anglo-autrichienne qui n'a cessé d'éreinter le motoriste français devant la presse. Le 3 novembre encore, un de ses représentants écrit : « Renault n'est pas en mesure de développer un groupe propulseur fiable et performant. Après deux ans de développement, il a environ 80 chevaux de moins que le Mercedes et sa fiabilité est pitoyable. Au lieu de progresser après la saison 2014, Renault s'est retrouvée encore plus loin de Mercedes. »
Carlos Ghosn se veut magnanime mais pas idiot. Renault devrait à nouveau procurer des V6 à Red Bull Racing, mais ceux-ci pourraient être anonymes, ou prendre le nom d'Infiniti, sa filiale qui est déjà partenaire de l'écurie. En outre, ces moteurs coûteront plus cher. La décision finale appartient à Dietrich Mateschitz. On ignore encore si ces mesures drastiques s'appliqueront aussi à Toro Rosso. Selon certains journalistes, Bernie Ecclestone a servi d'entremetteur entre Mateschitz et Ghosn, invitant le dernier à la « générosité » en échange de substantiels avantages financiers pour la future écurie d'usine Renault.
Présentation de l'épreuve
Lewis Hamilton arrive à São Paulo avec un jour de retard, à cause d'une « maladie » nous disent dans un premier temps ses intimes. En fait de maladie, l'Anglais a semble-t-il un peu trop fêté son nouveau titre mondial et a été victime d'un accident de la circulation dans les rues de Monte-Carlo au volant de sa Pagani Zonda, la « super-car » du parfait m'as-tu-vu. Plus de peur que de mal heureusement pour Hamilton qui rejoint le Brésil avec la volonté d'en découdre à nouveau avec son équipier et rival Nico Rosberg.
Plus sérieusement, Mercedes essaie à Interlagos un nouveau « S-duct », autrement dit la bosse proéminente située devant le cockpit, au niveau des numéros de course. Ce procédé est censé dévier une portion du flux d'air au-dessus du museau mais il n'est pas utilisable en compétition pour le moment. L'équipe allemande veut surtout vérifier que le champ de vision des pilotes, déjà assez restreint, n'est pas gêné par cet appendice.
Disponible depuis le GP des États-Unis, la nouvelle version de moteur Renault sera enfin étrennée au Brésil par Red Bull. Daniel Ricciardo accepte cette mission ainsi que les dix places de pénalités qui vont avec. Le gain de puissance paraît néanmoins assez faible, de l'ordre d'un à deux dixièmes par tour selon le pilote australien.
Stoffel Vandoorne confirme qu'il se contentera d'un poste de pilotes d'essais chez McLaren en 2016. Kevin Magnussen n'est pas dans les mêmes dispositions et a rompu son contrat avec Woking pour retrouver sa liberté et partir en chasse d'un volant de titulaire. Pas sûr qu'il parvienne à ses fins...
Stephen Fitzpatrick poursuit la restructuration de Manor. Les départs de John Booth et de Graeme Lowdon sont confirmés. L'ancien directeur sportif de McLaren Dave Ryan est nommé « directeur des courses » de l'écurie avec effet immédiat. D'après certaines rumeurs, c'est Alexander Wurz qui devrait à terme en prendre la tête. Âgé de 41 ans, l'Autrichien vient d'annoncer qu'il mettait un terme à sa carrière en Endurance. Il demeure néanmoins pour le moment président du GPDA.
Essais et qualifications
Rosberg et Hamilton sont comme presque toujours les plus rapides lors des essais libres. Samedi après-midi, Rosberg décroche sa cinquième pole consécutive, soixante-dix-huit millièmes devant son équipier. Les Ferrari de Vettel et de Räikkönen occupent la seconde ligne. Hülkenberg est un excellent cinquième tandis que son équipier Pérez n'est qu'onzième. Kvyat se classe sixième pendant que Ricciardo, neuvième chrono, recule comme prévu de dix rangs. Initialement quatrième, Bottas perd trois places pour avoir dépassé Nasr sous drapeau rouge lors des essais du vendredi. Il partage la quatrième ligne avec son équipier Massa. Le rang suivant est occupé par les deux Toro Rosso, Verstappen devant Sainz.
Les Sauber-Ferrari se montrent plutôt performantes (Ericsson 12ème, Nasr 13ème mais pénalisé pour avoir gêné Massa en qualifications), au contraire des Lotus-Mercedes (Grosjean 14ème, Maldonado 15ème). Les problèmes de fiabilité ne sont toujours pas résolus chez McLaren : si Button (16ème) est épargné, Alonso a été victime d'une nouvelle panne de moteur en Q3. Il partira dernier muni de son... douzième moteur Honda de la saison ! Enfin, les Manor se placent en avant-dernière ligne, et Rossi devance une nouvelle fois Stevens.
Le Grand Prix
Lors de la parade officielle, les pilotes arborent des brassards noirs à leurs bras en hommage aux victimes des attentats qui ont touché Paris le vendredi 13 novembre. Sur la grille, avant l'exécution de l'hymne brésilien, Jean Todt organise la tenue d'une minute de silence en hommage aux victimes des accidents de la route, mais Romain Grosjean impose la présence d'un drapeau français.
Sainz est victime d'un problème électronique lors de son tour d'installation et s'élancera depuis les stands. Tout le monde part équipé de pneus tendres, exceptés Maldonado et Sainz qui ont des Pirelli médiums.
Départ : Rosberg réalise un envol parfait et contient Hamilton qui essaie de le déborder par la gauche puis par la droite, sans succès. Suivent les deux Ferrari et Bottas qui a très bien démarré. Alonso emprunte le dégagement au premier freinage.
1er tour : Quelques bagarres ont lieu à l'abord de Subida do Lago. Alonso et Ericsson doivent passer par l'échappatoire. Parti des stands, Sainz s'arrête avant Ferradura, son moteur étant dépourvu d'énergie. Rosberg mène devant Hamilton, Vettel, Räikkönen, Bottas, Kvyat, Hülkenberg, Massa, Pérez et Verstappen.
2e : Les drapeaux jaunes sont agités entre Subida do Lago et Ferradura pour permettre aux commissaires de ranger la Toro Rosso de Sainz.
3e : Rosberg précède Hamilton (0.7s.), Vettel (2.5s.), Räikkönen (3.5s.) et Bottas (6.1s.). Ricciardo arrive au stand Red Bull pour déjà abandonner les pneus tendres.
4e : Grosjean et Nasr se battent pour la onzième place. Le Français s'impose face au Brésilien.
5e : Rosberg mène devant Hamilton (1.2s.), Vettel (3.3s.), Räikkönen (4.7s.), Bottas (7.8s.), Kvyat (9.7s.), Hülkenberg (10.7s.), Massa (12.5s.), Pérez (13.6s.), Verstappen (14.1s.) et Grosjean (15.6s.).
7e : Pérez, Verstappen et Grosjean sont roues dans roues, en lutte pour la neuvième position.
9e : Une seconde et demie sépare les deux Mercedes. Le trio emmené par Pérez rejoint Massa qui n'est pas du tout content du comportement de sa voiture.
10e : Hülkenberg inaugure la première salve d'arrêts et chausse des pneus médiums.
11e : Kvyat, Massa, Pérez et Grosjean arrivent aux stands pour changer leurs pneus. Kvyat ressort des stands au niveau de Hülkenberg qui s'impose à Subida do Lago.
12e : Arrêts de Bottas et de Verstappen. Tous deux chaussent des gommes médiums.
13e : Räikkönen, Ericsson, Alonso et Button changent leurs pneus. Cela laisse Nasr au quatrième rang provisoire.
14e : Rosberg arrive chez Mercedes pour chausser des pneus médiums et abandonne le commandement à Hamilton. L'arrêt est un peu longuet (4.4s.). L'Allemand est imité par Vettel (2.7s.) qui repart devant son équipier. Bottas prend la sixième place à Maldonado qui applique une stratégie décalée puisqu'il roule avec les médiums depuis le départ.
15e : Hamilton stoppe chez Mercedes et chausse lui aussi les gommes médiums (3.6s.). Il redémarre derrière son coéquipier. Nasr change ses pneus et chute au quinzième rang. Retarder son arrêt ne lui aura été d'aucun bénéfice, tout au contraire.
16e : Rosberg mène devant Hamilton (1.1s.), Vettel (5.4s.), Räikkönen (11.1s.), Bottas (18.6s.), Maldonado (22.5s.), Hülkenberg (23.2s.), Kvyat (25.1s.), Massa (26.6s.), Pérez (30.2s.), Verstappen (30.8s.) et Grosjean (32.1s.).
18e : Hülkenberg se débarrasse de Maldonado.
19e : Rosberg manque son freinage à l'entrée du S. Hamilton se rapproche à une demi-seconde.
20e : Rosberg précède Hamilton (0.9s.), Vettel (7s.), Räikkönen (14.1s.), Bottas (23.5s.), Hülkenberg (27.8s.), Maldonado (31.2s.), Kvyat (31.8s.) et Massa (32.5s.).
22e : Hamilton est dans les échappements de Rosberg mais ne trouve aucune ouverture. Kvyat puis Massa doublent Maldonado dont les pneus sont usés. Nasr déborde Button au premier virage dans un dépassement osé par l'intérieur.
24e : Hamilton se rapproche encore un peu plus de Rosberg. Mais il abîme ses pneus en restant ainsi derrière son équipier sans pouvoir le doubler.
25e : Maldonado s'arrête chez Lotus pour changer ses gommes. Il repart en dix-septième position.
26e : Hamilton lâche prise derrière Rosberg pour ménager sa monture et ses pneus. Pérez, Verstappen et Grosjean sont à nouveau regroupés.
28e : Hamilton concède maintenant deux secondes à Rosberg.
29e : Ricciardo passe pour la seconde fois par les stands pour changer de pneus. Il était remonté en treizième position.
30e : Rosberg est leader devant Hamilton (2.9s.), Vettel (9.5s.), Räikkönen (20.2s.), Bottas (36s.), Hülkenberg (42.7s.), Kvyat (45.6s.), Massa (47.1s.), Pérez (53.1s.), Verstappen (53.6s.) et Grosjean (54.7s.).
32e : L'intervalle entre Rosberg et Hamilton dépasse les trois secondes. Verstappen attaque Pérez par l'extérieur au premier freinage. Devant la résistance du Mexicain, il le déborde par la droite dans le S de Senna, tout en mordant sur le vibreur. Pérez doit donner un coup de volant à gauche pour éviter la collision. Grosjean saisit l'opportunité pour dépasser la Force India quelques mètres plus loin.
33e : Vettel s'arrête chez Ferrari pour mettre des pneus tendres et redémarre en quatrième position. Maldonado attaque Ericsson au premier virage mais touche la roue arrière-gauche du Suédois qui part en tête-à-queue. Ericsson peut reprendre la route mais a perdu quelques places.
34e : Rosberg observe son second changement de pneus (2.4s.). Il conserve des pneus médiums et cède la première place à Hamilton. Pérez s'arrête aussi aux stands.
35e : Hamilton s'immobilise chez Mercedes pour chausser des pneus médiums (2.4s.). Malheureusement pour lui, il retrouve le circuit derrière Räikkönen. Il le double néanmoins en fin de tour. Arrêt de Hülkenberg.
36e : Verstappen et Grosjean sont aux stands pour mettre des gommes neuves.
37e : Rosberg mène devant Hamilton (3.1s.), Räikkönen (5.8s.), Vettel (8.9s.), Bottas (24.6s.), Kvyat (36.9s.), Massa (39.6s.) et Hülkenberg (56.6s.). Maldonado prend la neuvième place à Nasr et Grosjean passe devant Pérez.
39e : Changements de pneus pour Massa et Nasr qui repartent respectivement aux neuvième et seizième rangs.
40e : Räikkönen laisse passer son équipier Vettel. Kvyat observe son second arrêt et repart derrière Hülkenberg et Maldonado. Ce dernier reçoit une pénalité de cinq secondes pour avoir percuté Ericsson. Grosjean double Verstappen.
41e : Rosberg précède Hamilton (2.6s.), Vettel (9.4s.), Räikkönen (13.5s.), Bottas (34s.), Hülkenberg (1m. 05s.), Maldonado (1m. 06s.), Kvyat (1m. 07s.), Massa (1m. 10s.), Grosjean (1m. 14s.) et Verstappen (1m. 15s.). Les autres coureurs ont concédé au moins un tour aux Mercedes.
42e : Bottas effectue son second changement de pneus (3.9s.). Kvyat dépasse Maldonado au premier virage.
44e : Hamilton ne paraît en mesure de menacer Rosberg : l'écart entre eux s'élève à plus de trois secondes.
45e : Massa dépasse Maldonado avant que celui-ci ne s'arrête chez Lotus pour changer de pneus et subir sa pénalité.
47e : Räikkönen change pour la deuxième et dernière fois de pneus et redémarre sans avoir perdu sa quatrième position.
48e : Vettel arrive chez Ferrari pour mettre des pneus médiums en trois secondes. Il demeure troisième. En fin de boucle, Rosberg apparaît dans la voie des stands.
49e : Rosberg chausse un troisième train de pneus médiums (2.6s.). Cela n'était pas prévu car à l'origine Mercedes n'avait envisagé que trois relais pour ses pilotes. L'usure excessive des Pirelli lors du second relais a bouleversé ce plan. Ricciardo prend la onzième place à Pérez.
50e : Après deux tours passés en tête, Hamilton stoppe lui aussi chez Mercedes (2.4s.). Il repart deux secondes derrière son équipier.
51e : Hamilton réalise le meilleur tour de la course : 1'14''832'''.
52e : Rosberg est premier devant Hamilton (1.2s.), Vettel (13.7s.), Räikkönen (26.9s.), Bottas (47.7s.), Hülkenberg (58.9s.), Kvyat (1m.), Massa (1m. 03s.), Grosjean (1m. 11s.) et Verstappen (1m. 14s.). Troisième arrêt de Pérez.
53e : Hamilton tente de se rapprocher de Rosberg mais est gêné par Verstappen en lui prenant un tour.
54e : Hamilton perd cette fois-ci du temps derrière Grosjean. Il doit monter sur ses freins pour le dépasser à Cotovelo. Verstappen et Ricciardo changent de pneus.
55e : Arrêt de Grosjean qui repart en onzième position derrière Nasr et Maldonado.
56e : Massa change ses pneus sans perdre une place.
57e : Maldonado double Nasr au premier virage. Il est bientôt imité par Grosjean.
58e : Une seconde et demie sépare Rosberg et Hamilton.
59e : Grosjean s'impose face à son équipier Maldonado pendant que Verstappen déborde Nasr.
60e : Ralenti par ses pneus usés, Nasr doit laisser passer Pérez et Ricciardo.
62e : Rosberg a deux secondes de marge sur Hamilton, quinze secondes sur Vettel.
64e : Rosberg précède Hamilton (2s.), Vettel (15.1s.), Räikkönen (39.8s.), Bottas (1m. 04s.), Hülkenberg (1m. 21s.), Kvyat (1m. 22s.), Massa (-1t.), Grosjean (-1t.), Maldonado (-1t.) et Verstappen (-1t.).
66e : Kvyat menace Hülkenberg tandis que Verstappen est à l'affût derrière Maldonado.
67e : Ricciardo prend la douzième place à Pérez.
68e : Les pneus de Hamilton sont usés. L'Anglais concède maintenant cinq secondes à Rosberg. Verstappen déborde Maldonado à l'entrée du S de Senna.
70e : Sept secondes entre les deux leaders. Rosberg prend un tour à Bottas.
71ème et dernier tour : Nico Rosberg remporte sa cinquième victoire de la saison devant Hamilton et les Ferrari de Vettel et de Räikkönen. Personne d'autre ne finit dans le même tour que le vainqueur. Bottas termine cinquième devant Hülkenberg et Kvyat. Massa est seulement huitième après une course décevante. Grosjean termine neuvième et Verstappen prend le dernier point. Maldonado, Ricciardo, Pérez, Nasr, Button, Alonso, Ericsson, Stevens et Rossi rallient aussi l'arrivée.
Felipe Massa est disqualifié trois heures après l'arrivée car la température de son pneu arrière-droit était trop élevée sur la grille de départ (137°C contre 110 autorisés). Cela permet à Pastor Maldonado d'inscrire un point. Néanmoins l'équipe Williams affirme que les données de la FIA sont erronées et annonce son intention de faire appel devant la FIA.
Après la course
La cérémonie du podium se déroule dans une atmosphère très morose, nonobstant les supporteurs brésiliens qui chantent le nom d'Ayrton Senna. La proximité des attentats de Paris explique cette retenue, mais on remarque aussi que Nico Rosberg et Lewis Hamilton s'évitent soigneusement.
Et de fait, les deux hommes échangent peu après des propos très aigres. Rosberg accuse Hamilton d'avoir, par son attaque excessive au cours du second relais, contraint Mercedes à mettre sur pied un changement de pneus supplémentaire pour chacun d'eux: « Lewis a jugé bon d'attaquer à fond sur ses pneus. Nous étions alors partis pour une stratégie à deux arrêts. Mais Lewis a détruit ses pneus en pilotant ainsi. [...] Évidemment, j'ai dû attaquer moi aussi pour rester devant. Cela nous a forcé tous les deux à faire trois arrêts parce qu'il n'avait plus de gomme. Il faut savoir gérer son rythme pour que les pneus tiennent. » Hamilton n'est évidemment pas d'accord : « Contrairement à ce que Nico dit, à un moment j'étais vraiment juste derrière lui. Mais ce n'est pas possible de dépasser ici avec deux voitures identiques. Je ne pouvais pas me rapprocher davantage à cause des perturbations aérodynamiques. J'ai signé le meilleur tour, cela prouve que j'avais le rythme pour gagner. Mes pneus ? Je les ai tués à force de le suivre, pas parce que j'attaquais trop. » Cela ne convainc pas Rosberg : « Lewis est un pilote intelligent. Il trouve toujours de bons arguments quand il en a besoin ! Il se cherche des excuses... »
Toto Wolff et Niki Lauda se contentent de déclarer que ce ne sont pas les pilotes qui décident de la stratégie et que Rosberg a fort bien piloté. Visiblement, ils ne cherchent plus à réconcilier leurs deux pilotes mais simplement à éviter les heurts...
Cette victoire permet à Rosberg de s'assurer de la deuxième place du championnat du monde puisqu'il compte trente-et-un points d'avance sur Vettel. Au classement des constructeurs, Force India acquiert la cinquième place devant Lotus.
Tony