Modifications réglementaires
Le règlement technique ne subit que quelques modifications de détails entre 1999 et 2000. Elles concernent principalement la sécurité, avec un crash-test encore plus draconien, éprouvant la surface de contact d'une roue détachée avec la cellule de survie. En outre, chaque voiture doit désormais être équipée d'une « boîte noire » pour toute séance d'essais concernant plus d'un concurrent. Les modalités d'extraction du cockpit en cas d'accident sont redéfinies, tout comme les dimensions de l'appui-tête. Enfin, en cas de pluie, le directeur de course peut désormais contraindre à l'arrêt une voiture dont le feu arrière rouge ne fonctionnerait pas.
D'autre part, la définition de la carrosserie face au sol (article 3.12) est précisée suite à l'imbroglio autour des déflecteurs des Ferrari lors du précédent GP de Malaisie. Les fixations du patin sous les bolides sont plus strictement surveillées: il est désormais explicitement interdit d'y placer du lest, comme l'avait fait Stewart lors du GP d'Espagne 1999. Les dispositifs récupérateurs d'énergie (notamment au freinage) sont réduits au strict minimum. Une F1 ne peut désormais collecter que 300 kilojoules. Cette mesure vise directement McLaren qui travaille depuis 1998 sur un redistributeur d'énergie cinétique. Enfin, la FIA encadre encore un peu plus l'utilisation des logiciels embarqués afin de pouvoir les analyser à tout moment sans que les écuries puissent les reprogrammer à son insu.
Sur le plan sportif, dans le cas où un Grand Prix serait interrompu avant que ne soit accomplie 75 % de la distance prévue, la FIA supprime le classement par additions des temps des deux manches. La première partie sera désormais considérée comme nulle et non avenue et la course relancée pour une distance réduite, ce qui pourrait donner lieu à des Grands Prix très courts. En ce qui concerne le tour de formation, un concurrent attardé pourra désormais regagner sa position sur la grille jusqu'à ce que le poleman soit arrêté à son emplacement. L vitesse maximale dans les stands ne devra plus excéder 60 km/h aux essais et 80 km/h lors du warm-up et en course. La tolérance jusqu'à 120 km/h qui avait cours sur certains circuits est supprimée. Enfin, dans un souci d'économies, les essais privés sont interdits entre le dernier Grand Prix de la saison et le 31 décembre de l'année en cours.
Présentation des écuries
En 1999, Ferrari a remporté son premier titre mondial des constructeurs depuis 1983 mais a échoué à conquérir la couronne des pilotes après laquelle elle court depuis 1979. Pour 2000, l'objectif est de triompher cette fois sur les deux tableaux. Michael Schumacher, revenu en pleine forme après son accident de Silverstone, veut absolument ramener les lauriers à Maranello. Le double champion du monde dispute déjà sa cinquième saison en rouge et doit maintenant récolter les fruits de son labeur. Son nouvel équipier est Rubens Barrichello qui accède enfin à une équipe de pointe pour sa huitième année en F1. Le Brésilien de 28 ans bénéficie d'un statut de « n°1 bis » plus ou moins fictif. Son objectif est surtout de remporter enfin son premier Grand Prix et titiller au maximum un Schumacher a priori imbattable. La F1-2000, étudiée dans la nouvelle soufflerie de Maranello, découle de la F399 mais possède un nez surélevé, des pontons arrondis et un centre de gravité abaissé, une constante sur toutes les voitures de l'an 2000 grâce aux nouveaux V10 ultra-compacts. Celui flanqué du Cheval cabré, le Typo 049, est beaucoup plus léger (100 kg), possède un angle très élargi (de 80 à 90°) et délivre 815 chevaux. L'ensemble sera sans nul doute très compétitif mais, dévoilé très tard durant l'intersaison, il laisse planer quelques doutes sur sa fiabilité.
L'année précédente fut amère pour McLaren-Mercedes qui bénéficiait indéniablement de la voiture la plus rapide mais a laissé filer le titre des constructeurs à cause de sérieux problèmes de fiabilité et des bévues commises par les pilotes. Par bonheur, la couronne des pilotes conquise in extremis par Mika Häkkinen a sauvé la mise. Mais McLaren doit faire mieux en 2000. Adrian Newey s'est retroussé les manches, et si la MP4/15 ressemble comme une sœur à la MP4/14, de nombreux détails ont été corrigés par le travail en soufflerie. La grande nouveauté est le V10 Mercedes FO110J délivrant entre 815 et 820 chevaux. Ce moteur se singularise par un curieux son suraigu produit par une tubulure en colimaçon. La MP4/15 est aussi dotée d'une boîte de vitesses inédite développée en collaboration avec Mercedes. Grâce à ces nouveau composants, Newey a pu abaisser le centre de gravité de la monoplace de... 4 mm. Côté pilotes, Mika Häkkinen se dit prêt à un combat des titans contre Schumacher afin de conquérir sa troisième couronne consécutive, un exploit jamais réalisé depuis Juan Manuel Fangio. Quant à David Coulthard, il souhaite faire oublier sa très mauvaise saison 1999 et - qui sait ? - se mêler le cas échéant à la lutte pour le titre. Olivier Panis se chargera pour sa part d'une partie des essais privés afin d'alléger quelques peu le travail des titulaires.
Jordan a connu une saison 1999 de rêve, avec deux victoires et la troisième place au championnat des constructeurs. Les Jaunes semblent sur le point de prendre place parmi les « top teams ». Pour 2000, ils bénéficient d'un budget de 100 millions de dollars renforcé par la Deutsche Post (séduite par Heinz-Harald Frentzen) et une rallonge du fonds d'investissement Warburg Pincus. Avec cette manne, Eddie Jordan a recruté des aérodynamiciens pour encadrer Mike Gascoyne et produire l'EJ10 (baptisée ainsi pour fêter la 10ème saison de l'écurie en F1). Celle-ci est plus légère que sa devancière et plus basse grâce au nouveau vilebrequin du V10 Mugen-Honda. Ce moteur suscite quelques interrogations. Jordan a repoussé le V10 Honda flambant neuf pour se contenter de ce Mugen, certes évolué, mais qui appartient à l'ancienne génération des moteurs de F1. Le jovial Irlandais assume ce pari risqué. Après avoir fini sur le podium du championnat 1999, Heinz-Harald Frentzen, en pleine confiance, espère se mêler cette année à la lutte pour la couronne mondiale. A ses côtés, le jeune Jarno Trulli bénéficie enfin d'une voiture pour exprimer son indéniable talent et souhaite inscrire beaucoup de points, voire remporter une victoire.
En 1999, Ford a racheté l'équipe Stewart GP pour la transformer en Jaguar Racing. C'est l'aboutissement d'un projet de longue haleine. Les Stewart père et fils furent en quelques sortes les « éclaireurs » destinés à ouvrir la voie à une écurie d'usine du géant américain. A priori, ce rachat s'effectue au meilleur moment possible puisque Stewart a achevé la saison 99 avec une victoire et la quatrième place des constructeurs. Afin de braquer les projecteurs sur une de ses prestigieuses filiales, Ford rebaptise l'équipe Jaguar, bien que cette marque n'ait aucun passé en F1. Si Paul Stewart demeure directeur et conserve son bras droit David Stubbs, il dépend désormais du directeur général Neil Ressler et surtout de Wolfgang Reitzle, le patron des marques de luxe du groupe Ford. Ce dernier dévoile son souhait de voir Jaguar devenir « un Ferrari anglais ». Gary Anderson (ex-Jordan), engagé comme directeur technique, a dessiné la R1, parée d'une belle robe « British Racing Green ». C'est une évolution soignée de la Stewart SF-03, abaissée grâce au nouveau V10 Ford-Cosworth CR-2. Quelques semaines après avoir frôlé le titre mondial avec Ferrari, Eddie Irvine endosse le costume de leader de la nouvelle écurie, nanti d'un faramineux salaire de 10 millions de dollars. Le vibrionnant Irlandais du Nord sera-t-il à la hauteur de son nouveau statut ? A ses côtés, le sympathique Johnny Herbert paraît revigoré après sa victoire au Nürburgring en septembre dernier: il a constamment dominé Irvine lors des essais hivernaux...
Williams entame une nouvelle ère avec son partenariat avec BMW dont elle devient l'équipe semi-officielle. Le constructeur bavarois affiche des ambitions modestes pour son grand retour en F1. Gerhard Berger, président de BMW Motorsport, affirme ne pas viser le titre mondial avant 2002. Le tout nouveau V10 E41, quoique puissant (800 chevaux), paraît bien lourd et n'a pas fait preuve de robustesse lors des essais hivernaux. Gavin Fisher et Geoff Willis ont dessiné la FW22, une évolution de la FW21 gommant certains défauts aérodynamiques, particulièrement pénalisant sur les tracés rapides. Cette élégante monoplace arbore une nouvelle livrée blanche et bleue qui rappelle bien sûr les couleurs de BMW. Très performant en 1999, Ralf Schumacher sera le nouveau leader de l'alliance Williams-BMW, une lourde charge pour ce jeune pilote de 24 ans qui apparaît néanmoins plus ouvert et sympathique que par le passé. Mais tous les regards sont tournés vers son nouvel équipier, Jenson Button, âgé de tout juste 20 ans. Ce jeune Anglais a pour toute expérience deux saisons en automobile, en F. Ford et en F3 britannique, et certains sceptiques se demandent quelle mouche a piqué Frank Williams pour recruter un pur néophyte. Mais Button a fait très forte impression en 1999 lors des essais privés qu'il a menés avec Prost GP, puis avec Williams lors d'un test comparatif avec Bruno Junqueira. Aussi certains lui prédisent au contraire un brillant avenir.
Benetton ne cesse de poursuivre sa lente dégringolade. Annoncée comme la monoplace du renouveau, la B199 et son fameux système révolutionnaire FTT ont été un fiasco complet. L'écurie italo-anglaise a achevé la saison 1999 sixième du championnat des constructeurs, avec 16 points, le pire résultat de son histoire. En conséquence, Rocco Benetton a viré l'aérodynamicien Nick Wirth, remplacé par Tim Densham, un ancien de Lotus, Tyrrell et Honda. Sous la houlette de Pat Symonds, celui-ci a dessiné une B200 beaucoup plus simple que sa devancière et dotée du nouveau V10 Supertec qui offre 30 chevaux supplémentaires. Derrière le volant, on retrouve de nouveau Giancarlo Fisichella, éternel espoir qui commence à s'impatienter des déboires de son écurie, et Alexander Wurz qui doit absolument remonter la pente après une saison 99 fort médiocre. En outre, le directeur sportif « historique » Joan Villadelprat a été renvoyé. Mais l'important se déroule en coulisses. La famille Benetton négocie la vente de son écurie à Renault qui prépare son retour officiel en Formule 1 pour 2002. L'an 2000 ne devrait donc être que le début d'une transition pour le team d'Enstone.
2000 sera une année charnière pour Prost GP qui entame sa dernière saison de collaboration avec Peugeot et ne sait toujours pas si celle-ci sera prolongée. L'absence de Frédéric Saint-Geours lors du lancement de la nouvelle voiture à Barcelone inquiète beaucoup Alain Prost. Celui-ci a pourtant proposé au Lion de prendre des parts substantielles de l'écurie. En vain. Peugeot ne semble intéressée que par son retour officiel en rallye. Pourtant, l'AP03 dessinée par Alan Jenkins paraît prometteuse. Inspirée de la McLaren MP4/14, c'est une toute nouvelle monoplace, affinée, allégée, abaissée, dotée d'un museau extra-plat, de suspensions arrière en matériau composite, et enfin du nouveau moteur Peugeot A20 offrant 800 chevaux. Les sponsors sont nombreux (LVMH, Gauloises, Total, Bic, Sodehxo, PlayStation, Yahoo...) et l'encadrement renforcé par l'arrivée de John Walton (ex-Arrows) comme directeur sportif. En outre, Prost peut compter derrière le volant sur son ami Jean Alesi (36 ans) qui apporte sa fougue et son expérience, ainsi que sur le jeune prodige allemand Nick Heidfeld (23 ans), dit « Computer Kid », champion en titre de F3000. Lors des essais hivernaux, l'AP03 a signé de bons chronos. Petit problème: elle a aussi été incapable de couvrir la distance d'un Grand Prix...
1999 fut la pire saison de l'écurie Sauber (8e place du championnat des constructeurs, 5 points inscrits). Le principal défaut de la C18 était une transmission « maison » mal adaptée au V10 Ferrari-Petronas et beaucoup trop fragile. La nouvelle C19 conçue par Leo Ress, Sergio Rinland et Seamus Mullarkey ne réédite pas cette erreur. Le V10 Ferrari 048 (version fin 99) est associé à une boîte de vitesses et une gestion électronique made in Maranello. Amaigrie de 40 kg, la monoplace suisse affiche en outre quelques parentés avec la Ferrari F399. Un hasard ? Peter Sauber opère aussi un renouveau des cadres en recrutant Jacky Eeckelaert, transfuge de Prost GP, au poste de directeur d'essais et de développement. Côté pilotes, le sympathique Pedro Diniz retrouve Mika Salo qu'il avait coudoyé chez Arrows voilà deux ans. Le Finlandais de 34 ans a montré en 1999 chez Ferrari ce qu'il savait faire au volant d'une voiture compétitive et sera sans nul doute un bon successeur à Jean Alesi. Le Brésilien Enrique Bernoldi, parrainé par Red Bull, sera réserviste et essayeur.
Arrows a vécu une saison 1999 calamiteuse à cause du Prince Malik, faux investisseur et véritable escroc qui a laissé l'équipe au bord de la faillite. Du reste, faute d'investissements, l'A20 n'a pas être développée. Mais Tom Walkinshaw aborde 2000 avec confiance. D'abord, il restructure son équipe en nommant un nouveau directeur sportif, Steve Nielsen, transfuge de Honda. Puis, il renfloue ses caisses par un juteux contrat avec l'opérateur français de télécommunications Orange, d'où une nouvelle livrée parée de la couleur éponyme. Surtout, Mike Coughlan et ses nouveaux adjoints, les aérodynamiciens John Davis et Eghbal Hamidy, ont conçu une A21 inédite, plus légère, plus basse, en un mot beaucoup plus moderne que sa devancière. Elle est propulsée par un V10 Supertec tout neuf, nettement plus puissant que le Hart « maison », remisé au grenier. Pedro de la Rosa, auteur d'une première saison fort correcte en 1999, reste au volant. Son équipier sera Jos Verstappen qui a chipé grâce à ses sponsors le baquet de Tora Takagi. Le Néerlandais, aussi rapide que fantasque, revient chez Arrows quatre ans après une première expérience décevante. L'Australien Mark Webber sera réserviste et pilotera pour le « junior team » d'Arrows en F3000.
Minardi a enfin inscrit un point en 1999 (grâce à Marc Gené au GP d'Europe) et nourrit quelques ambitions pour l'an 2000. Certes, le projet de rachat par Telefónica ne s'est pas concrétisé, même le leader espagnol des télécommunications demeure le sponsor-titre de l'écurie. Gustav Brunner est fier de la nouvelle M02 conçue avec l'aide de la soufflerie de Fondmetal Technologies, la firme de Gabriele Rumi. Cette monoplace à robe jaune pâle paraît soignée et a créé la surprise en signant de bons chronos lors des derniers essais hivernaux. Le hic sera sa motorisation déficiente. Après avoir lorgné sur le Ford-Cosworth CR1 qui équipait les Stewart, sur le Supertec, voire sur le Hart, Minardi se contente finalement du Cosworth Zetec-R vieux de deux ans, rebaptisé Fondmetal, lequel rend au moins 80 chevaux à tous les autres moteurs. Au moins Rumi a-t-il pu engager quelques ingénieurs pour entretenir et développer ce bloc en cours de saison. L'Espagnol Marc Gené est désormais le premier pilote de l'écurie après une première saison plutôt satisfaisante. A ses côtés, le débutant argentin Gastón Mazzacane doit cette position à ses sponsors Telefónica et Panamerican Sports Network (PSN): cet ancien champion de F3 sud-américaine n'a inscrit que deux points en quatre saisons de F3000...
Début 1999, Craig Pollock et Adrian Reynard proclamaient que leur nouvelle écurie BAR pourrait triompher dès sa première saison. On connaît la suite: une voiture ratée, fragile comme du verre, un management déficient et au final un zéro pointé. Sans compter des difficultés financières dues à un modèle économique mal fagoté. Au cours de l'hiver, BAT a tapé du poing sur la table et contraint Pollock et Reynard, en bisbille, à se réconcilier. Un nouveau président, Don Brown, a été nommé pour chapeauter les deux partenaires. Après des débuts aussi cataclysmiques, tout ne peut qu'aller en mieux en 2000. Et Pollock targue de son contrat d'exclusivité avec Honda qui lui donne le dernier-né des motoristes nippons, un V10 ultra-compact produisant 810 chevaux. Quid de sa fiabilité ? Si Adrian Reynard est toujours officiellement directeur technique, la 002 est l'œuvre de Malcolm Oastler et Willem Toet. C'est une évolution de sa devancière, avec des pontons, un nez et un diffuseur remaniés. On remarque surtout qu'elle arbore désormais les couleurs d'une seule marque du groupe BAT, Lucky Strike. Chez les pilotes, Jacques Villeneuve espère tirer une croix sur une saison de cauchemar et retrouver les avant-postes avec sa nouvelle BAR-Honda. Son équipier Ricardo Zonta, jusqu'ici fort brouillon et conservé « faute de mieux », doit démontrer cette année qu'il a toute sa place en F1.
Sources :
- Pierre Ménard, La Grande Encyclopédie de la Formule 1, Paris, Chronosports Éditions, 2004 .
- Auto Hebdo, Guide de la saison 2000.
- Sport Auto, mars 2000.
Tony