Crise chez Ferrari: Prost et Fiorio sur la sellette
Le dimanche 5 mai, Alain Prost et Jean Alesi sont conviés au Mugello pour participer au « Ferrari Day », une exhibition de prestige offerte aux inconditionnels du Cheval cabré. Une semaine après le désastre d'Imola, l'amertume ne s'est pas dissipée et Prost ne cache pas qu'il honore ce rendez-vous à contrecœur. Il croit même bon d'attiser encore un peu plus la colère des italiens en qualifiant publiquement leur presse de « pitoyable » ! Pour ne rien arranger, des trombes d'eau s'abattent sur le circuit toscan. Prost et Alesi prennent malgré tout la piste au volant de 641. Mais la fête tourne à l'humiliation lorsque soudain, comme huit jours plus tôt, Prost glisse sur une flaque, pirouette et heurte un muret de béton. Les tifosi se poussent du coude: décidément, ce Francese ronchon et prétentieux ne fait plus rien de bon...
Avant de se rendre à Monte-Carlo, Cesare Fiorio fait un crochet par Turin, au siège de Fiat. Il est reçu par Gianni Agnelli et Cesare Romiti, l'administrateur délégué du groupe. L'Avvocato lui lave la tête, déplorant non seulement les mauvais résultats de Ferrari, mais aussi et surtout le piteux spectacle des querelles intestines livré au monde entier. Il attend un sursaut impératif pour le Grand Prix de Monaco. Mais Fiorio se sait condamné à court terme. Il trouve cependant encore la force de donner le change aux journalistes: « Je ne cache pas que des divergences de vues m'opposent à Prost, Rien de grave. Nous nous connaissons bien. Nous travaillons assidûment pour reprendre notre trajectoire ascendante de 1990. » Qui l'écoute encore ?
Présentation de l'épreuve
L'Automobile Club de Monaco a procédé à d'importants travaux sur le circuit de Monte-Carlo. De la Rascasse au Casino, le bitume est ainsi tout neuf tandis que la piste est élargie à la sortie du tunnel pour faciliter les dépassements. Hélas, mercredi 8 mai, veille des premiers essais, une conduite d'eau éclate au niveau de l'Automobile Club. La fuite est promptement colmatée mais génère une grosse bosse qui gênera les pilotes.
Christian Contzen, le nouveau directeur-général de Renault Sport, découvre le Grand Prix de Monaco et s'interroge ingénument sur la hiérarchie des pilotes chez Williams. En effet, si Nigel Mansell bénéficie d'un solide contrat de n°1, c'est bien Riccardo Patrese qui tire jusqu'ici le meilleur parti de la FW14. « Nigel est intrinsèquement plus rapide que Ricciardo, même s'il ne l'a pas franchement démontré cette saison », lui répond Frank Williams, « mais en revenant à son meilleur niveau, ce qui ne saurait tarder, Nigel stimulera Riccardo. » Le double K.O. d'Imola a cependant été durement ressenti à Didcot et à Viry-Châtillon. Mais les deux usines ne relâchent pas leurs efforts. Patrick Head continue de développer la boîte semi-automatique avec Damon Hill et Bernard Dudot présente un V10 « spécial Monaco ».
Il y a vingt-cinq ans, le 22 mai 1966, Bruce McLaren s'alignait ici pour la première fois en Formule 1 au volant d'une monoplace portant son propre nom, une McLaren-Ford M2B. Un quart de siècle plus tard, cette équipe ne ressemble évidemment plus à celle de son fondateur trop tôt disparu. Depuis 1980, Ron Dennis l'a entièrement remodelée pour la conduire aux sommets de la discipline. En dix ans, les Marlboro-McLaren Project Four ont remporté six couronnes mondiales des pilotes et cinq titres constructeurs. Toutefois Dennis ne s'étend pas sur cet anniversaire et se concentre sur le présent. Les trois victoires successives d'Ayrton Senna ne le grisent absolument pas. « Je crois que l'opposition va s'organiser... » lâche-t-il, mystérieux. Pour sa part, Senna ne pavoise pas non plus et préfère pointer les défauts de sa machine: un V12 Honda moins puissant que prévu et des soucis de fiabilité persistants.
Loin de ces « problèmes de riches », Guy Ligier déplore le dramatique manque d'efficacité de ses nouvelles machines, tout en s'efforçant de faire bonne figure à son ami et protecteur Michel Charasse. Vivement le V10 Renault ! En attendant, il ne tarit pas d'éloges sur son nouveau pilote Thierry Boutsen: « C'est vraiment un tout bon. Il travaille comme un chien et ne se plaint jamais. » Boutsen apprécie: jamais on ne lui aurait prodigué un tel compliment chez Williams. Son visage s'assombrit cependant lorsqu'il compare les performances de la Williams-Renault FW14 qu'il aurait dû piloter et celles de sa Ligier-Lamborghini JS35...
Déboires pour Brundle et Caffi
Le week-end de Martin Brundle est très court: il est disqualifié dès la première séance libre du jeudi pour avoir ignoré l'injonction des commissaires l'invitant à passer au contrôle de pesée. L'Anglais est mécontent car il affirme ne pas avoir vu ce fameux signal. Mark Blundell portera donc seul les espoirs de Brabham-Yamaha.
Samedi matin, Alex Caffi boucle son premier tour lancé lorsqu'il escalade le vibreur en sortant du premier Esse de la Piscine. La Footwork est instantanément projetée contre le rail à 200 km/h et se disloque complétement sous l'effet du choc. La boîte, les roues et tous les éléments en carbone du train postérieur se désolidarisent du châssis. La voiture n'est plus qu'une épave, réduite à la cellule de survie et au moteur. Caffi sort sans peine de son habitacle, mais il est immédiatement pris en charge par le personnel médical, Sid Watkins en tête. Sonné, il ne souffre heureusement d'aucune blessure, mais renonce à participer au reste du week-end. Ses chances de qualification étaient de toute façon fort réduites du fait de la non-compétitivité de la Footwork-Porsche.
Essais et qualifications
Les Dallara et les Jordan se sortent sans peine de l'ornière des qualifications. Faute de performance, les deux Lambo de Larini et van de Poele échouent à nouveau. Grouillard ne parvient pas non plus à sauver la Fomet qui manque de mise au point. Quant à Chaves, s'il n'est pas ridicule, il ne peut rien tirer de sa Coloni et de son Cosworth DFR suranné.
Comme chaque année, Senna est inaccessible en Principauté. Repoussant sans cesse les limites sans jamais toucher le rail, il s'adjuge sa septième pole position consécutive par un temps extraordinaire: 1'20''344''' ! Il bat ainsi son propre record réalisé en 1985 au volant de la Lotus-Renault turbocompressée. Berger (6ème) rencontre quelques soucis techniques et ne peut rivaliser avec son équipier. Modena réalise un superbe exploit: profitant de l'agilité de sa Tyrrell, de la souplesse de son V10 Honda et de la qualité des pneus Pirelli, il se place en première ligne aux côtés de Magic. Nakajima (11ème) lui concède deux secondes. La Williams-Renault est en bonne forme. De nouveau, Patrese (3ème) l'exploite mieux que Mansell (5ème) qui tâtonne pour trouver les bons réglages. Les nouvelles Benetton ont résolu leurs problèmes de jeunesse et sont au rendez-vous: Piquet se classe quatrième, malgré son aversion pour ce circuit, Moreno huitième. Les Ferrari sont très instables sur les bosses. Prost (7ème) et Alesi (9ème) ont un mal fou à demeurer sur la piste. « Avec une machine qui sautille comme ça, je ne peux pas espérer l'impossible... » soupire Prost.
La Jordan-Ford ne cesse de progresser, et de Cesaris signe un beau dixième temps. Hélas Gachot (24ème) ne parvient pas à bien équilibrer son châssis. Les Dallara-Judd (Lehto 12ème, Pirro 13ème) s'affirment comme de sérieux outsiders. Les Minardi-Ferrari sont affectées de problèmes de sélection de boîte qui gâchent le jeudi de Martini (14ème) et de Morbidelli (17ème). De nouveaux déboires chez Leyton House: Gugelmin (15ème) heurte les rails jeudi et se qualifie sur le mulet tandis que Capelli (18ème) patauge dans ses réglages et peste contre une voiture qu'il qualifie de « mal née ». Les Ligier-Lamborghini (Boutsen 16ème, Comas 23ème) sont frappées de sous-virage et ne tournent pas dans les virages lents. Déception chez Larrousse: ni Suzuki (19ème), ni Bernard (21ème) ne trouvent de grip. Tarquini se félicite de la bonne adhérence de son AGS et s'adjuge le vingtième temps. Son collègue Barbazza sort à la Piscine et poursuit son rude apprentissage. Il n'est pas qualifié. Blundell (22ème) sauve la Brabham-Yamaha malgré plusieurs pannes de boîte. Alboreto (25ème) parvient à qualifier la Footwork-Porsche, contrairement à Caffi, victime d'un terrible crash. Enfin, Häkkinen (26ème) obtient son billet d'entrée avec sa Lotus-Judd, contrairement à Bailey qui part deux fois à la faute.
Samedi après-midi, l'épreuve de Formule 3 est remportée par le jeune Allemand Jörg Müller sur Reynard-Honda devant son compatriote Klaus Panchyrz et l'Italien Max Angelelli.
Le Grand Prix
L'exceptionnelle performance de Stefano Modena éclaire quelque peu ce jeune homme renfrogné. « Je l'ai croisé, il a failli me sourire ! » s'exclame ironiquement son ami, l'expert en communication Christian Vogt. « Ken Tyrrell m'a recommandé de faire le vide en moi, intégralement, pour précéder Senna à Sainte-Dévote. J'en ai mal dormi ! », déclare Modena ce dimanche matin, sous le regard de son épouse, la princesse Sveva Altieri. Car s'il fuit les journalistes comme la peste, il n'a pu cacher son idylle avec une authentique aristocrate. « Je suis comme un crapaud. Une princesse m'a embrassé, et peut-être deviendrai-je moi aussi un prince » dit-il avec malice.
Prost réalise le meilleur temps du warm-up, sans se bercer de la moindre illusion car il sait que sa Ferrari sera très instable avec le réservoir vide. Néanmoins, il tente un coup de poker en modifiant au dernier moment ses réglages. Sa suspension sera dure à l'arrière et souple à l'avant. Alesi adopte aussi cette configuration. Le ciel est légèrement voilé pour la course. Tous les concurrents sélectionnent les gammes de pneumatiques tendres, « D » chez Goodyear et « 93 » chez Pirelli. Capelli s'élance avec son mulet suite à une fuite d'eau dans son tour de mise en grille.
Départ: Senna démarre idéalement et franchit Sainte-Dévote en tête devant Modena, Patrese et Mansell. Berger heurte Piquet par l'arrière et se retrouve face au rail. Il parvient néanmoins à repartir sans avoir été touché.
1er tour: Piquet s'immobilise à Mirabeau avec une suspension arrière-gauche brisée. Senna mène devant Modena, Patrese, Mansell, Prost, Alesi, Moreno, de Cesaris, Lehto et Nakajima. Berger s'arrête aux stands pour remplacer sa calandre.
2e: Senna ne parvient pas à décrocher Modena. Patrese est dans le sillage de son compatriote.
3e: Senna emmène un train comprenant Modena, Patrese et Mansell. Les Ferrari de Prost et d'Alesi sont distancées.
4e: De Cesaris prend la septième place à Moreno. Berger retrouve la piste avec trois tours de retard.
5e: Senna devance Modena (1.5s.), Patrese (2.5s.), Mansell (4s.), Prost (7.5s.), Alesi (8.5s.), de Cesaris (10s.) et Moreno (11s.).
6e: Prost recolle à Mansell. Alesi est beaucoup moins à l'aise que son équipier avec la nouvelle assiette de sa Ferrari qui sous-vire beaucoup et mange ses gommes.
7e: Senna compte deux secondes de marge sur Modena. Patrese et Mansell sont sous la menace de Prost. Bon dernier, Berger mène un rythme incroyable. Il roule une seconde au tour plus vite que Senna !
8e: De Cesaris fond sur Alesi. Capelli fait halte chez Leyton House pour colmater une fuite de liquide de frein sur son étrier arrière-droit. Il repart quelques minutes plus tard.
9e: Senna coupe la ligne et se dirige vers Sainte-Dévote lorsqu'un commissaire décide de traverser la piste ! Voyant surgir la McLaren, l'homme prend ses jambes à son cou. Senna lâche l'accélérateur et passe à deux mètres de l'imprudent. Un terrible drame est évité de justesse...
10e: Senna précède Modena (2.5s.), Patrese (5.3s.), Mansell (6.3s.), Prost (7.7s.), Alesi (11.5s.), de Cesaris (12s.), Moreno (21s.), Lehto (27s.), Nakajima (29s.) et Pirro (30s.). Tarquini renonce, boîte de vitesses cassée.
11e: Le surprenant Modena sème Patrese et reste au contact de Senna. L'équilibre de Tyrrell-Honda est ici prodigieux. Martini change déjà de pneumatiques.
12e: Berger a la mauvaise idée de vouloir essuyer sa visière entre les deux Esses de la Piscine. Son pied glisse de la pédale de frein et il achève sa course contre le rail extérieur de sécurité. Les drapeaux jaunes sont déployés dans le secteur, le temps de retirer la McLaren.
14e: Trois secondes entre Senna et Modena. Martini gêne un temps Patrese qui guette toujours Mansell et Prost dans ses rétroviseurs.
15e: Martini tarde à s'écarter devant Prost qui perd le contact avec les Williams.
16e: Senna est premier devant Modena (2.5s.), Patrese (9.8s.), Mansell (12.7s.), Prost (16.2s.), Alesi (19.5s.) et de Cesaris (20s.). Abandon de Capelli qui a perdu l'usage de ses freins.
18e: L'écart est stable entre Senna et Modena. Le train des poursuivants s'étiole: deux secondes séparent Patrese de Mansell et Mansell de Prost. Gachot effectue une belle remontée. Il occupe le quinzième rang après avoir effacé les deux Larrousse et va bientôt doubler Morbidelli.
19e: De Cesaris harcèle Alesi et convoite le point de la sixième place. Moreno doit ménager ses Pirelli et court en solitaire, au huitième rang.
20e: Senna devance Modena (2.8s.), Patrese (10.8s.), Mansell (15s.), Prost (17.4s.), Alesi (27.6s.), de Cesaris (28s.), Moreno (37s.), Lehto (51s.), Nakajima (53s.), Pirro (56s.) et Gugelmin (1m.).
22e: De Cesaris se gare dans l'échappatoire de Mirabeau. Son câble d'accélérateur vient de céder.
24e: Senna profite du dépassement des attardés pour creuser l'écart sur Modena, beaucoup moins accoutumé à cet exercice. Patrese est lui gêné par Blundell.
25e: Senna compte sept secondes d'avance sur Modena qui a mis du temps à se défaire des pilotes Larrousse.
26e: Suzuki perd ses freins à Sainte-Dévote et percute la muraille de pneus. Le Japonais quitte sa Lola qui est très rapidement évacuée par une grue.
28e: Tout va bien pour Senna qui jouit d'un matelas de neuf secondes sur Modena. Plus loin, Prost se rapproche de Mansell. Le moteur Renault de l'Anglais reprend mal à cause d'un capteur d'accélérateur défectueux.
30e: Prost déborde Mansell sur le boulevard Albert Ier. Le Français grimpe au quatrième rang.
31e: Senna devance Modena (8.2s.), Patrese (15.6s.), Prost (28.7s.), Mansell (30s.), Alesi (34s.), Moreno (48s.), Lehto (1m. 20s.), Nakajima (1m. 22s.) et Pirro (1m. 24s.). Vient ensuite, à un tour, un trio de furieux comprenant Gugelmin, Boutsen et Gachot
32e: Senna abaisse le record du tour (1'25''250'''). L'intervalle avec Modena demeure stable. Prost regagne du terrain sur Patrese.
34e: Senna déborde le trio Lehto - Nakajima - Pirro. Patrese répond à Prost en tournant en 1'25''147'''. Comas remplace ses pneus.
35e: Neuf secondes séparent Senna et Modena. Patrese concède onze secondes à l'Italien de Tyrrell.
37e: Après le Portier, le groupe Lehto déboule sur Martini, alias « rétros en option ». Le Romagnol laisse passer Lehto sous le tunnel, puis se rabat devant Nakajima au freinage. Touchette. Le Japonais se range difficilement sur le bas-côté avec une suspension avant-droite pliée.
38e: Conséquence de l'élimination de Nakajima, Modena se retrouve derrière Pirro qui croit avoir à faire au Japonais et lui bloque le passage ! Pour sa défense, les casques de l'Italien et du Nippon sont blancs tous les deux...
39e: Senna s'enfuit: non seulement Pirro gêne Modena, mais en plus Martini, pourtant relégué à deux tours, refuse de s'effacer devant ses deux compatriotes ! En fin de tour, le pauvre Modena rend quinze secondes au leader.
40e: L'empoignade des trois Italiens vire à la farce: Martini claque la porte au nez de Pirro à Mirabeau puis, lorsque Modena tente de déboîter la Dallara dans la descente vers l'épingle, Pirro lui coupe la route ! Rappelons qu'aucun d'eux n'évolue dans la même boucle...
41e: Touché par la grâce, Martini s'écarte enfin devant Pirro et Modena. Reste à faire comprendre au Romain de la Scuderia Italia que ce n'est pas Nakajima mais Modena qui klaxonne derrière lui depuis trois tours...
42e: Pirro laisse passer Modena... et Patrese dans la foulée. Car averti des problèmes de son devancier, le vieux Riccardo a bien entendu haussé son rythme. En fin de tour, Senna devance Modena (20.7s.), Patrese (22.4s.), Prost (36s.), Mansell (49s.), Alesi (54s.), Moreno (1m. 05s.), Lehto (-1t.), Pirro (-1t.) et Gugelmin (-1t.).
43e: Le V10 Honda de Modena explose à la sortie du tunnel. Patrese, qui suivait de près la Tyrrell, glisse instantanément sur une traînée d'huile. La Williams tape le rail de l'avant puis de l'arrière. Les deux Italiens échouent dans l'échappatoire de la chicane du port ! Au même instant, Alboreto se gare avant le Bureau de tabac. Son moteur Porsche s'est tu.
44e: La physionomie de la course change complétement puisque Senna est seul leader, avec plus de quarante secondes d'avance sur Prost. Les commissaires évacuent la Footwork d'Alboreto, pendant que Patrese et Modena se demandent ce qui leur est arrivé.
45e: Senna est premier devant Prost (41s.), Mansell (51s.), Alesi (1m. 02s.), Moreno (1m. 12s.), Lehto (-1t.), Pirro (-1t.), Boutsen (-1t.), Gachot (-1t.) et Morbidelli (-2t.). Gugelmin abandonne au Casino après avoir cassé son câble d'accélérateur.
46e: Blundell glisse sur l'huile répandue par Modena et abîme sa suspension contre les glissières. Il s'immobilise dans l'échappatoire.
47e: La Williams s'allégeant en carburant, le moteur Renault de Mansell ne coupe plus. L'Anglais remonte sur Prost.
48e: Mansell tourne en 1'25''035'''. Sept secondes le séparent de Prost.
50e: Morbidelli abandonne, trahi par sa boîte de vitesses, le talon d'Achille des Minardi en ce début de saison.
51e: Senna domine devant Prost (42.2s.), Mansell (47.5s.), Alesi (57.3s.), Moreno (1m. 18s.), Lehto (-1t.), Pirro (-1t.) et Boutsen (-1t.).
53e: Nouveau meilleur temps pour Mansell: 1'24''850'''. L'Anglais concède encore cinq secondes à Prost. Martini écope d'un « stop-and-go » pour avoir ignoré les drapeaux bleus. Il repasse par son stand et s'y arrête dix secondes avant de repartir.
55e: Senna compte quarante secondes d'avance sur Prost. Mansell a encore repris du terrain au Français.
57e: Senna arrive sur Pupo Moreno qui reçoit le drapeau bleu... mais ne s'écarte pas. Trois secondes entre Mansell et Prost.
58e: Moreno laisse passer Senna dans la descente vers Mirabeau.
59e: Mansell fait la jonction avec Prost qui s'inquiète car sa roue avant-droite vibre beaucoup.
60e: Senna est premier devant Prost (40.7s.), Mansell (41.6s.), Alesi (1m. 05s.), Moreno (-1t.), Lehto (-1t.), Pirro (-1t.), Boutsen (-2t.), Gachot (-2t.) et Bernard (-2t.).
61e: Mansell a le nez dans la boîte de Prost et se prépare à planter sa banderille.
62e: Mansell se place sous le tunnel dans l'aspiration de Prost. Puis il se décale à l'intérieur et double la Ferrari au forceps, roues bloquées et loin de la corde. Prost n'a guère résisté. Scène pénible: on aperçoit en salle de presse des journalistes italiens applaudir cette défaite du Français de Ferrari...
64e: Mansell réduit son retard sur Senna qui conduit à sa main. Prost craint pour sa part que sa roue avant-droite se détache et laisse filer la Williams.
66e: La boîte de Lehto se bloque en sixième, ce qui est évidemment très handicapant sur ce circuit. Son équipier Pirro le rejoint.
68e: Senna possède trente-quatre secondes de marge sur Mansell. Pirro prend la sixième place à Lehto. La Lotus d'Häkkinen prend feu à cause d'une rupture de canalisation d'huile. Le jeune Finnois se gare à la Rascasse. Les drapeaux jaunes sont déployés.
70e: Senna mène devance Mansell (30s.), Prost (46s.), Alesi (1m.), Moreno (-1t.) et Pirro (-1t.).
71e: Senna déborde Martini qui termine à faible allure avec une boîte déréglée et aura décidément gêné tout le monde cet après-midi... Lehto ralentit considérablement. Il laisse passer Boutsen puis cédera à Gachot et à Bernard.
72e: Prost est en train de perdre une jante et regagne son stand pour remplacer ses roues. L'opération s'éternise car un boulon glisse sous la voiture. Les mécanos le ramassent, le refixent... Prost reprend la piste en cinquième position, avec un tour de retard.
73e: Senna est averti par son stand que la télémétrie indique une baisse de pression d'essence. Comme à Imola, le Pauliste est astreint à la plus grande prudence en cette fin de Grand Prix. Mansell comble encore une part de son retard.
74e: Senna précède Mansell (23s.), Alesi (55s.), Moreno (-1t.), Prost (-1t.), Pirro (-1t.) et Boutsen (-2t.). Gachot et Bernard luttent pour la huitième place.
75e: Senna est maintenant si lent qu'il retient un temps Moreno, puis le laisse se dédoubler. Grâce à ses pneus neufs, Prost est de loin le plus rapide en piste. Il espère encore rejoindre Moreno.
77e: Senna redouble Moreno afin de mettre une voiture entre lui et Mansell en cas de pépin dans le dernier tour. Prost s'empare du meilleur chrono de la journée: 1'24''368'''.
78ème et dernier tour: Jacky Ickx présente le drapeau à damiers. Ayrton Senna remporte son quatrième Grand Prix de Monaco. Mansell se classe second et inscrit enfin ses premiers points en 1991. Alesi termine troisième après une course difficile, mais signe tout de même son premier podium pour Ferrari. Moreno termine quatrième, Prost cinquième. Pirro empoche le point de la sixième place. Boutsen, Gachot, Bernard, Comas, Lehto et Martini coupent aussi la ligne d'arrivée.
Après la course
Émouvante réconciliation: sitôt sortis de leurs baquets, Ayrton Senna et Nigel Mansell tombent dans les bras l'un de l'autre, sous l'œil étonné de Jacky Ickx. Comme tout le monde, le champion belge se demande comment les deux ennemis acharnés d'hier peuvent se prêter à un tel simulacre. Quoiqu'il en soit, Senna rejoint la tribune officielle où il a la désagréable surprise de retrouver Jean-Marie Balestre aux côtés du prince Rainier et de Michel Boeri. Le Brésilien est étonnant: il a remporté les quatre premières manches du championnat 91, totalise quarante points sur quarante possibles, mais n'est toujours pas satisfait de sa monoplace. Il est vrai que cela fait trois Grands Prix qu'il est affecté par de graves défaillances mécaniques dans les derniers tours. « Ce n'est qu'une victoire, rien de plus », dit-il en conférence de presse, sans sourciller. « Tu es brillant, Ayrton, mais je t'annonce que je n'en resterai pas là ! » lui répond Mansell avec un bon sourire.
Comme d'habitude, la morosité règne chez Ferrari. Les bosses de Monte Carlo ont mis en évidence la piètre adhérence de la 642, qui ne fait qu'empirer au fur et à mesure de l'allègement du réservoir. Alain Prost s'efforce d'être optimiste, mais cette fois c'est Jean Alesi qui flanche. Malgré son podium, il affirme à Cesare Fiorio qu'il en a assez de conduire une monoplace au châssis malade.
Désarroi aussi pour Ken Tyrrell qui visait ni plus ni moins que la victoire avec Stefano Modena. Il est d'autant plus déçu que les ruptures du V10 Honda sont rarissimes. Cependant, après un début de saison décevant, Modena a montré qu'il faut bien compter avec lui et qu'il est le digne successeur de Jean Alesi au sein de la valeureuse écurie d'Ockham. Reste à engranger des points...
C'est avec une certaine réticence que Senna participe le soir même à la soirée du Sporting, d'autant plus que son ami le prince Rainier est absent. Le journaliste Bernard Spindler anime la soirée et offre au vainqueur du jour une « standing ovation ». Peu à son aise, celui-ci remercie les convives par un laïus puis s'éclipse vers une discothèque voisine en compagnie de Mansour Ojjeh.
Senna (40 points) assoit encore un peu plus son hégémonie sur le championnat. La concurrence, Prost (11 pts), Berger (10 pts), Patrese, Mansell et Piquet (6 pts) est laminée. Au championnat des constructeurs, McLaren-Honda (50 pts) n'a pas de rivale. Ferrari (16 pts), Williams-Renault (12 pts) et Benetton-Ford (9 pts) sont déjà repoussées à des années-lumière.
La chute de Cesare Fiorio
Le mardi 14 mai, Piero Fusaro réunit le conseil d'administration de Ferrari à Maranello. Sont présents Piero Lardi-Ferrari, Luca di Montezemolo, Marco Piccinini et Sergio Pininfarina. Fusaro leur annonce que Gianni Agnelli a retiré sa confiance à Cesare Fiorio. Il ne peut dissimuler sa satisfaction. Enfin, la tête de son rival est tombée. L'intéressé ne manifeste aucune surprise et, averti dans l'après-midi, vide son bureau sans tarder. L'ère Fiorio est close. La presse est prévenue le lendemain 15 mai. Fusaro lui révèle que la gestion sportive de la Scuderia est désormais confiée à Piero Lardi-Ferrari, le fils illégitime du Commendatore. L'ingénieur Claudio Lombardi est promu directeur des opérations. Une restauration ? Hélas non: une intrigue de plus... Comme Fusaro, Lardi-Ferrari est avant tout un bureaucrate et Lombardi vient de Lancia et du Rallye. Aucun d'eux n'a l'étoffe d'un leader pour redresser une écurie de Formule 1 à la dérive...
Alain Prost feint quant à lui l'indifférence: « Si Fiorio est viré, c'est sans doute pour de bonnes raisons... » Mais au fond de lui, il comprend que l'éviction de son patron n'est finalement pas une bonne nouvelle. Fiorio était un fusible bien utile. Désormais, il n'y a plus personne pour le protéger, même indirectement, des cabales de Turin et de Maranello... En ce 15 mai 1991, Prost est plus seul que jamais.
Tony