Le procès Senna
Règlement 1998: J. Villeneuve se rebiffe
Entre 1993 et 1995, Max Mosley et la FIA ont bouleversé le règlement technique de la Formule 1 pour réduire la vitesse des bolides et améliorer la sécurité. Quelques années plus tard, tout est à refaire: des progrès considérables ont été accomplis par les constructeurs en aérodynamisme et en motorisation. En outre, la rivalité entre les manufacturiers de pneumatiques Bridgestone et Goodyear engendre une nouvelle course aux performances. Mosley s'effraie: les monoplaces de 1997 sont, selon les circuits, deux à six secondes au tour plus rapides que leurs devancières de 1996 ! Aussi, le président de la FIA décide de donner un coup de frein radical: à compter de la saison 1998, les Formules 1 auront une carrosserie plus étroite et surtout devront être munies en toute circonstance de pneumatiques rainurés, oubliés depuis 1971 !
En ce printemps 1997, les écuries effectuent des premiers essais avec ces nouvelles normes. Sans surprise, les voitures sont beaucoup plus lentes et beaucoup moins amusantes à piloter. Jacques Villeneuve, qui a ainsi testé une FW19 « configuration 98 », ne mâche pas ses mots: « C'est comme piloter une Formule Ford avec plus de puissance et plus d'appui. On freine très fort au bout d'une ligne droite, et juste avant d'entrer dans le virage, on perd toute sensation d'avoir freiné. C'est ridicule de devoir piloter ainsi. Cette nouvelle réglementation est de la m****. Si elle entre en vigueur, je pourrais retourner conduire aux USA ! » Un avis tranché mais partagé par nombre de ses pairs, notamment par Jean Alesi. Mais les propos vulgaires de Villeneuve suscitent un malaise dans le monde feutré de la Formule 1, où le franc-parler n'est hélas plus la norme. Furieux, Max Mosley se réserve la possibilité de prendre des sanctions contre le Québécois.
Présentation de l'épreuve
Ferrari aborde sa course à domicile après un début de saison laborieux: quatorze points seulement inscrits en trois courses et toujours pas une victoire. À vrai dire, la F310B semble pour l'heure incapable de gagner à la régulière. Aussi, Jean Todt se contente de promettre aux tifosi une place sur le podium. « Pour l'instant, l'écart avec les Williams est trop important, dit-il, et si l'on ne part pas au pire en deuxième ligne, le succès est interdit. Il faut attendre quelques mois avant de relever les changements apportés par Ross Brawn et Rory Byrne. » En effet, la page John Barnard est définitivement tournée: l'ingénieur anglais a repris sa liberté pour signer avec Arrows. Selon Todt, Barnard ne pouvait cohabiter avec Brawn: « John n'aurait jamais accepté un directeur technique... » Interrogé par Lionel Froissart, le Français estime que, quatre ans après son arrivée à la tête de la Scuderia, la restructuration des effectifs (estimés à 300 personnes) est presque achevée: « Il manque une quinzaine de techniciens dans différents domaines, qui vont du bureau d'études aux spécialistes du composite. J'essaie de compléter notre organigramme avec des gens qui possèdent déjà une expérience de la F1, si possible des Italiens. » Pure langue de bois: grâce au soutien inconditionnel de Luca di Montezemolo, Todt a liquidé la « préférence nationale » qui animait ses prédécesseurs. La Scuderia Ferrari est dorénavant une équipe cosmopolite. Enfin, Todt poursuit la modernisation des infrastructures: en août ouvrira à Maranello une nouvelle soufflerie ultra-moderne, annoncée comme la plus imposante du secteur du sport automobile.
Abandonnée fin mars par MasterCard, l'écurie Lola était condamnée à la disparition avant même d'avoir pris le départ d'un seul Grand Prix. Le pilote Vincenzo Sospiri a néanmoins tenté de racheter la structure avec l'aide de ses commanditaires personnels, mais la mise de fonds s'est avérée insuffisante. Ne pouvant mettre en péril la société-mère Lola Cars pour sauver un projet bancal dès ses origines, Eric Broadley s'est résolu à la liquidation judiciaire. « Fort heureusement, Lola Cars et ses sociétés satellites ne subiront aucun préjudice », soutient-il. La firme de Huntingdon va dorénavant se concentrer sur la Formule 3000, discipline où elle bénéficie du monopole de la fourniture des châssis, et sur l'IndyCar, où son influence est battue en brèche par Reynard.
Gerhard Berger va disputer ici son 200ème Grand Prix, mais ne tient guère à célébrer pas cet événement: il s'agit en effet aussi et surtout du troisième anniversaire de la disparition de ses amis Roland Ratzenberger et Ayrton Senna. « Je ne veux rien mélanger de ce que je ressens à l'approche de cette course avec mes souvenirs personnels », énonce-t-il. Du reste Imola est pour Berger un lieu vraiment sinistre puisqu'il a failli lui aussi y perdre la vie, le 23 avril 1989, dans le brasier de sa Ferrari... Flavio Briatore lui ménage toutefois une petite fête vendredi matin, avant les premiers essais libres. Jean Alesi, son équipier depuis 67 Grands Prix (chez Ferrari puis Benetton) lui offre un casque peint à ses couleurs d'un côté et à celles de l'Autrichien de l'autre. « Si je fais une bêtise dimanche, je saurais quel profil montrer aux caméras ! » rigole Berger.
L'ambiance est toujours tendue dans le stand Jordan-Peugeot. La collision survenue entre Ralf Schumacher et Giancarlo Fisichella à Buenos Aires n'est pas oubliée. Eddie Jordan a le plus grand mal à maintenir une « paix armée » entre ces deux jeunes gens. « Je veux bien me reconnaître responsable de cet accrochage...à 70 % », concède Schumacher cadet avec sa condescendance habituelle. Mais Fisichella est rancunier: « J'accepte de me montrer correct avec un collègue de travail. Rien de plus. Toute relation amicale avec Ralf est terminée. » Avait-elle déjà commencé ?
Shinji Nakano semble plus que jamais sur la sellette: excédé par son manque de compétitivité et d'expérience, Alain Prost souhaite le remplacer par le grand espoir français Emmanuel Collard. Ex-champion du monde de karting, très estimé par ses pairs, Collard a déjà roulé pour Ligier, Williams, Benetton et Tyrrell dans le cadre d'essais privés mais n'est jamais parvenu à s'aligner au départ d'un Grand Prix. Prost souhaite l'associer à Olivier Panis, mais cela ne lui sera pas facile, car Nakano jouit du plein soutien de Hirotoshi Honda, le président de Mugen, qui, rappelons-le, a accordé une ristourne à l'écurie française en l'échange de la titularisation du jeune Nippon...
Quelques jours avant ce Grand Prix de Saint-Marin, Niki Lauda a été transporté d'urgence dans une clinique viennoise, victime d'une insuffisance rénale, lointaine séquelle de son accident de 1976. Par bonheur, l'ex-champion autrichien, âgé de 48 ans, subit avec succès une greffe de rein. Le donneur n'est autre que son frère cadet Florian. Les deux Lauda se portent bien et se reposent dans une chambre commune. « Niki n'a jamais pu faire comme tout le monde: il lui fallait trois reins ! » lance un petit rigolo du paddock.
Les constructeurs introduisent beaucoup d'innovations techniques pour ce début de saison européenne. Williams utilise pour la première fois un dispositif de direction assistée à pompe hydraulique, longuement testée à Barcelone par Jean-Christophe Boullion. En outre, les freins étant ici particulièrement sollicités, les FW19 sont munies de nouveaux disques de 32 mm. Benetton introduit une répartition de freinage électronique, ainsi qu'une nouvelle prise d'air et une géométrie de suspension arrière inédite. McLaren pare sa MP4/12 d'écopes de frein renforcées par adjonction d'un conduit supplémentaire, lequel est pourvu d'un petit appendice aérodynamique. Ferrari étrenne samedi son nouveau moteur V10 046/2. Celui-ci comprend deux échappements courts pourvus d'une sortie double en forme de chambre d'expansion, afin qu'ils soufflent dans la partie inférieure des canaux latéraux, et non à travers la suspension. Ce moteur ne sera monté que pour les essais. Jordan installe dans sa 197 deux éléments d'exploitation: un thermomètre chargé de mesurer la température des freins en temps réel et un rayon laser mesurant la hauteur de caisse en marche. Arrows a retiré la structure rigide qui entourait le moteur Yamaha, car celle-ci obérait son alimentation. L'A18 arbore aussi des triangles de suspension avant et une barre de direction carénés. Enfin, Yamaha fournit une version assouplie de son V10. La Sauber C16 arbore un aileron avant retravaillé, doté de nouveaux flaps. Beaucoup de travail autour de la Stewart-Ford, équipée d'un aileron arrière biplan à dérives inversées et d'un échappement à simple sortie, alors que la carrosserie est très resserrée autour du moteur. Elle reçoit aussi la première évolution du V10 Ford-Cosworth (la « Spec. 6 »). Enfin, Minardi bénéficie d'une nouvelle carrosserie plus concave, en forme de « bouteille de Coca Cola », ainsi que d'un moteur Hart évolué.
Essais et qualifications
Ferrari marque son territoire lors des essais du vendredi: Irvine et M. Schumacher s'installent en haut de la hiérarchie. Toutefois, les pilotes Williams, Villeneuve et Frentzen, se concentrent ostensiblement sur la mise au point. R. Schumacher et Fisichella se plantent dans les graviers de Rivazza à quelques minutes d'intervalle. Hors de lui, Eddie Jordan convoque derechef ses deux pilotes pour les rappeler à leurs devoirs professionnels... Samedi matin, les Williams-Renault prennent le pouvoir, et Frentzen devance Villeneuve. Coulthard sort de la route dans la courbe Villeneuve et heurte rudement les glissières. L'Écossais doit faire un tour par l'infirmerie. Les médecins lui décèlent un très léger traumatisme crânien, mais ne voient aucune objection à ce qu'il prenne part aux essais qualificatifs.
Samedi après-midi, Villeneuve décroche sa quatrième pole position d'affilée (1'23''303''') en améliorant de trois secondes et demie le meilleur chrono de 1996. Frentzen (2ème) l'accompagne en première ligne et cette fois ne concède que trois dixièmes. À noter toutefois que les deux pilotes Williams sont frappés d'une course de suspension avec sursis pour non-respect des drapeaux jaunes. M. Schumacher (3ème) tire le maximum de sa Ferrari mais à son grand désarroi ne parvient pas à atteindre la première rangée. Déception pour Irvine (9ème) dont la F310B est soudain affectée d'un gros sous-virage. Panis place sa Prost-Mugen au quatrième rang mais n'est pas content car Schumacher l'a gêné à Acque Minerale dans son dernier « run ». Son équipier Nakano (18ème) est retardé par une panne de moteur. Après leurs bourdes de la veille, R. Schumacher (5ème) et Fisichella (6ème) se font pardonner en plaçant leurs Jordan-Peugeot sur la troisième ligne. Les Sauber-Petronas continuent de montrer un joli potentiel: Herbert (7ème) s'affirme en outsider tandis que Larini (12ème) aurait pu mieux faire sans une inopportune casse moteur.
Les McLaren-Mercedes (Häkkinen 8ème, Coulthard 10ème) souffrent d'un manque de grip sur le train avant. La consternation règne chez Benetton-Renault: réservoir vide, la B197 est incapable de faire monter ses pneus en température. Berger (11ème) et Alesi (14ème) ont le plus grand mal à rester en piste. Chez Stewart, le nouveau V10 Ford subit des ratés et Barrichello (13ème) se qualifie avec le mulet doté de l'ancienne version. Magnussen (16ème) est victime d'une rupture de moteur. Les Arrows-Yamaha sont toujours aussi fragiles: problèmes de capteur et de radiateur pour Hill (15ème), deux moteurs cassés pour Diniz (17ème)... Les Tyrrell-Ford (Salo 19ème, Verstappen 21ème) pâtissent du manque de puissance de leur V8 Ford. Enfin, chez Minardi, si Trulli (20ème) vit des essais sans histoire, Katayama (22ème) casse deux moteurs Hart puis se qualifie de justesse, sur le mulet, après une avarie de boîte de vitesses au début de la séance qualificative.
Après le drapeau à damiers, Olivier Panis court s'expliquer avec Michael Schumacher qui selon lui a volontairement ruiné son dernier tour lancé. Leur contentieux prend de l'envergure: les deux hommes s'étaient déjà affrontés au départ à Buenos Aires et le Français avait critiqué le comportement de l'Allemand. Celui-ci le reçoit de façon cavalière. C'est donc Alain Prost lui-même qui vient prendre la défense de son pilote. Il expose la situation à Schumacher qui, tout en restant courtois avec son aîné, dénie toute responsabilité. On en restera là.
Le Grand Prix
Le warm-up du dimanche matin se déroule sous des trombes d'eau, ce qui permet à Bridgestone et à Goodyear d'évaluer leurs gommes rainurées. Les Japonais proposent deux types de pneus pluie (durs et tendres) contre trois pour les Américains (intermédiaires, pluie et « full wet »). Frentzen signe le meilleur chrono avec des pneus intermédiaires, la pluie s'étant calmée en fin de matinée. Barrichello a heurté la muraille en début de séance, mais son châssis sera réparé pour la course.
L'après-midi, la course démarre sous un ciel chargé et menaçant. Si les prévisionnistes n'annoncent pas d'averses, la plupart des pilotes adoptent des réglages mixtes par précaution. En ce qui concerne les stratégies, les équipes chaussées par Bridgestone ne planifient qu'un seul ravitaillement. Dans le clan Goodyear, Williams, Ferrari, Jordan et Sauber tablent sur deux arrêts, contre un seul pour Benetton, McLaren et Tyrrell. Suite à une fuite d'huile sur sa voiture de course, Hill démarre avec son mulet depuis les stands.
Tour de formation: Trulli regagne les stands avec une boîte de vitesse bloquée suite à une panne de pompe hydraulique. Le jeune Italien ne pourra pas prendre le départ.
Départ: Villeneuve démarre idéalement et conserve le leadership. M. Schumacher double immédiatement Frentzen et pointe au deuxième rang. Viennent ensuite R. Schumacher, Herbert et Panis
1er tour: Frentzen attaque Schumacher avant la courbe Villeneuve, sans succès. En fin de tour, Villeneuve mène devant M. Schumacher, Frentzen, R. Schumacher, Herbert, Panis, Irvine, Fisichella, Coulthard et Häkkinen. Hill est lanterne rouge.
2e: Schumacher roule tout près de Villeneuve tandis que son frère Ralf garde étonnement le contact avec Frentzen. Les autres pilotes commencent à être distancés.
3e: Villeneuve, M. Schumacher, Frentzen et R. Schumacher se tiennent dans un mouchoir. Magnussen perd la maîtrise de sa Stewart à Acque Minerale, exécute un tête-à-queue et s'enlise dans le bac à sable.
5e: M. Schumacher met la pression sur Villeneuve. Son cadet est cependant peu à peu déroché par Frentzen. Piteux 19ème, Berger part en toupie à la sortie d'Acque Minerale et se plante dans les graviers. Son 200ème Grand Prix aura été très court...
6e: Villeneuve mène devant M. Schumacher (1.1s.), Frentzen (2s.), R. Schumacher (5.9s.), Herbert (6.7s.), Panis (7.6s.), Irvine (10.4s.), Fisichella (11.2s.), Coulthard (12.1s.), Häkkinen (14.3s.), Alesi (17.3s.) et Barrichello (20.5.s).
8e: Villeneuve entraîne dans son sillage M. Schumacher et Frentzen. R. Schumacher est maintenant menacé par Herbert et Panis.
10e: Villeneuve compte une seconde de marge sur Schumacher, une seconde et demie sur Frentzen.
11e: Frentzen prend l'aspiration de M. Schumacher dans la descente de Rivazza mais le double champion du monde le surprend en freinant tôt. Frentzen écrase sa pédale de frein et doit faire un petit écart pour éviter la Ferrari.
12e: Villeneuve passe sous la barre d'1'27'' et commence à semer ses deux poursuivants allemands. À la Variante Bassa, Hill attaque Nakano pour la 17ème place mais freine bien trop tard et harponne le Japonais. Tous deux finissent dans les graviers, Hill avec une roue arrachée, Nakano en tête-à-queue.
13e: Villeneuve devance M. Schumacher (3.3s.), Frentzen (4.3s.), R. Schumacher (14.1s.), Herbert (15.2s.), Panis (19.6s.), Irvine (20.3s.), Fisichella (20.7s.), Coulthard (21.7s.) et Häkkinen (23.7s.).
14e: Parti avec une monoplace réglée pour la pluie, Panis fait face à une forte dégradation de ses pneus et emmène un groupe comprenant Irvine, Fisichella, Coulthard et Häkkinen.
16e: Villeneuve conserve trois secondes d'avance sur M. Schumacher et Frentzen. R. Schumacher a repoussé Herbert à deux secondes.
18e: Irvine se porte à la hauteur de Panis entre Tosa et Piratella, puis le dépasse au freinage. Le Français dérape alors vers l'extérieur et se fait aussi doubler par Fisichella. Il est désormais harcelé par les deux McLaren. R. Schumacher ralentit dans la descente de Rivazza suite à un bris d'arbre de roue. Il regagne les stands pour renoncer.
19e: La Sauber de Herbert est frappée d'une panne générale d'électricité. Le Britannique se gare sur le bas-côté. Premier ravitaillement pour Diniz.
20e: Villeneuve mène devant M. Schumacher (3.5s.), Frentzen (4.2s.), Irvine (31.5s.), Fisichella (33.4s.), Coulthard (38.9s.), Häkkinen (39.7s.), Alesi (43.5s.), Larini (45.6s.) et Barrichello (58s.). Panis ravitaille à la fin de ce tour en (7.4s.) et redémarre onzième.
21e: Villeneuve tourne en 1'25''997''' et repousse Schumacher à quatre secondes.
22e: Villeneuve perd du temps derrière Diniz qui ignore les drapeaux bleus. Schumacher et Frentzen le recollent.
23e: Diniz bouchonne à son tour Schumacher et Frentzen. Cela permet à Villeneuve de retrouver une marge de trois secondes sur les deux Allemands.
24e: Schumacher stoppe chez Ferrari pour son premier pit-stop (9.4s.) et reprend la piste en troisième position.
25e: Frentzen reprend une seconde à son coéquipier qui perd du temps derrière les Tyrrell de Salo et Verstappen. Irvine effectue un ravitaillement (9.4s.). Fisichella et Larini passent aussi par les stands.
26e: Villeneuve fait escale au stand Williams pour son premier arrêt (10.1s.) et fait une très mauvaise affaire puisqu'il redémarre derrière Schumacher. Frentzen recueille la première place.
27e: Frentzen s'est défait aisément des Tyrrell. En fin de tour, il rejoint son garage pour ravitailler. L'arrêt est un peu long (11s.) à cause d'une roue avant-gauche récalcitrante, mais « HHF » sort des stands un souffle devant Schumacher.
28e: Schumacher harcèle Frentzen dans le premier secteur dans l'espoir de le pousser à la faute, mais en vain. La course bascule en faveur de l'Allemand de Williams qui s'envole ensuite rapidement.
29e: Frentzen est leader devant M. Schumacher (2s.), Villeneuve (2.4s.), Coulthard (15.6s.), Häkkinen (20.6s.), Alesi (29s.), Irvine (34s.), Fisichella (35s.), Barrichello (45s.), Panis (49s.) et Larini (55s.).
30e: Villeneuve est aux trousses de Schumacher qui peine à faire monter ses gommes en températures.
32e: Frentzen compte quatre secondes et demie de marge sur Schumacher, poursuivi par Villeneuve. Verstappen et Katayama effectuent leur unique ravitaillement. La Japonais cale son moteur au redémarrage et perd trente secondes dans cette mésaventure.
33e: Alesi fait halte au stand Benetton pour son arrêt-ravitaillement et parvient à repartir devant Panis. Barrichello abandonne à cause d'une pression d'huile tombée à zéro. Aucune Stewart n'a vu jusqu'ici le drapeau à damiers. Ravitaillement de Salo.
34e: Les pneus de Panis sont de nouveau prématurément usés, et le Grenoblois subit un deuxième pit-stop imprévu. Il ne repart qu'en dixième position. Larini manque son freinage en abordant la dernière chicane et n'a d'autre choix que de traverser l'allée des stands pour rejoindre la piste...
35e: La boîte de vitesses de Villeneuve se dérègle: les rapports montent et descendent sans que le Québécois n'actionne ses manettes ! Coulthard observe son ravitaillement et fait une belle opération puisqu'il reste quatrième. Gêné par Verstappen, Häkkinen manque son freinage dans la descente vers Rivazza et traverse le bac à graviers. Il regagne aussitôt son stand, où il n'était pas attendu...
36e: Ses mécaniciens n'étant pas prêts à l'accueillir, Häkkinen perd vingt secondes dans un long ravitaillement et chute au neuvième rang.
37e: Frentzen est en tête devant M. Schumacher (6.7s.), Villeneuve (18.3s.), Coulthard (46.3s.), Irvine (46.8s.), Fisichella (47.5s.), Alesi (1m. 12s.), Häkkinen (1m. 13s.), Larini (1m. 25s.) et Panis (-1t.).
38e: Villeneuve se débat avec sa boîte folle et concède trois secondes par tour à Schumacher. Coulthard contient Irvine et Fisichella mais sa McLaren laisse échapper de l'huile. Irvine glisse sur celle-ci à la Variante Alta et exécute un travers. Fisichella esquisse un assaut par la droite, puis se faufile à gauche pour dépasser la Ferrari.
39e: Le moteur de Coulthard explose après Tamburello. Une fuite d'eau est à l'origine de cette rupture. L'Écossais se gare dans les graviers. Häkkinen pourchasse Alesi pour la sixième place.
41e: Six secondes séparent Frentzen de Schumacher. Villeneuve rejoint son stand pour tenter de résoudre son problème de commande de boîte. Ses mécaniciens remplacent son volant mais il ne parvient pas à enclencher un rapport. Le leader du championnat est hors course.
42e: Frentzen s'adjuge le meilleur chrono de l'après-midi (1'25''531'''). Deuxième arrêt de Diniz. Le Brésilien stoppera une fois de plus au tour suivant afin de faire examiner sa boîte récalcitrante.
44e: Frentzen regagne son stand pour son second ravitaillement (8.6s.). M. Schumacher s'empare du commandement provisoire. Fisichella ravitaille aussi pour la seconde fois (8.7s.).
45e: Gêné par Larini, Schumacher allume une roue au freinage d'Acque Minerale et fait un méplat sur ses gommes. Il stoppe ensuite chez Ferrari pour remettre de l'essence et des pneus frais (7s.) et ressort derrière Frentzen. Deuxième pit-stop aussi pour Larini.
46e: Irvine opère son second pit-stop (7.4s.) et parvient à repartir une seconde devant Fisichella, ainsi privé de podium.
47e: Frentzen mène devant M. Schumacher (4.1s.), Irvine (1m.), Fisichella (1m. 01s.), Alesi (1m. 15s.), Häkkinen (1m. 16s.), Larini (-1t.), Panis (-1t.), Salo (-1t.) et Verstappen (-1t.).
49e: Schumacher n'abdique pas et reprend quelques dixièmes à Frentzen. Häkkinen menace toujours Alesi.
51e: Frentzen prend un troisième tour à Katayama qui se débat depuis le départ avec une Minardi très instable car privée de barre anti-roulis.
52e: On signale quelques gouttes de pluie qui n'auront aucune incidence sur l'issue de l'épreuve. Frentzen se retrouve derrière le duo Alesi - Häkkinen. Il se débarrassera du Finlandais au tour suivant.
53e: Frentzen précède M. Schumacher (2.8s.), Irvine (1m. 06s.), Fisichella (1m. 11s.), Alesi (1m. 27s.), Häkkinen (-1t.), Larini (-1t.), Panis (-1t.), Salo (-1t.), Verstappen (-1t.), Diniz (-1t.) et Katayama (-3t.).
54e: Frentzen prend un tour à Alesi tandis que Schumacher se plaint de Häkkinen, qui ne s'est pas écarté rapidement. De nouveau, Larini traverse la pit-lane après avoir loupé son freinage à la Variante Bassa.
56e: Frentzen garde Schumacher trois secondes et demie derrière lui. Il s'aperçoit néanmoins que ses freins surchauffent dangereusement et adopte un rythme modéré. Diniz rejoint son garage avec une boîte de vitesses définitivement hors d'usage.
58e: L'intervalle est stable entre Frentzen et Schumacher. Häkkinen est toujours dans le sillage d'Alesi mais ne peut le doubler.
60e: À deux tours du but, Frentzen devance M. Schumacher (3.2s.), Irvine (1m. 15s.), Fisichella (1m. 20s.), Alesi (-1t.), Häkkinen (-1t.), Larini (-1t.) et Panis (-1t.).
62ème et dernier tour: Heinz-Harald Frentzen remporte son premier Grand Prix de Formule 1. Les Ferrari de M. Schumacher et d'Irvine l'encadrent sur le podium. Fisichella, quatrième, inscrit ses trois premiers points. Alesi finit cinquième tandis que Häkkinen empoche le dernier point. Larini, Panis, Salo, Verstappen et Katayama coupent aussi la ligne d'arrivée.
Après la course: première victoire de Frentzen
Grimpés sur le podium, Michael Schumacher et Heinz-Harald Frentzen oublient un instant leur vieille inimité: les deux Allemands se serrent la main, puis « Schumi » asperge de champagne « HHF », victorieux de son 52ème Grand Prix. Ce premier succès est d'autant plus important pour Frentzen qu'elle efface un début de championnat calamiteux. Éreinté par la presse allemande, critiqué au sein de sa propre écurie, l'Allemand ne pouvait espérer plus beau rebond. Il explique être parvenu à imposer à Williams ses propres réglages afin de dompter la FW19: « J'avais besoin d'une monoplace moins sous-vireuse, plus adaptée à mon pilotage. Maintenant, tout va mieux. Je me sens plus en confiance. Cette victoire est cependant surprenante: je pensais que nous avions programmé mon ravitaillement avant celui de Villeneuve. J'étais donc étonné de le voir rentrer si tôt. Mais je me suis dit que c'était le meilleur moment pour abattre quelques tours rapides afin de me donner un peu de marge. Il y avait un peu de trafic, mais tout s'est bien passé. Au tour suivant, après mon arrêt, je regarde mon panneau et j'y vois « P1 » ! Surprise et grande joie ! » Frentzen a néanmoins craint de vivre en fin de course la même mésaventure qu'en Australie: « Mes freins étaient très chauds et je voulais les économiser, mais le stand m'a dit que Schumacher attaquait comme un fou. Du coup je n'ai pas levé le pied comme j'aurais voulu. Mais qu'importe, maintenant il faut penser à Monaco. Pourquoi pas une autre victoire là-bas ? » À signaler que Frank Williams et Patrick Head congratulent chaleureusement leur pilote, heureux de le voir justifier enfin leurs espérances.
Toutefois, après quatre Grands Prix, et malgré trois victoires, Williams-Renault n'est toujours pas parvenue à placer ses deux pilotes simultanément dans les points. Jacques Villeneuve a été trahi par sa boîte de vitesses. « J'ai perdu le contrôle de ma commande de boîte juste après mon ravitaillement », soupire le Canadien. « On a changé le volant, pensant qu'il s'agissait d'un simple problème de commande électrique, mais ce n'était pas le cas. Je n'arrivais pas à enclencher les rapports bas. » Du reste, Villeneuve avait déjà perdu la victoire suite à une erreur stratégique. « Je me suis arrêté trop tard par rapport au plan fixé. De fait, j'ai concédé un temps énorme derrière les Tyrrell. Lorsque j'ai repris la piste, Frentzen et Schumacher étaient devant... Je perds de précieux points. »
Une hiérarchie erratique
Jean Todt avait promis aux tifosi une Ferrari sur le podium d'Imola. Il en place finalement deux: celles de Michael Schumacher et d'Eddie Irvine. Certes, les Rouges courent toujours après leur premier succès en 1997, mais la F310B se bonifie et est désormais capable de menacer les Williams-Renault. Sa marge de progression est d'autant plus importante que le nouveau V10 avait été mis de côté pour la course. « J'avais panaché mes réglages au cas où il pleuvrait », explique Schumacher, « mais la voiture marchait bien quand même. Je suis heureux de cette seconde place, car sincèrement je m'attendais à finir troisième derrière les Williams. J'ai dû anticiper mon second ravitaillement suite à une mésentente avec Larini, mais le premier arrêt avait déjà décidé de la victoire en faveur de Frentzen. Je suis optimiste pour la suite du championnat. » Il le peut, car il ne concède que six points à Villeneuve au classement mondial.
Eddie Jordan est transfiguré: irrité au début du week-end par les chamailleries opposant Ralf Schumacher à Giancarlo Fisichella, la quatrième place du jeune Romain le comble d'aise: « Maintenant, nous pouvons accroître nos ambitions ! » s'exclame l'Irlandais. Pierre-Michael Fauconnier acquiesce discrètement: Peugeot n'est pas en Formule 1 pour gratter quelques points ici ou là. La situation de Jordan est cependant plus enviable que celle de Benetton, dont la B197 se révèle inconduisible avec peu d'essence. « Si nous n'avons fait qu'un seul arrêt, ce n'est pas pour des raisons stratégiques: c'était simplement pour ne pas trop user les pneus ! » révèle un Jean Alesi fort marri. Quant aux McLaren-Mercedes... qui reconnaît la MP4/12 triomphante de Melbourne ? « Au moins, je vis des week-ends pleins d'aventures... » ironise Mika Häkkinen, piteux sixième. En ce début de saison 1997, les observateurs constatent qu'hormis Williams-Renault et dans une moindre mesure Ferrari, toutes les écuries connaissent d'impressionnants retours de fortune d'une course à l'autre. Les comportements très variables des pneus Bridgestone et Goodyear selon les circuits influent grandement sur cette hiérarchie troublée.
Arrows a encore vécu un week-end cauchemardesque avec une nouvelle fois deux abandons. En outre, les deux pilotes de Tom Walkinshaw sont punis d'une course de suspension avec sursis: Pedro Diniz paie son irrespect des drapeaux bleus et Damon Hill sa stupide collision avec Shinji Nakano, dont il est jugé responsable à juste titre. Une humiliation pour le champion du monde en titre qui commence à se demander ce qu'il est venu faire dans cette galère...
Villeneuve (20 points) demeure en tête du championnat des pilotes devant M. Schumacher (14 pts) et un quintet comprenant Berger, Häkkinen, Coulthard, Irvine et Frentzen (10 pts). Chez les constructeurs, Williams-Renault (30 pts) précède Ferrari (24 pts), McLaren-Mercedes (20 pts) et Benetton-Renault (13 pts).
Tony