Mika HAKKINEN
 M.HAKKINEN
McLaren Mercedes
Michael SCHUMACHER
 M.SCHUMACHER
Ferrari
David COULTHARD
 D.COULTHARD
McLaren Mercedes

662e Grand Prix

XXVII Japanese Grand Prix
Variable
Suzuka
dimanche 8 octobre 2000
53 tours x 5.864 km - 310.792 km
Affiche
F1
Coupe

Le saviez-vous ?

Pilote
Michael SCHUMACHER est Champion du Monde
Constructeur
Moteur

Schumacher vs. Häkkinen: le dénouement approche

Ce Grand Prix du Japon pourrait une fois de plus être le dénouement du championnat du monde des conducteurs. Ce n'est pourtant pas la manche finale de cette saison 2000, puisqu'il restera encore une épreuve à disputer en Malaisie. Mais, avec huit points d'avance sur Mika Häkkinen, Michael Schumacher peut s'assurer en terre nippone de sa troisième couronne mondiale. Ce succès serait historique, puisqu'il serait le premier d'un pilote Ferrari depuis 1979. Pour cela, Schumacher doit inscrire ici deux points de plus que Häkkinen. En d'autres termes, pour repousser l'issue de la compétition à Sepang, le Finlandais doit finir devant l'Allemand. Le titre des constructeurs pourrait aussi être attribué à Ferrari qui possède dix points d'avance sur McLaren-Mercedes et devra donc engranger six unités de plus que ses adversaires pour empocher cette couronne.


Bien entendu, tous les regards se tournent vers Michael Schumacher. Après un été cauchemardesque, le natif de Kerpen vient d'enchaîner deux victoires de rang, à Monza et Indianapolis. Jamais il n'a semblé aussi proche de ce troisième titre auquel il court depuis cinq ans. Mais comment ne songerait-il pas aux échecs subis sur le fil en 1997 à Jerez, puis ici-même, en 1998, face à Häkkinen. Toutefois, il prend une figure marmoréenne. S'il n'a pas toujours des nerfs d'acier, Schumacher sait donner le change. Aussi se contente-t-il en conférence de presse de plates banalités: « Je me concentre sur cette course. La victoire est nécessaire car on ne sait pas ce qu'il peut se passer lors du dernier Grand Prix en Malaisie. Le succès est donc mon objectif. »


Mika Häkkinen est pour sa part encore peiné de sa casse moteur d'Indianapolis. « Un abandon à ce stade de la saison, c'est toujours très regrettable », lâche-t-il. Le double champion en titre sait qu'il a peu de chances d'obtenir une troisième consécration consécutive. Mais, à 32 ans, le Finlandais est désormais lui aussi un champion de grande expérience. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il se dit qu'il n'a au fond rien à perdre et ne vise ici que la victoire: « Je me projette sur ces deux dernières courses, même si du Japon dépend la Malaisie. J'ai bien préparé ce Grand et l'équipe aussi, afin de nous battre jusqu'au bout. Huit points c'est beaucoup, mais en sport automobile, tout peut arriver. » Ainsi, Schumacher comme Häkkinen feignent la sérénité. Mais surtout, ils témoignent l'un pour l'autre d'un profond respect mutuel, ce qui est assez reposant après les multiples polémiques ayant opposé cette saison Schumacher à ses rivaux David Coulthard et Jacques Villeneuve. En conférence de presse, les deux adversaires affichent même une certaine complicité dans leurs échanges. « Je vais bien regarder chaque partie du circuit et dans chaque virage je freinerai cinq mètres plus tard que d'habitude ! » lance Häkkinen. « Et moi, je freinerai dix mètres plus loin ! » coupe Schumacher. « Alors, tu finiras sur le sable ! » sourit le Finlandais.


Dans l'étroit paddock de Suzuka, les stands McLaren et Ferrari sont à touche-touche, ce qui autorise quelques aimables échanges de part et d'autre de la « frontière ». Corinna Schumacher et Erja Häkkinen devisent sereinement. Norbert Haug s'entretient avec Michael Schumacher. Les deux ingénieurs en chef Ross Brawn et Adrian Newey sont surpris en plein bavardage. En fait, seuls Ron Dennis et Jean Todt s'évitent ostensiblement. Du moins, jusqu'au briefing des pilotes, au cours duquel Charlie Whiting transmet une consigne émanant de Max Mosley, retenu à Londres: la moindre interférence des équipiers dans la bataille entre les deux prétendants au titre sera automatiquement sanctionnée, si besoin par une disqualification immédiate. Fureur de Ron Dennis qui y voit une nouvelle ingérence intolérable du président de la FIA. Par ailleurs, il relève avec méfiance la présence parmi les commissaires sportifs de l'Italien Roberto Causo, qui fut l'année précédente l'avocat de l'ACI lors du procès en appel de l' « affaire des déflecteurs »... Samedi, Dennis demande et obtient une entrevue avec Todt. Les deux hommes concluent un accord de gré à gré, par-dessus les recommandations de la FIA, pour régler le comportement de David Coulthard et de Rubens Barrichello.


On note enfin la présence - rarissime - de Jody Scheckter. Le dernier pilote à avoir conquis la couronne avec Ferrari, il y a vingt-et-un ans, a tenu à assister au sacre de son lointain successeur potentiel. Discret comme à son habitude, le Sud-Africain est entièrement derrière Schumacher: « Il suffit qu'il remporte une victoire pour être couronné. Je pense que le titre est pour lui. » Et celui qui avait bataillé contre son équipier Gilles Villeneuve pour devenir champion du monde souhaite une bagarre à la loyale, sans interférence stratégique: « Je déteste voir un coéquipier intervenir dans ce genre de duel. Je sais que tout est bon quand vous jouez un championnat. Mais je préfère voir une course dans les règles, entre les gars en lice pour le titre. »


Présentation de l'épreuve

Le contrat de Suzuka avec la Formule 1 a été récemment renouvelé jusqu'en 2007, en échange d'un plan de modernisation des infrastructures, et notamment du centre d'opérations de la télévision digitale. Cette prolongation est relativement courte. Bernie Ecclestone préfère en effet d'ordinaire des engagements à dix ans, voir davantage. Mais l'avenir de l'étape de Suzuka est quelque peu menacé, sous fond de rivalité entre les deux grandes firmes automobiles japonaises, Honda et Toyota. Cette dernière, qui arrivera en F1 en 2002, vient d'acquérir le circuit du Mont Fuji, qui a déjà accueilli le Grand Prix du Japon en 1976-1977, et envisage à terme d'y faire revenir la F1 au détriment de Suzuka, piste appartenant majoritairement à Honda. Consciente de cette menace, Honda a sorti le chéquier pour développer le parc d'attractions de Suzuka et améliorer l'accueil du public. Avec de bons résultats, puisqu'après quelques années décevantes, l'affluence du Grand Prix grimpe en 2000 à 300 000 spectateurs en trois jours. « Avec un pilote japonais, nous ferions encore mieux », note Masaru Unno, représentant du circuit auprès des autorités sportives. Reste à dénicher la perle rare... Peut-être serait-ce le jeune Takuma Satō, un protégé de Honda qui vient de réaliser une belle saison en F3 britannique et roulera bientôt en essais pour BAR ?


D'autre part, des travaux sont menés pour moderniser un circuit vieillissant. Une modification bienvenue: l'entrée des stands se situe désormais après la chicane, et non plus avant. Le long chemin sinueux menant à la pit-lane est supprimé. « Avant, l'entrée se situait sur le freinage de la chicane, et un pilote entrant aux stands pouvait donc freiner plus tôt, explique Jean Alesi. D'où un risque de collision avec un pilote venant derrière à toute allure. Aujourd'hui, l'entrée se situe à la réaccélération, on peut donc choisir d'entrer ou de continuer. C'est beaucoup plus simple et plus sûr. » D'autre part, l'intérieur de la chicane a été bétonnée. Les pilotes arrivant trop vite n'éparpilleront donc plus des gravillons sur la piste. Et pour ceux qui seraient tentés de tirer tout droit, des capteurs électroniques dénonceront toute infraction.


Le président de Honda Hiroyuki Hoshino donne vendredi soir une grande réception en l'honneur de ses partenaires de British American Racing. Pourtant invité, Adrian Reynard brille par son absence. Le coactionnaire de BAR refuse de croiser Craig Pollock. Les rapports entre les deux hommes sont très tendus. Reynard refuse d'entendre une fois encore la thèse développée ces derniers mois par le président Hoshino, selon laquelle Pollock serait l'unique artisan de l'alliance BAR-Honda. L'ingénieur britannique estime au contraire que c'est son propre partenariat avec le constructeur japonais, en championnat CART, qui a facilité le retour officiel de celui-ci en F1. Bref, Reynard se sent de trop, et le bruit court qu'il va prochainement se retirer de BAR. En tout cas, Hiroyuki Hoshino confirme que Honda ne se contentera plus de motoriser BAR, mais interviendra aussi dans la conception du châssis. A cette même soirée, Jacques Villeneuve surprend avec une nouvelle teinte de cheveux... rouge ! Chacun l'interroge sur ce choix. « J'ai teint mes cheveux en rouge pour soutenir Ferrari et Michael Schumacher ! » raille le Québécois. Pas sûr que beaucoup le prennent au mot... Avec humour, les tifosi ne tardent pas à le surnommer « Testarossa »... Villeneuve s'en amuse.


Prost GP accueille deux nouvelles en ce début d'automne, une bonne et une mauvaise. La bonne, c'est l'obtention du V10 Ferrari pour les deux prochaines saisons. La mauvaise, c'est l'officialisation du retrait de son sponsor n°1, Gauloises. Il est à ce stade difficile d'imaginer la physionomie de l'écurie française en 2001. Jean Alesi semble parti pour rester, mais l'identité du successeur de Nick Heidfeld, en partance pour Sauber, semble liée aux futurs commanditaires. Alain Prost est en contact avec Telefónica qui pourrait ainsi conduire à Guyancourt Marc Gené ou le jeune espoir Fernando Alonso. Interrogé à Suzuka sur ces discussions, Prost s'agace: « Je vous ai fait une annonce à Indianapolis, vous n'en voulez pas une à chaque Grand Prix ? » En fait, une grave pierre d'achoppement est apparue. Telefónica est actionnaire majoritaire de Terra Networks, quatrième site Internet mondial et concurrent direct de Yahoo!, l'un des principaux sponsors de Prost GP... Voilà pourquoi Alain Prost privilégie ses contacts avec les Diniz père et fils qui proposent toujours une prise de capital à hauteur de 40 %.


Cependant ces pourparlers créent des tensions entre l'équipe française et Minardi, toujours soutenue à cette date par Telefónica. Du côté de Faenza, on se plaint de manœuvres d'approche peu discrètes, émanant de Prost GP, à destination de quelques techniciens. Plus concrètement, les deux équipes se battent pour la 10e place du championnat des constructeurs, actuellement détenue par Minardi. Cette position est très importante puisqu'elle garantit le remboursement des frais de fret sur les Grands Prix lointains. Pour devancer Minardi, Prost doit impérativement amener une de ses voitures en septième position lors des deux derniers Grands Prix. Mais encore faudrait-il que les AP03 soient capables de finir une course...


Sans volant de titulaire pour la saison 2001, Alexander Wurz se consolera en devenant pilote d'essais et de réserve chez McLaren, en lieu et place d'Olivier Panis. L'Autrichien espère que les milliers de kilomètres qu'il parcourra la saison prochaine seront un tremplin pour revenir sur la grille en 2002. Remplacé par Panis chez BAR, Ricardo Zonta aurait pu faire équipe avec Wurz dans la coulisse de McLaren, mais il a préféré dénoncer son contrat avec Mercedes pour devenir essayeur chez Jordan. Enfin, Jaguar recrute comme essayeur l'espoir sud-africain Tomas Scheckter, l'un des fils du champion du monde 1979, qui vient de réaliser une saison prometteuse en Formule 3000.


Jeudi 5 octobre, Michel Amiot, directeur de la logistique de Renault Sport, est en émoi: quatre V10 Supertec partis de Viry-Châtillon en début de semaine ne sont pas arrivés au Japon ! Certes, ses clients Benetton et Arrows ont encore trois moteurs de réserve à leur disposition, mais cette disparition intrigue, d'autant que ces blocs doivent être ensuite expédiés à Sepang pour le GP de Malaisie. Par bonheur, il ne s'agit que d'un retard d'acheminement. Les quatre moteurs arrivent à Suzuka ce même jeudi dans l'après-midi. Plus de peur que de mal. « J'aurais eu l'air malin de demander quatre moteurs en catastrophe à Viry ! » soupire Amiot.


Un cigare à la bouche, Corrado Provera effectue sa dernière apparition dans un paddock de Formule 1. « Vous ne me verrez pas en Malaisie, car je tiens à laisser la place à nos amis d'AMT qui vont dévoiler leur projet pour 2001. Et puis j'assisterai au San Remo ! » déclare le directeur de Peugeot Sport, qui ajoute: « Si l'on pouvait inscrire un point avant de finir, cela me ferait plaisir. Je suis un sentimental qui n'aime pas perdre. » On s'en doute, Provera ne s'attarde pas auprès d'Alain Prost. Il préfère discuter avec Daniele Audetto, le bras droit de Tom Walkinshaw, pour évoquer la future collaboration Arrows - AMT.


La Ferrari se pare ici d'un nouvel aileron avant abandonnant le profil en flèche adopté en 1999 et doté de nouvelles dérives. L'aileron arrière est quant à lui très chargé, avec pas moins de cinq profils supérieurs. Schumacher et Barrichello utilisent le V10 049C en qualifications, puis reviennent à la version B pour la course. Chez McLaren, Coulthard teste vendredi un aileron avant qui sera mis de côté. Comme les Ferrari, les MP4/15 sont fortement gréées, mais sans les profils supplémentaires aperçus à Monaco. Jordan reçoit une évolution (la dernière) du V10 Mugen-Honda tandis que l'EJ10 présente un double mini-aileron devant les roues arrière. Jaguar apporte un profil de diffuseur inédit. Williams inaugure un aileron arrière à forte charge, avec trois profils dans la partie haute. BAR bénéficie d'une version plus puissante du V10 Honda. À noter que cette équipe est la seule à gréer sa machine avec un aileron arrière type Monaco. Enfin, Bridgestone adopte pour ce Grand Prix un seul type de composé dur afin de limiter l'attrition en course.


Essais et qualifications

Les essais du vendredi se déroulent par un temps très lourd (25°C). Le meilleur chrono de la journée revient à M. Schumacher (1'37''728''') devant Häkkinen et Barrichello. Durant l'après-midi, un mini-séisme touche Suzuka. Si le paddock ressent un léger tremblement, les pilotes en piste n'ont rien remarqué... Samedi matin, Häkkinen (1'37''036''') fait mieux que Schumacher (1'37''176'''). Diniz répand de l'huile sur la piste en rentrant aux stands avec un moteur cassé et provoque ainsi les sorties de route de Coulthard et de Trulli. Ce mauvais comportement lui vaudra de perdre ses deux meilleurs chronos de qualifications.


L'après-midi, la séance qualificative, très intense, est totalement dominée par les deux prétendants au titre. Ceux-ci s'échangent la pole à cinq reprises, mais c'est finalement M. Schumacher qui l'emporte (1'35''825''') à trois minutes du drapeau à damiers. Häkkinen (2e) échoue à seulement neuf millièmes de son rival, sans doute à cause de de la Rosa qui l'a gêné dans son ultime « run ». Leurs équipiers respectifs sont relégués à près d'une demi-seconde. Coulthard (3e) peine à régler sa McLaren. Barrichello (4e) subit deux contrôles par les commissaires sur sa Ferrari et finit par commettre un tête-à-queue. Les Williams-BMW peuplent la troisième ligne. Button (5e) fait encore forte impression sur ce circuit qu'il découvrait. R. Schumacher (6e) s'est trompé dans ses réglages initiaux. Les Jaguar-Ford (Irvine 7e, Herbert 10e) sont à l'aise, notamment parce qu'ils utilisent les pneus les plus tendres proposés par Bridgestone. Chez Jordan, Frentzen (8e) se débat avec un châssis nerveux et Trulli (15e) avec un défaut de direction assistée.


Les BAR-Honda ne brillent pas « à domicile ». Villeneuve (9e) rencontre trop de sous-virage. Zonta (18e) doit changer son moteur avant la séance et s'élance très tard, avec trop d'appui. Toujours aussi délicates à régler, les Benetton (Wurz 11e, Fisichella 12e) sont en sixième ligne. Les Arrows-Supertec rencontrent des soucis techniques: panne hydraulique pour de la Rosa (13e), fuite d'eau pour Verstappen (14e). Les Prost-Peugeot (Heidfeld 16e, Alesi 17e) se montrent pour une fois fiables et pas trop difficiles à conduire. Mauvais week-end chez Sauber: Salo (19e) rencontre un problème de connexion d'alternateur et Diniz (20e) est sanctionné pour avoir arrosé la piste d'huile le matin. Chez Minardi, Gené (21e) se rabat sur le mulet suite à une surchauffe d'huile, mais devance tout de même Mazzacane (22e) d'une demi-seconde.


Le Grand Prix

Le warm-up se déroule sous un ciel menaçant, ce qui incite les pilotes à tester les réglages pour la pluie. Schumacher et Häkkinen roulent avec leur voiture de course comme avec leur mulet. L'Allemand signe un meilleur chrono (1'38''005''') tout à fait symbolique.


L'après-midi, sur la grille, l'ambiance est évidemment électrique avant la grande explication entre Michael Schumacher et Mika Häkkinen, d'autant que la météo est très incertaine. Le ciel est couvert lorsque les bolides s'ébranlent, et Météo France prévoit des averses en fin d'épreuve. Les pilotes s'élancent tous pour deux arrêts, excepté Frentzen qui prévoit trois pit-stops.


Départ: M. Schumacher patine et bifurque à droite pour couper la trajectoire à Häkkinen, mieux parti quoique situé sur la partie sale de la piste. Le Finlandais ne plie pas et prend autoritairement les commandes. Derrière ce duo viennent Coulthard et R. Schumacher qui a pris un superbe envol, contrairement à Barrichello qui se retrouve derrière Irvine. Fisichella voit son système anti-calage se déclencher et sombre en queue de peloton.


1er tour: Häkkinen devance M. Schumacher, Coulthard, R. Schumacher, Irvine, Barrichello, Button, Herbert, Villeneuve et Verstappen.


2e: Les deux leaders s'enfuient déjà. Häkkinen compte une seconde d'avance sur M. Schumacher.


3e: Quelques gouttes de pluie tombent sur le circuit. Schumacher a repris un dixième à Häkkinen. Coulthard est repoussé à trois secondes et demie. Barrichello doit défendre sa sixième place contre Button.


4e: Häkkinen mène devant M. Schumacher (1s.), Coulthard (4.5s.), R. Schumacher (6.9s.), Irvine (9.6s.), Barrichello (12.4s.), Button (13s.), Herbert (14.5s.), Villeneuve (16s.), Verstappen (17s.), Frentzen (19s.) et Trulli (20s.).


6e: Häkkinen creuse légèrement l'écart sur Schumacher. Une seconde et demie les sépare. Coulthard concède plus de sept secondes aux leaders, mais a semé R. Schumacher.


7e: Villeneuve prend la huitième place à Herbert au freinage de la chicane. Trulli passe devant Frentzen.


8e: Häkkinen gagne quelques centièmes sur son poursuivant. Schumacher lui concède une seconde et six dixièmes.


9e: Victime d'une panne d'alimentation électrique, Verstappen regagne le stand Arrows pour abandonner.


10e: Häkkinen précède M. Schumacher (1.8s.), Coulthard (9s.), R. Schumacher (16.1s.), Irvine (20.1s.), Barrichello (21.7s.), Button (24s.), Villeneuve (26s.), Herbert (29s.) et Trulli (31.5s.).


11e: Häkkinen est le plus rapide en piste (1'39''731''') et porte son avance sur Schumacher à deux secondes.


13e: Toujours deux secondes entre Häkkinen et Schumacher. Diniz est le premier pilote à ravitailler. Mazzacane ratisse les graviers dans les deux Degner.


15e: Häkkinen devance M. Schumacher (2.1s.), Coulthard (12.7s.), R. Schumacher (22.4s.), Irvine (27.6s.), Barrichello (29s.), Button (30.5s.) et Villeneuve (32s.). Trulli opère son premier pit-stop. Mazzacane fait de même au passage suivant.


16e: Irvine effectue un premier ravitaillement assez long (10s.) et se relance en dixième position. Il libère ainsi Barrichello.


18e: L'écart est stable entre Häkkinen et Schumacher. Herbert, Wurz, Salo et Heidfeld se plient à leur premier pit-stop.


20e: Le moteur d'Alesi explose à la sortie des Esses et la Prost dérape sur l'huile au virage n°8. Le Français se retrouve en tête-à-queue dans une position délicate, mais heureusement les commissaires interviennent rapidement pour évacuer sa voiture vers la pelouse. R. Schumacher ravitaille et repart sixième. Villeneuve passe aussi aux stands, tout comme Frentzen, de la Rosa et Fisichella. Ce dernier ne s'arrêtera qu'une fois.


21e: Häkkinen et Schumacher rencontrent les premiers attardés. Deux secondes et demie les séparent. Barrichello fait halte chez Ferrari pour un pit-stop très court (6.7s.). Le Brésilien demeure quatrième, devant R. Schumacher. Button passe aux stands (7.8s.) et repart devant Irvine et Villeneuve. Arrêt aussi pour Gené.


22e: Häkkinen entre aux stands en fin de tour, reprend de l'essence et des pneus neufs (6.8s.), puis repart en troisième position, derrière Coulthard. Arrêt de Zonta. Wurz s'offre une excursion dans les graviers à Spoon.


23e: M. Schumacher a recueilli la première place. Il attaque mais rencontre l'attardé de la Rosa. L'Allemand arrive chez Ferrari en fin de boucle.


24e: Schumacher ravitaille (7.4s.) et se relance trois secondes derrière Häkkinen. Coulthard est un leader tout provisoire. Villeneuve déborde Irvine à l'entrée de la chicane au prix d'un freinage extrêmement appuyé, mais contrôlé de main de maître.


25e: Coulthard opère son premier pit-stop (6.6s.) et repart troisième. Häkkinen tombe sur des attardés, ce qui permet à Schumacher de grappiller quelques centièmes.


26e: Häkkinen réalise le meilleur tour de la course (1'39''189'''). Il précède M. Schumacher (3s.), Coulthard (21s.), Barrichello (40s.), R. Schumacher (43s.), Button (45s.), Villeneuve (50s.), Irvine (51s.), Herbert (53s.) et Frentzen (56s.).


27e: Schumacher tente de répondre à Häkkinen (1'39''443''') mais ne battra pas le chrono de ce dernier.


28e: Les leaders rencontrent des retardataires. L'écart fluctue entre deux et trois secondes. Button menace son équipier R. Schumacher. Trulli ravitaille pour la seconde fois.


29e: Des gouttes de pluie sont de nouveau signalées. Häkkinen et Schumacher prennent un tour à Trulli. Second arrêt de Diniz.


30e: Häkkinen perd du temps en doublant de la Rosa. M. Schumacher revient à une seconde. Button déborde R. Schumacher. Frentzen se range sur le bas-côté suite à une panne hydraulique.


31e: Häkkinen précède M. Schumacher (0.8s.), Coulthard (21s.), Barrichello (45s.), Button (49s.), R. Schumacher (50s.), Villeneuve (53s.) et Irvine (58s.).


32e: Le vent souffle sur Suzuka et ramène un mauvais crachin. La piste devient grasse.


34e: Les leaders déboulent sur Zonta avant la chicane. Le Brésilien laisse passer Häkkinen, puis M. Schumacher au freinage, mais ceci fait, il reprend trop tôt sa ligne et manque de peu d'accrocher l'arrière de la Ferrari. Sans le savoir, l'Allemand a failli tout perdre... Irvine et Salo effectuent leur second pit-stop.


35e: R. Schumacher effectue son deuxième ravitaillement et perd une place au profit de Villeneuve. Herbert passe aux stands et ressort devant son équipier Irvine.


36e: Häkkinen ne compte qu'une seconde d'avance sur M. Schumacher. Coulthard roule à trente secondes des leaders. Mazzacane et Gené se succèdent chez Minardi pour ravitailler.


37e: Villeneuve passe aux stands pour la deuxième fois et repart derrière les Williams. Häkkinen rencontre du trafic et pénètre aux stands à la fin de ce tour, laissant Schumacher en tête.


38e: L'averse s'intensifie un peu. Häkkinen subit un pit-stop un peu longuet (7.4s.). Pendant ce temps-là, M. Schumacher doit doubler les Jaguar. Barrichello (8.5s.) et Button (7.7s.) ravitaillent une deuxième fois sans perdre de position. Chacun reprend les pneus pour le sec. Second arrêt pour Heidfeld.


39e: Schumacher s'est défait d'Herbert et Irvine. Il compte 25 secondes d'avance sur Häkkinen. Coulthard ravitaille et reste troisième. De la Rosa ravitaille et remplace son aileron pour corriger un gros sous-virage. Second arrêt aussi pour Zonta.


40e: Les mécaniciens de Ferrari attendent Schumacher. Le titre mondial va se jouer maintenant. Cependant Wurz glisse à la sortie de la chicane et s'immobilise en tête-à-queue en pleine piste, juste à l'entrée de la pit-lane. Les drapeaux jaunes sont agités à cet endroit. Heidfeld stoppe plus de 40 secondes pour faire vérifier sa suspension arrière.


41e: M. Schumacher reprend de l'essence et des pneus pour le sec (6s.), pendant que Häkkinen doit lever le pied à la chicane à cause de Wurz ! Le pilote Ferrari quitte les stands loin devant son rival et vient, de fait, de conquérir le titre mondial. Wurz quitte son habitacle et les commissaires évacuent sa Benetton.


42e: La pluie se calme. M. Schumacher compte quatre secondes d'avance sur Häkkinen. Gêné par Gené, R. Schumacher met une roue sur la bordure humide en quittant le premier virage, pirouette et échoue dans les graviers. Le jeune Allemand abandonne.


43e: M. Schumacher mène devant Häkkinen (4.5.), Coulthard (47s.), Barrichello (58s.), Button (1m. 11s.), Villeneuve (1m. 22s.), Herbert (1m. 27s.), Irvine (1m. 30s.), Zonta (-1t.) et Salo (-1t.).


44e: Schumacher creuse l'écart sur Häkkinen, repoussé à près de cinq secondes. Heidfeld renonce suite à un bris de suspension à l'arrière-gauche.


46e: Häkkinen reprend quelques dixièmes à Schumacher, mais a perdu l'espoir de le rattraper.


48e: Il pleut à nouveau. Schumacher et Häkkinen reprennent un tour aux Jaguar avec prudence. Quatre secondes les séparent.


49e: Häkkinen a perdu un peu de temps derrière Irvine et concède près de cinq secondes à Schumacher. Très à l'aise sur le gras-mouillé, Button remonte sur Barrichello. Gené se gare dans l'herbe, moteur coupé.


50e: M. Schumacher précède Häkkinen (5.8s.), Coulthard (1m. 02s.), Barrichello (1m. 14s.), Button (1m. 20s.), Villeneuve (-1t.), Herbert (-1t.) et Irvine (-1t.).


52e: Ému aux larmes, Schumacher aborde le dernier tour de ce Grand Prix avec un avantage de cinq secondes sur Häkkinen. Ce dernier va lui reprendre ensuite pas moins de trois secondes, mais en pure perte.


53e et dernier tour: Michael Schumacher remporte le GP du Japon et devient triple champion du monde de F1. Häkkinen se classe deuxième devant son équipier Coulthard. Barrichello prend la quatrième place. Button finit brillant 5e sur ce circuit qui lui était inconnu. Villeneuve (6e) prend le dernier point. Suivent Herbert, Irvine, Zonta, Salo, Diniz, de la Rosa, Trulli, Fisichella et Mazzacane.


Sacré après cinq ans d'attente, Schumacher laisse libre cours à sa joie dans son cockpit. Il frappe son volant de bonheur avec tant d'ardeur qu'il défonce celui-ci ! L'allégresse explose dans le stand Ferrari, mais aussi dans les tribunes, largement acquises à l'Allemand et à la Scuderia.


Après la course: 21 ans plus tard...

Enfin ! Vingt-et-un ans après Jody Scheckter, un pilote Ferrari est sacré champion du monde de Formule 1. Enfin ! Michael Schumacher a atteint son objectif, celui de ramener la marque italienne au sommet de Formule 1, après ses échecs de 1997, 1998 et 1999... Enfin ! Le voici triple champion du monde, cinq ans après son dernier sacre. Ce triomphe, au terme d'une saison très intense, après un passage à vide estival qui lui a fait craindre une énième défaite, libère l'émotion tapie chez ce grand introverti. Il embrasse d'abord son épouse Corinna, puis son frère Ralf, Rubens Barrichello, Jean Todt, Ross Brawn, Luca Baldisserri et tous les mécaniciens. Mika Häkkinen donne l'accolade à son vainqueur. Plus étonnant: Jacques Villeneuve vient serrer la main de son ennemi Schumacher !


La cérémonie du podium est jubilatoire. Schumacher exécute son désormais traditionnel bond triomphal, évite de peu la chute en retombant, mais n'en a cure. Encadré par Mika Häkkinen, David Coulthard et Jean Todt, il écoute tout sourire le Deutschlandlied, puis se mue en chef d'orchestre pour battre la mesure du Fratelli d'Italia, entonné en chœur par ses mécaniciens. Puis vient la douche au champagne: Schumacher déverse le contenu de sa bouteille sur la tête de Jean Todt. David Coulthard s'en mêle en versant une partie de son champagne dans le col de chemise du petit Français. Schumacher finit par sauter dans les bras de son patron: ce sera la photo-symbole de cette saison 2000.


Cette victoire cruciale a été conquise selon une tactique bien rodée signée Ross Brawn: le ravitaillement retardé qui permet à Michael Schumacher de prendre sur son adversaire un avantage décisif entre leurs arrêts respectifs. « Les conditions étaient difficiles, avec une pluie très intermittente, raconte le nouveau triple champion du monde. C'est une victoire obtenue avec la manière, en se bagarrant. Merci Mika ! La course a basculé au second ravitaillement. Lorsque Häkkinen est entré, je pouvais faire encore deux ou trois tours. Il commençait à pleuvoir. Quand je suis sorti des stands, on m'a dit à la radio: ''C'est bon, c'est bon !'' À partir de là, il fallait espérer que rien ne casse et faire attention à la pluie. » Pour ce qui concerne sa consécration, Schumacher, submergé de bonheur, ne glisse que quelques phrases sibyllines: « Il est difficile de trouver les mots pour décrire ce que je ressens. J'imagine surtout l'ambiance en Italie, qui doit être extraordinaire ! » « Schumi » pense d'abord à cette Scuderia Ferrari qu'il a ramenée non sans peine sur les cimes de la F1. Après cinq années de joies, d'échecs, de doutes, cette écurie est vraiment devenue sa seconde famille, qu'il voulait par-dessus tout voir triompher, comme l'exprime son manager Willi Weber: « Michael appartient entièrement à Ferrari. Les liens sont très, très forts. Gagner avec cette équipe est l'aboutissement de sa carrière, le nec plus ultra. Et croyez-moi, la collection de titres mondiaux a commencé ! »


On ne changera jamais Jean Todt qui, même en ce jour de gloire, ne se départ pas de son flegme et rappelle ses troupes à la concentration en vue du titre des constructeurs qu'il reste à assurer: « Je vais d'abord prendre une bonne douche, car Michael a un peu abusé sur le champagne, sourit-il. Puis nous aviserons. Le travail va reprendre en Italie d'arrache-pied. Il nous reste trois points à encaisser en Malaisie pour faire coup double. Après, il faudra se concentrer sur 2001. » Todt joue avec son personnage. Le « Napoléon de la F1 » sait qu'il peut pavoiser. Après avoir tout gagné avec Peugeot en rallye, puis en Endurance, le voici au sommet de la F1 avec Ferrari. Lui aussi entre au panthéon du sport automobile mondial. Ce dimanche soir, les présidents de Fiat et de Ferrari, Gianni Agnelli et Luca di Montezemolo, ne lui ménageront pas leurs chaleureux compliments


Très fair-play, Mika Häkkinen est l'un des premiers à féliciter Michael Schumacher auquel il donne une franche accolade. Le double champion du monde dépose sa couronne sur le front de son adversaire. Résigné, il accepte sa défaite, même s'il a longtemps eu entre les mains une victoire qui lui aurait permis de créer un final à suspens à Sepang. Häkkinen raconte: « Au départ, j'étais inquiet de voir de la fumée sortir de mes échappements et j'ai été perturbé car quelqu'un s'est mis à me parler dans la radio. Donc mon envol n'a pas été brillant, mais meilleur que celui de Michael qui a essayé en vain de prendre une trajectoire. Je me suis retrouvé en tête et cela a tout changé. Dans cette configuration, peut-être une stratégie à un seul arrêt aurait été plus appropriée. » C'est en effet le second pit-stop qui a consommé sa défaite. « Ce second arrêt n'était pas mauvais, assure-t-il, mais quand je suis revenu en piste, j'ai compris que Schumacher ne s'était pas arrêté et allait avoir un avantage dans les tours suivants. Et puis, j'ai buté sur du trafic, et la pluie s'est intensifiée. J'étais en glisse partout, incapable de tirer le moindre grip de pneus encore neufs. Mis bout à bout, tout cela a permis à Michael de gagner. J'ai attaqué en fin de parcours, et je l'ai presque rattrapé, mais bien trop tard. » Philosophe, Häkkinen estime que les meilleurs ont gagné: « C'est triste, mais félicitations tout de même à Michael. Pour être un beau vainqueur, il faut parfois être aussi un bon perdant ! Schumacher et Ferrari ont produit le meilleur travail possible cette année et nous n'avons pas pu en faire autant. »


Ron Dennis doit pour sa part digérer une double défaite quasi certaine. En effet, non seulement le titre pilotes est perdu, mais celui des constructeurs est désormais presque inaccessible à McLaren qui concède 13 points (156 vs. 143) à Ferrari avant le dernier rendez-vous en Malaisie. « Ce fut une saison difficile, qui a tantôt penché vers un camp, tantôt vers un autre, constate le manager anglais. Elle n'a pas été parfaite, mais elle n'a pas été mauvaise non plus. L'écart de points entre les deux principales équipes et le reste du peloton témoigne de l'intensité de la bataille entre Ferrari et nous. » De son côté, Norbert Haug salue au nom de Mercedes le succès de ses valeureux adversaires: « Il n'y a pas de honte à terminer deuxième du championnat pilotes après en avoir conquis deux consécutivement. Schumacher mérite sa victoire. Ce fut une course difficile, que Mika avait sous contrôle jusqu'au dernier ravitaillement. La course est la course ! » Plus libre de sa parole, Mario Illien pointe les deux moments qui ont été fatals à Häkkinen en cet an 2000: « Nous avons perdu le championnat en deux temps. Lors des deux premiers Grands Prix, à cause d'une mauvaise fiabilité. Puis à Indianapolis. Ici, notre cause était un peu désespérée... »


Le soir, Jean Todt improvise une grande fête en l'honneur de son écurie et de Michael Schumacher. Il demande au restaurateur français Dominique Doucet, installé à Suzuka, de livrer soixante-cinq repas sur le circuit, dans le stand même de la Scuderia, où la joie et le champagne coulent à flots depuis le drapeau à damiers. Pendant ce temps-là, les hommes de McLaren-Mercedes tentent d'oublier leur défaite au bar Log Cabin, traditionnel théâtre des festivités d'après-course. Dehors, une pluie glaciale inonde le parc de Suzuka. Cela n'empêche pas les hommes de Ferrari et de McLaren de sortir et de s'égayer. Ils finissent la soirée à l'unisson. Schumacher et quelques gars en rouge atteignent le Log Cabin, où Norbert Haug, alias « Mister Rock'n Roll », anime le karaoké. Alors que le patron de Mercedes Motorsport entonne « New York, New York », Michael Schumacher, Ross Brawn et Luca Baldisserri l'accompagnent en chœur. Soudain, à 3h30 du matin, surgit Mika Häkkinen. Schumacher l'entraîne vers le karaoké, et les deux hommes, cinq couronnes à eux deux, se lancent de concert dans un « We are the champions » aussi insolite qu'émouvant. Un peu plus tard, Häkkinen prend congé et serre la main de Schumacher. « Nous n'en avons pas fini, toi et moi », glisse le Finlandais avec malice.


Sources :

- Renaud de Laborderie, Le Livre d'or de la Formule 1 2000, Paris, Solar, 2000.

- Sport auto, novembre 2000

- Auto Hebdo, 11 octobre 2000

Tony